« L’homme le plus dangereux du monde », le 8 juillet 2020 – Retranscription

Retranscription de « L’homme le plus dangereux du monde », le 8 juillet 2020

Bonjour, mercredi le 8 juillet 2020 et mon exposé aujourd’hui s’intitulera : « L’homme le plus dangereux du monde ».

Ce n’est pas moi qui ai inventé ce titre. C’est une traduction de l’anglais, du titre d’un livre. Voilà le livre [montre une photocopie de la couverture]. Je ne l’ai pas encore. J’en ai commandé un exemplaire. C’est par Mme Mary L. Trump : Too Much and Never Enough – How my family created the world’s most dangerous man, « Trop et jamais assez – Comment ma famille a créé l’homme le plus dangereux du monde ».

Il s’agit d’une nièce de Donald Trump. Elle raconte qui est le personnage. Elle est donc la fille du frère aîné de Donald Trump et ce livre est un hommage, en fait, à son père, son père dont elle dit qu’il a été tué par Donald Trump et par le père, Fred Sr. Son père à elle étant Fred Jr. 

Il n’a pas été tué, il n’a pas été assassiné, mais il a été persécuté par son père parce qu’il n’avait pas le sens des affaires, parce qu’il voulait faire autre chose. Il voulait devenir pilote d’avion : c’était ça, son truc et il a été d’ailleurs pilote d’avion mais il est mort d’alcoolisme à 42 ans. Selon sa fille, c’est essentiellement qu’il ait été tué par deux pervers narcissiques : le père, Fred, le sympathisant du Ku Klux Klan, l’homme qui a créé un empire, un marchand de sommeil, et le fils, le fils qu’il est parvenu à créer à son image : Donald, mais aussi, dit-elle, en détruisant la personnalité de celui-ci, en en faisant un personnage absolument si peu sûr de lui qu’il doive se rassurer sur lui-même à tout moment, qui n’a connu qu’une seule stratégie dans la vie qui est de tricher.

Il y a quelques scoops dans son livre, par exemple le fait que le SAT [Scholastic Aptitude (ou Assessment) Test], l’examen d’entrée dans le système universitaire, qu’en fait Donald a acheté l’examen à un certain Joe Shapiro qui l’a fait à sa place [la veuve de Shapiro, l’ancienne championne de tennis Pam Shriver s’élève contre cette affirmation].

Ensuite, elle connaît tous les détails sur la famille, tout ce qui s’est passé. C’est elle, apparemment, qui a transmis pas mal de documents à la Cour de Manhattan Sud qui enquête encore toujours sur les affaires de M. Trump. Elle a apparemment fourni beaucoup d’informations sur la manière dont l’argent sale était traité dans la famille : des fonds bidon qui transféraient l’argent d’une partie de la société à une autre en exagérant les prix. Elle connaît tout ça très bien selon elle parce qu’elle a intenté un procès à une époque parce que sa partie de la famille, son frère et elle, affirme-t-elle, n’ont pas été bien traités dans l’héritage de Fred Sr., le patriarche fondateur d’empire.

Pour ce qui est des motivations, tout le monde vous dira donc que c’est du règlement de comptes en famille. Cela dit, il y a beaucoup d’informations.

Le livre paraît le 14 juillet, il n’est pas encore là et je ne l’ai donc pas encore lu. Mais, de bonnes feuilles circulent. Et pas mal d’articles lui sont déjà consacrés. J’ai passé la soirée, hier, à lire ce que ceux qui ont déjà eu un exemplaire entre les mains sous forme de pdf ou autrement ont pu en tirer. Il y a beaucoup d’informations mais, mais… et là, je vous rassure, la plupart des informations que vous trouverez dans ce livre-là, vous les trouverez déjà en français dans un livre qui s’appelle : La chute de la météorite Trump, premier tome. Un objet populiste mal identifié, un livre paru en novembre de l’année dernière [PJ montre son livre paru aux éditions du Croquant].

Alors, comment se fait-il que, moi, je savais déjà tout ce qui se trouve dans ce livre-là ? Je vais vous livrer un secret : je ne l’ai pas sucé de mon pouce, je l’avais moi-même déjà trouvé ailleurs.

