Pourquoi il n’y a pas de « création monétaire » par les banques commerciales, par Helmut Creutz

J’ai écrit hier que cela me prendrait cinq ans de mettre au point une théorie de la monnaie qui me satisfasse. Je n’avais envisagé qu’un seul cas : celui où nous serions seuls, vous et moi, travaillant ensemble. Or, j’ai reçu du renfort, par courrier. Ute Höft me fait parvenir un exemplaire de Le syndrome de la monnaie de Helmut Creutz, originellement paru en 1993 et traduit de l’allemand par Economica en 2008.

Je vais pouvoir gagner du temps parce que l’auteur analyse de nombreux aspects de la monnaie auxquels je n’ai pas encore l’occasion de réfléchir, et que sur ceux dont j’ai débattu ici, nous disons lui et moi strictement la même chose.

Donc si mes explications pourquoi les banques commerciales ne créent pas de monnaie ex nihilo vous ont convaincu, vous n’apprendrez peut–être pas grand-chose en lisant les pages du livre que je reproduis ci-dessous (169 à 171) mais si vous croyez toujours à la création monétaire par les banques commerciales, un autre auteur réussira peut-être là où j’ai échoué jusqu’ici.

(Vous reconnaîtrez au passage dans le texte de Creutz mon « principe de conservation des quantités », mon explication des masses monétaires en termes de double emploi, ma « reconnaissance de dette », ainsi que la distinction que je fais entre flux monétaires et opérations comptables).

La « surmultiplication de la création monétaire »

La plupart des livres d’enseignement affirment que les possibilités de création monétaire des banques sont en principe illimitées. Elles ne sont restreintes que par des ratios d’encaisse ou de réserves bancaires qu’elles doivent maintenir auprès des banques centrales ou d’émission, soit de plein gré, soit parce qu’elles y sont obligées. Et cette relation entre le montant des réserves et l’accroissement monétaire est même calculée par les théoriciens de la surmultiplication de la création monétaire avec une grande exactitude mathématique. Si les réserves se montent en tout à 5 % du portefeuille des dépôts, les banques peuvent, à partir de chaque dépôt bancaire effectué créer un montant de crédit dix-neuf fois supérieur, neuf fois supérieur en cas de réserves de 10 % et quatre fois supérieur en cas de réserve de 20 %. Le résultat de la création monétaire est donc inversement proportionnel au montant des réserves retenues.

[Prenons l’exemple de 100 millions provenant d’une banque d’émission, soumis à des réserves fractionnaires de 10 %, et qui créeraient ainsi des « fonds de crédit » de 900 millions.]

En additionnant les crédits accordés en chaîne on arrive dès la troisième étape à un montant de 244 millions. En continuant ainsi la série infinie où les valeurs diminuent d’étape en étape, effectivement on arrive arithmétiquement à une somme de 900 millions, soit neuf fois plus que l’apport initial de 100 millions.

Mais si l’on reprend les opérations, pas à pas, en laissant la théorie de côté, on constate :

1) que lors de chaque réutilisation du premier dépôt supposé de 100 millions, suite au crédit qu’il a permis d’accorder, il se produit à chaque fois un nouveau dépôt d’un client quelconque de la banque, dépôt qui, bien entendu, peut être de nouveau prêté ;

2) que l’enchaînement des octrois de crédits et des constitutions de réserves par les banques tel qu’il est décrit ne peut se faire qu’aussi longtemps qu’aucun des déposants ne dispose de son avoir en effectuant un retrait ou un virement ;

3) qu’en réalité, au fil du processus, on n’assiste nullement à un accroissement de la masse monétaire mise en circulation, de quelque manière que ce soit, mais toujours à une réutilisation, tandis que, à chaque étape, la masse monétaire réellement existante est inéluctablement le résultat de l’addition des réserves constituées jusque-là et du crédit accordé en dernier, et équivaut au montant initial de 100 millions ;

4) que non seulement il ne se produit pas d’accroissement de la masse monétaire mais, qu’en fait, en ce qui concerne la masse monétaire active et axée sur la demande, elle diminue même constamment, étant donné que sur les 100 millions initiaux, des montants de plus en plus élevés sont gelés dans les réserves des banques jusqu’à être totalement absorbés ;

5) que l’utilisation répétée de la monnaie, que ce soit pour procéder à des achats, la prêter ou en faire cadeau, n’accroît jamais sa masse mais uniquement les opérations d’achats, de prêts ou de dons ainsi effectués, qui, bien entendu, additionnées, donnent des montants de plus en plus élevés.

Les faits énumérés ci-dessus sont encore plus clairs lorsqu’on se représente cet enchaînement, non pas au niveau de banques, mais au niveau d’opérations commerciales, et qu’il s’agit non plus de prêts à répétition mais de ventes à répétition. Là aussi, on peut supposer que chaque commerçant met dix pourcent de sa recette de côté et qu’il dépense le reste directement ou indirectement dans un autre magasin pour faire des achats. Là encore, l’addition des opérations d’achat donnerait le même résultat que celles des opérations de crédit dans le cas de la « surmultiplication de la création monétaire ». Et pourtant personne n’irait prétendre que la masse monétaire a été multipliée par neuf ou que les commerçants ont créé 900 millions [ex nihilo].

Où est donc l’erreur de raisonnement de certains théoriciens ?

L’erreur de la théorie classique de la création monétaire réside dans le fait qu’on additionne des avoirs ou des crédits se reconstituant au fil du temps, ou des postes de crédit, aux montants reçus au départ et qu’on déduit de cette addition qu’il y a une création monétaire ou une création de crédit. En d’autres termes : cette théorie assimile l’utilisation multiple de l’argent à un accroissement, elle confond moyen de transport et opération de transport. Mais, pas plus que l’utilisation répétée de wagons ou de camions pour des transports n’entraîne un accroissement du nombre de wagons ou de camions, l’utilisation répétée d’argent pour des achats ou des prêts n’entraîne un accroissement de son montant.

L’erreur de raisonnement et d’interprétation des théoriciens de la création monétaire est sans aucun doute due en grande partie au fait que l’on continue à considérer les avoirs et les portefeuilles de crédit comme du numéraire. Or, en fait, il ne s’agit que de postes de comptabilisation qui documentent le montant des prêts d’argent et les obligations de remboursement qui en résultent, sans que ceux-ci fassent augmenter la masse monétaire en circulation. C’est pourquoi tous les regroupements de numéraires et de dépôts sous la rubrique « masse monétaire » sont si discutables. Ceci vaut surtout pour l’addition des M1 et M3.

Helmut Creutz, Le syndrome de la monnaie, Economica, Paris (2008) : 169-171.

Partager :

273 réponses à “Pourquoi il n’y a pas de « création monétaire » par les banques commerciales, par Helmut Creutz”

  1. Avatar de Dav

    Et bien c’est assez simple. Depuis qu’il n’est plus étalonné sur l’or, l’argent est un petit papier qui fonctionne exactement sur le même principe que ce que vous appelez « reconnaissance de dettes »… il n’y a plus aucune différence, sinon une différence purement conceptuelle que nous tenons en héritage des temps passés.

  2. Avatar de bese
    bese

    Paul Jorion a écrit :
    « J’ai écrit hier que cela me prendrait cinq ans de mettre au point une théorie de la monnaie qui me satisfasse. Je n’avais envisagé qu’un seul cas : celui où nous serions seuls, vous et moi, travaillant ensemble. »

    Pour vous, un système dont le but est d’augmenter la puissance d’une seule machine serait alors plus efficace pour résoudre un problème complexe qu’un système distribué ?
    Ce n’est pas tellement faire confiance dans l’intelligence collective. Il y a certainement moyen de créer une théorie plus rapidement en s’appuyant sur vos lecteurs. Cela nécessite de distribuer les questions et d’accepter les réponses. Pas vraiment facile à faire, je le reconnais.
    La théorie sera finalisé avant qu’une personne n’en soit satisfait. L’analyse complète n’est possible qu’a-posteriori.
    Difficile de faire confiance en quelque chose qu’on ne comprend pas ? Pourtant c’est ce qu’on fait à chaque fois qu’on utilise notre monnaie. Pour ma part, un système conçu à partir d’une théorie ‘collective’, même sans en comprendre toute la portée, devrait pouvoir faire mieux, haut la main, que notre système actuel.
    De plus, la fenêtre pour proposer un autre système financier crédible risque d’être fermé dans 5 ans. Ce serait dommage que votre travail ne débouche pas sur du concret.

