Pourquoi il n’y a pas de « création monétaire » par les banques commerciales, par Helmut Creutz

J’ai écrit hier que cela me prendrait cinq ans de mettre au point une théorie de la monnaie qui me satisfasse. Je n’avais envisagé qu’un seul cas : celui où nous serions seuls, vous et moi, travaillant ensemble. Or, j’ai reçu du renfort, par courrier. Ute Höft me fait parvenir un exemplaire de Le syndrome de la monnaie de Helmut Creutz, originellement paru en 1993 et traduit de l’allemand par Economica en 2008.

Je vais pouvoir gagner du temps parce que l’auteur analyse de nombreux aspects de la monnaie auxquels je n’ai pas encore l’occasion de réfléchir, et que sur ceux dont j’ai débattu ici, nous disons lui et moi strictement la même chose.

Donc si mes explications pourquoi les banques commerciales ne créent pas de monnaie ex nihilo vous ont convaincu, vous n’apprendrez peut–être pas grand-chose en lisant les pages du livre que je reproduis ci-dessous (169 à 171) mais si vous croyez toujours à la création monétaire par les banques commerciales, un autre auteur réussira peut-être là où j’ai échoué jusqu’ici.

(Vous reconnaîtrez au passage dans le texte de Creutz mon « principe de conservation des quantités », mon explication des masses monétaires en termes de double emploi, ma « reconnaissance de dette », ainsi que la distinction que je fais entre flux monétaires et opérations comptables).

La « surmultiplication de la création monétaire »

La plupart des livres d’enseignement affirment que les possibilités de création monétaire des banques sont en principe illimitées. Elles ne sont restreintes que par des ratios d’encaisse ou de réserves bancaires qu’elles doivent maintenir auprès des banques centrales ou d’émission, soit de plein gré, soit parce qu’elles y sont obligées. Et cette relation entre le montant des réserves et l’accroissement monétaire est même calculée par les théoriciens de la surmultiplication de la création monétaire avec une grande exactitude mathématique. Si les réserves se montent en tout à 5 % du portefeuille des dépôts, les banques peuvent, à partir de chaque dépôt bancaire effectué créer un montant de crédit dix-neuf fois supérieur, neuf fois supérieur en cas de réserves de 10 % et quatre fois supérieur en cas de réserve de 20 %. Le résultat de la création monétaire est donc inversement proportionnel au montant des réserves retenues.

[Prenons l’exemple de 100 millions provenant d’une banque d’émission, soumis à des réserves fractionnaires de 10 %, et qui créeraient ainsi des « fonds de crédit » de 900 millions.]

En additionnant les crédits accordés en chaîne on arrive dès la troisième étape à un montant de 244 millions. En continuant ainsi la série infinie où les valeurs diminuent d’étape en étape, effectivement on arrive arithmétiquement à une somme de 900 millions, soit neuf fois plus que l’apport initial de 100 millions.

Mais si l’on reprend les opérations, pas à pas, en laissant la théorie de côté, on constate :

1) que lors de chaque réutilisation du premier dépôt supposé de 100 millions, suite au crédit qu’il a permis d’accorder, il se produit à chaque fois un nouveau dépôt d’un client quelconque de la banque, dépôt qui, bien entendu, peut être de nouveau prêté ;

2) que l’enchaînement des octrois de crédits et des constitutions de réserves par les banques tel qu’il est décrit ne peut se faire qu’aussi longtemps qu’aucun des déposants ne dispose de son avoir en effectuant un retrait ou un virement ;

3) qu’en réalité, au fil du processus, on n’assiste nullement à un accroissement de la masse monétaire mise en circulation, de quelque manière que ce soit, mais toujours à une réutilisation, tandis que, à chaque étape, la masse monétaire réellement existante est inéluctablement le résultat de l’addition des réserves constituées jusque-là et du crédit accordé en dernier, et équivaut au montant initial de 100 millions ;

4) que non seulement il ne se produit pas d’accroissement de la masse monétaire mais, qu’en fait, en ce qui concerne la masse monétaire active et axée sur la demande, elle diminue même constamment, étant donné que sur les 100 millions initiaux, des montants de plus en plus élevés sont gelés dans les réserves des banques jusqu’à être totalement absorbés ;

5) que l’utilisation répétée de la monnaie, que ce soit pour procéder à des achats, la prêter ou en faire cadeau, n’accroît jamais sa masse mais uniquement les opérations d’achats, de prêts ou de dons ainsi effectués, qui, bien entendu, additionnées, donnent des montants de plus en plus élevés.

Les faits énumérés ci-dessus sont encore plus clairs lorsqu’on se représente cet enchaînement, non pas au niveau de banques, mais au niveau d’opérations commerciales, et qu’il s’agit non plus de prêts à répétition mais de ventes à répétition. Là aussi, on peut supposer que chaque commerçant met dix pourcent de sa recette de côté et qu’il dépense le reste directement ou indirectement dans un autre magasin pour faire des achats. Là encore, l’addition des opérations d’achat donnerait le même résultat que celles des opérations de crédit dans le cas de la « surmultiplication de la création monétaire ». Et pourtant personne n’irait prétendre que la masse monétaire a été multipliée par neuf ou que les commerçants ont créé 900 millions [ex nihilo].

Où est donc l’erreur de raisonnement de certains théoriciens ?

L’erreur de la théorie classique de la création monétaire réside dans le fait qu’on additionne des avoirs ou des crédits se reconstituant au fil du temps, ou des postes de crédit, aux montants reçus au départ et qu’on déduit de cette addition qu’il y a une création monétaire ou une création de crédit. En d’autres termes : cette théorie assimile l’utilisation multiple de l’argent à un accroissement, elle confond moyen de transport et opération de transport. Mais, pas plus que l’utilisation répétée de wagons ou de camions pour des transports n’entraîne un accroissement du nombre de wagons ou de camions, l’utilisation répétée d’argent pour des achats ou des prêts n’entraîne un accroissement de son montant.

L’erreur de raisonnement et d’interprétation des théoriciens de la création monétaire est sans aucun doute due en grande partie au fait que l’on continue à considérer les avoirs et les portefeuilles de crédit comme du numéraire. Or, en fait, il ne s’agit que de postes de comptabilisation qui documentent le montant des prêts d’argent et les obligations de remboursement qui en résultent, sans que ceux-ci fassent augmenter la masse monétaire en circulation. C’est pourquoi tous les regroupements de numéraires et de dépôts sous la rubrique « masse monétaire » sont si discutables. Ceci vaut surtout pour l’addition des M1 et M3.