Il y a pas mal d’endroits où cette information se trouvait déjà, en particulier dans ce livre-ci [montre le livre]. Voilà, ce livre-là : Trump Revealed. An American Journey in Ambition, Ego, Money and Power, un voyage américain dans un monde d’ambition, d’égo, d’argent et de pouvoir, par MM. Michael Kranish et Marc Fisher qui sont des journalistes de quotidiens [du Washington Post]. Énormément d’informations sur la formation de M. Trump, sur son enfance et sur sa jeunesse. Donc, la plupart des choses qu’on trouve apparemment dans le livre de Mme Mary Trump en termes d’anecdotes se trouvent déjà là. Ces gens-là avaient déjà fait un excellent boulot d’interviewer, de rencontrer, pas mal de copains d’enfance, d’adolescence ou « pas copains » parce que la plupart des gens qui ont connu le jeune Trump n’étaient pas ses copains : il y avait déjà un ostracisme vis-à-vis d’un personnage qui était caractériel, qui était une terreur, qui était un « bully », comme on dit en anglais, un harceleur. Et donc, tout le monde prenait ses distances. Il était en train d’être formé par son père, si on peut dire. Je vous rappelle que si le père Fred Sr. était un marchand de sommeil, le grand-père [Friedrich] était lui un tenancier de maison close, d’hôtel borgne, voilà, et autres maisons closes, « Chambres au mois pour dames seules » selon la publicité qu’on peut encore voir de son commerce. [La notice Wikipédia de Friedrich Trump en anglais indique « brothel », celle en français dit « lupanar »].

Mary L. Trump explique donc le personnage, comment il s’est créé. Elle est psychologue : elle détient un doctorat en psychologie. Pour ce qui est de tous les aspects psychologiques, il y a déjà eu pas mal de travail déjà fait dans ce livre qui s’appelle : The Dangerous Case of Donald Trump, le cas dangereux de M. Trump. C’est un livre qui date de 2017, à partir des actes d’un colloque qui avait eu lieu en 2016 à l’Université de Yale, où, comme vous le voyez [montre le sous-titre sur la couverture du livre], « 27 psychiatres et spécialistes de la santé mentale » s’étaient retrouvés sur le cas de Trump.

Je vous avais parlé de ce livre longuement et je vous avais dit que l’article le plus intéressant, le plus perspicace, c’était celui de Tony Schwartz qui était le co-auteur, en fait le « nègre » du livre de Trump : The art of the deal, l’art de la transaction, et qui, lui, avait passé des jours entiers à s’entretenir avec Trump, un Trump beaucoup plus jeune, et il avait écrit le livre pour lui. Et là, il avait bien saisi le personnage. Et donc, je vous dis l’article le plus intéressant dans ce livre, dont j’ai beaucoup parlé , c’est celui de ce Schwartz, le co-auteur ou le « nègre » de Trump sur son livre. Tout à coup, il me vient à l’idée qu’il faudrait aussi changer ce mot en français. Il faudrait trouver un autre mot. « Ghostwriter » [en anglais], l’écrivain fantôme de M. Trump. L’expression « nègre » est consacrée mais je vais l’éviter par la suite parce que je ne l’aime pas.

Un dernier livre que je voudrais mentionner parce que, bon, l’information, je l’ai trouvée dans ces deux livres-là : The Dangerous Case of Donald Trump et Trump Revealed mais pour ce qui est de l’analyse que j’avais faite, j’étais allé la chercher chez un autre auteur et là, c’était ma formation de psychanalyste qui m’avait conduit vers ça. C’est le livre de Erich Fromm en 1964 : The Heart of Man » et je vais lire ça, le sous-titre : « Son génie pour le bien et pour le mal ». Chose intéressante, c’était publié, vous le voyez, dans une collection qui s’appelle « Religious perspectives », perspectives religieuses.

Un livre de 1964. Pourquoi est-ce que ce livre était important ? C’est le livre qui introduit le concept de perversion narcissique, du pervers narcissique. Je sais, je sais : on imagine en France qu’on a inventé le concept je crois que c’est à peu près 20 ans plus tard mais non, il existait : il avait été inventé par Erich Fromm, le fameux psychanalyste, sous le nom de malignant narcissism, le « narcissisme malin » comme dans une « tumeur maligne ».

[Wikipédia a deux notices, l’une « narcissisme malfaisant » attribue correctement la naissance du concept de pervers narcissique à Fromm en 1964, l’autre notice : « perversion narcissique » attribue la naissance du concept à Racamier en 1986, vingt-deux ans plus tard. Assez logiquement bien entendu 😉 cette seconde notice n’a pas d’équivalent en anglais].

Voilà, chez Fromm, ce n’est pas la nuance de « perversion », c’est « malignant, de quelque chose ayant mal tourné, comme dans une tumeur maligne. C’est cette notion-là.

Et ce qui est très intéressant dans ce livre, c’est que non seulement Fromm décrit le pervers narcissique mais également, il décrit le portrait du partisan du pervers narcissique, de son suiveur, de celui qu’il va pouvoir rallier à sa cause et il appelle ça, lui, social narcissism, le narcissisme social.

