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Ce n’est pas fini et tout dépendra de la deuxième vague, voire des vagues suivantes si un vaccin met plus d’un an à venir, dans l’hypothèse où l’on parvienne à en mettre un au point.
Mais comme l’on a déjà appris beaucoup de choses, malgré d’immenses plages d’incertitude, le moment n’est pas mal choisi pour un premier bilan. D’autant que l’on a assisté en direct à une expérience véritablement globale car à l’échelle du monde.
De multiples comparaisons sont possibles, principalement à l’échelle des pays, mais certains d’entre eux ont récolté des données précises à l’échelle de régions, de provinces. Cela étant dit le débat s’est ouvert dès le début sur la possibilité ou non de comparer les chiffres officiels communiqués par les différents pays : les autorités ont-elles été honnêtes, les administrations ont-elles été capables de mesurer tout ce qu’il aurait fallu mesurer ? Quoi qu’il en soit, il apparaît clairement que certaines nations s’en sont mieux tirées que d’autres en ayant moins de morts et une économie plus prompte à redémarrer.
On ne sera pas surpris que ce soient l’ordre, la discipline, la prudence et la prévoyance qui se soient révélées payantes. Ordre : dépistage précoce, sitôt les premiers cas détectés, et systématique pour opérer un traçage des porteurs sains et les isoler avant qu’ils ne contaminent d’autres personnes. Discipline : consignes précises, cohérentes, et respectées par la population. Prudence : prendre les mesures aussitôt qu’elles s’imposent, sans atermoyer. Prévoyance : avoir envisagé l’éventualité d’une telle pandémie et disposer en nombre suffisant de masques, de tests, de lits en réanimation et de respirateurs.
Première constatation : toutes les cultures, toutes les nations, tous les régimes politiques, tous les systèmes économiques, ne sont pas aussi robustes face à une crise de ce type. Le laisser-faire, le chacun comme il l’entend, ne font pas nécessairement bon ménage avec l’ordre, la discipline, la prudence et la prévoyance.
Ainsi, nous avons dit de certaines mesures prises en Chine : « des atteintes aux libertés individuelles qui seraient jugées intolérables chez nous », alors que les Chinois disaient d’elles : « une manifestation de solidarité au sein de la population dont les citoyens des autres nations se sont révélés incapables ». Deux manières de voir les choses, mais qui n’enlèvent rien à l’incontestable efficacité des mesures chinoises.
Pensons aussi aux deux politiques extrêmes qui se sont trouvées confrontées : l’éradication du virus ou la recherche de l’immunité de groupe au plus vite.
Je rappelle que l’immunité de groupe est atteinte quand chacun est immunisé pour avoir survécu à la maladie ou avoir été porteur sain ayant développé des anticorps. L’éradication mobilise l’ordre, la discipline, la prudence et la prévoyance sous ses formes les plus extrêmes. L’immunité de groupe permet de les ignorer entièrement, en confiant à la nature de résoudre le problème à sa manière.
À noter que si ces deux positions se situent aux pôles opposés sur le plan de l’humain, elles sont probablement les deux approches optimales sur le plan économique.
La France a apparemment envisagé pendant quelques jours l’immunité de groupe, et le Royaume-Uni, quelques semaines, avant de se raviser tous deux devant leur incapacité à gérer l’afflux de patients et l’engorgement du système hospitalier. Cette valse-hésitation a eu un coût important en termes de décès sans pouvoir conjurer pour autant une paralysie prolongée de l’économie.
Pourquoi l’immunité de groupe a-t-elle été rejetée d’office par la Chine et acceptée, du moins pour une courte période, par d’autres pays ? Aventurons une hypothèse. L’Occident n’a cessé d’être religieux que depuis moins d’un siècle, et l’idée flotte toujours, au moins dans les inconscients, qu’être mort dans ce monde-ci ne signifie pas nécessairement être mort pour de bon. Et que du coup, un coût élevé de morts – mort « relative » – les malchanceux allant « au Ciel » – n’est peut-être pas si cher payer pour sauver l’économie. Alors que la Chine, tout au long de son histoire n’a jamais cessé d’être essentiellement athée : la vie ici-bas est la seule dont nous disposerons jamais, sans examen de rattrapage, et tout doit être fait pour la sauver.
Reste encore la troisième voie, celle authentiquement religieuse dans notre tradition, dont Donald Trump est aujourd’hui l’actif promoteur : les fléaux permettent à Dieu de reconnaître les siens et de punir les méchants. Sur le plan pratique, une telle conception ne se distingue en rien de la recherche au plus vite de l’immunité de groupe. Le problème des États-Unis est alors l’existence de régions athées sur son territoire, ayant plus de sympathie pour la conception chinoise. D’où aux États-Unis, une double approche qui s’apparente à celle de l’hésitation entre éradication et immunité de groupe, et qui, comme elle, débouche sur un résultat sub-optimal : trop de morts d’un côté, et une économie trop endommagée de l’autre.
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