  3. Avatar de antoine
    antoine

    OK Dav… je crois comprendre ce que vous tentez de faire.

    Ce que je dis c’est juste que toute position ici implique une décision normative. Non pas que, pour des raisons normatives (et pas nécéssairement arbitraires d’ailleurs), vous choisissez telle ou telle définition.

    J’aimerais savoir ce que font les banques dans votre logique même dans le cas le plus simple décrit par Paul. Si l’argent est toujours une forme de dette, une promesse d’échange contre un service, comment décririez vous ce que fait une banque commerciale, même dans le cas le plus simple? Elle échange une dette contre une créance contre une dette contre une créance… ad nauseam (en ce cas elle ne traite pas la reconnaissance de dette comme une promesse de service, mais comme une promesse de davantage de reconnaissances de dettes!, ce qui est contraire à l’effet recherché qui est d’empêcher l’accumulation/ réification si je vous suis bien).
    Qu’est ce qui m’empecherait d’ailleurs d’avoir moi-même envie d’accumuler des reconnaissances de dette, si elles ont bien le même effet pratique que l’argent?

    Si la question est celle de la proportionalité, alors il va falloir fixer un montant pour chaque dette particulière. Si la justice sociale consiste à spécifier le contenu des attentes légitimes des citoyens les uns à l’égard des autres, en quoi le fait d’avoir fait de l’argent une reconnaissance de dette change t-il quoique ce soit? Je ne vois pas en quoi ceci aide à spécifier le contenu des attentes légitimes des citoyens. On ne peut pas discuter de la répartition/distribution des fruits de la coopération sociale sans adopter un point de vue normatif.
    Ex:
    Wilt Chamberlain est un célebre joueur de basket-ball. Il s’est mis d’accord avec l’équipe dans laquelle il joue pour être payé par une part des recettes sur chaque match, étant la star de l’équipe. La foule se déplace pour le voir. Plutôt que de s’acheter l’intégrale des oeuvres de Thomas d Aquin ou une collection de DVD, ou que sais je encore, les gens choisissent librement de venir le voir jouer. Il a donc acquis beaucoup de reconnaissances de dettes. Des millions. Concrêtement, en quoi cette idée de l’argent comme reconnaissance de dette change t-elle quoique ce soit à la disproportionnalité de l’exemple sus-cité?
    (On pourrait dire que Wilt a acquis ses talents dans le contexte d’une certaine société qui lui a donné les moyens de les exploiter, ou encore que Wilt a ici une situation de rente indue, la rente étant tout ce qui excède le montant minimal en deça duquel il prefererait gagner sa vie autrement qu’en jouant au basketball etc etc…).
    Quel est le lien – DEPOURVU DE PREMISSE MORALE- qui relie votre critique de la disproportionnalité observée ici (à moins qu’elle ne vous choque pas, mais alors laquelle par exemple vous semble indue) et votre conception de l’argent comme dette?
    Je ne vois pas pourquoi une reconnaissance de dette, une fois qu’elle a pris la forme de l’argent, ne pourrait pas s’hériter… Si l’argent n’est qu’un moyen, une reconnaissance de dette, une promesse de service, alors son étude en tant que telle ne nous dira rien sur ce que devrait être une distribution juste/adéquate des reconnaissances de dette? (sauf si bien sûr, et là c’est intéressant, vous pouvez montrer que seul un certain genre de distribution permet de le contenir dans cette fonction de reconnaissance de dette…)

    Pour moi il n’y a pas de « nature » de l argent. L’argent est un instrument, comme un râteau ou une pelle. Il est ce que nous voulons bien en faire. Il remplit les fonctions que nous voulons bien le voir remplir. Ces fonctions impliquent le contrôle de la production et des canaux de circulation de l’argent par les citoyens. La question étant: la manière dont l’argent est produit est-elle compatible avec 1/ la fonction que nous avons bien voulu accorder à l’argent 2/ les idéaux politiques et moraux d’une société démocratique/républicaine?

  4. Avatar de samedi
    samedi

    Je m’étonne du changement de posture de Paul. La maïeutique et le doute ont-ils laissé place à la certitude de l’expert qui n’a plus le droit d’admettre ignorer – l’économie, science ô combien exacte – à présent que les médias l’ont reconnu ? Ai-je très mal lu, est-ce ma mémoire qui défaille, ou bien Paul s’était autorisé, plusieurs fois, il y a quelques mois encore, à changer d’avis publiquement sur les fils de son blog traitant de la monnaie – ou bien encore il rappelait parfois qu’il n’était pas issu du métier (ce qui ne veut pas dire ne pas avoir travaillé dans le métier) ? Est-il devenu économiste certifié ? Qui plus est, spécialiste en matière monétaire ? L’ « avis aux amateurs » lancé en tête d’un billet récent m’a laissé un goût amer. Je trouve d’autant plus regrettable la posture que prend Paul que la qualité des débats qui ont eu lieu sur ce thème et sur ce blog est plutôt remarquable.

    A ce stade, et pour repartir du thème « ex nihilo », je me permets d’exposer cette thèse : les dialogues de sourds naissent de questions mal posées. Moi qui en connais sans doute bien moins sur le sujet que Paul et d’autres, je suis pourtant stupéfait devant la grossièreté de quelques affirmations, alors je m’attache à quelques éléments clairs et nets, il me semble, pour répondre.

    Ma banque prêterait à d’autres clients l’argent que j’ai sur mon compte courant ?
    De deux choses l’une. Soit c’est vrai, et alors c’est contraire la constitution, la Déclaration de 1789 faisant de ma propriété un droit inaliénable ; et ce qui est sur mon compte m’appartient et n’appartient pas à ma banque – dans ce cas, notre régime serait un scandale. Soit c’est faux, et alors les banques commerciales créent de la monnaie, ce qui est, pour certains, un scandale, le scandale en question.

    Une confrère d’Attac, qui semble être du métier et qui critiquait la vidéo de M. Grignon, proposait un document explicatif du bilan d’une banque (de crédit). J’en tire ici un petit extrait – exemple – en chiffres, car il me semble parlant. Son exemple était le suivant, sur une base 100 :

    * Passif : * Actif :
    ————————————— ——————————————————–
    – capital : 8 – prêts à des particuliers ou entreprises : 80
    – dépôts des clients : 30 – prêtés à une Banque Z : 14
    – obligations à 10 ans : 52 – immobilisés en réserves obligatoires : 6
    – empruntés à la banque Y : 10
    ————————————— ——————————————————–
    Total : 100 Total : 100

    1. Ratio de réserves obligatoires et ratio de fonds propres sont respectés.
    2. La banque prête (peut prêter) autant, et même moins, qu’elle reçoit – et immobilise – d’argent (sous diverses formes).

    Vu comme ça, on se dit : qu’un banquier soit de bonne foi en disant que la banque (commerciale) ne crée pas de monnaie, on le comprend puisque effectivement, du point de vue comptable de la banque, celle-ci ne peut prêter que si on lui prête… ou si des clients déposent d’abord de l’argent chez elle. Un argent qu’elle croit prêter. Pour cause : elle doit d’abord en recevoir tant pour pouvoir en prêter autant – sauf à en trouver ailleurs (marché interbancaire, émissions d’obligations, BC).

    Dans cet exemple, on peut voir que les 30 au passif sont considérés comme étant homogènes aux contenus des autres postes du passif, qui eux sont à l’évidence des sommes immobilisables par et pour la banque (ce qui justifie qu’elle paie des intérêts pour en disposer).

    Pourtant, comme l’a rappelé AJH, ma banque n’affiche pas un débit ni je ne sais quel emprunt passager sur mon compte, un vide dans mes dépôts à vue, lorsqu’elle prête de l’argent à un autre client. Manifestement, ce n’est pas évident pour tout le monde. Pour les banquiers en particulier.

