L’argent après l’Union Bancaire, par Alain Monod-Broca

Billet invité.

L'argent

Cher Monsieur,

Laissez moi tout d’abord vous présenter Tous mes vœux pour l’année 2014. Je crois, je crains et, parfois, j’espère que nous aurons particulièrement besoin dans les 12 mois qui viennent du « service public d’information et d’analyse lucide » que nous offre votre blog. Ne laissez pas la lassitude qui vous gagne interrompre votre effort en une telle année. En effet une crise systémique est probable cette année, je crains ses effets et j’espère en même temps qu’elle pourra donner le signal d’une remise en ordre, pragmatique et sans idéologie, de notre système économique et financier. Nous en parlerons le moment venu. (Ou plutôt M. Leclerc et vous nous en parlerez).

Mais je voudrais surtout dans ce courriel vous parler de l’Union Bancaire.

Depuis « La lettre volée » d’Edgar Poe on sait que la meilleur cachette est parfois la plus en vue. Les travaux en cours sur l’Union Bancaire et les textes déjà approuvés s’appuient ainsi sur une affirmation tellement évidente que nul ne pense à la souligner : les dépôts bancaires ne sont pas de l’argent comme les billets de la Banque Centrale ou les comptes ouverts dans ses livres mais des créances affectées, comme toutes les créances, du risque de signature… Voilà la thèse de votre livre L’argent, mode d’emploi totalement validée par tous nos dirigeants politiques et financiers. Je voulais vous en féliciter. Je n’ai pas trouvé ce constat sur votre blog.

Personne à ma connaissance n’insiste sur ce point. J’y vois plusieurs raisons : nul n’aime admettre son erreur ; le souligner fragiliserait les banques (ce point est bien mis en avant dans le livre de Jean Michel Naulot : Crise Financière. Pourquoi les gouvernements ne font rien). Enfin il me semble que les experts qui travaillent sur ce dossier s’imaginent que cette différence entre argent commercial et argent banque centrale n’apparaîtra que lors des crises ; elle n’existerait pas en temps normal. Belle naïveté. Autant dire qu’une menace peut être ignorée tant qu’elle ne se réalise pas.

Mais je vais encore un peu plus loin. Mettez côte à côte les trois règles suivantes :

– Les dépôts dans les banques ne sont que des créances et ne sont pas absolument sûrs ;

– Les sociétés non financières et les particuliers ne peuvent pas ouvrir de compte dans les banques centrales ;

– Les transactions qui dépassent un certain montant doivent transiter par les livres d’une banque (le seuil est je crois à 2 000€).

et vous pouvez conclure :

Le système financier européen n’offre pas de service de conservation sûre des encaisses monétaires ; pourtant les citoyens européens et toutes les organisations qu’ils peuvent constituer (sociétés, coopératives, associations…) ont l’obligation de lui confier leurs avoirs, à leurs risques et périls.

Brillant résultat quand on connaît la quantité d’efforts qui ont été faits depuis un siècle pour structurer, réguler et informatiser la finance.

Le moment est sans doute venu de lancer un service, payant bien sûr, de conservation et circulation de l’argent qui ne ferait aucun crédit et placerait sur son compte en Banque Centrale l’équivalent exact de la totalité des dépôts qui lui seraient confiés.

Ce n’est sans doute pas un hasard si cette proposition vient d’un ancien dirigeant de Sicovam SA, l’organisme qui conservait en France les valeurs mobilières et fonctionnait selon ce principe. Il en coûtait 3 pour cent mille chaque année aux déposants. Plus les frais de mouvements.

Cordialement,

Alain Monod-Broca

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