Wall Street Journal – Les dirigeants de J.P. Morgan épargnés par les amendes dans le compromis Madoff

Traduction de l’article de Dan Fitzpatrick, « J.P. Morgan Officials Excluded from Penalties in Madoff Deal », paru le 6 janvier 2014 dans le Wall Street Journal. Merci à Timiota pour la traduction !

Les dirigeants de J.P. Morgan Chase & Co.ne seront pas frappés d’amende dans le cadre d’un compromis que la plus grosse des banque étatsunienne négocie avec le Département de la Justice sur des allégations de manquement à l’obligation d’avertir, dans la fraude massive de l’affaire Bernard Madoff, suivant des sources proches des discussions.

Le procureur de Manhattan Preet Nharara et les autorités de régulation bancaire étatsunienne ont l’intention d’annoncer un total de plus de deux milliards de $ d’amende cette semaine, disaient ces personnes informées [2,6 milliards de $ selon l’annonce faite le 7 janvier]. Mais toutes les amendes seront au frais de la compagnie, et non des individus, ajoutaient ces mêmes sources.

La décision prend donc le contrepied de l’approche conduite l’an dernier dans le cas du désastre boursier de la « Baleine de Londres » de J.P. Morgan, où deux anciens traders sont soupçonnés d’avoir maquillé les pertes sur une pyramide de paris perdus qui a coûté à l’établissement bancaire un peu plus de 6 milliards de dollars. Les ex-traders réfutent les charges portées à leur encontre. De nombreux ex-employés de Madoff sont aussi confrontés à des procès ou bien ont plaidé coupable en lien avec la pyramide de Ponzi qu’a reconnu avoir monté M. Madoff après que son fonds se soit pulvérisé en 2008.

L’établissement newyorkais de J.P. Morgan devrait signer ce qu’il est usuel d’appeler un accord de poursuite différé (sursitaire) avec le Département de la Justice, dans lequel il reconnaitra qu’il n’avait pas les systèmes adéquats en fonction pour confondre les agissements de M. Madoff, et que les diverses procédures conçues pour mettre au jour et dénoncer de telles conduites suspectes étaient déficientes, affirment des sources proche des discussions. Une annonce est attendue dès le mardi (7) janvier.

La banque J.P. Morgan avait déclaré jusqu’ici qu’elle ne connaissait pas ou ne participait pas à la fraude Madoff.

J.P. Morgan n’en avait pas moins une relation de deux décennies avec M. Madoff à l’heure de son arrestation en 2008. Une pièce centrale de l‘enquête conduite par le bureau du procureur de Manhattan et par le FBI est la carence de la banque à émettre un rapport formel signalant les suspicions sur M. Madoff aux autorités étatsunienne, alors même qu’un document de ce type était émis aux autorités du Royaume Uni en 2008, suivant les sources proches du dossier. Le bureau du procureur et le FBI n’ont pas souhaité commenter.

La loi fédérale exige des banques qu’elles émettent un rapport d’activité suspicieuse (SAR), lorsqu’elles détectent des violations connues de la loi fédérale, ou  des actes susceptibles d’en constituer, ou bien des transactions suspectes. Il y a eu environ 1,6 million de tels rapports enregistrés en 2012, la dernière année où la statistique fédérale soit disponible. J.P. Morgan à lui seul en fait enregistrer de 150 000 à 200 000 par an.

J.P. Morgan deviendrait la première banque américaine majeure dans les années récentes à régler par arbitrage les atteintes à la loi sur le Secret Bancaire par le choix d’un accord pour une poursuite différée (sursitaire), déclarait Brandon Garrett, un professeur de la faculté de Droit de l’Université de Virginie qui suit de près ces cas.

Dans un tel arbitrage, les sociétés s’acquittent typiquement d’une amende et les procureurs prononcent des chefs d’accusation qui seront annulés après une période donnée si la compagnie se soumet à certaines conditions (à la façon d’un sursis). Il n’est pas courant pour des employés d’être mis en accusation dans le cours de ces procédures, a ajouté M. Garrett.

