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Comment on devient ethnographe de la finance – Blog de Paul Jorion

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6 réponses à “Comment on devient ethnographe de la finance”

  1. Avatar de Benoit
    Benoit

    Je suis ravi, Paul, que nous ayons une admiration et une influence communes en la personne de Jeanne Favret-Saada.

    J’ai souri, j’ai ri aussi en te lisant (ci-dessus). Comme souvent, quand tu parles à la première personne, ton écriture est empreinte d’ironie, d’humour parfois un peu british, décalé, a étages, qui rend le texte agréable à lire, voire touchant… Soudain plus vivant, plus vibrant. On a envie d’en lire plus.

    Je m’étais fait déjà la réflexion : Cette part personnelle, subjective que tu exprimes sur ton Blog manque-t-elle à tes livres ? Tes deux ouvrages un peu sérieux appellent-ils une part de chair ? Mon inclinaison personnelle répond que oui, mais je comprends qu’on puisse faire un autre choix.

    Comme lecteur de Paul Jorion je me pose souvent les questions suivantes :
     » Mais qu’est-il allé faire dans cette galère ? Que ressent-il de ce qu’il découvre ? Pourquoi et comment est-il touché (l’est-il ?) par cette affaire des subprimes ? Par la question de la monnaie ?  » Puis tout récemment, après ta « confession » :  » Par quelle suite de circonstances a t-il atterri a IndyMac ?  » Que ces questions demeurent sans réponse gêne. Il manque quelque chose…

    Très amicalement je trouve dommage que tu retiennes ta part d’affect, ta patte humaine, ce côté reporter sincère, sensible, audacieux aussi (« Tintin chez IndyMac »), cette subjectivité que justement Madame Jeanne Favret-Saada a pris en son temps le risque de ne pas dissimuler (cacher comme tout le monde fait, afin d’échapper aux sarcasmes, aux mauvaises notes). Elle a eu l’audace supplémentaire de la considérer comme une « matière » en soi, et même comme une voie de connaissance !

    Cette audace a payé, il faut le reconnaître, à en juger par le succès de son livre. Au moment présent de ta vie où tu te demandes que faire de ton talent, je ne sais si ce sentiment de lecteur résonne en toi. Pourquoi ne raconterais-tu pas cette aventure humaine ? Avec humour et piquant ?

  2. Avatar de Benoit
    Benoit

     » De la panique dans mes yeux.  »

    Jeanne Favret-Saada, dans un entretien à la Revue Vacarme, l’été 2004, s’exprimait ainsi :

    Le travail ethnographique consiste à aller se coller délibérément dans un système de places qui nous est inconnu : celui particulier au groupe que nous avons choisi d’étudier. Mais alors, « prendre place » consiste plutôt à ne viser aucune place, pas même celle d’ethnologue. Je devais accepter d’être là, présente, un point c’est tout. Et laisser les gens me designer une place qui leur paraîtrait convenable, ou une autre, selon le moment ou l’interlocuteur.

    Dans le Bocage par exemple, l’un me disait que j’étais ensorcelée, et un autre, le même jour, que j’étais désorceleuse. Le premier avait lu de la panique dans mes yeux, le second que j’avais les yeux durs et courageux de la désorceleuse qui avait sauve son frère. Or cette assignation à une place inconnue de moi avait une conséquence immédiate : un certain comportement était requis, dont j’ignorais tout.

    A force de gaffes, de demi-fuites, et d’expériences diverses, j’ai fini par donner un contenu à chacune des places. Et aussi, à en négocier une pour moi qui ne serait pas trop inconfortable (ensorcelée en cure, et assistante d’une désorceleuse). Ce qu’on appelle le « travail » de terrain comporte donc des moments de très grande passivité, où l’on ne contrôle pas les situations. L’Autre mène un jeu dont on ignore les règles, il suffit d’être malléable.

    Et plus loin :

    (…) A les lire, les ethnographes n’auraient, avec leurs informateurs, qu’une communication verbale, volontaire et intentionnelle, destinée à se faire enseigner un système de représentations indigènes. Or c’est la variété la plus pauvre de la communication humaine : s’il ne se passait que cela, comment les chercheurs percevraient-ils les aspects non-verbaux et non-intentionnels de la communication ?