    Autre manière de traduire le dilemme qu’a présenté Paul en pensant contredire l’affirmation de M. Allais dans son billet précédent sur la question : d’un côté, la loi est censée garantir à chacun des déposants sa propriété, que n’importe qui ayant des dettes envers lui sera contraint, au besoin par la force, de le rembourser dès lors qu’il est en droit d’exiger son bien ; mais de l’autre côté cela ne vaut que si l’accusé est solvable (même un flique et son flingue ne peuvent faire cracher de l’argent à un clochard). L’État admettrait, donc, précisément que les banques soient en permanence en faillite potentielle. Pas mal, pour qui continue de prélever des intérêts.

    Est-ce que l’exemple cité est faux – ou représentatif d’une banque n’ayant pas le pouvoir de certaines autres ? Comment expliquer, sinon, qu’année après année, comme on peut constater dans les rapports de la Banque de France, l’encours total des crédits augmente d’environ 10% par an dans la zone euro – il en est de même pour la masse monétaire en billets et pièces. Ce qui signifie, au présent, de l’ordre 1 200 milliards d’€ de plus de crédits des banques aux particuliers et entreprises, d’une part, et de 80 milliards d’€ de plus de billets et pièces d’autre part. Au moins 15 fois plus.

    Il faudrait nous expliquer comment cette tendance apparaît, de manière soutenue, sinon parce que les banques créent de la monnaie (autant dire : la monnaie, vu le ratio de 15 / 1 au moins). Que je sache, aucun financier ni aucun politique n’a dit que cette tendance devra s’inverser rapidement parce que ces milliers de milliards qui nous servent à tous de monnaie au quotidien sont l’image – démultipliée – de promesses de… créations de richesses qu’on ne pourra pas créer.

    Mais, vu autrement, si justement on peut les créer, ces richesses futures sur lesquelles toute cette monnaie scripturale est gagée, et puisque le souverain estime que toute cette monnaie scripturale est légale, il faudrait expliquer pourquoi les gens, les entreprises, et les États (même indirectement) sont d’autant plus endettés auprès des banques que tout ce beau monde qui produit est capable de créer des richesses… Car au final, c’est à ces banques, pas à nous-mêmes ou à l’État, qu’on doit principal et intérêts. On peut ajouter que le problème se pose surtout si les banques sont (au mieux) imposées comme n’importe quelle entreprise, tandis que leurs bénéfices sont proportionnels aux crédits qu’elles allouent (non pas à une richesse effectivement – et déjà – crée). Pour le reste, il est évident que « les banques », entités complexes, ont aussi leurs prêteurs. Faut-il préciser que « les banques », ici posées en tant que bénéficiaires, renvoient à une multitude de personnes physiques, qui sont diverses catégories de prêteurs ? De même, dans la fameuse tirade de Maurice Allais sur les « faux monnayeurs », celui-ci dit que « ce ne sont pas les mêmes » qui en profitent, il ne dit pas qui, précisément, en profite. Une chose de sûre, ce sont essentiellement des rentiers.

    Si ce ne sont pas les banques commerciales qui créent la monnaie, qui le fait ? Les États, par ici, n’ont plus le droit de le faire. La Banque centrale ? Elle n’est qu’un organe d’émission primaire qui fournit les banques.

    Note en passant : en 2006 (rapport de la BdF, p61), alors que la BCE prélevait 814 millions d’€ aux banques de la zone euro au titre des intérêts du refinancement, elle leur versait 904 millions d’€… au titre de la rémunérations des réserves obligatoires… « des banques astreintes à réserves obligatoires » (la formule – cf. p 59, tableau de gauche, laisse donc entendre que certaines ne le sont même pas.) Pas mal, un solde de 90 millions créditeur des banques… tandis qu’elles se faisaient rembourser par les agents des intérêts en proportion de quelques 10 000 milliards et qu’elles augmentaient de quelque 1 000 milliards l’encours de crédit à l’économie.

  5. Avatar de samedi
    samedi

    Mon petit tableau se lit sur deux colonnes… ça n’est pas passé.

  6. Avatar de Paul Jorion

    @ Julien Alexandre

    Je ne veux pas diminuer votre mérite d’avoir introduit une

    3ème école (qui est en fait celle de Paul Jorion, avec 1 petite précision destinée à réconcilier tout le monde)

    – oui, les banques prêtent les dépôts, à concurrence de 92 % de la valeur de ceux-ci. Mais elles ne s’arrêtent pas là. Car oui, elles prêtent aussi de l’argent qu’elles n’ont pas, mais elles ne “créent” pas cet argent : ELLES L’EMPRUNTENT ! Par refinancement : soit à long terme par l’émission d’obligations, soit à court terme en empruntant sur le marché interbancaire ou auprès de la Banque Centrale.

    mais j’attire quand même votre attention sur le fait que cette précision se trouvait déjà dans mon premier billet sur la monnaie – celui qui a lancé tout le débat le 7 février : Le scandale des banques qui « créent » de l’argent

    Quand elle vous prête de l’argent, la banque n’en crée pas : si elle peut vous prêter, c’est soit qu’elle utilise l’argent de quelqu’un d’autre, disponible sur son compte–chèque ou sur son livret–épargne (moins les « réserves obligatoires » qu’elle doit conserver comme provisions), soit qu’elle emprunte elle–même cet argent – par exemple en émettant des certificats de dépôt – et vous le re–prête. Son profit résulte du fait qu’elle vous prête à un taux plus élevé que celui qu’elle consent sur un livret–épargne ou que celui auquel elle emprunte elle–même. Il n’y a (malheureusement !) pas de « miracle de création d’argent » : les banques commerciales ne créent pas d’argent ex nihilo ! Pour en prêter, il faut que comme vous et moi, elles le trouvent quelque part !

  7. Avatar de Shiva
    Shiva

    @Julien Alexandre

    Bonsoir,

    « Si les banques ne prêtaient pas les dépôts comme certains le suggèrent, et qu’à partir d’un dépôt de 100, elles soient capables de créer 900, alors les ratios “Loans to deposits” ne seraient pas de 130% ou 140% comme c’est le cas de beaucoup de banques aujourd’hui, mais de 900%. CQFD. »

    Ce que vous dites est vrai si les banques font systématiquement « le plein » de crédits (ce qui est d’ailleurs un postula implicite des modèles simplificateurs donnés en exemple), a mon avis ce n’est probablement pas le cas.

    Pourquoi les banques chercherait-elles de nouveau clients à qui elle ne pourraient rien proposer ?
    Pourquoi les contrats subprimes ?
    Que signifierait la surabondance du crédit ?

    Ce que je dis là n’apporte rien au débat de fond bien sur, et votre troisième voie me semble d’ailleurs plus en accord avec le réel.

    A mon avis les banques gèrent leurs masses monétaire comme elles l’entendent, puisque la loi ne les contraint pas en terme de gestion.
    Elles créent le crédit par une simple opération d’écriture comptable et électronique en respectant les 12,5% du ratio McDonough de fonds propres (pondéré…) par rapport au risque de crédit.

    Elles affectent comme elles le souhaitent (crédits, opérations sur les marchés monétaires…) les dépôts des clients avec leurs autres actifs liquides en respectant le ratio de réserve (actuellement 2% dans la zone euro) pour ces premiers.

    Si elle manquent de liquidités et qu’elle ne les trouvent pas sur le marché monétaire, le financement par leur banque centrale national est quasi certain puisque cette dernière ne peut courir le risque d’une faillite qui mettrait en perdition tous son secteur…

    Partant du principe que ce qui n’est pas interdit est autorisé, j’imagine que c’est un peu comme cela que les banques « fonctionnent », comme toute entreprise qui achète, crée, vends; ici, de la monnaie, sous différentes formes.