Helmut Creutz, Le syndrome de la monnaie, Economica, Paris (2008) : 169-171.

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272 réponses à “Pourquoi il n’y a pas de « création monétaire » par les banques commerciales, par Helmut Creutz”

  1. Avatar de jacques
    jacques

    La réflexion de Rumbo sur les fuseaux horaires me fait penser à cette masse monnétaire non quantifiable qui circule électroniquement en permanence autour du monde suivant les ouvertures des marchés et dont le passage se résume à une entrée-sortie permanente . C’est vrai que la vitesse de circulation de l’argent assure une image comptable plus que douteuse d’une masse monnétaire à un instant donné .

  2. Avatar de Patrick Barret
    Patrick Barret

    @ Dani

    Je pense pour ma part que la question essentielle à se poser ici est :

    Comment tout un chacun peut-il comprendre les rouages de la création monétaire lorsque les spécialistes ici présents ne les comprennent pas encore ?

  3. Avatar de et alors
    et alors

    @dani…mais non pas totalement inaperçue…mais rien d’étonnant pour l’instant…dans la mesure ou personne encore ne peut dire « comment il sait » ce qu’il avance…courage..

  4. Avatar de nadine
    nadine

    @ Etienne Chouard

    Vous dites : « Si j’ai bien compris, quand une banque prête de l’argent (quand elle reconnaît une nouvelle dette contre elle), il n’est pas question de réutiliser de la monnaie existante : LA BANQUE N’A PAS LE DROIT DE PRÊTER L’ARGENT QUI M’APPARTIENT, elle n’a pas le droit de céder la créance que j’ai contre elle, je suis le seul, en droit, à pouvoir faire ça.  »

    Etes-vous si sûr de ce que vous avancez ? Car ce que vous dites est CAPITALE. Retrouvez le texte de loi qui l’interdit et vous aurez gagnez « la bataille » de la création ex nihilo, si vous avez tort ou que vous ne puissiez pas le prouvez alors c’est Jean Jorion qui a raison.

  5. Avatar de Shiva
    Shiva

    Toute théorie doit être passée à l’épreuve des faits pour s’imposer.
    Ce sont donc des données factuelles qui pourraient permettre de sortir de cette « crise » des spécialistes.

    Les banques prêtent-elles les dépôts de leurs clients ou une monnaie créée à cette fin ?

    Dans cette étude de la BCE, les établissements de crédit sont bien considérés comme créateurs de monnaie.

    A mon avis pour en sortir « par le haut » il nous faut du factuel, encore du factuel, toujours du factuel…

    Connaissez-vous un directeur de banque ?

  6. Avatar de Moi
    Moi

    Shiva dit : « Connaissez-vous un directeur de banque ? »

    Je travaille dans une grande banque et je crois que presque personne ici n’a idée de tout ce qui est discuté sur la monnaie. Le travail y est assez routinier, on suit des procédures et on ne se pose pas de questions hautement théoriques sur la nature de la monnaie.

  7. Avatar de Fred L.
    Fred L.

    Je ne vois toujours pas quelle est la question en débat.

    Pour l’instant, on a l’impression de voir deux camps qui s’affrontent sur leurs définitions respectives.

    Premier camp ; si l’on restreint l’usage du terme de monnaie à la seule base monétaire (M1, monnaie banque centrale), alors bien sûr que les banques ne créent pas de monnaie, elles créent du crédit (M3-M1, moyens de paiements, monnaie banques privées); c’est la définition restreinte de la monnaie privilégiée par le monétarisme et plus généralement par la théorie quantitative de la monnaie; quand la monnaie banque centrale circule plus vite ou voit sa quantité augmenter, les banques peuvent distribuer plus de crédit; il y a (vaguement) conservation des quantités de monnaie (au sens de la base monétaire). C’est à cause de cette première conception que les banques centrales ont vécu dans l’illusion de contrôler l’encours total de crédit via la maîtrise de la base monétaire. C’est la conception de la monnaie exogène. Mais ce que l’on découvre aujourd’hui c’est que ce n’était qu’une illusion, puisque le lien entre la base monétaire et l’encours total de crédit est beaucoup plus élastique que ne le suppose la théorie (et les petits modèles simplifiés sur lesquels chacun raisonne).

    Deuxième camp : si l’on étend l’usage du terme de monnaie à l’ensemble de la masse monétaire (M3 ou M4 par exemple), alors cette fois on peut dire que les banques commerciales créent de la monnaie, via le multiplicateur de crédit. Les banquiers ne s’en rendent pas compte, car au niveau d’une banque individuelle les contraintes comptables semblent indiquer le contraire, mais au niveau de l’économie tout entière, il peut y avoir création ou destruction (collective) de monnaie. Comme le remarque l’auteur dont vous reproduisez le texte, le mécanisme est analogue au multiplicateur de dépense keynésien, et cela est normal, puisqu’il en est la contrepartie sur le plan réel. – Qui contrôle alors la création monétaire ? En fait tout le système économique : la banque centrale via la base monétaire et l’obligation de réserves, les banques privées via leur politique de crédit, les entreprises et les ménages via leur demande de crédit, etc. C’est la conception endogène de la monnaie.

    Ce qui m’apparaît depuis le début à la lecture (rapide) des discussions, c’est que le débat reste bloqué à cette querelle de définitions, sans aborder les conséquences qu’entraîne l’un ou l’autre choix. Or une définition de la monnaie ne se juge qu’à l’aune des questions qu’elle permet de poser et des réponses qu’elle leur apporte, tout le reste demeure abstrait (au mauvais sens du terme).

  8. Avatar de Patrick Barret
    Patrick Barret

    @ Fred L.

    Et pourquoi donc le M3 n’est plus publié par la “Réserve fédérale des Etats-Unis” depuis le 24 Mars 2006 ?

    Selon la Fed dans son communiqué laconique du 10 novembre 2005, révisé le 9 mars 2006 :

    “M3 does not appear to convey any additional information about economic activity that is not already embodied in M2 and has not played a role in the monetary policy process for many years. Consequently, the Board judged that the costs of collecting the underlying data and publishing M3 outweigh the benefits.”

    Mais c’est du “foutage de gueule” à l’état pur !!!

    http://www.pauljorion.com/blog/?p=1047#comment-10838 et #comment-10842

    Encore une question éludée !

