Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Les experts reconnus vous diront qu’engager le dialogue avec les « amateurs éclairés » qui tentent de poser un œil critique sur leur discipline, est non seulement une perte de temps mais peut se révéler aussi une expérience dangereuse pour vous puisque votre nom se retrouve in fine associé aux thèses hétérodoxes dont vous avez accepté de débattre avec eux.
La discussion que nous avons engagée sur « la création monétaire » pourrait sembler leur donner raison. Arrivé au bout du parcours, j’ai trouvé beaucoup d’erreurs de raisonnement et parfois pire : quelques falsifications intentionnelles. La position où je me retrouve à l’arrivée est celle que j’avais au départ : celle des « experts » reconnus de la question, celle qu’exprime la théorie financière dominante telle qu’on la trouve exprimée dans les livres de référence de ma profession d’ingénieur financier.
Ai-je des regrets ? Non, et ceci pour plusieurs raisons. La première est que j’aurais pu continuer d’entretenir un doute : ma connaissance était-elle un véritable savoir ou bien l’aboutissement d’un endoctrinement ? Vous m’avez obligé de refaire le raisonnement entièrement, du début à la fin, et j’en ai éprouvé chacune des étapes au test de vos multiples objections. La deuxième, est mon intérêt en soi pour le fonctionnement de l’explication, je lui consacre mon livre à paraître et l’anthropologie des savoirs est celle à laquelle je m’identifie complètement. La troisième raison, est la découverte que j’ai faite à cette occasion du mécanisme de la manipulation de l’opinion par la désinformation. L’exemple est excellent : l’argent – un sujet qui nous touche tous de près ou de loin ; l’argent – un moyen que nous utilisons tous les jours sans que cela nous pose de problèmes ; les banques – qui nous prennent cet argent sous des prétextes multiples ; la monnaie – qui repose sur une « multiplication des pains » : la magie des « réserves fractionnaires » ; soit, au total, une combinaison fatale de mystère et de ressentiment qui nous fait suspecter l’existence d’un « scandale » et nous encourage à relâcher les principes que nous appliquons habituellement au raisonnement. J’ai pu constater ici que les « amateurs éclairés » ne prêtent pas suffisamment attention au fait qu’un maillon vicié dans le raisonnement (faux par naïveté ou par rouerie) l’invalide entièrement ; en ignorant cela ils tendent aux « experts » qu’ils critiquent les verges pour les battre.
Referais-je l’expérience ? Oui, parce que je reste convaincu qu’il existe des cas où les « amateurs éclairés » y voient en effet plus clair que les experts d’un savoir qui s’est fossilisé au fil des années. Oui, parce que je reste fasciné par le processus de la découverte : j’ai accepté autrefois un débat sur les OVNI, où j’ai découvert de la mauvaise foi dans les deux camps, j’ai ensuite accepté ici-même un débat sur 9/11 qui m’a permis de découvrir comment la morgue des experts les empêche de communiquer les résultats pourtant justes auxquels ils parviennent. Avis simplement à ceux qui ont quelque chose à vendre, de brun ou de noir : je ne vous tolérerai pas davantage.
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