    Un calcul de ratio prêts/dépôts réalisé par feu Lehman Brothers (paix à son âme) en 2007:

    http://www.journaldunet.com/economie/expliquez-moi/banques-ratio-prets-depot/en-savoir-plus.shtml

  8. Avatar de Fred L.
    Fred L.

    Au niveau individuel, il me semble que Paul a raison : le bilan de chaque banque est équilibré, par définition la création de monnaie n’apparaît pas. Et pourtant samedi a lui aussi raison, au niveau global la masse monétaire augmente, il y a bien création collective de monnaie (c’est la raison pour laquelle le multiplicateur de crédit s’explique dans les manuels d’économie avec un modèle simplifié comprenant plusieurs banques, ce n’est pas quelque chose qui se comprend au niveau d’une seule banque.) – Maintenant, comment cela se passe-t-il au niveau comptable de chaque banque? De pleins de manières, et comme je ne connais rien à la comptabilité, ce n’est pas moi qui l’expliquerai. Mais il me semble – un exemple parmi d’autres – que la règle du price to market a permis aux banques de surrévaluer la valeur de leurs placements à l’actif, ce qui leur a permis d’augmenter le crédit qu’elles offraient à l’économie, toutes les banques faisant cela, il y a bien eu création de monnaie, qui plus est liée à une croyance déterminée, en l’espèce une bulle sur l’immobilier à surprime.

    @ Samedi

    « Mais, vu autrement, si justement on peut les créer, ces richesses futures sur lesquelles toute cette monnaie scripturale est gagée, et puisque le souverain estime que toute cette monnaie scripturale est légale, il faudrait expliquer pourquoi les gens, les entreprises, et les États (même indirectement) sont d’autant plus endettés auprès des banques que tout ce beau monde qui produit est capable de créer des richesses… Car au final, c’est à ces banques, pas à nous-mêmes ou à l’État, qu’on doit principal et intérêts. »

    Mais par définition, c’est cela le libéralisme; il n’y a pas de scandale propre à la rente bancaire; tout le capitalisme repose sur la captation de rentes via des rapports de domination (ie d’inégalité); de ce point de vue, les banques fournissent un « service productif » comme un autre (c’est ce qu’aurait dit Say).

    « De même, dans la fameuse tirade de Maurice Allais sur les « faux monnayeurs », celui-ci dit que « ce ne sont pas les mêmes » qui en profitent, il ne dit pas qui, précisément, en profite. Une chose de sûre, ce sont essentiellement des rentiers. »

    Oui, cela dure depuis la fin des années soixante dix, autrement dit depuis la fin de l’inflation et le début de la spéculation financière (du moins pour la France).

    Mais il y a d’autres formes de rente qui durent depuis beaucoup plus longtemps : sur le capital, sur les ressources, sur la terre en particulier, que beaucoup d’économistes ont rêvé de nationaliser, etc.

  9. Avatar de Julien Alexandre
    Julien Alexandre

    @ Paul : en effet, j’ai réinventé la roue! 🙂 Merci d’avoir remis votre commentaire. Il en va donc de la réflexion sur la création monétaire comme du cinéma : c’est souvent la première prise que l’on garde!
    Je pense néanmoins qu à ce stade du débat, la précision était importante car c’est précisement les points de controverse soulevés par Etienne Chouard et Jean Bayard.
    Pour la petite histoire, j’ai eu l’opportunité récemment de vérifier de façon empirique au plus haut niveau auprès de la Deutschbank le bien fondé de ce que nous avançons. « Pas de miracle ».

  10. Avatar de nadine
    nadine

    Aprés lecture de l’ensemble des commentaires et réflexion j’en déduit ce qui suit:Pouvez vous me dire si je me trompe?

    La banque ne crée pas ex-nihilo la monnaie quand elle accorde un crédit, ELLE S’ENDETTE en même temps qu’elle endette l’emprunteur.

    Quand une banque accorde un crédit elle s’endette car les crédits font les dépots et les dépots c’est ce que doit la banque à ces déposants.
    Quand la banque accorde un crédit elle ne crée pas d’argent, en fait elle s’endette avec l’obligation de rembourser la totalité de sa dette en monnaie fiduciaire si le déposant de son crédit l’exige. Si elle ne le peut pas c’est la faillite. Par contre pour l’emprunteur, la banque ne peut réclamer que les mensualités.
    La banque joue gros dans cette affaire d’où les régles prudentielles (Bâle 2).
    Dans l’argent dette de Paul Grignon la population est endettée par le « méchant » banquier avide d’argent mais en fait le banquier doit la même quantité d’argent qui a été prêté (les crédit font les dépots) sauf que le déposant peut réclamer immédiatement à la banque la totalité de ce qu’elle lui doit ( les dépots).
    De plus l’emprunteur peut faire faillite et les garanties ne pas couvrir la totalité de la somme empruntée .
    Ceux ci justifient l’usure ou intéret (le montant de celui ci peut se discuter mais ce n’est pas le propos )
    Donc les banques s’endettent (moyennant rémunération: l’intéret) pour que les gens puissent acheter leur maison , voiture ou spéculer en bourse ou je ne sais quoi peu importe mais je ne vois pas ou est le scandale, au contraire heureusement que les banques existent pour prendre ce risque à notre place ! On peut toujours améliorer le système car il y a toujours des abus ou des malversations mais le système en lui même n’a rien de choquant mais je me trompe peut être (excusez les fautes d’orthographes et les répétitions mais il est tard)

  11. Avatar de Étienne Chouard

    Cher Fred,

    Je pense que vous vous trompez quand vous dites : « Au niveau individuel, il me semble que Paul a raison : le bilan de chaque banque est équilibré, par définition la création de monnaie n’apparaît pas. »

    LA MONNAIE CRÉÉE à l’occasion d’un crédit APPARAÎT bien sûr au bilan de la banque qui a prêté : AU PASSIF (à droite, du côté de ses dettes).

    ___

    (Ne pas rater ceci, c’est essentiel : la monnaie scripturale, c’est un chiffre à droite du bilan d’une banque – ou, si on accepte une définition moins étroite de la monnaie, d’un organisme digne de confiance, État ou… ?? supermarché qui distribue des bons d’achat que s’échangent ensuite les clients… 🙂 Sacrés humains… prêts à faire de la monnaie, prêts à faire confiance, avec n’importe quels signes…)
    ____

    Et la même somme – LA CONTREPARTIE de la monnaie, ce en échange de quoi la banque est prête à s’endetter – est inscrite en même temps de l’autre côté, À L’ACTIF (à gauche, du côté de ses créances).

    LE BILAN EST DONC ÉQUILIBRÉ *, MAIS LA MONNAIE CRÉÉE N’EST QUE D’UN CÔTÉ DU BILAN :

    <b<de l’autre, ce n’est pas la monnaie, c’est la contrepartie, qui peut être n’importe quoi, il me semble : la propriété d’un immeuble, d’un terrain, d’un bijou, d’une entreprise, d’espèces, l’engagement de rembourser avec intérêts de la part de quelqu’un de fiable, etc. Il faut surtout que la contrepartie ait une valeur suffisamment fiable pour que la banque accepte de s’endetter.

    Cette opération comptable, dirigée par un acteur digne de confiance (une banque ou un État, par exemple) permet de donner aux acteurs économiques, qui en ont besoin pour échanger et produire des richesses, des SIGNES DOTÉS D’UN POUVOIR D’ACHAT (pour moi, c’est la meilleure représentation de la monnaie) capables de circuler facilement.

    Aujourd’hui, les signes monétaires sont de simples créances contre les banques ou contre l’État parce que les humains les acceptent ainsi, parce qu’ils leur font CONFIANCE.

    Autrefois, des coquillages précieux jouaient ce rôle de signes dotés d’un pouvoir d’achat parce que tout le monde à l’époque faisait assez confiance au pouvoir d’achat de ces coquillages pour les accepter en échange.

    Plus tard, dans la jeune république américaine, c’est le tabac qui a joué pendant des années ce rôle de signe doté d’un pouvoir d’achat parce que tout le monde faisait assez confiance au pouvoir d’achat de cette plante pour l’accepter en échange.

    Ailleurs, c’est l’or et l’argent qui ont joué ce rôle de signes dotés d’un pouvoir d’achat parce que tout le monde faisait assez confiance au pouvoir d’achat de ces pièces et lingots pour les accepter en échange.

    Aujourd’hui, les signes monétaires sont de simples créances sur des acteurs particulièrement solides.

    Le débat ces derniers temps sur ce blog pour distinguer la monnaie fiduciaire (qui serait la seule vraie monnaie, on ne voit pas pourquoi puisque tous ces signes ont rigoureusement le même pouvoir d’achat) de la monnaie scripturale (qui serait de la fausse monnaie, voire pas de la monnaie du tout ! ben voyons…) me paraît complètement à côté de la plaque, comme faussé après avoir déraillé sur une mauvaise parabole.

