« Il nous faudra bâtir une stratégie où nous retrouverons le temps long, la possibilité de planifier, la sobriété carbone, la prévention, la résilience qui seules peuvent permettre de faire face aux crises à venir. » déclare le Président Emmanuel Macron le 13 avril 2020 dans sa troisième allocution au sujet de coronavirus. Voilà que le Président suggère timidement un retour à la planification économique. Va-t-il réhabiliter la planification indicative de l’économie que l’on a connue dans l’après-guerre en France ? Il est encore difficile de le savoir.
Plus surprenant, alors que l’on croyait la droite française définitivement arrimée au monde des affaires et attachée à l’idée du libéralisme économique, voilà que le numéro 3 des Républicains, Aurélien Pradié, suggère explicitement et sans honte un retour à la planification dans un entretien pour Libération le 30 mars dernier : « Je crois à la planification : c’est un point d’accord avec la pensée communiste, qui l’a d’ailleurs appliquée avec les gaullistes ». Petit rappel, Aurélien : il n’y a pas que la planification communiste qui existe (comme Chine par exemple) ou qui a existé (comme en URSS). Rappelons-nous de la planification aux Etats-Unis et en Grande Bretagne durant la Seconde Guerre mondiale.
Est-ce le retour en grande pompe du gaullisme dans la droite française ? C’est ce qu’espère le jeune n°3 des Républicains : « On en revient en fait à une idée fondamentale : le gaullisme, qui avait théorisé l’Etat protecteur et stratège. » La planification à la française de l’après-guerre est en effet le fruit de la rencontre entre Jean Monnet et Charles de Gaulle comme le rappelle Emile Quinet (Emile Quinet, La panification française, PUF, 1990) :
« Le premier convainquit le second de la nécessité de rassembler les composantes principales de l’activité économique pour faire repartir l’économie. Il y avait en effet à l’époque une cassure entre le pouvoir économique qui était dans les mains du patronat, traditionnellement de droite, et le pouvoir politique qui était à gauche après le discrédit jeté sur la droite par sa collaboration avec le régime fasciste. Les syndicats étaient en totale opposition avec le patronat aussi bien sur le plan social que sur le plan politique ; mais leurs compétences économiques étaient réduites ainsi que leur capacité à remettre en marche seuls la machine ; il fallait pour cela les connaissances de gestionnaire du patronat. La difficulté était de faire collaborer ces deux blocs. Le Plan apparut alors à Jean Monnet comme un moyen d’y arriver et de redonner par-là unité et élan à l’activité économique nationale. » (Quinet, 1990, p. 18-19).
Aurélien Pradié semble également prêt à renouer avec la « droite sociale » : « Ce que cette crise révèle, c’est que ce qui semblait impossible devient possible. Loger les sans-abri, cela fait des années qu’on nous dit qu’on ne sait pas faire. Et là, en quelques jours, on trouve des solutions. On redécouvre les salaires de misère des caissières, des infirmières, à côté des salaires fous dans certaines entreprises purement spéculatives ». Ce n’est pas le seul à droite à réinvestir ce champ : Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France (et invité à venir de PJ TV !) s’engouffre également dans cette brèche en fustigeant violemment l’appel du gouvernement à devoir travailler plus à la sortie du confinement.
Cette droite semble prête à renverser la logique des moyens (minimiser les coûts quitte à ne pas atteindre la finalité) pour revaloriser la logique des fins (atteindre des objectifs de bien public quel qu’en soit le coût). Alors que Xavier Bertrand dénonce « la logique comptable », Aurélien Pradié déclare : « En réinventant l’Etat, on fixera les secteurs stratégiques de la Nation : l’alimentation, la santé, la sécurité, la défense. Ces secteurs, qu’on a réduits à l’état de squelettes, ne peuvent pas être soumis au marché, ni à une doctrine budgétaire. Dans ces domaines, on ne joue pas aux contrôleurs de gestion ».
Il est certes intéressant de voir renaitre la « droite sociale » ou encore l’idée de la planification à droite dans le contexte de la crise actuelle, mais ce ne sont que des voix isolées et des déclarations d’intention à ce stade. Il faudra suivre de près les véritables engagements politiques de ces derniers et les contours de ces termes. Car il ne s’agit plus de réhabiliter une planification productiviste et bureaucratique, mais une planification sociale, écologique et véritablement démocratique.
On se donne rendez-vous sur PJ TV pour en savoir plus avec Xavier Bertrand !

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