La dernière banque étrangère à avoir reconnu de telles violations aux Etats-Unis est l’établissement londonien HSBC-Holding PLC, qui, en 2012, a signé un accord de sursis de poursuite qui s’est soldé par un montant d’amende forfaitaire de 1,26 Milliards de $.

Les responsables du Département de la Justice ont expliqué que HSBC avait manqué à son obligation de pourvoir à des contrôles efficaces concernant le blanchiment d’argent, concernant les transactions conduites illégalement par certains clients d’outre-mer et pour « avoir facilité le blanchiment d’au moins 881 millions de $ d’argent de la drogue vers le système financé états-unien ». HSBC a aussi convenu de mettre en œuvre des changements structuraux dans ses opérations anti-blanchiment d’argent, et a dû débourser une somme additionnelle de 665 million de $ aux autorités de régulation bancaire étatsuniennes.

Le directeur général d’HSBC déclara à cette occasion que « nous acceptions la responsabilité de nos erreurs passées ».

Un porte-parole d’HSBC déclarait lundi « nous restons focalisé sur l’implémentation de l’accord de Décembre 2012 avec le gouvernement étatsunien) et disait que HSBC « a entrepris des actions d’envergure pour mettre en œuvre les plus hauts standards pour la protection contre les menaces identifiées ainsi qu’émergentes de la criminalité financière »

Le gros des amendes de J.P. Morgan devrait aller aux victimes de M. Madoff, qui avait plaidé coupable du délit d’avoir opéré durant une décennie une pyramide de Ponzi qui avait floué les investisseurs de milliards de dollars. Les amendes du Département de la Justice devraient constituer la part la plus importante du total – un montant qui dépassera 1,5 milliards de $, suivant ces sources. Le Département de la Justice devraient ventiler les paiements aux victimes.

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Le reste des sanctions iront non pas au Département de la Justice, mais au Bureau du Contrôleur de la Monnaie (OCC en anglais) et au Réseau de Lutte contre les Crimes Financiers, deux institutions du Département du Trésor (Ministère du Budget)

L’OCC, le régulateur de référence des opérations bancaires de J.P. Morgan, devrait de son côté souligner dans son travail les failles les plus béantes du contrôle anti-blanchiment, en dehors ou au-delà des agissements de la banque avec M. Madoff. Un porte-parole de l’OCC n’a pas souhaité commenté davantage.

Ces procédures fédérales devraient être les dernières dans une série d’arbitrage légaux pour J.P. Morgan, qui au fil des mois a accepté en 2013 de s’acquitter de près de 20 milliards de $ pour mettre fin à un ensemble de poursuites et d’enquêtes en relation avec des ventes de titre adossés à des prêts hypothécaires (immobiliers) passés, ainsi qu’à l’épisode de la « baleine de Londres ». J.P. Morgan a mis en réserve pour le 3eme trimestre 2012 des réserves légales de 9 milliards de $, et a assuré les investisseurs qu’elle disposerait de 23 milliards de dollars pour éponger les arbitrages et poursuites futures.

J.P. Morgan devrait annoncer ses gains pour le 4eme trimestre 2013 le 14 janvier 2014. Les dirigeants de la banque espéraient conclure les arbitrages Madoff avant l’annonce des gains, suivant une source proche de la banque.

Le mois dernier, le CEO de J.P. Morgan, James Dimon, faisait allusion en ces termes au dossier Madoff lors d’une discussion sur la stratégie sous-tendant la récente vague d’arbitrages. « Vous avez pu lire sur le dossier Madoff dans le journal l’autre jour », a-t-il dit à une conférence à New-York de services financiers de Goldman Sachs. « Nous devons faire en sorte que ces choses soient derrière nous, pour que nous fassions notre mission. Notre mission est de servir les clients partout dans le monde. C’est notre travail. Donc, je veux que cela soit derrière nous ».

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