LE TEMPS QU’IL FAIT LE 13 MAI 2016 – (Retranscription)

Retranscription de Le temps qu’il fait le 13 mai 2016. Merci à Marianne Oppitz !

Bonjour, nous sommes le vendredi 13 mai 2016.

La dernière fois que j’ai fait ma vidéo un vendredi 13, j’ai fait allusion à la superstition, au fait qu’il y a des gens qui considèrent que ça porte malheur. En fait on était le vendredi 13 novembre 2015 et cette journée là s’est terminée dans un bain de sang.

Quelle est l’actualité maintenant ? L’actualité est d’un ordre tout à fait différent mais elle ne vous a pas échappé. C’est la division, à nouveau, de manière très claire, de la France, de l’opinion publique en France, en deux camps : une droite et une gauche. Problème sérieux pour le parti socialiste français, la division est passée par le milieu de ce parti. Ce qu’on appelait le centre gauche est passé carrément à droite depuis plusieurs années, et ce qui était la gauche, reste la gauche.

À ce propos là, comment est-ce qu’on distingue un discours de gauche ou de droite si ce n’est pas précisé de manière très claire ? Eh bien, vous l’avez entendu : c’est un classique, c’est une chose qui marche à tous les coups, un discours qui vous dit : « Il n’y a plus ni gauche ni droite… », « Je tiens un discours, personnellement, qui n’appartient ni à la droite, ni à la gauche… », « Toutes ces distinctions gauche et droite n’ont jamais eu de sens en réalité… ». Eh bien, ça, cela distingue de manière claire, et cela le fait depuis des années et des années, depuis des dizaines d’années, c’est la caractéristique même d’un discours de droite.

Pourquoi est-ce que le discours de droite tient à prétendre qu’il n’y a pas de distinction entre la droite et la gauche ? Eh bien, c’est idéologique, c’est lié à la pensée de droite en tant que telle. C’est de considérer qu’il n’y a qu’une façon légitime de voir les choses, que tout problème est un problème purement technique, qu’il n’y a pas de problème politique à proprement parler : il suffit de trouver la solution technique au problème. « There is no alternative », c’est le slogan de la droite. Il n’y a qu’une manière de faire les choses qui n’est ni de gauche ni de droite. Voilà ! À une certaine époque c’était carrément les fascistes qui tenaient ce discours « Ni gauche ni droite ! », en ce moment, c’est la pensée de droite en France.

Alors, le fait que le Parti socialiste soit coupé en deux, ce n’est pas une bonne nouvelle pour lui. Vous l’avez vu : à l’intérieur du parti socialiste français, il y a des gens qui ont voté pour la Loi travail et d’autres qui ont voté pour la censure du gouvernement. Cette division, cette nécessité de choisir son camp, eh bien, elle touche tout ce qui est, je dirais, classiquement de centre gauche en France.

Vous l’avez peut-être vu : cette division passe à l’intérieur de la rédaction du Nouvel Observateur en particulier. 80% des gens qui y travaillent et qui ont pu voter hier, se déclarent contre la direction qui, elle, a pris son virage à droite. J’ai le sentiment qu’un journal quotidien auquel je collabore, qui est « Le Monde », qui classiquement se trouve aussi au centre gauche, va souffrir également de cette nécessité de se situer carrément à gauche ou à droite.

Et alors, peut-être, surprise pour les gens qui ont l’habitude de dire que le Front national est un parti d’extrême droite – ce qu’il est sous différents aspects bien entendu et surtout par la tradition familiale qui joint Madame Marine Le Pen à son père Monsieur Jean-Marie – j’ai le sentiment que cette division, la nécessité de choisir entre une position de gauche ou de droite, va passer aussi à travers le Front national. Ça se dessine déjà, d’une certaine manière, mais j’ai l’impression que ce parti qui avait pu considérer qu’il se situait très clairement sur l’échiquier politique, doit lui aussi souffrir de ce qui est en train de se passer.

Alors, on nous dit : « Les élections, cela va être Monsieur Juppé contre Madame Le Pen ! » mais ce qu’on va voir surtout dans les jours qui viennent, pour la défense des idées d’un des partis et de l’autre, les champions de ces deux positions de droite et de gauche, eh bien, ils se trouvent liés … – je ne dis pas que ce sont des gens qui ont une carte du Parti socialiste – mais ce sont des gens qu’on a pris l’habitude de considérer comme appartenant à la mouvance du parti socialiste. Vous allez voir sur le plan des idées, le grand duel entre Monsieur Emmanuel Macron, représentant la droite des affaires classique : la banque, et Monsieur Thomas Piketty, lui aussi apparemment un modéré, qui a écrit le grand classique marxiste de ces années récentes qui s’appelle « Le capital au XXIè siècle », un livre qui se situe de manière très claire, à gauche. On ne trouve pas chez Monsieur Piketty des affirmations comme l’affirmation qui prétend qu’il n’y a ni gauche ni droite, on ne voit pas ça chez Piketty. Il ne dit pas que la distinction droite et gauche n’a aucun sens. Tandis que c’est le slogan même du parti qu’a créé Monsieur Macron : « En Marche ».

