Trump : l’Art de la négociation est celui du… privilège hérité

Illustration par ChatGPT

The Art of the Deal, l’Art de la négociation, est le livre qui avait fait la réputation de Donald Trump en 1987 (même s’il avait été écrit en réalité par Tony Schwartz, avec un apport minimal de l’auteur supposé). L’ouvrage était publié à une époque où le père de Donald le sauvait de chacun de ses investissements pourris, de chacune de ses initiatives commerciales malencontreuses.

Ce qui n’était pas dit bien entendu dans l’Art de la négociation à la Trump, c’est que l’art en question consiste essentiellement à écraser la contrepartie. Or pour être en position de le faire, il faut que d’entrée de jeu, le rapport de force vous soit favorable.

Ce qui était le cas pour Donald Trump, puisque quoi qu’il lui arrive, son père, Fred Trump, marchand de sommeil sympathisant du Ku Klux Klan, déboursait les sommes nécessaires pour le soutenir dans ses opérations, voire venir à sa rescousse dans un rétablissement périlleux de dernière minute.

[Un exemple : décembre 1990, quand Fred Trump, alors âgé de 85 ans, envoie ses avocats au casino Trump Castle afin d’y acheter pour 3,35 millions de dollars de jetons, sans intention de les utiliser. Il s’agissait d’une opération d’achat masquée, une combine visant à fournir une injection de liquidités d’urgence à son fils : une aide financière déguisée en transaction commerciale.]

Les limitations de l’Art de la négociation de Trump, c’est donc – on l’aura compris – le fait que quand le rapport de force ne vous est pas favorable, on se fait ratatiner parce qu’on dépend – de manière parfaitement symétrique – de la détermination que mettra la contrepartie à vous écrabouiller totalement ou non. C’est ce que Trump vient de découvrir à ses dépens lors du voyage en Corée du Sud qu’il a entrepris pour rencontrer Xi Jinping.

Il faut visionner les vidéos, qui permettent de le voir s’écrasant toujours davantage à chaque phrase qu’il prononce : il a beau ensevelir Xi Jinping sous les compliments, celui-ci reste impassible, quand il ne regarde pas carrément ailleurs.

Trump dira au retour, dans l’avion présidentiel, que s’il fallait noter une négociation entre 0 sur 10, celle qui venait de s’achever récolterait un 12 : il n’aura de cesse d’en remettre une couche, alors même qu’il revient la queue entre les jambes, prétendant bien entendu – pareil à lui-même – que sa victoire hors du commun a fait exploser les normes.

Quelques accords essentiels (sur les terres rares, le soja, en particulier) ont été conclus, valables pour un an, mais pour le reste, Trump a dû se contenter de ce qui lui a été parcimonieusement concédé.

À Busan, de l’art de la négociation à la Trump, le tenant de la marque a découvert à la dure qu’il ne fonctionne à votre avantage que si le vent vous porte. Et sur plan-là, Trump vient d’encaisser une claque mémorable.

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7 réponses à “Trump : l’Art de la négociation est celui du… privilège hérité

  1. Avatar de PAD
    PAD

    Dans l’avion présidentiel qui le ramenait de Corée du Sud, Donald Trump aurait distraitement survolé un vieux livre :

    孫子兵法

  2. Avatar de sextusempiricus
    sextusempiricus

    les américains ont donné le pouvoir à une crapule maffieuse , comme les russes et les chinois . Les « peuples  » aiment la servitude volontaire , ça les rassure .

  3. Avatar de Emmanuel
    Emmanuel

    Un dicton africain ne dit il pas : » Il vaut mieux convaincre que vaincre, car le deuxième dure un jours alors que le premier dure toujours ». Meme chose pour Trump qui en est reste au niveau de la cour de recree a l’école. La meilleure negociation, c’est celle ou les deux parties pensent avoir obtenu ce qu’elles voulaient et se quittent en de meilleurs termes. Trump a tout faux.

    1. Avatar de bb
      bb

      @Emmanuel

      « Il vaut mieux convaincre que vaincre, car le deuxième dure un jours alors que le premier dure toujours »

      Dans « L’art de la guerre », Sun Tzu dit la même chose.
      Quant à Carl von Clausewitz, il affirme que vaincre par les armes doit toujours être la dernière des solutions.

  4. Avatar de Hervey

    … et pendant ce temps, à l’Assemblée Nationale : « le privilège hérité » fait son chemin.

  5. Avatar de bb
    bb

    L’administration Trump avait mal anticipé la mainmise des Chinois sur la production de certaines matières premières, à savoir le Soja et les Terres rares.

    —-
    Le scénario de cette rencontre :

    1- Le soja est un produit phare des exportations agricoles américaines. La Chine, premier importateur mondial, avait réduit ses achats en réponse aux sanctions américaines, se tournant vers d’autres fournisseurs comme le Brésil. Cette action a affaibli les positions de grands producteurs du Modwest (soutients électoraux de Trump) et généré une grave crise de débouchés.

    2- Concernant les terres rares, Pékin contrôle plus de 60 % de la production mondiale et une part encore plus importante du raffinage, ce qui lui confère un levier stratégique majeur. Un arrêt de livraison des terres rares de la Chine vers les États-Unis engendrerait une rupture brutale des chaînes d’approvisionnement technologique.

    3- Pékin se sert de ces deux premiers leviers pour forcer Trump à lâcher du lest sur les droits de douane.

    La Chine a surpris l’administration Trump en mobilisant des leviers inattendus (surtout le Soja )

    —-
    Cet épisode diplomatique et commercial illustre une grave méconnaissance des instances politiques mondiales au sujet de la production et de l’approvisionnement des matières premières.
    Le journaliste Javier Blas avec son best-seller « Un monde à vendre » a expliqué ce phénomène problématique.

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  1. Merci pour cette découverte, cela me touche beaucoup, c’est aussi très intéressant, pas rassurant, mais ça sera peut-être la petite…

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