    Et s’ils maîtrisaient à ce point leurs propres paroles, leurs gestes et leurs affects, comment pourraient-ils apprendre quoi que ce soit qui compte ? Pour ce qui est de leur sorcellerie, en tout cas, les Bocains ne m’ont pas laissée m’en tirer à si bon compte : ils ne cessaient de m’assigner à l’une des places du système sorcellaire, et ils surveillaient mes réactions involontaires pour décider s’ils resteraient ou non en contact avec moi.

    Jeanne Favret-Saada. 2004

  3. Avatar de Benoit
    Benoit

    Y a t-il tribus plus sauvages que les nôtres ? Je crains que non.
    Ici, le cas de “l’enterrement honorifique”. A nouveau, la parole à Jeanne Favret-Saada, dans le même entretien que ci-dessus, et en clin d’œil à Paul (”Tiens bon Paul !”):

    Si faire-école, pour un livre, consiste a faire partie du bagage des jeunes chercheurs qui partent sur le terrain, “Les mots, la mort, les sorts” et “Corps pour corps” (écrit avec Josée Contreras) ont fait école : en France, mais aussi aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Italie… J’en ai eu d’innombrables témoignages. De même, ces livres sont lus en France, aujourd’hui encore, par tous les étudiants de premier cycle, qu’ils se destinent à la linguistique, à l’histoire ou aux sciences humaines. La demande de mémoires de maîtrise sur ces livres ne tarit pas.

    Pourtant, dès la sortie des “Mots, la mort, les sorts”, en 1977, les professeurs titulaires de chaires le refusaient dans leur grande majorité. A la “London School of Economics”, où j’avais été invitée par le Département d’anthropologie, les professeurs étaient massivement hostiles au livre, et les jeunes chercheurs, enthousiastes. A Nanterre, les profs se défilaient à qui mieux mieux pour que le livre ne soit pas étudié dans leur séminaire. Auprès de mes collègues, je n’ai donc pas fait école.

    Et moins encore pour ce qui concerne l’ethnographie de la sorcellerie française. Les travaux qui ont suivi le mien font un grand éloge des “Mots, la mort, les sorts” dans la préface ; dans le corps du livre, la recherche exposée est exactement la même que si je n’avais pas écrit une ligne. Je suppose que les chercheurs sont peu pressés de se prêter aux expériences de malléabilité dont je parlais tout à l’heure. Pour les enseignants, “Les mots, la mort, les sorts” est devenu un prestigieux tableau, accroché aux murs des départements d’anthropologie, que les étudiants sont priés de regarder sans imiter.
    A propos de situations de ce genre, Walter Benjamin parlait d’une “incompréhension enthousiaste”.

    Jeanne Favret-Saada, 2004.

  4. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Très coincé par le temps, je ferais juste cette remarque que j’avais relevée sur un forum il y a quelque mois, et que je trouve excellemment juste !

    Le pseudo qui l’a écrite n’a pas précisé si c’est de lui ou quelqu’un d’autre.

    L’homme ne sait pas gérer la complexité d’un groupe supérieur à une tribu.
    Ne sachant le faire, il « invente » un outil pour relayer le traitement des échanges.
    Cet outil est linéaire et devient autonome en ne gérant que les intérêts (la qualité de survie) de l’outil. Oubliant que les échanges économiques archaïques ont d’autres raisons et d’autre signifiant.

    Mon commentaire rapide est que ce qui m’étonne toujours, c’est la dose colossale de « génie » se mettant au quasi seul service de l’ »outil ».

    Et puisque j’en suis aux citations, il me vient celle-ci de Husserl (que je cite de mémoire, mais le sens y est) :

    Notre époque, selon sa vocation, est une grande époque. Elle souffre seulement d’avoir détruit les anciens idéaux non clarifiés.

    Et encore celle-ci (toujours de mémoire sans trahir le sens) de François Furet :

    Il existe dans la démocratie une oligarchie cachée contraire à ses principes, mais indispensable à son fonctionnement.

    Et enfin celle-ci de Rudyard Kipling qui révèle l’essence de la pensée anglo-saxonne (le sens y est) :

    La doctrine de Christ, et les indications du Stock-Exchange, font que la démocratie ne peut se désintéresser d’un pays aussi fertile en caoutchouc… (aujourd’hui, on pourrait dire : pétrole, etc)

  5. Avatar de Karluss (hervé)
    Karluss (hervé)

    Paul, laissez Jorion faire son métier… de sorcier ! 😉

  6. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Je reviens encore à ce sujet : Comment on devient ethnographe de la finance ? En complément de ce qu’a écrit d’intéressant Benoît.