    L’autre débat, ici, pour simplement faire admettre que les banques créent la monnaie qu’elles prêtent me paraît tout aussi étonnant.

    Je suis surpris que ce qui paraît un mécanisme somme toute assez simple soit si dur à faire accepter ici.

    Bon, il faut que j’aille dormir, bonne nuit à tous 😉

    Étienne.

    ______________

    * NB : le bilan est TOUJOURS équilibré puisqu’il rassemble, directement ou indirectement en passant par le compte de résultat, les montants de TOUS les comptes, et que les écritures en partie double garantissent cet équilibre : on écrit toujours autant à gauche qu’à droite, en quelque sorte.

  12. Avatar de Étienne Chouard

    Chère Nadine,

    quand vous dites « La banque ne crée pas ex-nihilo la monnaie quand elle accorde un crédit, ELLE S’ENDETTE en même temps qu’elle endette l’emprunteur », vous dites, je crois, une chose et son contraire :

    C’est sa nouvelle dette qui constitue précisément la nouvelle monnaie, ce nouveau pouvoir d’achat consenti au client par la banque (en échange d’un pouvoir d’achat que le client rendra, mais plus tard).

    Bonne nuit 🙂

    Étienne.

  13. Avatar de tigue
    tigue

    @Etienne,
    Des lors qu’ une action de « vendre », apparaît , elle rend nécessaire l’ existence d’ une « image » monétaire, par le vendeur.
    N’ est ce pas là qu’ a lieu la mère de toutes les créations monétaires ?
    Des lors que je possède un droit de « vendre », je possède un droit de créer une  » image monétaire » de ce que je vends.
    Il suffît que cette image soit validée une fois par un acheteur (qui peut être moi même), pour que cette image porte le nom de prix.
    Qu est ce qui empêche l’ effecteur monétaire (la banque) de créer un « signe monétaire » en rapport avec chaque autre ventes potentielle basée sûr ce prix initial comme estimateur.
    Si l’ on enlève le prétexte de la réalisation d’ une première vente, rien n’ empêche l’ effecteur monétaire de considérer que « les images monétaires » sont des indicateurs des signes monétaires a créer.
    Si le prix initial realisé ( achat par moi meme) est délirant par rapport au coût de fabrication, l effecteur monetaire devient un pur générateur de liquidités , il transforme « mes images monetaires » en « signes monétaires ».
    Exemple d’ image monétaire :  » le prix demandé » pour des croûtes artistiques contemporaines.

  14. Avatar de Brieuc Le Fèvre

    Nous avons un gros problème avec la monnaie. C’est celui de notre relation à ce symbole totipotent, qui n’EST rien, mais (à ce qu’il nous semble) PEUT tout.

    Les sociétalistes proposent une relation simple à la monnaie : elle représente le TRAVAIL nécessaire pour transformer un bout de nature (gratuit, puisque la nature ne se fait pas payer pour ce qu’elle nous offre).

    La monnaie devrait donc être créée par le travail, et détruite par la consommation ; tout simplement parce que une fois le bien fabriqué retiré du marché et consommé, il n’y a plus de raison de le représenter symboliquement par un signe monétaire.

    La monnaie est une chose simple et belle, mais à trop se farder, elle se transforme en putain. C’est ce que nous avons fait en l’investissant de tous nos fantasmes d’immortalité, oubliant par là même de penser notre propre relation à la fin, à la mort. Nous avons placé tous nos désirs, toutes nos peurs de manquer, dans cette chose qui n’est pas une chose, mais la simple promesse de pouvoir obtenir quelque chose. Nous avons déifié la monnaie, nous l’avons entourée de fumée, de voiles vaporeux ; nous l’avons placée dans des temples, nous l’avons entourée d’un clergé. Et nous nous rendons compte aujourd’hui que cela non seulement ne nous guérit pas de nos peurs, mais a permis au clergé de se goberger sur notre dos. Tout pouvoir tend à abuser, c’est un fait qu’Etienne Chouard ne contredira pas 😉

    Le pouvoir bancaire de création monétaire est un scandale du seul fait qu’il existe, quelle que soient les voies empruntées pour la création (les chiffres de la masse monétaire sont là : il y a augmentation régulière de la somme des pouvoirs d’achats disponibles, sans que la monnaie ne soit reliée à rien de physique).

    Il nous faut revenir sur Terre, et raccrocher la monnaie à quelque chose de réel, à savoir une richesse existante, ou à venir et dont la collectivité appelle la réalisation.

    En fait, toute cette discussion n’aura aucun sens tant et aussi longtemps que n’aura pas été mis sur la table le POURQUOI de la monnaie. Que représente-t-elle? Pour qui est-elle créée? Comment est-elle détruite? Quels besoins sociétaux et individuels nécessitent sa création?

    Toutes ces questions sont éminemment politiques, culturelles, morales, philosophiques, ethnologique, avant que d’être économique. L’économie vient en dernier. Elle n’est que l’incarnation temporelle des choix spirituels que fait l’humanité. Elle n’est que la traduction contingente de nos aspirations transcendantes (Wow! On dirait du Kant! Mille excuses pour tous ces gros mots 😉 )

    Or, inutile de le dire, mais chacun ici s’est rendu compte que l’économie précède aujourd’hui tout choix politique et philosophique, sociétal ou individuel. La charrue est loin devant le boeufs…

    Brieuc

  15. Avatar de Fred L.
    Fred L.

    @Etienne

    Tout à fait d’accord, mais votre façon de vous exprimer suppose le tranché le débat sur la définition de la monnaie que tout le monde reprend obstinément.

    Comme vous le dites, par convention, les bilans sont équilibrés.

    Du point de vue de ceux qui – contrairement à vous – limitent la monnaie à la base monétaire, il n’y a pas de création, il y a simplement un engagement monétaire (crédit) compensé par des actifs évalués (contrepartie).

    Pour le reste, je suis d’accord avec vous, la monnaie est une dette (« de simples créances sur des acteurs particulièrement solides »), qui repose sur la confiance du public envers les parties prenantes de cette dette.

    Lorsque le doute s’instille dans le public, c’est la crise de confiance et une partie de la « monnaie » s’effondre : bulle qui explose quand c’est un secteur limité de la monnaie qui devient douteux (confiance dans les banques, ou dans leurs débiteurs, qu‘il s’agisse des ménages à surprimes ou des startups internet), hyperinflation quand c’est la racine même de la monnaie (et donc la confiance en l’Etat) qui s’effondre.

  16. Avatar de Moi
    Moi

    @Etienne:

    je reste dubitatif sur vos ecritures comptables. A l’actif, la banque met la créance, ce qu’elle a prêté au client. Au passif, la banque met un emprunt (à une autre banque) qui couvre le prêt qu’elle vient de faire ou débite son compte créances. Elle ne met pas au passif les garanties sur les prêts, qui ne lui appartiennent pas tant que son client est en défaut de paiement. Les garanties vont hors-bilan.

  17. Avatar de A.
    A.

    @Fred L : sur hayek

    « En cela le monétarisme s’est fait l’allié des “rentiers” et des “capitalistes”, qui ont à nouveau bénéficié de la spéculation (d’autant plus qu’on reprivatisait et dérégulait les banques) tandis que les gouvernements (puis les banques centrales) maintenaient l’austérité salariale et une faible inflation. »

    Je n’ai pas de sympathie pour les idées de Hayek. Mais il me paraît avoir raison sur un point et la situation de certains pays européens le démontre. Une création excessive de monnaie engendre une déformation de la structure de production. Dans un premier temps, elle l’allonge et cet allongement stimule l’économie jusqu’au moment où on s’apperçoit que, faute de débouchés, l’élan crée s’effondre sur lui même.

    C’est ce qui est en train de se passer en Espagne. L’immobilier allait bien, suscitant des créations d’emploi dans ce secteur dont le dynamisme se difusait à d’autres. A partir du moment où on se rend compte que l’endettement sur 40 ans n’est pas tenable et que les banques sont fragilisées, l’ »artificiel » allongement du détour de production s’effondre, entraînant avec lui tous les secteurs qui avaient bénéficié du dynamisme du secteur qui avait reçu la monnaie créee.