    Sauf par Armand (#comment-10870 de l’article cité plus haut).

  9. Avatar de Eminence Thénar

    @ Archimondain qui dit « Pourtant, et toujours en fonction des faits exposés par le document (Modern Money Mechanics), la formulation de création monétaire quand il s’agit de la multiplication du crédit par réserves fractionnaires semble inapproprié (voir le post de Paul).

    N’avez-vous jamais imaginé que ce puisse être l’inverse ?

    @ Paul Jorion :

    J’ai déjà précisé les pages importantes : 6 à 11.

    La différence entre l’explication de Modern Money Mechanics (MMM) et votre théorie :

    – vous dites que si une banque reçoit 1000 en dépôt d’un individu A, elle en garde 100 et en prête 900 lors d’un crédit à un individu B. Il y a conservation des quantités. Si B ne rembourse pas, et que la banque n’y pallie pas (par l’ensemble de ses fonds), A a perdu son dépôt. Cela signifie que A et B ne peuvent utiliser leurs comptes en même temps (s’ils représentent tous les clients de la banque).

    – MMM explique que si une banque commerciale reçoit 1000 en dépôt de A, elle en garde la totalité (1000) et crée 900 lors d’un crédit pour les prêter à B. Les individus A et B peuvent tous les deux utiliser leur somme pour la dépenser, personne ne perd son pouvoir d’achat.

    « The important fact is that these deposits do not disappear. They are in some deposit accounts at all times. All banks together have $10,000 of deposits and reserves that they did not have before. However, they are not required to keep $10,000 of reserves against the $10,000 of deposits. All they need to retain, under a 10 percent reserve requirement, is $1000. The remaining $9,000 is « excess reserves. » This amount can be loaned or invested. See illustration 2.
    If business is active, the banks with excess reserves probably will have opportunities to loan the $9,000. Of course, they do not really pay out loans from the money they receive as deposits. If they did this, no additional money would be created. What they do when they make loans is to accept promissory notes in exchange for credits to the borrowers’ transaction accounts. Loans (assets) and deposits (liabilities) both rise by $9,000. Reserves are unchanged by the loan transactions. But the deposit credits constitute new additions to the total deposits of the banking system. »

    D’ailleurs d’après votre théorie quelle monnaie serait détruite lors du remboursement du crédit de l’individu B ? Le dépôt de A ? Il va être content…

    Par contre si on suppose que B a reçu une somme qui n’a rien à voir avec le dépôt de A, cet argent pourra être détruit et on se retrouvera à la phase initiale concernant la masse monétaire. La seule différence remarquable est un transfert d’intérêts de B vers la banque commerciale.

    D’où je tiens que vous ne « travaillez pas dans le domaine de la monnaie » ?
    Car j’ai suivi tous les débats sur la monnaie.
    Parce-que comme tout le monde ici nous sommes obligés d’aller chercher nos justifications ailleurs…
    Moi dans la FED, vous dans Creutz…

  10. Avatar de leduc
    leduc

    Et après tout ca, tu m’étonnes qu’il y a des gens qui écrivent des théories du complot avec de riches banquiers qui ont envie de mettre main basse sur le monde, de contrôler l’argent et la création d’argent, d’imposer leur nouvel ordre mondial.
    Et tu m’étonnes qu’il y a des gens pour y croire vu la façon dont se déroule les choses actuellement dans le monde de la finance, le manque de clarté à pouvoir expliquer ce qui se passe, le manque de sens qui semble jaillir de tout ca.

    Euh finalement, parfois je me dis que la théorie de la conspiration des banquiers avec CFR, trilatérale, Bildergerg et compagnie me parait BIEN PLUS crédible que tout ce qu’on a pu essayer de rationaliser sur la monnaie

    Bon toute proportion gardée, n’exagérons rien non plus 🙂

  11. Avatar de Dani

    @Shiva :

    Je connais (très bien – difficile d’aller plus près…) un directeur de banque et il admet que les « banques créent de la monnaie ». Mais son avis n’est ici qu’un avis parmi d’autres. Ce débat échappe largement aux questions qui font le quotidien des banquiers comme cela a déjà été souligné.

    Pour moi, la question reste : qu’est-ce que cela change si les banques commerciales « créent » de la monnaie ou si elles mettent en circulation des « promesses » en multipliant les moyens de paiement sur la base de la monnaie existante ?

    Peut-être que résoudre cette question fondamentale permet d’être plus crédible (et je soupçonne que ce soit un point fondamental de la recherche de Paul Jorion), mais après…. on en fait quoi ?

    1. Avatar de Bruno LEMAIRE

      Le point important est de déterminer la responsabilité dans la crise monétaire.

      Sont-ce plutôt les banques, et leurs prêts « déraisonnables » à vue spéculative, ou est-ce plutôt la Banque Centrale?

      Faut-il plutôt utiliser le diviseur monétaire entre M1 et la monnaie fiduciaire, les banques commandent, la B.C. suit, ou plutôt le multiplicateur monétaire, la B.C. contraint, les banques commerciales suivent.

      Le débat n’est donc pas « que » théorique.

      Cordialement, B. L.

  12. Avatar de Archimondain
    Archimondain

    @ Eminence Thénar

    ‘N’avez-vous jamais imaginé que ce puisse être l’inverse ?’
    Je ne suis pas sûre de comprendre votre question.

    Dans l’extrait que vous présentez ici, les 10.000 qui « n’existaient pas avant » sont bien les 10.000 créés à partir de rien par la banque centrale, lors d’un achat de T-Bond. Ce n’est pas de l’argent qui provient d’une multiplication par réserve fractionnaire. De plus, l’extrait que vous présentez est précédé de celui-ci :

    The expansion process may or may not begin with Bank A, depending on what the dealer does with the money received from the sale of securities. If the dealer immediately writes checks for $10,000 and all of them are deposited in other banks, Bank A loses both deposits and reserves and shows no net change as a result of the System’s open market purchase. However, other banks have received them. Most likely, a part of the initial deposit will remain with Bank A, and a part will be shifted to other banks as the dealer’s checks clear.

    Il est clairement écrit que si la personne retire ses 10.000, la banque n’a plus ni réserves ni dépôts. Une astuce comptable fait que ces 10000 apparaissent deux fois. Une fois pour les réserve et une fois pour l’argent du dépôt. La banque peut alors prêté 90% de l’argent des réserves comme si celui-ci avait été créé. Cependant, ces réserves sont directement corrélés au dépôt. Et si la personne retire son dépôt, cela retire aussi l’argent des réserves. Ce nouvel argent n’est donc pas vraiment du nouvel argent. Pour ma part, je ne comprend pas l’intérêt de présenter les choses comme elles le sont dans ModernMoneyMecanism. Je trouve que ça porte à confusion.

    Certains semblent déçu de nous voir pinaillez autour de cet aspect très particulier des choses, à la place de traiter des questions plus intéressantes et d’élever un peu le débat. Aussi, je m’excuse de faire partie de cet inertie qui ramène les discussions toujours au même point. Si vous pensez qu’il est temps de passer à autre chose, je le ferais avec plaisir. Mais selon moi, si l’on arrive déjà pas à répondre à des questions simples, il y a peu de chance qu’on arrive à répondre à des questions plus compliquées.

  13. Avatar de Eminence Thénar

    @ Archimondain :

    Ce que vous expliquez est juste mais ne remet rien en cause, ce sont des points différents du phénomène.

    Si l’individu A met 1000 dans sa banque, ce n’est pas de l’argent qui appartient à la banque (contrairement à ce que dit Paul dans son post avec Eusèbe, Casimir et la banque Tirelire), ce n’est pas non plus une dette de la banque à l’individu A. Par contre la banque s’en servira pour ses établir ses fonds et ses capacités d’emprunts dans le respect des réserves fractionnaires.

    Ainsi quand A dépose 1000, la banque pourra créer et prêter 900 car ses fonds augmentent.

    Par contre si l’individu A retire ses 1000 euros de son compte, ça diminuera les capacités de crédits de la banque qui pourra créer moins de monnaie.

    Il faut lire les pages 6 à 11 et pas seulement mon extrait dont la phrase clé est :

    « Of course, they do not really pay out loans from the money they receive as deposits. If they did this, no additional money would be created. »

    Si il y en a qui sont déçus c’est seulement ceux qui, fidèles de ce blog depuis des mois, ne peuvent ou ne veulent plus s’y exprimer car leur avis contraire a été censuré…

  14. Avatar de Fred L.
    Fred L.

    @Patrick

    Pourquoi M3 n’est plus officiellement publié par la réserve fédérale ?

    Personne ne peut répondre à sa place, mais je dirais que c’est parce que c’est un repère notoire de monétaristes qui prétendent que le seul indicateur de référence est M1. Par ailleurs, on sait que dès lors qu’une banque centrale se fixe un objectif quantitatif, la relation qui préexistait se modifie, les agents économiques changeant de comportement.

    Cela dit, je ne vois pas où trouver une conspiration là-dedans. Si vous souhaitez connaître M3, vous allez sur wikipedia, vous suivez le lien et vous arrivez là : http://www.shadowstats.com/alternate_data. Et bien sûr, que voyez-vous ? Une chose évidente : que M3 a fortement augmenté ces dernières années. Qu’est-ce que cela signifie ? Que comme dans toute crise financière, l’encours de crédit a fortement augmenté, d’où la suspicion que sans cette augmentation, les bulles qui sont en train d’éclater n’auraient pu se former aussi vite. {C’est pour cela que j’ai posté les pages de Hayek plus haut…)

    NB : avant de chercher des conspirations, il faut commencer par comprendre les explications traditionnelles; si elles paraissent problématiques, voire impossibles, alors oui, allez dans cette voie (par exemple pour le 11/09), mais si vous le faites avant d’avoir pris connaissance des informations disponibles, vous décridibilisez ceux qui luttent contre de véritables conspirations.

  15. Avatar de Zolko

    Fred L. dit : « Je ne vois toujours pas quelle est la question en débat. »

    Quelle est la différence entre la monnaie émise par l’état (fiduciaire), et celle émise par une banque privée (scripturale) dans laquelle on a déposé cette monnaie (fiduciaire donc), et qui donne droit à ladite banque privée d’émettre de la monnaie (scripturale cette fois) à hauteur de la réserve fractionnée (dont le taux est imposé par l’état) ?

    Sur les billets imprimés par l’état est marqué le sceau de l’état, ce qui lui donne une force de convertibilité. Les chiffres donnés par les banques privés sur VOTRE relevé de compte… c’est quoi qui leur donne force de convertibilité ? Si j’imprime une feuille et j’y marque dessus 1 €uro, qui va l’accepter ? En quoi c’est différent d’un chèque de banque ? Que récupère l’état contre sa garantie et sa défense de la monnaie scripturale ?

    Par ailleurs, il existe des livres d’école et de vulgarisation sur les trous noirs et les noyaux temps-réels, sur la sexualité des fourmis et les maladies génétiques, mais sur la création monétaire, RIEN. N’est-ce pas louche en soi ? On ne devrait même pas avoir à discuter de la chose, « normalement » il devrait suffire de lire quelques ouvrages universitaires qui font référence. Où sont-ils, ces ouvrages universitaires ? Si on se réfère à la seule source officielle (ModernMoneyMechanics.pdf by FED), on y lit (page 3)

    « Who Creates Money?
    Changes in the quantity of money may originate with actions of the Federal Reserve
    System (the central bank), depository institutions (principally commercial banks), or the
    public. The major control, however, rests with the central bank.
    The actual process of money creation takes place primarily in banks. »

    « The actual process of money creation takes place primarily in banks. »

    Bon, c’est clair, là ?

    The actual process of money creation takes place primarily in banks.

    The actual process of money creation takes place primarily in banks.

  16. Avatar de Shiva
    Shiva

    Bonjour Dani,

    J’ai bien du mal à vous répondre, je fais une troisième tentative…

    « qu’est-ce que cela change si les banques commerciales “créent” de la monnaie ou si elles mettent en circulation des “promesses” en multipliant les moyens de paiement sur la base de la monnaie existante ? »

    – Un « bonne » compréhension du système actuel, me semble plutôt indispensable pour » faire du neuf »…

    – L’idée que des entreprises privées puisse agir en toute liberté, sur ce qui est l’énergie de l’économie et de la prospérité humaine dans un but de recherche du profit maximal me pose un gros problème moral.
    le « parasitage » d’un bien, à mon sens universel, me semble moins important, voir absent, si les organismes de crédit agissent dans un cadre et sur une base monétaire décidée et gérée par un organisme plus proche du contrôle démocratique et de l’intérêt commun.

  17. Avatar de Patrick Barret
    Patrick Barret

    @Fred L.

    Et bien sûr, que voyez-vous ? Une chose évidente : que M3 a fortement augmenté ces dernières années. Qu’est-ce que cela signifie ? Que comme dans toute crise financière, l’encours de crédit a fortement augmenté, d’où la suspicion que sans cette augmentation, les bulles qui sont en train d’éclater n’auraient pu se former aussi vite. {C’est pour cela que j’ai posté les pages de Hayek plus haut…)

    http://www.shadowstats.com/imgs/sgs-m3.gif?hl=ad

    Et bien nous ne lisons pas le même graphique Fred, car selon l’indicateur fourni « SGS M-3 », il semble bien en effet y avoir eu une forte augmentation jusqu’à début 2008, mais suivie d’une chute vertigineuse de cette même simulation d’agrégat, conjointement à une hausse astronomique et simultanée de l’indicateur M1.

    équation : hausse M3 – baisse M1 = …

    NB : Ce sont des faits qui n’ont rien à voir avec une quelconque conspiration.

  18. Avatar de bankster.tv

    Bankster.tv remercie Eminence Thénar pour avoir fait et dit ce qui nous a été censuré
    Modern Money Mechanics a été utilisé par Paul Grignon et le Zeitgeist mouvement pour Zeitgeist Addendum.
    (comme cité sur notre site, et la page de l’Argent Dette sur Vimeo, mais ce lien comme les autres semblent trop durs a cliquer pour certains)
    C’est un document officiel de la FED de chicago et c’est grâce a ce document notamment que l’on sait ce qu’il se passe.
    J’avais déjà conseillé a Paul Jorion de le lire avant de se prononcer (idem pour tous les autres qui s’expriment sur la monnaie ici)
    Parce que tant que vous ne l’avez pas lu, vous parlez de quelque chose que vous ne connaissez pas.
    Il faut lire les règles du jeu avant de les commenter et de dire que les films amateurs qui les expliquent sont faux.

    Si vous voulez être sur de perdre un jeu, jouez avec celui qui a inventé les règles…

  19. Avatar de Shiva
    Shiva

    @Dani
    Autre chose, si je recherche des données factuelles c’est que la loi et les règlements européens que j’ai pu trouver me semblent flous sur le droit de création monétaire par les organismes de crédit. A tel point que j’ai l’impression qu’ils ont la possibilité de faire comme ils le souhaitent, à savoir; du crédit « comptable » à qui mieux mieux en respectant les 12,5% du ratio McDonough de fonds propres (pondéré…) par rapport au risque de crédit; et utiliser comme ils le souhaitent (en tant que liquidités) les fonds déposés en respectant le ratio de réserve (actuellement 2% dans la zone euro) sachant que les nouveaux crédits produiront de nouveaux dépôts. Si ils deviennent illiquides, financement automatique par leur banque centrales qui ne peut courir le risque d’une faillite dans son secteur…

    J’ai peur que le système fonctionne comme cela, mais je n’en sais rien, je n’en ai aucune preuve factuelle.

    Les modèles théoriques ne permettent pas de répondre pas à la question de l’origine « comptable » ou « monétaire » (dépôts) des prêts. Les doc de la FED de la BCE, les déclarations de banquiers ou de comptables de banques, voir de concepteurs de logiciels bancaires, me semblent plus probants…

  20. Avatar de Fred L.
    Fred L.

    @ Patrick

    « Et bien nous ne lisons pas le même graphique Fred, car selon l’indicateur fourni “SGS M-3”, il semble bien en effet y avoir eu une forte augmentation jusqu’à début 2008, mais suivie d’une chute vertigineuse de cette même simulation d’agrégat, conjointement à une hausse astronomique et simultanée de l’indicateur M1. »

    Exactement : hausse de M3 quand les taux d’intérêts étaient bas et que les bulles se développaient – tout le monde était optimiste – et maintenant que les bulles ont explosé M3 chute et les banques centrales tentent de la compenser en créant de la base monétaire M1.

    @ Zolko

    « Par ailleurs, il existe des livres d’école et de vulgarisation sur les trous noirs et les noyaux temps-réels, sur la sexualité des fourmis et les maladies génétiques, mais sur la création monétaire, RIEN. N’est-ce pas louche en soi ? On ne devrait même pas avoir à discuter de la chose, “normalement” il devrait suffire de lire quelques ouvrages universitaires qui font référence. Où sont-ils, ces ouvrages universitaires ?

    Mais il y en a des milliers, écrits depuis des siècles, il suffit d’aller dans une bibliothèque ! N’importe quel manuel de théorie monétaire en parle, plus tous les grands économistes de l’histoire.

    “The actual process of money creation takes place primarily in banks.” Ce n’est pas à moi qu’il faut le dire, mais ce n’est pas une nouveauté.

  21. Avatar de Zolko

    Fred L. dit: « Mais il y en a des milliers, écrits depuis des siècles, il suffit d’aller dans une bibliothèque ! N’importe quel manuel de théorie monétaire en parle, plus tous les grands économistes de l’histoire. »

    Références s’il vous plaît ? Dire « toutes les preuves sont là, à vous de les chercher » n’est pas une preuve, n’est pas scientifique. Et ne fait que renforcer la thèse selon laquelle justement, ces preuves n’existent pas. Elles n’existent pas soit à cause d’une conspiration des banquiers, soit à cause d’un système mal-fichu (ce qui expliquerait pourquoi il sa casse la gueule).

    Dans tous les cas, on peut conclure scientifiquement que le système est mauvais. Les monnaies scripturales et fiduciaires ne peuvent être identiques, ni même similaires. Le système actuel est équivalant à l’autorisation de la fausse monnaie.

  22. Avatar de Archimondain
    Archimondain

    @zolko
    Je ne peux pas vous laisser dire cela.

    Indépendamment du fait que j’ai raison ou pas quand j’affirme que les banques commerciales ne créé pas d’argent. Quand bien même ce serait le cas, tout le monde s’accorde alors pour dire que cet argent est détruit une fois remboursé. Si la personne ne rembourse pas, la banque doit le faire à sa place.

    Les faux-monnayeurs ne s’encombre pas d’une telle contrainte.

    Notez que je ne cautionne pas non plus le système actuel, dont l’échec est flagrant quand au fait de permettre à l’ensemble de l’humanité de ‘vivre bien’ (terme à développer) ne serait-ce que matériellement. Cependant, je le redis, la critique doit rester juste et cohérente avec la réalité, sans quoi nous ne sommes qu’une bande de mécontent sans pensée construite et sans crédibilité.

  23. Avatar de tigue
    tigue

    Dans un organisme vivant, les sang joue un rôle très important.
    Il serait intéressant d’ étudier l’ évolution différents regards des scientifiques, des philosophes, des poetes, sur ce sujet.
    En effet, si on demande a n’ importe qui ce qu ‘est le sang, on vous répondra d’ un haussement d’ épaule, que c’ est evident : c’ est un fluide qui est necessaire a la vie de l’ organisme.
    Descartes avait compris la fonction des artères et des veines.
    En approfondissant un peu, on vous dira qu ‘il est nécessaire au fonctionnement de chaque organe.
    Un organe qui ne reçoit plus de sang va « appeler a l’ aide » en envoyant des signaux de nature variés (nerveux, hormonaux, biologiques…), la composition du sang va se modifier pour essayer de dissoudre un caillot, ou colmater un saignement, voire se modifier de façon générale en provoquant une coagulation chaotique et disséminée de tous les petits vaisseaux sanguins de l’ organisme entraînant la mort de l’ organisme (CIVD).

    Le sang transporte autre chose que l’ oxygène : il transporte notamment les effecteurs du système de défense cellulaire de l’ organisme contre les infections.
    Il transporte de nombreuse hormones necessaires a la régulation de la quantité d’ eau dans le corps, au réglage du diamètre des vaisseaux sanguins, de la pression du sang, de la vitesse de battement du coeur…

    Notre débat sur la monnaie ressemble a celui qu ‘ aurait pu avoir Descartes avec un mécanicien des fluides d’ aujourd ‘ hui: quelques règles de 3, un peu d’ équations différentielles, agrémenté d’ un peu de théorie du Chaos…
    Mais ce débat n’ est jamais que quantitatif, et ne nous parle pas de la fonction, ou des fonctions de la monnaie.

    Ce débat de mécaniciens ne peut aboutir qu ‘à deux choses : la transfusion ou la saignée.
    Ce traitement peut certes parfois sauver le malade (si les petits vaisseaux ne sont pas irréversiblement bouchés), mais il n’ apporte aucune connaissance sur la maladie et sa récurrence.

  24. Avatar de Zolko

    Archimondain dit : « Indépendamment du fait que j’ai raison ou pas quand j’affirme que les banques commerciales ne créé pas d’argent.  »

    Selon la FED, vous auriez tort: “The actual process of money creation takes place primarily in banks.”

    « cet argent est détruit une fois remboursé. »

    Oui, comme vous dites, « cet argent là », mais les intérêts sur « cet argent là » ne le sont pas (détruits). C’est bien expliqué dans Zeitgeist Addendum (2), les banques privées créent de la monnaie, qui est détruite lorsqu’elle est remboursée, mais elle est remboursée avec intérêts, et l’argent pour rembourser les intérêts, il vient d’où ? Il vient du futur, c’est la dette perpétuelle. Dans le système actuel, il n’y a pas assez d’argent en circulation pour payer la totalité des crédits en circulation, à cause des intérêts. Donc la masse monétaire augmente sans cesse. C’est inscrit dans les bases fondatrices du système.

  25. Avatar de Brieuc Le Fèvre

    Bonsoir,

    H. Creutz ne me convainc point. De ses « points de réflexion », je tire l’inverse de ce qu’il affirme. Qui a raison?
    ____________________________________
    1) que lors de chaque réutilisation du premier dépôt supposé de 100 millions, suite au crédit qu’il a permis d’accorder, il se produit à chaque fois un nouveau dépôt d’un client quelconque de la banque, dépôt qui, bien entendu, peut être de nouveau prêté ;
    ____________________________________

    C’est bien cela même, le principe du « multiplicateur de crédit », n’est-ce pas? Le système permet, à chaque tour, de prêter une nouvelle fois la somme initiale, moins le % de réserve fractionnaire obligatoire. C’est une équation de décroissance exponentielle, de la forme M(t) = M(0).exp(-%t), qui exprime le montant M qui peut être prêté au tour t, sachant que le montant initial est M(0), et que le taux de rétention est %. Cette équation tend asymptotiquement vers zéro, ce qui fait que au bout d’un nombre restreint de tours, le cumul des prêts n’augmente plus significativement. Le cumul tend à se borner à 9 fois le montant initial quand % = 0,10 (soit 10%)

    _________________________________________
    2) que l’enchaînement des octrois de crédits et des constitutions de réserves par les banques tel qu’il est décrit ne peut se faire qu’aussi longtemps qu’aucun des déposants ne dispose de son avoir en effectuant un retrait ou un virement ;
    _________________________________________

    Je ne comprends pas Creutz sur ce point. Cela voudrait dire que, si je prends un crédit pour acheter une voiture, je bloque la chaîne des dépôts-crédits dès lors que j’achète réellement la voiture, mais pas tant que je diffère l’achat, bien que la somme ait été inscrite sur mon DAV? Je ne vois pas les implications de cette affirmation.
    __________________________________________
    3) qu’en réalité, au fil du processus, on n’assiste nullement à un accroissement de la masse monétaire mise en circulation, de quelque manière que ce soit, mais toujours à une réutilisation, tandis que, à chaque étape, la masse monétaire réellement existante est inéluctablement le résultat de l’addition des réserves constituées jusque-là et du crédit accordé en dernier, et équivaut au montant initial de 100 millions ;
    _____________________________________

    Donc, ma banque peut prêter 10 000. Elle me propose un crédit de ce montant, pour que j’achète une voiture. Je donne l’argent à mon concessionnaire. Il le dépose sur son compte. Sa banque en retient 1000 comme réserve, et en reprête 9000 à un boulanger, qui veux réinvestir dans un four neuf. Il achète son four, et le fournisseur du four dépose la somme sur son compte. Sa banque en retient 900, et et reprête 8100 à un famille qui fait des travaux d’isolation de son logement. Ils payent l’entrepreneur, etc.

    Faisons la somme des biens achetés à partir des 10 000 de départ: 10 000 + 9 000 + 8 100 = 27 100. A ce point, certes, il y a utilisation de la même somme successivement, ce qui conforte l’idée que les banques ne créent pas de monnaie, mais que les additions des opérations permises par cette même monnaie est une sorte d’erreur conceptuelle. Seulement voilà: cette monnaie, au départ, n’appartient pas aux acheteurs des biens, qui doivent simultanément rembourser 27 100 aux banques, quand seulement un peu plus de 1 000 existent vraiment au départ (la réserve fractionnaire de 10% de ma banque =1 111). Il y a donc accroissement de la dette totale. A partir du moment où l’on accepte l’idée que la monnaie bancaire est une dette, il y a bien accroissement de la monnaie bancaire. Ce qui m’amène a considérer que l’opposition entre pro et anti « ex-nihilo » se situe surtout sur un terrain sémantique : qu’est-ce que la monnaie? Et par exemple, qu’est-ce que « la monnaie réellement existante » citée par Creutz?

    _____________________________________
    4) que non seulement il ne se produit pas d’accroissement de la masse monétaire mais, qu’en fait, en ce qui concerne la masse monétaire active et axée sur la demande, elle diminue même constamment, étant donné que sur les 100 millions initiaux, des montants de plus en plus élevés sont gelés dans les réserves des banques jusqu’à être totalement absorbés ;
    _____________________________________

    Cette affirmation ne fait rien d’autre qu’exprimer autrement l’équation de la décroissance exponentielle du montant résiduel éligible au prêt (qui tend vers zéro), autrement dit, le fait que le « multiplicateur de crédit » est un nombre réel qui dépend du « ratio prudentiel ». Elle n’apporte rien au débat.

    _____________________________________
    5) que l’utilisation répétée de la monnaie, que ce soit pour procéder à des achats, la prêter ou en faire cadeau, n’accroît jamais sa masse mais uniquement les opérations d’achats, de prêts ou de dons ainsi effectués, qui, bien entendu, additionnées, donnent des montants de plus en plus élevés.
    _____________________________________

    Sauf que dans le cas des échanges commerciaux en séries il se produit une somme croissante d’extinctions de dettes aussitôt celles-ci contractées (vous prenez un objet au magasin, vous déclarez vouloir en devenir propriétaire, vous êtes en dette face au commerçant, vous acquittez cette dette en entier avant de quitter le magasin) ; dans le cas de la réutilisation de monnaie pour des prêts en série, il se constitue une somme croissante de dettes bien réelles, qui devront être remboursées par le travail bien réel des emprunteurs (et en plus, avec un intérêt considérable)

    ____________________________________
    Les faits énumérés ci-dessus sont encore plus clairs lorsqu’on se représente cet enchaînement, non pas au niveau de banques, mais au niveau d’opérations commerciales, et qu’il s’agit non plus de prêts à répétition mais de ventes à répétition. Là aussi, on peut supposer que chaque commerçant met dix pourcent de sa recette de côté et qu’il dépense le reste directement ou indirectement dans un autre magasin pour faire des achats. Là encore, l’addition des opérations d’achat donnerait le même résultat que celles des opérations de crédit dans le cas de la « surmultiplication de la création monétaire ». Et pourtant personne n’irait prétendre que la masse monétaire a été multipliée par neuf ou que les commerçants ont créé 900 millions [ex nihilo].
    ____________________________________

    Ceci reprend ce que j’ai écrit au dessus de ce même paragraphe: il ne faut pas confondre multiplication du crédit (=extension de la dette globale) et vitesse de circulation de la monnaie (=extinction de plusieurs dettes par une même monnaie), car les processus ne sont pas symétriques, ni bien évidemment leurs conséquences.

    Avant de poster ce message, je voudrais faire, très humblement, une tentative de réconciliation des partis pro et anti « ex nihilo », sur la base de cette dernière réflexion. Je propose pour cela deux tableaux, dont l’un exprime le point de vu de Creutz sur les échanges commerciaux, et l’autre les visions croisées de pro et des anti « ex nihilo » sur la monnaie. Le premier tableau est là pour démontrer que le dernier argument de Creuz (son point 5) n’est pas valable en tout point, du fait d’une dissymétrie des processus en jeu.

    Tableau 1: la vitesse de rotation de la monnaie.

    Somme disponible au départ: 10 000. Rétention par chaque intervenant: 10% (on peut d’ailleurs discuter de ce point, car finalement, ces 10% finiront bien par servir à quelque chose au sein de l’économie réelle: ils ne sont pas « bloqués » comme le sont les 10% de la réserve fractionnaire de la banque)

    Somme reçue en paiement Somme retenue Somme transférée à l’acteur économique suivant
    10 000 1 000 9 000
    9 000 900 8 100
    8 100 810 7 290
    7 290 729 6 561
    etc…

    Résultat: une même somme de monnaie de 10 000 a permis d’échanger des biens et services pour 40 951, en intégrant le premier paiement de 10 000. Ces échanges sont réels, et fermes. Il n’y a plus aucune raison de revenir dessus, tout est classé entre tous ces acteurs économiques, jusqu’à la prochaine fois.

    Tableau 2: la multiplication du crédit

    Réserve obligatoire de la première banque: 1 111

    Crédit accordé (et déposé sur un autre compte ailleurs) Réserve retenue Capacité résiduelle de crédit
    10 000 1 000 9 000
    9 000 900 8 100
    8 100 810 7 290
    7 290 729 6 561
    6 561 656
    etc…

    Nous voyons ici que, comme l’exprime Creutz, la somme initiale de 10 000 va progressivement de retrouver « bloquée » dans les réserves obligatoires : c’est le cumul des réserves retenues (4 095, soit 40% de la monnaie initiale en seulement 4 tours). De son côté, la capacité résiduelle de crédit décroît asymptotiquement vers zéro. Il semble donc bien à ce point que ce soit le prêt successif de la même monnaie, systématiquement amputée de 10% de son montant à chaque tour, qui permette une succession d’échanges commerciaux. En effet, chaque crédit accordé va fatalement servir à un échange commercial (une voiture, un four de boulanger, des travaux d’isolation, etc).

    Seulement, au terme de la série des prêts successifs, il y aura une dette totale de l’ensemble des emprunteurs qui sera ici de 40 951, et qui va perdurer au delà de l’échange commercial permis par l’emprunt!!! Or, cette dette est ce que s’échangent les acteurs économiques, puisque ce sont ces montants, inscrits sur leurs comptes DAV, qu’ils s’échangent par le truchement des moyens de paiement scripturaux! Cette dette est donc, dans l’économie réelle, une monnaie!

    Donc, selon que l’on se réfère à la première ou à la deuxième colonne du tableau, il y a, ou il n’y a pas, création monétaire! C’est à mon sens là qu’il faut situer l’opposition entre pro et anti « ex nihilo ». C’est la confusion des termes et des sens attachés à chacun d’eux qui provoque cette opposition. En réalité, ce que multiplie le crédit bancaire, c’est la dette globale. Et ce que s’échangent, comme si c’était une monnaie réelle, les acteurs économique, c’est de la dette. Si, sur la base de sa capacité à l’échange commercial, cette dette est elle aussi appelée « monnaie », tout s’embrouille!

    Dernier point: les mécanismes du tableau 1 et du tableau 2 sont couplés par le fait que les sommes retirées des comptes des emprunteurs inscrits au tableau 2 vont circuler au sein de l’économie réelle, selon le principe du tableau 1. Chaque somme prêtée (donc chaque dette qui circule) sert plusieurs fois, et permet donc des échanges économiques au delà de sa valeur initiale. Et chaque unité monétaire circulant ainsi finira, à un moment ou à un autre, par revenir éteindre, auprès d’une banque, une partie de la dette globale. Donc, au final, quand tous les échanges souhaitables ont été faits, et toutes les dettes remboursées, il n’y a plus de monnaie, mais plus non plus d’économie souhaitée, donc plus besoin de cette monnaie. C’est parfait. Sauf que les banques exigent un intérêt sur chaque prêt…

    En conséquence, la dette globale, du fait de l’intérêt, est tout simplement inextinguible. D’une part parce que les remboursement principal + intérêts ponctionnent de la dette en circulation au delà de la dette globale émise, et d’autre part parce que cette destruction de dette se traduit par une ponction de biens réels par les créanciers, quand certains acteurs se retrouvent insolvables (c’est la » chaise musicale » de Paul Grignon). Cette accaparement de biens réels produits un besoin de les remplacer ou de les racheter, deux options génératrices de nouveaux crédits, donc de nouvelles dettes.

    C’est pourquoi le système bancaire actuel est souvent considéré par ses détracteurs comme un « aspirateur à richesses réelles », au bénéfice des acteurs de ce système, et au détriment du bien commun. Ce qui, à mon sens, n’est pas faux, et amène à une réflexion POLITIQUE sur les rôles de la finance, de la banque, et de la monnaie au sein de nos sociétés qui se disent « démocratiques ».

    En m’excusant de la longueur…

    Brieuc

  26. Avatar de Brieuc Le Fèvre

    Une dernière réflexion: la dissymétrie entre la vitesse de rotation de la monnaie et la multiplication de la dette tient tout simplement à la rémanence de la dette au delà du moment de l’acte d’échange commercial pour lequel elle a été créée.

    C’est cette persistance de la dette dans le temps qui crée son accroissement tout au long du cycle dépôt-crédit, et donne, au final, une augmentation des moyens d’échange disponibles.

    Comme la dette est utilisée pleinement comme une monnaie (moyen d’échange, réserve de valeur, unité de compte), il apparaît clairement que la persistance de la dette au delà du temps de l’échange pour lequel elle a été créée, crée de la monnaie, même si celle-ci est temporaire. Toutefois, ce « temporaire » est tout relatif, puisqu’il est démontré que les fondements mêmes du système bancaire et financier imposent une augmentation exponentielle de la dette. Donc, si chaque unité de monnaie de dette est temporaire, la monnaie de dette en elle même est permanente, et sa masse s’accroît avec le temps.

  27. Avatar de Patrick Barret
    Patrick Barret

    @ Fred L.

    Plus intéressant cette fois car les statistiques proviennent de la FED:

    FEDERAL RESERVE statistical release (4 décembre 2008)
    http://www.federalreserve.gov/releases/h3/Current/

    H.3 (502)
    Table 1
    AGGREGATE RESERVES OF DEPOSITORY INSTITUTIONS AND THE MONETARY BASE
    in Millions of dollars, adjusted for changes in reserve requirements

    Mois______|Monetary_base_| borrowings from the Federal Reserve NSA
    2007-11___|___825.422M$_|_____366M$
    2007-12___|___823.348M$_|__15.430M$
    2008-01___|___821.406M$_|__45.660M$
    2008-02___|___822.560M$_|__60.157M$
    2008-03___|___826.994M$_|__94.523M$
    2008-04___|___824.408M$_|_135.410M$
    2008-05___|___826.461M$_|_155.780M$
    2008-06___|___832.528M$_|_171.278M$
    2008-07___|___838.142M$_|_165.664M$
    2008-08___|___841.709M$_|_168.078M$
    2008-09___|___903.524M$_|_290.105M$
    2008-10___|_1.128.479M$_|_648.319M$
    2008-11___|_1.433.092M$_|_698.786M$

    Que vous inspirent donc ces chiffres ?

  28. Avatar de Shiva
    Shiva

    @Tigue

    Je vous offre une autre vision anatomique et physiologique de la monnaie et du crédit, par un autre grand penseur qui lui aussi pouvait parler du sang, puisqu’il était médecin, et surtout métaphysicien, d’une époque ou les ravages du cartésianisme n’avaient pas encore imposé cette folie de retirer l’observateur de l’expérience et de séparer la philosophie de la science.

    Bonne lecture en vieux François bien sur !

  29. Avatar de Patrick Barret
    Patrick Barret

    @ Archimondain

    Par essence, la création monétaire ex nihilo que pratiquent les banques est semblable, je n’hésite pas à le dire pour que les gens comprennent bien ce qui est en jeu ici, à la fabrication de monnaie par des faux-monnayeurs, si justement réprimée par la loi.”
    Maurice Allais, Prix Nobel de sciences économiques 1988, La Crise mondiale aujourd’hui (éd. Clément Juglar 1999)

  30. Avatar de Dani

    @shiva : je suis d’accord avec ce que vous dites, ma question ne porte pas là-dessus. Je constate juste que si c’est de la monnaie créée ou si c’est des multipliants de la monnaie, cela revient au même : des entreprises privées, recherchant le profit, se sont accaparé une « institution d’utilité publique ». C’est pareil dans les 2 cas et je ne vois pas ce que cela a de tellement important de vouloir absolument trancher entre ces deux interprétation qui font l’essentiel du débat ici.

    Ou alors, je suis incapable de voir les réels enjeux de cette distinction… et dans ce cas j’aimerais les découvrir, d’où ma question.

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