Et pourquoi est-ce qu’il en parle ? Pourquoi a-il pensé non seulement au pervers narcissique mais aussi à son partisan : à celui qui va constituer ses troupes ? Eh bien parce que le livre, le but du livre et le but de la création par Fromm du concept de perversion narcissique, son but était très précis. Son but était qu’il voulait rejeter une fois pour toutes cette phrase qu’il entendait dire et qu’on entend peut-être encore dire : « Oui, mais Hitler, c’est simple : il était fou ». Et là, Fromm voulait qu’on se débarrasse une fois pour toutes de ça en expliquant le personnage, en disant : « Ce n’est pas de la folie, c’est autre chose ».

Encore que, dans cette notion de perversion narcissique, elle est décrite par Fromm comme étant très très proche et difficile à distinguer dans certains cas de ce qu’on appelle le borderline. Borderline, ça veut dire la frontière. Sur la frontière entre quoi ? Entre la névrose et la psychose.

Et là, c’est une des choses que Fromm explique dans le livre, c’est que ce type de personnage crée un mythe. Il crée un mythe sur le monde, un mythe entièrement mégalomane, fondé sur lui-même, mais il faut que ce mythe soit confirmé. Il faut que ce mythe soit confirmé et le fait d’avoir des troupes et d’avoir du pouvoir qui vous permet de modeler la réalité dans le sens de votre rêve, de votre délire, ça vous aide à continuer. Et Fromm explique que vous êtes sur la limite de la folie parce qu’il suffit d’un démenti par les faits pour que vous basculiez véritablement dans la folie.

Et on peut se poser la question : jusqu’ici, Trump a pu, d’une certaine manière, modeler le monde à son image. Il a commencé par se battre contre des moulins à vent : le Deep State qui voulait sa peau, etc. Ce Deep State, le malheureux, ne pouvait rien faire contre lui [rires]. Ce Deep State, essentiellement, n’existait pas : c’était l’administration. Mais, qu’est-ce qu’il a fait ? Il a créé un Deep State à lui : il est arrivé, en pervertissant les institutions, à créer un Deep State à lui. Et il a pu faire venir des partisans en grand nombre – encore que ceux-là sont en train de le quitter mais sur les marges : je vois encore de l’ordre de 38-39 % de gens en faveur de Trump, des gens qui risquent eux aussi de basculer si leur chef bascule.

Le moment de basculement de Hitler, c’est bien entendu le moment où on lui apprend que le général [Felix] Steiner ne viendra pas parce qu’il n’a plus de troupe. Lui, Hitler, dans son bunker, il compte sur une offensive venant du nord du général Steiner (il y a cette très belle scène du film qui reproduit ça, le film « La chute »), quand il dit : « Alors, Steiner va attaquer ? » et les autres se regardent [embarrassés] : « Herr Führer, Steiner est… rentré à la maison ».

Donc, un livre, bon, que je lirai. Je lis tous ces livres-là. Ça me passionne. Mais où, d’après ce que j’ai pu voir, de ce qu’on dit, la plupart des choses, sauf, voilà, quand elle dit : « Je me suis adressée en 2017 à la Cour de Manhattan Sud et je leur ai livré des documents qu’ils ne connaissaient pas encore ». Ça, bien sûr, personne d’autre n’en avait parlé, ni Erich Fromm, ni le colloque des psychiatres et psychologues qui s’est tenu à Yale en 2016. Tout ça n’y était pas encore donc on va apprendre des choses. Mais pour ce qui est du portrait lui-même, du personnage, il y avait moyen, déjà, de le constituer. Comme je vous le dis, j’ai pu le faire dans [La chute de la météorite Trump. Tome 1] qui est paru… J’en ai parlé au moment même : ce sont mes billets de l’époque, de 2015-2016-2017 qui se trouvent dans ce livre [avec chaque fois une introduction pour les mettre en contexte]. C’était faisable. On pouvait le faire. La plupart des anecdotes étaient déjà connues. Le personnage du pervers narcissique, son profil était déjà connu et d’autres gens avaient déjà parlé de ça abondamment même si Fromm, évidemment, lui-même est mort longtemps avant que Trump ne devienne président. Voilà.

Je vous dirai quand le livre m’arrivera et que je commencerai à le lire. Je vous tiendrai aussi au courant, comme je suis en train pour le moment de lire le livre de M. John Bolton : The Room Where it Happened, « la salle où ça s’est passé » ou « le bureau où ça s’est passé », et je continuerai de vous tenir au courant.

Voilà, allez, à bientôt !

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