    L’avantage d’une théorie quantitativiste de la monnaie, voire l’avantage de l’étalon-or, c’est qu’une telle envollée des actifs n’aurait pas été possible et qu’elle aurait montré aux citoyens la vérité nue : selon l’âge, 1€ ou 1 USD gagné par le travail ne vaut en réalité que 0,4€ car la valeur de l’actif immobilier du propriétaire est passé de 1€ il ya vingt ans à 2 voire 3€.

    Le problème, ce n’est pas le monétarisme, c’est l’abus d’un droit : celui de propriété généralement contre le travail.

  18. Avatar de samedi
    samedi

    Merci à Fred L. pour sa réponse. Et merci aux comptables de (re)venir…

    Par précaution, en attendant de mieux comprendre, je continuerai à dire : LES banques (et non LA banque), le système du crédit bancaire (non pas l’ouverture création d’UN crédit) créent (de) la monnaie.

    Je suis allé écouter, il y a quelques semaines, une conférence de Jérome Maucourant (économiste), durant laquelle il expliqua brièvement le système monétaire tel que le prônait Von Hayeck. Si j’ai bien compris, dans son système :

    – il n’y a ni banque centrale contrôlée par l’État, ni banque centrale indépendante (ce qui était pour lui l’élément d’un système totalitaire…)

    – il n’y a pas d’instance publique d’émission, pas de prêteur en dernier ressort,

    – il n’y a pas de monnaie centrale, seulement de la monnaie de banques

    – les banques (en concurrence évidemment) créent chacune leur monnaie. On peut imaginer qu’il n’y a pas de création monétaire, la déflation ajustant lentement les prix au volume de monnaie disponible. Ou bien, il y a création monétaire, libre, privée, … Reste que si l’une des banques donne trop dans les opérations à risque par rapport aux autres, notamment en émettant trop de crédit, elle est supposer subir la sanction directe du marché, et en l’espèce la perte de valeur de « sa » monnaie.

    Les États, dans l’Union européenne et en bien d’autres lieus, n’émettant plus de monnaie (et donc ne faussant plus la valeur marchande de la monnaie marchandise…), la BC n’y étant structurellement plus à même de jouer un rôle de contre-pouvoir face à la finance, nous en sommes à peu près là, on dirait.

    A ceci près que la BC prête en dernier ressort, que les États sauvent en dernier ressort des oligopoles – une oligarchie, devrait-on dire, puisque les citoyens et l’État en sont réduits à faire confiance aux banques, et surtout à des puissances qui ne détiennent pas, a priori, cette confiance, bref leur légitimité, d’un choix des citoyens -, et que la dure loi du marché ne vaut que quand elle fait gagner les puissants, … Je me demande si un pur système à la Hayeck ne serait pas préférable… On aurait plutôt une aristocratie, élective, dans laquelle on – des communautés librement formées, à l’effectif ouvert et variable – choisirait « nos » banques, nos réseaux économiques, selon des critères justifiant notre confiance, et notre approbation. Ca, pour moi, c’est un système libéral. Très différent, il me semble, du système néolibéral qui sévit, et qui n’est pas aristocratique, encore moins démocratique, mais totalitaire.

  19. Avatar de antoine
    antoine

    Le systeme de Hayek n’est pas « libéral » du tout. Il est libertarien… Hayek est d’ailleurs inconséquent en la matière, comme l’a très bien vu Nozick…
    Les libertariens, par définition, ne se reconnaissent ni dans la démocratie, ni dans l’aristocratie, ni dans la monarchie. Ils sont anarchistes ou minarchistes.

    Le « système » actuel est il et vrai totalement incohérent. C’est pourquoi les libertariens continueront de soutenir que la crise actuelle n’est pas due à la dérégulation mais à l’insuffisance de la dérégulation… voire à un viol des droits des épargnants (ceux-ci savaient-ils que les investissements des banques étaient des paris de cette nature: si tel n’est pas le cas, et si on a de bonnes raisons de penser qu’ils n’auraient pas accepté le deal, alors les banques ont violé la contrainte libertarienne interdisant l’agression).
    (La dérégulation totale implique la privatisation de la justice, des codes pénaux (soumis aux lois du marché), de la police, des villes, et l’abolition des frontières territoriales, ainsi que de son corolaire, le droit international public).

  20. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Étienne Chouard à dit @ 9 décembre à 1h30:
    «  »Le débat ces derniers temps sur ce blog pour distinguer la monnaie fiduciaire (qui serait la seule vraie monnaie, on ne voit pas pourquoi puisque tous ces signes ont rigoureusement le même pouvoir d’achat) de la monnaie scripturale (qui serait de la fausse monnaie, voire pas de la monnaie du tout ! ben voyons…) me paraît complètement à côté de la plaque, comme faussé après avoir déraillé sur une mauvaise parabole » »

    Tout à fait. Parce que j’ai mis très longtemps à m’aperçevoir de l’extraordinaire diversité de visions sur la monnaie qu’on trouve dans ce blog. J’ai pensé, je peux le dire à présent, que, (sauf moi) mais le « niveau » élevé (au moins supposé élevé) de la majorité des intervenants évitait de butter sur cette question à la base…

    D’autre part, je regrette beaucoup de n’avoir pas conservé, vers 2005, ce site qui contenait une explication détaillée, comme quoi les banque commerciales « contournaient » de plus en plus la BC qui n’était plus qu’une chambre d’enregistrement garantissant par son « cachet officiel » l’authenticité » de la masse monétaire. Ce manège devait durer jusqu’à 2008. La suite, si on peut la subodorer, on ne la connaît toujours pas à cette heure.

    De plus, quand samedi dit : 9 décembre 2008 à 12:59,
    « (….) des communautés librement formées, à l’effectif ouvert et variable – choisirait “nos” banques, nos réseaux économiques, selon des critères justifiant notre confiance, et notre approbation. Ca, pour moi, c’est un système libéral. Très différent, il me semble, du système néolibéral qui sévit, et qui n’est pas aristocratique, encore moins démocratique, mais totalitaire. »

    Avec grande prudence, je serais assez d’accord. Je dirais que ça pourrait peut-être être un cadre de débats et d’organisation. Toutes les options humaines, en principe, contiennent une parcelle de vérité, et SEULEMENT une parcelle de vérité. Par exemple, le libéralisme et tant d’autres « idéologies ». Mais ces « options humaines », livrées à elles-mêmes, deviennent fausses quand elles se transforment en « politique d’autorité », en « vérité » totale(itaire) (1). Une option humaine, donc, devrait avoir le droit de faire passer et accepter dans le collectif sa parcelle de vérité en se joignant aux autres parcelles de vérité (2). C’est ainsi que, de proche en proche, nous pourrions nous sortir – en actes – de la déchéance financière, sa fange et ses impasses insurmontables, où tant d’ « intérêts particuliers » voudraient que nous restions.

    Ces « intérêts particuliers », qui ne se nomment jamais, ont à peu près tous compris qu’il fallait tenir, quoiqu’il arrive, un « dicours démocratique », comme ça, on peut brouiller les cartes à loisir, chlorophormer tout le monde, en restant « à l’abri » et beaucoup plus tranquilles, toujours quoiqu’il arrive…puisque, n’est-ce pas? nous sommes « démocratiques » devant l’Éternel… Mais à quoi sert donc la démocratie politique s’il n’y a pas sa correspondance démocratique en économie et en finance?? Que pensent les éternels fauchés et spoliés dans une démocratie qui n’est et ne reste que parlotes??

    (1) C’est là, au passage que Étienne CHOUARD à raison de vouloir élaborer une constitution écrite par les gens et non des représentants étant toujours des pantins d’intérêts prédateurs sous couvert démocratique. On finit par bien connaître la musique…

    (2) la Vérité n’est JAMAIS contre la Vérité. Donc, ici, les risques d’affrontements et de division devraient être nuls pour l’essentiel.