    Ainsi en est-il de l’immaturité qui m’a longtemps caractérisé et dont il me reste, à l’évidence, une bonne dose. Encore aujourd’hui, je me mords les doigts de ne pas avoir noté les références d’un article passionnant que j’avais lu il y a bien longtemps sur les entreprises et leur encadrement. L’auteur concluait ainsi: « Il faut faire l’ethnologie du patronat ».

    Donc faire l’ethnographie comme l’ethnologie des banquiers ? Bien sûr que oui ! Mais, outre le précieux enrichissement de la connaissance de soi que cela constitue, il ne faut pas que cela reste seulement un intéressant « fonds de commerce » intellectuel à exploiter pour les quasi seules satisfactions de l’égo, en laissant plus ou moins dans l’ombre d’autres dimensions existentielles essentielles (que l’ethnologie, par nature, doit nécessairement frôler ou palper sans cesse au passage).

    Le télescopage de l’ethnologie et de la finance en général devrait toucher là un nœud gordien capital de l’existence « moderne » (capital ici pris dans tous les sens qu’on voudra). Chercher et approfondir l’essence et le sens du traitement de l’argent, l’argent on le sait trop, qui induit et commande le destin de l’humanité ici bas, l’argent qui est une des prisons humaines ne l’oublions pas, prison conjuguée avec tous les fantasmes imaginables. C’est ainsi que tant d’hommes ne dorment pas la nuit par manque d’argent sans rien connaître, mais alors rien ! de ce qu’est l’argent.

    Les bilans des banques qui sont les ultimes et seuls « châssis » de l’argent sont considérés « bons » sans faire le lien, au moins jusqu’à 2007 (ou 2008 ?), que ces bilans sapent, dissolvent et spolient la société, la société productive. Pourtant Paul, vos témoignages sont magistraux et constituent des pièces du plus grand intérêt, des pièces « incontournables » et irréfutables de vérité sur les pratiques financières et bancaires au « dossier » de ce « cher » argent. Argent qui est l’objet de toutes les attentions, de toutes les sollicitudes imaginables des plus grands génies (?), et ce, jusqu’à la perte de sens. Jusqu’à la perte du Sens. En raccourci, c’est le génie au service d’Al Capone en col blanc.

    À la façon Psy la plus classique, je dirais que la sexualité et le fétichisme sont ici, tout près, présents, à l’œuvre, et, bien entendu, le drame el l’angoisse rôdent. L’argent serait le phallus suprême… et tout le reste en devient parodie : « Au nom du chiffre d’affaire, du retour sur investissement (ROE), des prises de bénéfices et des plus-values, amen, pardons! amène… » Lacan aurait dit à ce sujet, c’est moi qui lui fait dire : « l’argent est le phallus qu’ils n’ont pas » (que n’ont pas les banquiers qui le fabriquent frauduleusement par magie, ex-nihilo). Lacan avait écrit cette même phrase ainsi, en parlant des femmes: « la femme EST le phallus qu’elle n’a pas ». Mais enfin, les femmes, c’est une affaire autrement importante et vitale que cette misérabiliste « affaire foreuse de mecs » qui prennent en otage l’humanité avec leurs complexes dégénérés…

    L’argent tel que nous l’avons fait devenir, est, sans conteste, le plus implacable et absolu éteignoir de la Parole. La Parole avec un P majuscule, la Parole vraie, celle entrevue par les sciences Psy (mais hélas, à travers les quasi seules pathologies) de même qu’est éteinte ici la Parole évangélique. Parole qui coexiste, par exemple, avec le sens qu’avaient les potlatchs coutumiers chez les diverses tribus indiennes de la côte Ouest de la Colombie britannique canadienne, à partir de l’état US de Washington en remontant presque jusqu’à l’Alaska.

    Un grand banquier historique déclara : « Laissez moi émettre et contrôler la monnaie d’une nation, et je me fiche de qui fait ses lois ». « Je me fiche de qui fait ses lois », c’est archi clair ! On comprend bien. C’est la transgression de la Loi au sens le plus large. La Loi de Dieu et loi des hommes. Sur le plan pratique et sur le plan symbolique. Tout est dit ici.

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