Je vous raconte le début de l’histoire, pour ceux d’entre vous qui n’y ont pas assisté.
Denis Cluzon ayant écrit :
J’ai l’impression d’assister au baroud d’honneur d’une bande de soixante-huitards qui après avoir fait la fête toute leur vie et pour un an, un jour, une heure de vie en plus essaient d empêcher les jeunes générations de vivre.
Et Hervé lui ayant répondu :
C’est assez délirant de lire une telle haine de 68 sur le blog de P.J, venant de certains intervenants ! A croire que c’est la faute des hippies tout ce qui nous arrive et non pas des néolibéraux armés qui tentent d’éteindre ou de rabougrir nos droits tandis que les fameux « soixante-huitards » ne pensaient qu’à étendre les libertés personnelles créatrices de possibles, alliées à la réflexion concomitante et raisonnée de l’écologie politique.
J’interviens à mon tour, pour dire :
Vous oubliez que nous leur faisions très peur. C’est en 68 qu’un de mes oncles m’a dit : « Ton rêve secret, c’est de découper ma propriété en lopins qu’on distribuerait à des Chinois ». J’ai rigolé un bon coup, mais lui ne riait pas : s’il disait ça, c’est parce qu’il avait peur (il savait que sa femme était dans mon camp). Et cette frousse, ils l’ont toujours.
Et là, ça m’a donné envie d’expliquer ce « il savait que sa femme était dans mon camp ».
Que ma tante était dans mon camp, je le savais au moment où mon oncle m’invectivait avec son histoire de Chinois. Mais c’est plus tard qu’elle m’a un jour dit comment ça s’était passé. C’est une très belle histoire, vous allez voir, à raconter aux petits enfants, presqu’un conte de fées.
L’histoire se passe à Rotterdam dans les années trente. Ma tante Mia a alors une douzaine d’années. Elle a passé l’après-midi chez l’une de ses amies. Et dans cette maison, l’atmosphère était sombre. On lui a dit pourquoi.
Et donc le soir, au repas familial, dans les familles où on a la chance que ce puisse être le cas, les parents demandent aux enfants ce qu’ils ont fait durant la journée. Et là, ma tante Mia, la voix tremblante d’indignation, dit à ses parents qu’ils ignorent sans doute ce qui se trame en ville où les dockers sont en grève, parce que les Barons du Port les traitent en esclaves, et que la tristesse règne dans les familles où les enfants ont faim.
Et ayant terminé son récit, que seul un grand silence a accueilli, elle s’écrie : « Mais, c’est qui donc, ces Barons du Port ? »
Et son père, mon grand-oncle Tinus, la fixant dans les yeux, lui répond : « C’est moi ».
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Si vous ne le connaissez pas, paru ici sur le blog, le 19 janvier 2008, le splendide Insistance de 68, par Christian Laval.
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