  21. Avatar de Shiva
    Shiva

    @Rumbo

    En 1945 après s’être bien massacrés, appauvris, détruits, tout effrayés qu’ils étaient par l’horreur et le chaos qu’ils venaient de traverser, les hommes politiques de l’époque (pas des pantins ceux-la) ont décider ceci, partout:

    http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006072686&dateTexte=20081209

    A mon avis, pour éviter le pire et reconstruire en mieux, il faudrait commencer par là.
    Les créances pourries; poubelle ! effacées; à l’actif et au passif, point barre !
    L’urgence c’est de mettre le système vertueux de création monétaire basé sur l’économie et la production de biens en dehors, à l’abri, du circuit vicié de la titrisation et des spéculations financières improductives.
    Que les agents qui ont créés cette situation se débrouillent avec. Ils savaient bien que c’était risqué, qu’ils boivent leur potion ultra-libérale jusqu’à la lie.
    Lorsque l’on a trop mangé il faut assumer l’indigestion qui s’ensuit…

    La réalisation de cette opération de tri du « bon grain de l’ivraie » pourrait constituer un prémisse expérimental à une future constitution financière.
    La question serait alors: « Que faut-il conserver ? »

  22. Avatar de Benoit II
    Benoit II

    Bonjour à tous,

    Plusieurs personnes (dont Etienne Chouard) ont soulevé la question de la création d’argent par les Etats pour soutenir une production. Je rappelle donc que cette conception existe depuis longtemps et elle s’appelle le « crédit productif public ». Il fut notamment utilisé sous la Présidence de Gaulle pour soutenir des projets d’investissement à long terme, comme l’industrie nucléaire, l’aérospatiale et le TGV.

    Les Etats-Unis en tant que nation libérée du joug anglais ont fait valoir ce type de crédit pour soutenir leur économie contre le libre-échange et développer leurs industries.

    Lisez à ce propos le « Rapport sur une Banque Nationale » d’Alexander Hamilton, secrétaire au Trésor américain après la Révolution de 1776 et fondateur de la première Banque Nationale de l’Histoire. Cela vous donnera une idée de ce à quoi peut bien servir un Etat (pour peu qu’il représente réellement le peuple).

    L’argent n’a de valeur que s’il correspond effectivement à une production physique de richesse (au sens large du terme).

    Le problème n’est donc pas la masse d’argent disponible mais l’utilisation qu’on en fait. ET OUI, L’ARGENT EST UN MOYEN PAS UNE FIN ! Il faut donc d’abord avoir un projet de civilisation avant d’émettre de l’argent. Il faut comprendre comment développer les forces productives d’un pays avant d’élaborer son projet.

    L’ARGENT EST UN OUTIL POLITIQUE !!

    En vous remerciant,

    Benoit

  23. Avatar de nadine
    nadine

    @ Etienne

    L’erreur que vous faites c’est de vouloir définir vous même la monnaie de la maniere la plus rationnelle possible et d’en déduire par le raisonnement la conclusion de la création ex nihilo de la monnaie. Mais permettez moi de vous dire que c’est un exercice dangereux sans la dimention juridique.
    Je rappelle en partie ce que nous a informé un intervenant au sujet de la définition juridique de la monnaie:

    1.Les avoirs en banque ou « monnaie scripturale » ne sont pas assimilables aux espèces monétaires.
    Les économistes ont sûrement les meilleures raisons d’assimiler les avoirs en banque à des espèces et de parler de « monnaie scripturale ». Mais pour les juristes subsisteront toujours des différences irréductibles.
    2.Une créance est une chose vulnérable. Elle se compense sans qu’on y puisse rien, elle se saisit, elle se prescrit, elle se bloque, elle est exposée au contentieux, serait-il infondé. Hors à quelques exceptions d’inspiration fiscale, on n’est pas obligé de recevoir son dû sous forme d’avoir en banque. Autrement dit, à la différence des espèces, la « monnaie scripturale » N’A PAS COURS LEGAL, et c’est là un attribut monétaire fondamental qui lui manque.
    3.La vrai monnaie ne valant que par sa capacité de réutilisation, le cours légal est la garantie juridique, pour celui qui la reçoit, qu’il pourra l’utiliser à son tour en l’IMPOSANT en paiement à ses propres créanciers. Sans cette garantie, la satisfaction du créancier prend en droit un caractère aléatoire.
    Conclusion:
    Le dépôt de monnaie en banque est le contrat le plus simple de tout LE DROIT DES OBLIGATIONS. Sa seule finalité, son unique effet, est la naissance d’une créance monétaire. Cette créance permet de déplacer de la monnaie, mais elle ne se métamorphose pas elle-même en monnaie. Créance elle est, créance elle reste.

    Donc une banque lorsqu’elle accorde un crédit à un client crée simplement une créance avec tout les risques et les contraintes associés à celle-ci mais certainement pas de la monnaie ex nihilo.
    D’ailleurs s’il était si simple de créer de l’argent ex-nihilo comme vous le dites il y aurait des banques partout à chaque coin de rue et pour les régles prudentielles il suffirait trés simplement de les contourner en créant de la monnaie ex-nihilo en achetant un titre coté AAA et ensuite le déposer en caution à la BCE pour obtenir la réserve obligatoire correspondant à cette création.
    Bref avec le ex-nihilo vous fonctionnez à l’envers.

    Amicalement

  24. Avatar de Brieuc Le Fèvre

    @ Benoit, post ci-dessus

    tout à fait d’accord avec votre conclusion. Inutile de palabrer sur l’origine, la quantité, ou même la destination, de la monnaie, tant et aussi longtemps qu’il n’y a pas un projet de civilisation. J’en avais proposé un il y a quelques temps sur Agoravox (http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=36667, pour ceux que ça pourrait intéresser), qui se résumait à donner à tous les humains un accès sans condition à la nourriture saine et abondante, à l’eau potable, aux soins de santé, à l’instruction et à la justice.

    Proposer un système économique, avec sa face monétaire, qui permette l’allocation massive des ressources humaines et naturelles à ces cinq objectifs est une base de départ possible pour une refonte globale de l’économie.

    Alors, qu’est-ce qu’on attend? Que l’oligarchie mondiale qui est la seule à profiter grassement du système en place nous fasse des propositions en ce sens, et nous demande de les approuver? Le Soleil sera mort avant…

    Brieuc

  25. Avatar de Moi
    Moi

    @nadine: un grand merci pour votre intervention. Je n’arrivais pas à comprendre la différence entre monnaie fiduciaire et scripturale que l’on faisait souvent ici (en particulier Paul Jaurion). Voilà qui est maintenant très clair.

    Ma question est maintenant celle-ci: en admettant, et cela semble le cas, que les banques ne créent pas ex-nihilo de l’argent, que faut-il en déduire? Que l’argent que l’on met en dépot à la banque est joué par elle au casino (bourse, prêts risqués, etc) et qu’en cas de défaillance c’est à l’état, c’est-à-dire nous tous, de trinquer? Comment peut-on éviter cela?

  26. Avatar de Brieuc Le Fèvre

    @ Nadine, @ moi:

    Nadine écrit: « Donc une banque lorsqu’elle accorde un crédit à un client crée simplement une créance avec tout les risques et les contraintes associés à celle-ci mais certainement pas de la monnaie ex nihilo.
    D’ailleurs s’il était si simple de créer de l’argent ex-nihilo comme vous le dites il y aurait des banques partout à chaque coin de rue et pour les régles prudentielles il suffirait trés simplement de les contourner en créant de la monnaie ex-nihilo en achetant un titre coté AAA et ensuite le déposer en caution à la BCE pour obtenir la réserve obligatoire correspondant à cette création. »

    Le fait est que une banque crée effectivement une créance. Seulement, celle-ci va être transférée à un autre acteur économique (par exemple, le concessionnaire vendeur de la voiture que l’emprunteur désirait acheter, ce pour quoi d’ailleurs il a contracté un emprunt). Une fois transférée sur le compte du concessionnaire, puis distribuée comme taxes, cotisations, prestations, salaires, etc, cette créance se comporte EXACTEMENT COMME UNE MONNAIE, c’est-à-dire un pouvoir d’achat. La seule différence avec une « vraie » monnaie, i.e. une monnaie fiduciaire à cours légal ET forcé, c’est que la convertibilité en monnaie fiduciaire est aléatoire. Il suffit de savoir que 5% seulement de la « monnaie » disponible est de la monnaie fiduciaire (i.e. une créance contre l’Etat ou la BCE, qui assure le porteur qu’il pourra la refourguer comme paiement à ses propres créanciers). Le reste est de la créance sous contrat privé qui circule par des moyens scripturaux.