Voilà, l’actualité de la semaine. Ce n’est pas une actualité indifférente, c’est une chose très, très importante qui va évidemment déterminer ce qui va se passer en France, dans les semaines et dans les mois à venir.

Un petit mot sur mon actualité à moi. Je continue à faire mes petites tournées : on continue à aimer mon livre « Le dernier qui s’en va éteint la lumière ». Voilà, par exemple vous pouvez voir, ce soir à 23h, une émission de Monsieur Lechypre sur BFM, où l’autre invité est Monsieur de Larosière. Vous pouvez voir ça ce soir à 23h. Ça repasse samedi à 11h, et ça repasse encore dimanche, si ma mémoire est bonne, à 18h. Regardez cette émission, elle est très intéressante. Monsieur Lechypre a insisté sur le fait que, de manière un peu inattendue à son avis et peut-être même pour moi (Monsieur de Larosière est quand même ancien directeur du Fonds Monétaire International, ancien gouverneur de la Banque de France, il n’est pas une petite pointure : pas un parcours discret dans le milieu de la finance et de l’économie, voilà quelqu’un d’important), les positions de Monsieur de la Rosière et les miennes étaient quasiment identiques. Ce qui est une excellente chose : cela prouve peut-être là, que effectivement, certains types de problèmes techniques n’ont qu’une solution et qu’on retombe, si on a les yeux un petit peu ouverts, qu’on retombe nécessairement dessus.

Et la dernière petite remarque, voilà, j’ai dit que je voulais faire vite. J’ai fait un livre sur Keynes. Bon, sur mes idées à moi aussi. Cela s’appelle « Penser tout haut l’économie avec Keynes ». Vous l’avez peut-être vu, on a parlé de ce livre, on n’en n’a pas parlé énormément, mais personne n’a émis une opinion sur ce livre, ni un économiste, ni qui que ce soit d’autre. Il y a des gens qui ont dit bien entendu « Oui, c’est bien qu’on fasse un livre sur Keynes », mais personne n’a parlé de ce que j’ai écrit dans ce livre. Ni pour le critiquer en bien, ni pour le critiquer en mal. Et donc cela a été ma surprise hier. Ma surprise a été que quelqu’un, pour la première fois dans mon expérience d’avoir publié ce livre en septembre de l’année dernière, quelqu’un a émis une opinion sur ce livre. Bon c’est une opinion, comment dire ? « à faire rougir » comme on dit, si j’avais la disposition de caractère à rougir je l’aurais certainement fait en écoutant les compliments qui m’ont été faits hier par Monsieur de Larosière.

Vous l’avez compris, cela ne vient pas de n’importe où. Moi je me considère quand même… – je n’ai pas eu de formation en finance ou en économie à proprement parler, oui, j’ai un diplôme de sociologue, j’ai un diplôme d’anthropologue – mais je me suis quand même toujours considéré, même avec 18 ans d’expérience dans le domaine de la finance, comme quelqu’un qui venait avec un bagage d’amateur. D’amateur éclairé mais quand même d’autodidacte dans ce domaine financier et économique. Et de voir ce Monsieur qui lui, au contraire, a été un spécialiste de ces questions, qui est maintenant un vieux briscard dans ce domaine, me faire les compliments qu’il m’a faits, cela m’a fait énormément plaisir.

Je voudrais encore ajouter, si vous regardez cette émission – je vais m’arranger pour mettre la vidéo sur le blog – vous verrez qu’il m’a fait le très grand honneur de me considérer, véritablement, comme un égal, de me parler comme à un autre professionnel de la finance à qui on peut parler normalement de choses qu’on comprend très bien. Ça aussi, c’est une reconnaissance qui m’a touché au moment même, et qui me parait très importante. Bien sûr, j’ai reçu un exemplaire du livre de Monsieur de Larosière où il explique tout ce qu’il a fait à l’époque où il était gouverneur de la Banque de France, où il a été le directeur du Trésor, où il a été le directeur du Fonds monétaire International. Il n’est pas certain que je sois d’accord sur toutes les décisions qu’il a prises, au moment où je lirai le livre, mais de toute manière, j’ai reçu cette… allez, je vais utiliser un mot qui n’est pas tout à fait le bon, cette « bénédiction » de cette personne tout à fait autorisée à dire ce qu’il faut penser sur les questions d’économie et de finance.

Voilà, je termine avec un peu d’actualité personnelle. À la semaine prochaine, il se passera sûrement encore plein de choses. : cette actualité en France n’est pas quelque chose qui va s’arrêter comme ça ! À bientôt.

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