    Conclusion: les banques privées jouent le jeu qui consiste à parier que la somme simultanée des retraits de monnaie fiduciaire n’excèdera jamais 5% de la masse des créances « théoriquement » convertibles en cette monnaie. Autrement dit, que vous, utilisateur lambda, trouverez toujours au guichet automatique les 60 euros de « retrait rapide » proposés par défaut.

    Si il devait advenir que ce taux fût dépassé, ce serait la panique, et là, pour le coup, nous nous rendrions compte que, effectivement, nous possédions des créances, et pas de la monnaie…

    Toutefois, cela ne résout en rien la question centrale ici posée: les banque créent bel et bien quelque chose qui est utilisé ensuite « comme une monnaie ». Et pour répondre à Nadine: il y a bel et bien des banques à chaque coin de rue. Allez donc faire un tour dans n’importe quelle rue un peu commerçante de ville petite et moyenne, et vous y trouverez pléthore de banques. Quant à créer pour elle-même les créances servant à acheter des titres et des biens, la banque n’est pas si naïve. Elle préfère simplement attendre le dépôt en compte courant de la monnaie créée ici ou là, ou bien le retour d’intérêts sur les crédits émis par elle-même.

    Le vrai drame, comme souligné plus haut par un autre intervenant, c’est que personne ne peut dire ce qui, sur chaque compte, chaque placement, chaque produit dérivé, est une monnaie fiduciaire déposé au guichet, et ce qui est une monnaie scripturale obtenue par virement. Dans l’économie réelle, monnaie et créance sont devenues totalement interchangeables, ce qui fait que le système ne tient que par un seul élément, d’ailleurs plutôt évanescent: la confiance.

    Moi demande: « Ma question est maintenant celle-ci: en admettant, et cela semble le cas, que les banques ne créent pas ex-nihilo de l’argent, que faut-il en déduire? Que l’argent que l’on met en dépôt à la banque est joué par elle au casino (bourse, prêts risqués, etc) et qu’en cas de défaillance c’est à l’état, c’est-à-dire nous tous, de trinquer? Comment peut-on éviter cela? »

    Si par « argent » vous entendez « monnaie fiduciaire », c’est très simple : une fois le dépôt enregistré sur votre compte, plus rien ne distingue ce dépôt des autres monnaies déjà présentes sur le dit compte. Ce qui, à son tour, signifie que, en cas de crise du retrait en espèces, vous ne serez ni mieux ni moins bien servis que les autres. Ultimement, cela signifie, d’un point de vue juridique, que la banque vous a rendu intégralement solidaire de son pari initial sur le taux de retrait en espèces. Ce qui, bien entendu, n’est pas stipulé dans votre convention d’ouverture de compte. Autrement dit, elle vous floue par omission d’information. Votre seul recours: faire confiance au fait que les autres acteurs économiques continueront à accepter d’être payés par chèques, carte de paiement et virement depuis votre compte!

  27. Avatar de Dav

    @Nadine.

    Merci pour cet angle de vue juridique ! En cherchant très vite sur le net, je suis tombé sur ça : « Historiquement, les moyens de paiement que la loi (cours légal) est venue consacrer d’un pouvoir libératoire général sont les billets de banque et les pièces, soit la monnaie dite fiduciaire. En revanche, les instruments de transfert de la monnaie scripturale, tels les chèques ou les cartes de paiement, ne bénéficient pas de cette force légale et peuvent donc, en théorie, être refusés par un créancier. L’expression cours légal ne concerne donc pas une monnaie ou unité monétaire mais seulement certains moyens de paiement qui peuvent lui servir de support. Malgré tout, le cours légal est atténué par d’autres dispositions légales limitant son pouvoir libératoire. Il en est ainsi des dispositions obligeant un créancier à effectuer les paiements au-delà de certains montants par chèque ou virements. En outre, l’obligation faite au créancier de recevoir une monnaie divisionnaire ayant cours légal ne lui interdit pas d’exiger du débiteur de faire l’appoint. »

    Il est indiqué que l’expression cours légal ne se porte pas sur la monnaie en tant que telle, mais sur son support, sur les instruments de transfert. J’en déduis que ça ne résout pas notre problème concernant la monnaie scripturale, puisque seule la manière de la faire circuler n’a pas cours légal mais que rien n’est dit sur la monnaie scripturale en tant que telle.

    On en revient encore au fait que la monnaie, ça n’existe pas, elle est une modélisation : seul existe son support.

    Et par ailleurs « Le pouvoir libératoire est le fait, pour une monnaie, de pouvoir « éponger » les dettes de celui qui l’utilise. » Quoiqu’on fasse, on en arrive toujours au fait que l’argent sert à rembourser une dette.

    C’est passionnant !

  28. Avatar de nadine
    nadine

    @Brieuc Le Fèbre

    Vous reconnaissez donc que les banques ne créent pas ex-nihilo de la monnaie, c’est déja très bien.
    Vous vous en sortez en disant qu’elles font « comme si les crèances étaient « quelque chose » comme une monnaie , pas trés claire tout ça… et là je vous dis une fois de plus: créance elle est, créance elle reste, même si « une illusion d’optique » peut donner l’impression que c’est de la monnaie. Mais une illusion n’est pas la réalité…
    La réalité c’est que les banques privées ne créent pas la monnaie , seule la BCE en a le pouvoir sous forme de monnaie fiduciaire.

    Amicalement

  29. Avatar de Dav

    Du coup, est-ce qu’on a le droit de dire maintenant que les banques commerciales créent de la créance ex nihilo ?

    🙂

    Et que ça ne pose aucun problème quand il y a un aller-retour reconnaissance de dettes/remboursements, parce que ça ne crée pas de « monnaie ».

    Que ça commence à poser problème quand l’aller-retour est trop lent ou convoque trop d’intermédiaires parce qu’il provoque un effet « fortune » qui est le nom qu’on pourrait donner à l’effet richesse dans la terminologie jorionne.

    Que ça devient encore plus problématique quand une partie des allers ne sont pas suivis de retours.

    Que ça devient un scandale quand la part d’allers sans retour possible est totalement disproportionnée ?

    Plus j’y pense, plus je suis d’accord avec la vision qui fait du crédit un principe de respiration.
    On inspire, on expire, on inspire, on expire.
    Mais quand on se contente d’inspirer, on joue à la grenouille qui se fait plus grosse que le boeuf.
    Et quand la bulle se dégonfle, on a les yeux qui piquent.

    Mais pour ça, il faut qu’on ait le droit de dire que les banques commerciales créent de la créance ex nihilo…
    alors ?

  30. Avatar de Fred L.
    Fred L.

    @ Nadine
    Le point de vue juridique n’est pas le plus adéquat, loin de là; en droit, nous sommes tous libres, égaux, vivons en démocratie, chacun libre de vendre son travail, etc. Il y a loin du droit à la réalité; autrement dit une institution ne s’épuise pas dans son régime juridique (ni dans aucun autre d’ailleurs), toute les sciences sociales (et leur interdisciplinarité) procèdent de là.

    Pour le reste, vous vous trompez : si en théorie les banques centrales « contrôlent » la monnaie, en réalité c’est un fantasme d’économiste repris dans le discours officiel, qui se dégonfle à proportion de chaque crise. Le mieux qu’on puisse dire, aujourd’hui, c’est les banques centrales influencent parmi d’autres la création monétaire. Les autres étant les banques commerciales, les ménages et les entreprises, et selon les époques, la situation tient plus à tel groupe qu’à tel autre; aujourd’hui, ce sont les banques privées, le point faible. Lisez un peu la gestion de la crise par les banques centrales et voyez à quel point elles se révèlent dépassées !

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote bancor BCE Bourse Brexit capitalisme centrale nucléaire de Fukushima ChatGPT Chine Confinement Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon John Maynard Keynes Karl Marx pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés spéculation Thomas Piketty Ukraine ultralibéralisme Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta