Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Dans ma communication avant-hier au Banquet de Lagrasse, j’ai repris un certain nombre d’idées déjà exprimées ici dans des billets à propos du citoyen et du bourgeois, et en particulier l’idée hégélienne d’une origine distincte des deux fonctions, la première, fondée sur la logique aristocratique de la lutte à mort, la seconde sur l’éthique du travail née parmi les descendants d’esclaves.
Pour Hegel, dans le cadre de la société civile, la simple collection d’individus – et en attendant l’avènement d’un État conçu selon son souhait – la coïncidence des deux fonctions est irréalisable. De même, on a pu le voir dans le billet que j’ai récemment consacré à Freud et le bonheur, la question du bonheur de l’être humain achoppe pour lui sur la propriété privée, même si – comme il le souligne – l’inégalité sexuelle apparaîtrait soudain en pleine lumière si l’inégalité vis-à-vis de la propriété était résolue. Durant la Révolution, Saint-Just considère dans De la nature la possession comme un donné brut de l’humain et seul Robespierre propose pour la propriété un système original, à deux vitesses : propriété commune pour l’indispensable, propriété privée réservée au superflu. Ceci dit, même la Constitution de 1793, celle qui ne sera jamais appliquée parce que son application était suspendue au retour de la paix, et en dépit de sa radicalité (elle affirme le droit de chacun au bonheur, à la subsistance dans le malheur, et le droit du peuple à l’insurrection), ne se préoccupe de la propriété que de manière « classique » et affirme dans ses deux premiers articles : « Le but de la société est le bonheur commun. – Le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la puissance de ses droits naturels et imprescriptibles. Ces droits sont l’égalité, la liberté, la sûreté, la propriété. »
Bien sûr, les juristes ont au fil des siècles traité de toutes les subtilités possibles de la propriété et la question de l’accès à la propriété a été réglée en différents lieux et à différentes époques de différentes manières. Il m’apparaît pourtant que, de Rousseau qui y voit la source de l’inégalité entre les hommes, jusqu’à Hegel qui y voit l’expression de la volonté pure, l’on s’est jusqu’ici contenté de traiter la possession et la propriété sur le mode de l’évidence intuitive.
La propriété étant d’une manière très générale la pierre d’achoppement de nos réflexions sur la transition vers un nouveau monde, je voudrais analyser son concept, non pas comme expression de la volonté humaine, comme chez Hegel, mais dans la perspective exactement inverse : comme celle du pouvoir que les choses exercent sur les hommes, comme on l’entend dire chez Marx quand il écrit : « Le bénéficiaire du majorat, le fils premier-né, appartient à la terre. Elle en hérite », observation que Pierre Bourdieu remit à l’honneur.
(… à suivre)
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
84 réponses à “La transition (III) – La propriété inanalysée”
Les deux pistes à suivre pour la reconstrustion : analyse et critique de la propriété et analyse et critique du travail.
Mon intuition de détective me dit que les deux sont liées.
Continuons.
C’est vrai, le patrimoine hérite du bonhomme, les paysans (pas seulement) savent pas trop dire je vais pas bien, mais savent dire j’ai pas d’argent (en ce moment c’est vrai, mais je ne l’interprète aussi comme un mal être), ce que je dire c’est que le patrimoine (la terre) à une valeur autre que celle d’un marxiste c’est aussi un moyen d’offrir un bien être aux générations suivantes, même si la génération suivante doit d’abord, maintenir et augmenter ce patrimoine (ce qui est moins marrant).
C’est un résumer simple, car il y a aussi un peu de mémoire collective, on ce souvient encore des manques (j’ai 32 ans et mes parents ont toujours eût besoin de me rappeler les oranges à noël, les tickets de rationnement) mais c’est aussi une réalité (pas toujours consciente) dans 30 ans plus de pétrole plus d’uranium (source ademe) et à la vitesse ou les cdcs détruisent les plaines (on construit très peu en haut du mont blanc sur le massif centrale dans les forêts vosgiennes, les climats tropicaux sont des sols qui ne sont pas fait pour durer avec des cultures), le manque reviendra.
la terre représente aussi l’histoire familiale, je sais que tel champ (le plus mauvais en fait) appartenant à ma grand mère (propriétaire de puis 400 ans de 40 Ha, qui ce retrouve plus ou moins toutes les deux générations) est celui ou mon grand père (simple métayer fils d’un énième fils partie en plaine travailler et qui a réussit à loué une ferme, en même temps à la fin du XVIII les hommes propriétaires étaient moins enclins à rester) à vue ma grand mère travailler (lui était caché), il était fiancé (par arrangement), mais à demander à son oncle d’écrire une lettre pour demander ma grand mère en mariage (il ne savait pas écrire), elle avait entendu causer en bien du grand père et par son statut pouvait choisir (et la révotution commencer à porter ces fruits, moins d’arrangement) et ça à fait causer tout le village, mais ça reste l’histoire de ce champs qu’on nomme la croix percé (car il y avait un calvaire ou la croix était vous devinerez jamais…. percé).
Vous avez raisons on a tué nos rois et on aspire à créer une dynastie pour notre famille de seigneur, y à que le droit divin qu’on ne reproduit pas.
Le « pouvoir que les choses exercent sur les hommes, comme on l’entend dire chez » bien d’autres auteurs dont Ivan Illich :
Source wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Outil_convivial
Ce qu’il faudrait surtout, à mes yeux, c’est arrêté avec cette idée de rareté, ce partage de gâteau, etc.
Comme on dit dans un jeu vidéo – je sais quelle référence, hein ? –, The cake lies ! (cf. Portal)
Il faut plutôt s’assurer à organiser un nouveau marché selon les abondances, et plutôt que de prévenir la finance, préférer prévenir le notable, l’appréciable : les pénuries agricoles, le manque d’eau potable, l’énergie, etc.
L’essentiel, en somme, ce qui est vraiment capital !
The cake lies, ok, mais encore? Il faut arrêter de parler de gâteau parce que vous dites qu’il faut arrêter de parler de gâteau?
A propos de la propriété, Hegel et Marx:
Daniel Bensaïd, Les dépossédés – Karl Marx, les voleurs de bois et le droit des pauvres, La fabrique éditions, Paris 2007, 126 pages.
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article13714
« Ce précieux petit ouvrage est beaucoup plus qu’une introduction aux célèbres articles du jeune Karl Marx sur les débats dans la Diète Rhénane concernant le vol de bois par les paysans, publiés dans la Gazette Rhénane en octobre 1842 (et réédités ici en Annexe). Il s’agit d’une réflexion originale sur le thème très actuel des biens communs de l’humanité.
Comme le rappelle Bensaïd, les articles de Marx opposent le droit d’usage coutumier des pauvres – le ramassage des bois – au droit de propriété capitaliste des propriétaires des forêts. Certes, le cadre philosophique du jeune Marx en 1842 est encore celui, rationaliste libéral, de l’hégélianisme : l’État représente – ou devrait représenter – une rationalité supérieure face aux intérêts privés. Mais en critiquant la propriété privée du point de vue des droits d’usage des communs par les pauvres, il annonce déjà son engagement futur pour le communisme ».
mes frères, nous appartenons à la Terre bien avant qu’elle nous appartienne dans nos représentations du monde.
Oui, mais l’histoire est l’histoire de l’appropriation de la nature par l’homme.
A ce jour, ce n’est pas une belle histoire.
La Propriété comme principe contraignant vis à vis du principe de Liberté tout autant que du principe d’Egalité. Et d’ailleurs également contraignant vis à vis du principe de Sureté ou Sécurité.
Le propriétaire voit sa liberté aliénée à sa propriété. Pas vraiment contre-intuitif… Donc fertile en représentations évocatrices.
Vous en aviez déjà parlé à BFM :
http://www.pauljorion.com/blog/?p=12917
« Il n’est pas vrai que la propriété puisse jamais être en opposition avec la subsistance des hommes. Les aliments nécessaires à l’homme sont aussi sacrés que la vie elle-même. Tout ce qui est indispensable pour la conserver est une propriété commune à la société entière. Il n’y a que l’excédent qui soit une propriété individuelle et qui soit abandonnée à l’industrie des commerçants. […] quel est le problème à résoudre en matière de législation sur les subsistances ? Le voici : assurer à tous les membres de la société la jouissance de la portion des fruits de la terre qui est nécessaire à leur existence, aux propriétaires ou aux cultivateurs le prix de leur industrie et livrer le superflu à la liberté du commerce. Je défie le plus scrupuleux défenseur de la propriété de contester ces principes, à moins de déclarer ouvertement qu’il entend par ce mot le droit de dépouiller et d’assassiner ses semblables »
La position de Robespierre me semble philosophiquement juste. Le problème, c’est qu’il pas pu ou eu le temps de rechercher les solutions politiques sur ce sujet.
D’autres ensuite le firent : Proudhon avec ‘La Propriété privée, c’est le vol’ ou Marx, avec la propriété collective des moyens de production.
Cette volonté humaine de ‘posséder la propriété’ s’est retournée contre leurs auteurs, soit parce que la notion de propriété privée y était complètement niée, soit parce que la propriété relevait de l’Etat qui devait garantir aux citoyens l’accès et l’utilisation des biens et des moyens de production devenus ainsi ‘publics’, qui finirent par n’appartenir plus qu’à l’Etat, contre les citoyens.
Dans les deux cas, la chose finit par posséder, soit celui qui souhaite la posséder, soit celui qui la rejette.
Afin d’éviter ces deux écueils, sans doute faudrait-il revenir à la conception de Robespierre, en se basant sur la notion de ‘res communis’, de ‘chose commune’, qui appartiendrait à tous et à personne en particulier. La définition de cette ‘res communis’ permettrait, en creux, de limiter la propriété privée, en lieu et place de tentatives vouées à être infructeuses, de définition par le droit, toujours sujettes à l’arbitraire, notamment quant à la définition de ‘plafonds’.
Si la chose que l’on possède finit par nous posséder, alors pourquoi ne pas concevoir la possibilité de ne pas posséder individuellement cette chose, tout en en ayant l’usufruit, avec les mêmes droits que tous ceux qui viennent à naître ou naitront sur la terre, tout en préservant la possibilité de posséder pour soit certaines choses ? Ne pas posséder et avoir le libre accès, n’est-ce pas se libérer de la possession de la chose ?
A condition que cette ‘chose commune’ ne relève pas de l’Etat qui, dans le contrat social, n’est que le garant des droits naturels et non leur propriétaire : dès lors où l’Etat deviendrait propriétaire de la ‘chose commune’, celle-ci pourrait devenir la propriété de ceux qui accèderait aux pouvoir politique et pourraient rechercher son accès par la recherche de la possession (ou l’usufruit privée) de cette chose commune …
A condition donc que la ‘res communis’ soit définit comme un droit naturel, garantit par un contrat social refondé et non comme une résultante du contrat social.
Ceci impliquerait très concrètement de définir précisément dans les droits naturels ce qu’est la ‘res communis’, et partant, tout ce qui n’est pas ainsi, relèverait soit de la propriété publique (justifiée et nécessaire pour les besoins de garantie et d’application du contrat social), soit de la propriété privée.
Qu’en pensez-vous ?
Oui. C’est le principe de la coopérative, reste à organiser en bonne intelligence l’usage des biens communs sans égoïsme ni arrière pensée.
euh, non pas tout à fait …
Les biens communs ne sont pas des ‘réserves impartageables’. Elles ne sont apportées par personne, elles appartiennent à tous et à personne.
Dans le tas de mes réflexions pour la propriété privée:
La propréété n’est pas absolu mais elle est le résultat d’un compromis:
Quand vous êtes propriétaire aujourd’hui, cette propriété a des limites qui correspondent à la notion actuelle de bien commun. Par exemple, vous ne pouvez pas planter des piquets de plus de x mètres de hauteur sur votre terrain, parce que l’espace situé au dessus est considéré comme bien commun. Si vous êtes dérangé par les parachutistes du terrain d’aviation voisin, vous ne pouvez pas donner libre cours à votre exacerbation et les empècher de pratiquer leur activité avec vos pieux anti-parachutistes. Il existe des tas de restrictions à l’usage de la propriété qui actualise l’idée qu’un groupe humain se fait de « l’intensité » de la propriété privée, de ses domaines possibles et de ses conflits avec le domaine public.
« La propriété c’est le vol » suppose un caractère absolu à la propriété qu’elle n’a pas. Les limites de la propriété sont donc très largement débattues démocratiquement. Qu’on ne soit pas satisfait avec les règles actuelles s’entend et peut légitimement déboucher sur une action politique visant à redéfinir la propriété, mais je crois que vouloir remettre en cause le principe même de propriété est une fausse piste. Nous passons sans discontinuité du domaine des décisions personnelles à celui des décisions collectives, la propriété propriété privée donne un cadre qui définit à un moment donné les règles.
La propriété abrite des ressorts vitaux:
La propriété peut aussi être le support de notre histoire. Un de mes amis a racheté il y a quelques années la maison de son grand père. C’est au bout du monde, un tout petit village, il doit effectuer des déplacements importants pour l’habiter mais il n’y renoncerait pour rien au monde. Il l’a retapée en conservant des vestiges de l’activité de forgeron de son grand-père qui n’ont de valeur qu’à ses yeux et aucune sur le marché de l’immobilier. C’est un cas parmi d’autres qui me donne à réfléchir sur les diverses fonctions de la propriété.
Intuitivement, je suis pas du tout d’accord avec le distingo qui est fait entre les objets « superflus » et les objets « indispensables », qui justifieraient une proprié privée et une possession publique.
Un bout de tuyau en plastique, c’est un objet anodin, superflu. Il permet néanmoins de transporter de l’eau, et de justifier le paiement d’une taxe à l’utilisateur de ce bien public. Par ailleurs , cette taxe peut servir à payer des campagnes électorales.
A partir du moment ou chaque objet est issu des entrailles de la terre, il ne peut et ne doit pas être considéré comme superflu.
La propriété, et si tout simplement l’homme avait juste éprouvé le besoin de stabilité, le besoin d’avoir des choses organisées sur lesquelles on ne revient pas.
Cette chose appartient à untel et c’est tout, cela évite de se poser la question de savoir à qui elle est ou à qui elle appartiendra demain, de laisser la place à un désordre permanent, l’homme est un guerrier, ou plutôt la nature nous a fait guerrier, c’est la vie tout simplement, alors avoir une stabilité dans la propriété et dans les acquis est sans doute un réflexe humain.
La société et l’homme n’ont ils pas besoin de choses fixées pour avancer, ma maison, ma ville, sont mes racines, à partir de là je ne me pose plus la question de savoir d’où je viens, c’est un point non contestable et donc mon esprit peut passer à autre chose.
En quoi cela sert il votre réflexion, tout simplement que pour exister il nous faut des racines et donc d’une certaine manière posséder quelque chose où se rattacher, alors chercher à accumuler ne serait il pas un réflexe pour rendre ses racines plus solides et donc se sentir mieux dans ses baskets.
Sans doute l’une des raisons de l’échec du socialisme, tout appartenant à tout le monde, il n’y eut pas de respect, de racines, on vivait au jour le jour sans trop savoir où on allait, bonjour la vodka et les alcools.
Juste à travers mes mots, pas forcément tenter de créer une polémique, juste dire que nous pouvons aussi avoir des idées aujourd’hui au lieu de constamment tenter de rechercher dans le passé et chez nos ancêtres une question à nos soucis d’aujourd’hui.
Bref est-ce la propriété le problème ou tout simplement que l’accumulation de propriétés à un certain moment à un effet négatif dans le sens où sa concentration fini par empêcher tout homme d’avoir la possibilité d’avoir sa propriété et donc de fixer ses racines.
En d’autres termes, il faudrait dans un système considérer qu’il est des seuils au delà desquels la propriété doit revenir à la collectivité.
Après tout n’est ce pas la réflexion de Bill Gates qui demande aux milliardaires US de donner une large partie de leur avoirs à la collectivité !
Je pense que la crise actuelle provient du fait que la société à laisser l’accumulation se réaliser sans en fixer certaines limites, la concentration des grandes entreprises et des richesses entre quelques mains à des effets hautement pervers pour la société, maintenant comment fixer ces limites, je rejoins ainsi votre interdiction sur certains paris, tout ne doit pas être permis, c’est en cela que le libéralisme nous déçoit, le libéralisme a des limites, le capitalisme aussi.
Ce n’est pas tant un monde nouveau dont nous avons besoin, mais d’un système où des limites devraient être appliquées, par exemple la croissance ne devrait-elle pas avoir ses propres limites ?
Reste que l’homme n’a jamais su se donner de limites…
Bill Gates pourrait être un exemple ?
Mais un exemple de quoi ?
Un ennemi exemplaire ?
Bonjour,
je suis trés d’accord avec vous, il faut être réaliste, le temps des sociétés vivant en harmonie avec l’environnement dans de vastes étendues naturelles est dépassé malheureusement.
La propriété légitimée est un facteur de paix, de cohésion et d’appartenance dans notre société.
Et c’est surtout l’accumulation et la transmission sans limites de ces propriétés qui pose probléme.
Evitons de trop parler d’utopie.
cordialement
@ Bourdon
Vous avez raison sur au moins un point:
« la crise actuelle vient de la trop grande concentration des richesses ».
En effet, la mise en coupe réglée par quelques centaines de multinationales,
dont des dizaines sont plus importantes financièrement que beaucoup d’Etats
est la phase actuelle, de sénilité avancée du capitalisme.
Il détourne la production de la satisfaction des besoins essentiels et détruit les écosystèmes.
Le capitalisme est devenu l’obstacle à la propriété légitime sous toutes ses formes.
le pouvoir qu’exerce l’Objet sur la conscience humaine. j’observais une émission de télé-réalité hier soir et un papou des plus ‘natures’ découvrait paris et le mode de vie à l’occidentale dans un lotissement.
le mot qui lui revenait tout le temps est ‘pratique’ c’est ce qui faisait pour lui la valeur d’un objet en premier lieu, c’est à dire le plus fréquemment, comme pour un motoculteur ou un aspirateur avec une poignée pour mieux le porter. l’aspect pratique et l’usage donnent ils légitimité?
sympathisant avec son hôte parisien, ce dernier lui donne alors un couteau avant le départ, son couteau personnel. le papou lui dit alors: ‘à ma mort je lèguerai tous mes biens, mais ce couteau on m’enterrera avec, il sera placé sur mon coeur’. là c’est du fétichisme.
le fétichisme corollaire de la Fascination, le fait d’être fasciné, est une donnée de première ordre de la psychologie. un peu comme l’obnubilation, l’obsession… une valeur est surajoutée à l’objet et donc à sa possession.
Le coté pratique de l’objet est une chose, son coté utilite en est une autre. Il y a beaucoup de choses pratiques, sont elles toutes utiles et necessaires ?
Voudriez vous évoquer « le fétichisme de la marchandise » ?
@Marlowe
il y a certainement de cela, le comportement est vieux comme notre espèce. je m’interrogeais sur ce qui fonde la valeur dans des sociétés où le sens de la propriété est limité par un mode de vie simple, et non influencé par les grandes civilisations. retourner à l’origine, au moment où le pouvoir qu’exerce l’objet sur l’homme est aisément observable pour en comprendre les ressorts psychologiques. d’ailleurs ce papou avait du mal à comprendre le principe de l’argent. une autre tribu avait tout autant de mal. par contre les deux ont rapidement analysé la dépendance induite de l’homme blanc.
mettre en cause la volonté de posséder ou le pouvoir de l’objet, c’est une lubie particulière à nos contrées qui ont connu la pénurie, mais aussi l’abondance depuis plusieurs générations. je crois qu’il ne faut pas rêver, les autres souhaiterons en passer par là avant de se rallier à nos vues.
une chose: l’on sentait bien dans ce programme tv, que si le papou avait reçu une carte de crédit illimitée, il aurait accumulé une grande quantité de choses. et pourtant lui possède une maison et une terre, chose que moi je n’ai pas.
entre autres choses, une catharsis s’exerce par la propriété.
Au risque de me tromper, il me semblerait intéressant, pour que la transition vers ce nouveau monde que nous appelons de nos voeux repose sur des bases solides, de travailler sur une anthropologie de la propriété. De là, nous pourrons peut-être plus facilement distinguer ce qui relève, d’une part, de son approche culturelle et d’autre part, du pouvoir naturel que cette même propriété exerce sur les hommes. Cela ne revient-il pas à poser la question de savoir, au vu des travaux anthropologiques, si la propriété est un droit naturel qui s’inscrit dans une nécessité biologique?
C’est une ébauche de réflexion, et ce sujet a peut-être déjà été débattu ici-même.
Il faudra immanquablement en revenir au lien indéfectible qu’a lié, en tout cas en Occident, Locke entre liberté et propriété en faisant du corps de la personne humaine et de ses extensions matérielles acquises par son travail les fondements de ses droits naturels de Liberté, Propriété, Sureté, tous intimement reliés par lui et depuis lui à cette ontologie de la Personne Humaine.
Je suis probablement naïf et irrémédiablement marqué par mon éducation et mes convictions, mais je vais vous poser une question qui me taraude. Pourquoi parle-t-on toujours des droits et jamais des devoirs ? Est-ce réservé à la religion ? Les devoirs sont-ils inclus dans les droits de chacun (solidarité) ? Je trouve que les choses n’iraient pas plus mal si on disait un peu plus haut et un peu plus fort les devoirs que nous avons les uns envers les autres au lieu de toujours parler de droits à tel point que certains me semblent tentés d’oublier les devoirs inclus dans les droits.
Fraternité, Fraternité.
« Les droits et les devoirs », c’est un classique qui ne doit pas être réservé à la droite ou au pouvoir en place qui en use et en abuse.
Sur le principe OK mais pour l’Etat tout autant que pour le citoyen.
Pour l’Etat : un travail, un logement salubre, un accès à un enseignement performant, une garantie de la sécurité, …… pour chacun et surtout : des élus qui représentent la diversité de la population, le respect strict de la démocratie et des minorités, l’acceptation des contre-pouvoirs, le respect de la Constitution…. Bref, pas d’oligarchie.
Le devoir :
Obligation morale définie par l’éthique ou par la loi. Devoir de politesse.
Faire son devoir de citoyen. »
Le devoir et le droit :
« Avez-vous oublié que le citoyen doit sa vie à la patrie, et n’a pas le droit d’en disposer sans le congé des lois, à plus forte raison contre leur défense? »
Jean-Jacques Rousseau, Julie, ou la Nouvelle Héloïse, Gallica
Je ne comprends absolument pas comment une société pourrait fonctionner si les citoyens n’envisagent pas à la fois les droits et les devoirs.
Pour moi, il est déjà patent qu’une telle différence se marquera immédiatement dans le résultat visible, à savoir l’aspect sociétal et économique ! Vulgairement dit, on verra la différence entre le savoir-vivre et le lalaisser-allerentre le travail , la prospérité et le marasme engendré par la fainéantise et le manque de tenue. ElÉlitisme Nécessaire pour moi et en tout cas réellement payant !
Peut-être que vous pensez que les devoirs vont un peu de soi, mais vous ne le dites pas et je pense qu’il s’agit d’ununerès grave lacune, étant donné le nombre de citoyens qui ne raisonnent pas spontanément d’une manière équilibrée ! Il y a là, à mon sens, la mauvaise graine de l’anarchie qui est en place ! Ah oui, si on aime l’insurrection, elle en sera spsurementa conséquence. Malheureusement ! Personnellement, je n’appelle pas cela l’ininsurrection,ais bien l’anarchie et le désordre, le malheur permanent, les agressions habituelles à l’égard des faibles.
Si certains pensent que l’anarchie est souhaitable, qu’ils pensent aux massacres incontrôlés qui en résultent en fait !
J’ai relu les différents commentaires sur le premier article et sur celui-ci et quelque chose qui m’effare régulièrement chez de nombreuses personnes est que la référence unique reste la Révolution française. Malgré les incertitudes actuelles, il ne faut oublier les profondes avancées qui l’ont suivi et ont permis de traduire dans le concret un certain nombre de ses principes, en particulier au milieu du siècle lors de la mise en place du système social français. Par rapport à la discussion sur la propriété qui a donné lieu à des débats passionnés lors de la construction des grands services publics français, le texte le plus avancé reste le préambule d’avril 1946, rejeté par référendum par les français, mais qui sert de base quand même :
Article 35
La propriété est le droit inviolable d’user, de jouir et de disposer des biens garantis a chacun par la loi. Tout homme doit pouvoir y accéder par le travail et par l’épargne.
Nul ne saurait en être privé si ce n’est pour cause d’utilité publique légalement constatée et sous la condition d’une juste indemnité fixée conformément à la loi.
Article 36
Le droit de propriété ne saurait être exercé contrairement à l’utilité sociale ou de manière à porter préjudice à la sûreté, à la liberté, à l’existence ou à la propriété d’autrui.
Tout bien, toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité.
Il ‘est évident que le changement de paradigme qui nous pend au nez devra remettre en cause la base de nos constitutions qu’est le droit de propriété.Est-ce le droit du plus fort?
Du plus rusé?
Du mieux entouré?
Le droit français annonce qu’en « fait de meubles possession vaut titre ».
Proposition si controversée que certains biens fort meubles comme les automobiles sont tout de même assortis d’un titre de propriété sous forme de carte grise.
En ce qui concerne les biens immeubles il doivent prouver leur appartenance à une personne physique ou morale sous la forme de titres dûment contrôlés par le notaire et l’état.
Serait-ce que droit du plus fort a obligé à la création de ces certificats de propriété tant il était facile jadis de s’approprier le bien d’autrui par la force.
Soyons certains qu’au cas ,possible, où l’anarchie administrative apparaitrait le droit de propriété serait le premier baffoué.
Il s’agit bien du socle moral d’une société humaine.
Je crois que les deux articles sont difficiles à concilier.
Si le travail permet de devenir propriétaire comment ceci est’il conciliable avec la notion d’utilité sociale ?
Qui détermine la notion d’utilité publique ? L’Etat ? Au service de quelle classe ?
Le travail comme concept et comme activité humaine doit être défini très précisément, car après tout, dans le monde du libéralisme, le travail est le travail du prolétaire qui enrichit les propriétaires, actionnaires et dirigeants et qui permet un jour à une classe sociale de posséder l’essentiel du monde, sans même parler de la propriété de l’argent qui « travaille » pour le compte de celui qui le possède, ou qui fait croire qu’il le possède et que cette possession est légitime.
Merci de ce rappel salubre.
Ils ont tenté de définir cela en fonction « du nécessaire développement de l’homme », terme ambigüe mais qu’ils considéraient dans sa dimension la plus large. J’ai retrouvé les articles de la constitution de 1946 qui reste d’ailleurs une partie de la constitution française :
5.Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.
6.Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.
7.Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.
8.Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.
9.Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité.
10.La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.
11.Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence.
12.La Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales.
Ben s’il a été refusé un jour par référendum populaire, même si les nationalisations ont été massives, suffit de remettre ça! Ça s’est fait non? Pour l’Europe on a pas fait la fine bouche…
Projet de l’Assemblée Constituante du 11.08.2010, destiné à être validé par un référendum populaire:
Article relatif aux entreprises privées dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait.
– Considérant que certains secteurs économiques constituent un enjeu supérieur pour la Nation et peuvent mettre en péril ses intérêts vitaux ou ceux d’une large part de ses citoyens;
– Considérant que l’existence en son sein d’entreprises de dimensions internationales se partageant une part prépondérante de chacun ou de plusieurs de ces secteurs dans l’économie nationale et fonctionnant comme un monopole de fait au moyen du partage officieux des parts de marché et des accords entre ces groupes capitalistiques en petit nombre (oligopoles) pour annihiler les effets supposés d’une concurrence saine;
– Considérant que l’action du gouvernement et le financement par le contribuable français ont permis de sauver un secteur financier qui a failli dans sa mission d’intérêt public de défense de l’épargne populaire et de financement de l’économie productive;
– Considérant les dépenses de santé démesurées autorisées par le système de Sécurité Sociale soutenue par la collectivité et l’État français. Et considérant parallèlement les bénéfices tout aussi démesurés dégagés par les entreprises de l’industrie pharmaceutique, sans rapport avec leurs avancées effectives dans la recherche de nouvelles molécules améliorant sensiblement la santé de la population, et consécutifs donc d’une simple rente de situation,
– Ordonnera, après ratification par un référendum populaire, la nationalisation sans contrepartie des cinq premières entreprises françaises quant elles représentent plus de 50% de chacun des secteurs suivants : (liste non exhaustive…)
#Grande distribution, secteurs alimentaires,
#Énergie (gaz, pétrole, électricité, nucléaire),
#Eau, propreté, recyclage,
#Travaux publics,
#Télécommunications,
#Automobile,
#Transport aérien,
#Infrastructure autoroutière,
#Armement.
– Ordonnera, après ratification par un référendum populaire, la nationalisation sans contrepartie des dix premières entreprises françaises des secteurs suivants :
#Banque,
#Assurance,
#Industrie pharmaceutique.
On peut rêver un peu…
Il n’a pas été rejeté celui-là. La sncf était déjà créée ; il a conduit principalement à la nationalisation dans les secteurs de l’énergie (création d’EDF-GDF, des houillères nationales), des banques et de l’assurance ; elles avaient déjà été voté dans les faits. Il ne faut pas oublier la mise en place des caisses d’allocations familiales et de la sécurité sociale qui suivent aussi.
vigneron président! vigneron président!
A la serpe, contre la science économique :
1/ Si la propriété découle du pouvoir que les « choses » exercent sur les hommes, alors le pré-requis à toute appropriation est le sentiment humain qu’on appelle « l’envie ».
2/ L’envie décrit ce sentiment nécessaire à la satisfaction de tous nos besoins, qu’ils soient vitaux, ou superflus.
3/ Si vous perdez toute envie, vous perdez le goût de vivre. L’envie devient nécessité dans toutes les actions humaines.
4/ Il ne peut y avoir satisfaction de « l’envie », devenue un besoin, et enfin nécessité, sans acte de persuasion sur autrui. Sauf à vivre en autarcie.
5/ La science économique en légitimant l’acte de propriété, rend compte des points précédents en spéculant sur nos sentiments d’envie et de persuasion, qui se cristalliseront in fine dans les actes de propriétés sur les biens, les choses, et les services.
Puisque l’économie doit forcément spéculer sur des sentiments humains pour légitimer la propriété du plus riche aux dépens du plus pauvre, elle doit de facto perdre son statut de science . Ces sentiments trop humains, d’envie et de persuasion ne peuvent, par définition, être le socle d’une science.
Dans 20 ans, une fois les grandes écoles et les facultés nettoyées de cette science qui confine parfois au charlatanisme, nos étudiants d’élite pourraient se consacrer à la vraie science physique. Sauf à fabriquer des armes, cette vraie science sert à l’amélioration de nos conditions de vie à tous sans glorifier les accapareurs dans ses théories, elle à même vocation à terme à pulvériser les notions de propriétés telles que nous les définissons en ce début de XXIème siècle.
Je ne suis pas certain d’avoir tout bien compris : les « deux fonctions », c’est bien le « citoyen et le bourgeois » ? Et donc, c’est bien la fonction du citoyen qui est « fondée sur la logique aristocratique de la lutte à mort » et la fonction du bourgeois, « sur l’éthique du travail née parmi les descendants d’esclaves »?
Si c’est bien ça, il serait peut-être utile (utopique?) de construire autre chose que ces fonctions. Bigre, le citoyen comme créature de l’Ancien (et même antique) Régime et le bourgeois comme descendant d’esclave… on est toujours surpris de constater que ce sur quoi on s’appuie ne ressemble décidément jamais à ce qu’on s’imagine 🙂
Ouhlaaaaa, l’aiguille de la boussole panique 😀
EHR
le patrimoine d’une personne ne peut excéder 15 millions d’euros sauf si elle a des actions d’une société qu’elle a co-fondée (ses héritiers ne sont pas co-fondateurs)
La propriété de quoi ?????????
Sommes-nous propriétaires de nous-mêmes ?
Ce débat a eu lieu au passage vers la modernité et reste encore d’actualité. En droit canon, je pense que nous apparten(i)ons à Dieu. La modernité a décidé que l’on s’appartenait.
Florence Gauthier est une historienne. Elle est une spécialiste de la Révolution Française. Elle a écrit un livre récent intitulé « Triomphe et mort du droit naturel en Révolution, 1789-1795-1802 ».
Elle a mis en ligne un extrait trés intéressant concernant le droit à la propriété et le droit à l’existence.
« Robespierre, théoricien du droit naturel à l’existence. »
http://www.lecanardrépublicain.net/spip.php?article381
Merci pour le lien, une petite d’1/2 heure de lecture attentive qui mérite de suivre l’adresse.
La citation de la sans-culotterie parisienne soulève une question :
« Que les matières premières seront aussi fixées de manière que les profits de l’industrie, les salaires du travail et les bénéfices du commerce qui seront modérés par la loi, puissent mettre l’homme industrieux, le cultivateur, le commerçant à portée de se procurer, non seulement les choses nécessaires, indispensables à la conservation de leur existence, mais encore tout ce qui peut ajouter à leur jouissance. »
Lister ce qui est nécessaire à la conservation de l’existence, ça a été fait pendant le siège de Leningrad et ailleurs, mais « tout ce qui peut ajouter à leur jouissance » est aussi infini, qu’indéfini.
De l’indéfinissable de sa finitude sans doute…
Et si nous essayions de sortir de ce « flatland » rappelé dans un récent commentaire, qui consiste entre autres à rester enfermés dans ces termes -« la » propriété, « le » citoyen, « le » bourgeois- et ces modes de pensée statiques, cloisonnés, qui sont largement induits par notre langue, notre système scolaire, nos structures sociales ? Comme pour résoudre certains problèmes de construction, si nous tentions de passer à une troisième dimension ? Et pour cela, peut-être, nous ouvrir à ce que peuvent nous apporter d’autres sociétés ?
Quels modes d’accès, de répartition, de transmission de ce qui est considéré comme vital (matériel et immatériel) dans d’autres cultures ? Comment cela est-il traduit dans leurs langues, leurs règles de vie, leurs conceptions et pratiques politiques ? En particulier, qu’est-ce qui concourt à préserver un souci égalitaire et de partage et qu’est-ce qui donne prise à l’accaparement, la soumission d’autrui et le déni de son humanité ?
Quand et comment passe t-on du nécessaire au superflu?
Distinguer le « superflu nécessaire » à la dimension créative de l’homme, à une certaine anticipation en vue de se prémunir, de se donner une marge d’action pour soi-même et sa communauté face aux impondérables. Du « nécessaire superflu », qui donne à l’individu une ascendance sur les autres, le place dans la hiérarchie sociale .
Reliquat des cultures primitives, lié au pouvoir à la représentation. Posséder femmes, bétails, terre. Le gras, le superflu la rondeur, constituant l’image de la sécurité, de la jovialité, du bien être de l’aisance, de la fécondité.
Les critères esthétiques et les formulations changent, mais reproduisent toujours des comportements ancestraux. Le but être quelqu’un, la reconnaissance faisant la valeur ajoutée de l’individu lambda. Cela pose la question du culte de la personnalité, de l’homme extraordinaire et des honneurs que la société lui doit comme des offrandes à un homme érigé en divinité.
Ce besoin de s’accrocher les uns aux autres comme des wagons se cherchant une locomotive pour nous tracter. L’attente de l’homme ou de la femme providentielle, qui nous laisse orphelin quand celui ci disparait.
La société est une communauté constituée de communautés,comme un objet fractale. Changer le rapport à la propriété suppose de changer l’échelle de valeurs. Dépasser le stade binaire qui oppose l’individu au collectif, mais aussi les valeurs qui conditionnent les relations entre les individus.
Le collectif devant être perçu comme un réseau d’individus + ou – construits, responsables. Ne se limitant pas à une somme, à une « simple collection d’individus ». Quand bien même la vision panoramique de nos sociétés, son visage, est à l’image des individus qui la composent.
Les interstices entre les hiérarchies devraient être ces espaces vacants indispensables à l’initiative,à la proposition pour éviter la sclérose. Cela implique la confiance, cela implique la qualité de la formation et de l’information.
Je dis souvent à mes fils que l’injustice des sociétés commence dans les familles. Nous reproduisons sans en avoir conscience, chez nous ce qui nous semble injuste dans la société.
Ce n’est jamais lorsque j’étais aisé ni oisif que j’ai été le plus créatif artistiquement, mais au contraire lorsque j’étais ric-rac financièrement, et/ou que je travaillais beaucoup voire trop, pour gagner ma vie. Or il n’y a dont je puis dire plus que l’art, que cela m’a structuré et élevé mentalement.
La détention d’un mobilier luxueux est nécessaire à un riche, mais le riche n’est pas nécessaire à la société. Il est peut-être nécessaire dans la mesure où il crée des envieux, et pousse ceux-ci à travailler. Après, hormis la question de savoir si un tel phénomène – l’envie – est nécessaire à la bonne marche de la société, on peut faire le constat simple suivant lequel l’émergence de riches est automatique dans une société qui réussit préalablement à satisfaire ses besoins vitaux.
Le surplus luxueux sera affecté de lui-même selon les critères à la mode dans la société à ce moment-là.
La propriété publique du nécessaire alliée à la propriété privée du superflu, me paraît être la forme la plus aboutie de compromis entre communisme et économie de marché incitative.
Quid des matières premières selon qu’elles entrent dans des marchandises nécessaires ou superflues (fondamentales ou non fondamentales chez Sraffa), et selon qu’elles soient renouvelables ou non ? Peut-on laisser Total gérer des ressources non renouvelables ?
« Peut-on laisser Total gérer des ressources non renouvelables ? »
Les ressources non renouvelables telles que le pétrole sont contrôlées par les Etats, bien qu’officiellement privées. Il n’y a que les pays du tiers-monde affaiblis (ou la Belgique) qui acceptent qu’une société étrangère se serve de leurs ressources à moindre coût. Dans les pays occidentaux, les sociétés pétrolières sont surveillées de très près par les Etats, surtout si elles pompent sur le territoire national (en GB, en Norvège, aux USA par exemple) et sont pour ainsi dire sous leur contrôle (seuls les bénéfices sont privatisés).
Preuve par l’absurde: imaginez que les chinois viennent acheter Total, l’Etat français laisserait-il faire? Non, évidemment.
Exact, sauf que ce sont ces multinationales qui désormais contrôlent l’Etat…
@Charles A. : euh, oui, vous avez raison. Ben on est mal barrés alors…
Il me semble que les discours sur « l’égalité » relève du sexe des anges. Les inégalités sont partout dans la nature. Pour l’homme elles commencent à la naissance, indépendamment des milieux sociaux, un nouveau né peut souffrir de malformations, d’insuffisances,…. Ajoutons le contexte parental, indépendamment du niveau de revenus, ajoutons le milieu social, enfin la croissance est pleine d’évènements qui vont affecter la personnalité.
Mieux que de chercher les « égalités » il me semble préférable de prendre en compte les inégalités. Les différences sont aussi des enrichissements. Le rôle de la Nation, du groupe, c’est de compenser, de garantir à tous un travail avec une rémunération minimale, un logement, et de faire en sorte que ceux qui ont les capacités à comprendre, entreprendre, créer, puisse s’exprimer au bénéfice de tous. On en est loin.
La question est de savoir quelles motivations vont permettre aux individus de s’investir, et souvent avec beaucoup d’énergie et de temps, pour faire progresser la société. La propriété, réservée à ceux qui ont acquis un savoir faire reconnu, sert à fournir du travail, des services, des biens, aux autres efficacement.
Il est utopique de penser que les richesses productrices, en dehors des ressources clés et importantes (banques, énergie, exploitations agricoles et alimentaires), seront bien gérées si elles appartiennent à la collectivité. Le collectivisme, même s’il a eu des côtés très positifs, a fait long feu sous la contrainte. Il me semble que seules les conditions, le contexte qui générèrent les motivations dans lesquels les hommes évoluent, permettent de satisfaire efficacement aux besoins de la collectivité, avec réactivité, créativité, sans distorsion, écarts de revenus importants, comme cela n’est pas le cas dans nos sociétés actuellement.
La propriété privée peut être vue comme une des déclinaisons de « qui décide quoi et comment ». Les étendues respectives des domaines privés et publics sont une des expressions de la ligne de partage des décisions prises en haut et de celles prises en bas. Ce qui me semble plus important que la propriété privée, c’est l’équilibre qu’il y a entre ce qui relève de la sphère publique et ce qui relève de la sphère privée. Encore que cette façon de poser la question la réduit, parce qu’il y a une suite ininterrompue de structures entre ces deux sphères.
Dans une lecture sur un Kibboutz (je ne sais plus laquelle), j’avais noté que même les décisions les plus minimes, comme le choix de la couleur des rideaux de la salle à manger commune, donnaient lieu à d’interminables procédures démocratiques, ce qui rendait l’atmosphère insupportable de vélléité. La propriété privée peut donc être vue comme un moyen pour l’individu ou sa famille, ou un groupe de prendre efficacement des décisions à un certain niveau. La façon dont Robespierre pose la question de la propriété me semble toujours pertinente, sauf que l’essentiel varie d’une époque à l’autre. Par exemple, la question écologique, l’épuisement des ressources minières … devraient conduire à réduire la sphère privée pour les questions touchant à ces sujets puisqu’ils deviennent essentiels pour tous.
J’ai retrouvé un texte de Saint-Just sur la propriété qui définit de manière intéressante que ce sont les inégalités de propriété qui sont un drame en soi :
« De la corruption des lois
La plupart des idées des hommes s’appuient sur le système de leur corruption, tout le bien est le cercle de cette corruption, tout le mal est au-delà de ce cercle. N’a-t-on point vu sur la terre les plus cruelles horreurs s’ériger en principes sacrés en matière de religion et de gouvernements ? Le faste de l’église romaine a reposé, et repose encore, sur le mépris de tous les biens et l’épouvantable inhumanité des lois repose sur le principe de la félicité et de l’amour des hommes. Il n’est plus d’idées nettes des choses et la sauvegarde de tant d’erreurs est que tout, apparemment, va comme il doit aller. Ce qui fut la vertu dans un siècle et chez un peuple, est un crime chez un autre peuple et dans un autre siècle. Je crois reconnaître que la dépravation de toutes les républiques est venue de la faiblesse des principes sur la propriété. Un pacte social se dissout nécessairement quand l’un possède trop, l’autre trop peu et, vainement, la loi positive garantira cette liberté du faible contre le fort, de celui qui n’a rien contre celui qui a tout. Je ne veux point dire qu’il faille partager la terre de la république entre ses membres ; ces moyens physiques de se gouverner ne peuvent convenir qu’à des brigands. Mais ce partage de la terre, entre ceux qui l’habitent, doit s’opérer par le système de la législation. Dans nos contrées d’Europe, la masse du peuple est tellement stipendiaire du reste du peuple que, si la portion riche voyage ou thésaurise, l’Etat mourra bientôt de faim. La première de toutes les lois sociales est la garantie et l’indépendance de la vie, cet objet ne doit point entrer dans le commerce qui n’est positivement que l’usage des superfluités. Il y a de quoi frémir lorsqu’on voit tous les membres d’un souverain vivre d’un méteir, tout citoyen doit vivre de son champ, s’enrichir de son métier ou de son industrie. J’ai dit ailleurs que le principe de la vie sociale était la propriété, parce que sans elle on n’avait pas plus de patrie que les vaisseaux qui courent les comptoirs de l’univers. J’ai dit qu’il ne fallait point diviser les champs, mais déterminer le maximum et le minimum de la propriété afin qu’il y eût des terres pour tout le monde, et que les membres du souverain, libres par une illusion, ne fussent point en effet des esclaves des premiers besoins. (…) Nous en serons plus libres, et les riches en seront plus vertueux. La liberté ne peut pas longtemps se maintenir parmi des gens que leurs besoins intéressent baucoup plus que l’égalité. La propriété est de droit comme la souveraineté,si vous déterminez le maximum de cette propriété, et si vous forcez le riche à convertir en argent ce qu’il possède en trop, vous en retirerez cet avantage que le riche sera obligé de commercer, que la cité, plus occupée, aura des moeurs et de quoi vivre dans cet état. On verra bientôt la population s’accroître et le maximum de propriété devra toujours être la moyenne proportionnelle entre le minimum et la population. » (Saint-Just, oeuvres complètes, gallimard, 2004, p. 130-132)
Il écrit bien ce con. Tout rapport avec aujourd’hui est évidemment denué de réalité…
On peut toujours rêver !
C’est surtout quand on fait la comparaison avec le niveau intellectuel des dirigeants actuels que cela laisse songeur.
Hegel, encore… Le pauvre ne devait pas souvent lever le nez de ses livres pour se tromper aussi grossièrement qu’en évoquant la propriété comme expression de la volonté humaine… La simple observation d’un couple d’oiseaux défendant leur nid contre un intrus aurait pourtant du suffire à lui faire reconsidérer sa réflexion, ou encore la morsure d’un chien auquel on tente de retirer son os… La propriété est en fait présente chez nombre d’êtres vivants.
Inverser la perspective, voilà une bonne idée… Traiter des besoins et des envies. Mais là encore, attention à ne pas trop singulariser l’humain face aux autres êtres vivants. Si Aristote a par exemple défini l’humain comme « animal politique », il ne faut pas perdre de vue que c’est également l’apanage d’autres espèces vivant en communautés: Fourmis, loups, etc… Leurs codes ne sont certes pas les nôtres, mais ça ne veut pas dire qu’ils soient moins valides.
La problématique de l’argent dans la perspective proposée ici est à mon sens singulière: Voici la chose issue d’une convention sociale, qui résume à elle seule tous nos besoins et (presque) toutes nos envies en un seul artefact. Il est par conséquent acteur de la confusion généralisée entre besoins et envies, à tel point que l’expression « avoir besoin d’argent » ne choque pas, cependant que l’argent en lui-même ne puisse satisfaire ni la faim, ni la soif, ni aucun autre besoin fondamental, et moins encore des envies telle que par exemple l’aspiration au bonheur.
L’argent est en définitive un intermédiaire devenu si universel qu’il en est néfaste, puisqu’il oblitère la valeur relative des choses réelles, permettant ainsi de faire croire que le téléphone portable ou la voiture soient des objets non moins essentiels à la vie humaine qu’un simple morceau de pain, ce qui est pourtant totalement faux, bien entendu.
L’argent est d’autant plus pervers qu’il présuppose l’existence d’une société, mais peu importe le mode d’organisation de cette dernière. La seule condition nécessaire à son existence est la pratique des échanges. Ceux-ci peuvent ainsi être tout à fait inéquitables, sa fonction ne s’en trouve pas pour autant altérée. C’est au contraire ainsi qu’il devient instrument de pouvoir, divisant la société en deux catégories dont l’une est subordonnée à l’autre: Ceux qui en possèdent suffisamment pour ne plus avoir à se soucier de leurs besoins, et les autres, qui leur sont inféodés.
Juste une idée idiote
Pourquoi ne pas supprimer l héritage
Plus de raison d accumuler
Il y a aussi Renault, Air-France et la RATP qui datent de cette période. Le meilleur livre s’intitule « les nationalisations de la libération. De l’utopie au compromis » sous la direction de Claire Andrieu et d’Antoine Prost (Presses de sciences po, 1987)
Il ne faut pas oublier deux choses : on a mis plus de quinze ans à le faire après la crise de 1929 et c’est l’ultime conséquence de la collaboration patronale pendant la guerre (Renault a construit plein de chars pour l’Allemagne nazie).
On nage dans l’abstraction sans fond la plus théorique et je vois s’éloigner le rivage qui pourrait porter nos espoirs de solution concrète à la crise qu’on sait si bien décrire…
EOLE,
Vous m’avez « dit » ailleurs pourquoi ce passage était nécessaire pour certains.
http://www.youtube.com/watch?v=3epiifPpi2Q&NR=1
Chacun lutte à sa manière contre l’enfermement. Certains veulent pousser les murs, pour d’autres ils n’existent pas…chacun a sa technique. Le « problème » ce sont les autres, il nous faut vivre ensemble. Certains proposent des solutions en espérant que grâce à elles l’homme pourra être suffisamment « au calme » pour faire la nécessaire démarche vers le Surhumain. D’autres pensent que cette démarche vers le Surhumain ne peut se faire qu’en situation de crise. D’autres encore n’y pensent même pas et cherchent « seulement » à trouver des solutions pratiques pour une meilleure organisation collective. Etc.
Lequel nage dans l’abstraction sans fond la plus théorique ? « Le but n’est pas le but, c’est la voie » (Lao Tseu, si tant est qu’il ait existé !)
Sur la notion d’appropriation (alors que la relation initiale dans les groupes de base des sociétés « primitives » est le partage) et ce qui introduit/permet l’inégalité : http://denis-collin.viabloga.com/news/sur-l-origine-de-l-inegalite
Notamment : « La seule condition d’apparition d’inégalités sociales est l’existence de surplus alimentaires suffisamment importants pour qu’un groupe restreint puisse convaincre ou contraindre le reste du groupe à travailler pour des productions de prestige à destination des chefs. »
Quand se fait la bascule don => dette qui introduit l’asymétrie à partir de laquelle une partie de la société est censée devenir redevable à une autre qui peut exiger sans réciprocité ?
Je serais tentée d’y voir bien plus un problème de pouvoir que de possession, incluant la dimension économique, mais la débordant largement.
Marx et le vol de bois : Du droit coutumier des pauvres au bien commun de l’humanité
Voici la préface par Daniel Bensaid à l’édition argentine des textes de Marx sur le vol du bois.
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article4545
Extrait fort à propos
@ P. Jorion,
« Le bénéficiaire du majorat, le fils premier-né, appartient à la terre. Elle en hérite »
Je n’ai pas trouvé sur marxist.org où Marx écrit ça.
Merci pour la référence…
Manuscrits de 1844.
Trouvé dans le premier manuscrit :
leur traduction dit : « De même le majorataire, le fils aîné appartient à la terre. C’est elle qui le reçoit en héritage ».
Je crois que notre mentalité bourgeoise et capitaliste nous empeche de voir ce qu’est la propriété « naturelle »: Le respect de l’Autre.
Exemple: Vous etes dans un camping, prés d’une autre tente. Ou mieux; vous faites du camping dans un champ avec d’autres personnes. Et bien la « propriété » c’est de respecter l’emplacement de vos voisins. Pourtant le champ ne nous appartient pas et on choisit « librement » et au hasard notre petit coin de verdure. pourtant s’organise un petit village de tentes, chacun dans sa « propriété » naturelle.
C’est le sédentarisme qui a tout changé et fait perdre vu ce point de vu originel et pragmatique, que l’on retrouve chez les nomades bien sur mais aussi dans le Pacifique, en Polynésie par exemple. On peut meme dire, que lors de la conquète de l’Ouest américain, cela a aussi existé. Non sans mal…Et malheureusement aussi à coup de fusils.
C’est drole que Jorion n’en parle pas? N’y a t’il rien en anthropologie sur le sujet?
Faut dire que j’ai trouvé mes source dans Paul Gaugin « Oviri ».
Donner une valeur d’échange à cette « propriété » est évidement irrationnel, mais c’est justement ce qui est advenu par la suite…
Dans le fond, la propriété n’est justement plus « naturelle ». La propriété transformée en valeur d’échange n’est donc pas un principe premier ou naturel à l’homme. On pourrait vivre et s’organiser sans:
Cela se passe tous les étés, en occident!
Etonnant non?
« Exemple: Vous etes dans un camping, prés d’une autre tente. Ou mieux; vous faites du camping dans un champ avec d’autres personnes. »
Vous avez pas autre chose comme exemple pour convaincre le bourgeois? 🙂
Paul,
Vous écrivez : « je voudrais analyser son concept, non pas comme expression de la volonté humaine, comme chez Hegel, mais dans la perspective exactement inverse : comme celle du pouvoir que les choses exercent sur les hommes, comme on l’entend dire chez Marx quand il écrit : « Le bénéficiaire du majorat, le fils premier-né, appartient à la terre. Elle en hérite », observation que Pierre Bourdieu remit à l’honneur ».
Donc, pour Marx, ce n’est pas le fils premier-né qui hérite de la terre (le pouvoir des hommes contre le pouvoir des choses) , mais la terre qui hérite du fils premier-né (le pouvoir des choses contre le pouvoir des hommes).
Si la terre a un tel « poids » (l’infrastruture ?), elle devrait déterminer, partout et toujours, le même type de système de propriété terrienne (la superstructure ?). Est-ce bien le cas ? L’anthropologue que vous êtes, devrait pouvoir répondre à cette question.
Remarque brève mais pas d’anthropologue …
De même que des royalistes soutiennent que le Roi appartient à son peuple, Marx constate que le majorataire est aliéné à sa possession, il est autant possédé que possesseur. Quelques lignes plus loin il pousse même le bouchon en écrivant que la terre « apparaît comme le corps non-organique de son maître ». Marx opère un renversement et donne donc à la terre un quasi statut de prothèse du corps propre du majorataire. Il faudrait aller au texte source en allemand.
C’est une remarque clinique très fine qui montre la façon dont un objet est dans une position de maître vis-à-vis d’un sujet qui y est attaché dans une dépendance qui lui fabrique une forme d’identité d’où la remarque de Marx sur « Patrie » et « nationalité » étroite, et même de « personne » un peu plus loin. Ce n’est pas la terre comme objet « naturel » de terre concrète, matière, qui serait vos mots « le pouvoir des choses », mais l’effet qu’un objet quelconque mais singulier produit pour constituer, fabriquer son « sujet » avec toutes les ambiguïtés sémantiques de ce terme. Les « choses » ne possèdent de pouvoir qu’a déjà être « investies ».
Un peu plus loin il propose d’ailleurs d’éliminer le coté « sentimental » du lien « que tout rapport personnel du propriétaire à sa propriété cesse et que celle-ci devienne seulement la richesse matérielle concrète… » bref pour faire apparaître « que l’argent n’a pas de maître ».
J’y reviens.
Marx donne une quasi-personnalité à la terre : C’est elle qui transmet le nom (et pas le père !) « la propriété foncière féodale donne son nom à son maître, comme un royaume le donne à son roi. L’histoire de sa famille, l’histoire de sa maison, etc., tout cela individualise pour lui la propriété foncière et en fait formellement sa maison, en fait une personne ». Il renverse la lecture usuelle et impute au « domaine » (étym : dominus «maître») la place du sujet et au seigneur celle de l’objet.
Dans le même temps il ajoute une autre lecture, cette fonction de prothèse du corps propre, autant dire qu’en privant le seigneur de son domaine, c’est une quasi-amputation dont il s’agit. Les cris d’horreur des tout petits auxquels on coupe les ongles fait image.
Elles ne sont pas contradictoires.
Mais ces lectures qu’il fait sont réservées à la féodalité puisque plus loin il écrit que « plus tard ce n’est plus que la bourse de l’homme qui le lie à la terre, et non son caractère ou son individualité ».
C’est une forme d’effacement du lien qu’il dit « sentimental » qui s’opère, quand le référent terre disparaît au profit si je puis dire, du seul signe monétaire qui la représente mais qui a le pouvoir aussi de représenter n’importe quoi d’autre.
Est-ce pour autant vrai que le capitaliste est tout à fait détaché sentimentalement de ce que le signe monétaire peut venir à représenter.
C’est selon : selon qu’il a seulement investit ou qu’il est aussi investit.
Je ne doute pas qu’il y ait des actionnaires attachés à une firme, comme des travailleurs montrent qu’ils sont attachés à leur usine autant que leur patron ? Mais quand la firme disparaît, l’histoire montre qu’ils n’éprouvent pas les mêmes embarras, puisqu’ils n’y avaient pas le même investissement et n’y étaient pas investis de la même façon. Il ne s’agit pas des mêmes coordonnées de deuil.
L’aventure du Baron Empain a changé sa vie. Il a laissé tomber son empire pour ne plus être sous sa coupe. Il témoigne : « La privation de liberté est un état insupportable. Vous savez, les choses importantes, c’est de pouvoir aller chaque matin prendre sa douche et de prendre son petit déjeuner tranquillement » et «Je me suis aperçu que le monde extérieur m’avait condamné en soixante jours. Ma famille, mes collaborateurs s’étaient organisés pour vivre sans moi. On avait même vendu ma Mercedes de fonction, mes héritiers s’intéressaient au testament, les organigrammes avaient été refaits.» Que Marx fasse de l’objet possédé une prothèse du corps propre m’a rappelé Empain et son petit doigt coupé par les ravisseurs.
Mais pour la prothèse du corps propre il suffit de regarder comment certains automobilistes réagissent quand leur bagnole a un gnon…
Marx reste dans la ligne de Locke et de la propriété extension du corps de l’individu. Tous enfants de Locke et des lumières…
Sais pas ! un meilleur interlocuteur à propos de Locke serait Balibar mais son bouquin s’est plus attaché à la conscience, et puis coté Marx il a des munitions…
Très intéressantes toute ces réflexions sur l’origine et la nature de la propriété amorcées par Paul.
Il faudrait donc nous déprendre du pouvoir que les choses ont sur nous. Comme l’a bien dit Rosebud, si les choses ont du pouvoir sur nous, nous possèdent, c’est parce que nous nous y investissons, si bien qu’elles font parties de nous-mêmes. Or cet investissement dans le cadre du régime de la propriété marchandise devient nuisible pour tous. Ce régime en tant qu’il produit de la rareté, rend nécessairement les hommes inégaux devant l’avoir. L’assimilation de l’être à l’avoir devient problématique.
Il faudrait alors un nouveau régime de la propriété par laquelle l’appropriation individuelle serait envisagée de nouvelle façon.
Trois conditions :
1. Il faut défaire l’actuel lien entre l’usage des choses du monde et possession de la propriété marchandise, notamment en faisant en sorte que les choses du monde deviennent abondantes.
2. Préserver néanmoins le principe de l’investissement (affectif) de chacun dans les choses matérielles. Il ne s’agit pas de créer la société des purs esprits ou des esprits purs.
Ancien principe : Les plus méritants ou les plus forts possèdent légitimement des propriétés, réparties en nombre limité. Cette inégale distribution des propriétés produit l’inégale distribution des revenus salariés, et finalement des conditions de vie. A ce principe correspond le régime de la propriété exclusive.
Nouveau principe : nous dépendons tous des autres pour notre survie, mieux, notre vie.
Nous sommes propriétaires, naturellement, de nos vies. C’est une propriété qui ne se définit plus de manière exclusive, mais au contraire de façon inclusive, en tant que, tous, du simple fait d’être nés, d’avoir grandi dans la société des hommes nous en sommes les co-créateurs.
La propriété inclusive est ce qui nous appartient en propre, mais un propre qui par principe se conçoit comme un produit social. Plutôt que l’égalité en tant que nous sommes tous mortels (Hegel), est privilégiée la vision d’une égalité en tant que nous sommes tous vivants.
Le régime existant privilégie le régime de la propriété exclusive, mais le régime de la propriété inclusive n’y est pas inexistant, qu’il soit monétisé ou non.
Que faire ?
Encadrer le régime de la propriété marchandise ?
Accroître le régime de la propriété inclusive ?
Et pourquoi ne pas lier les deux ?
Pierre-Yves D. dit : 15 août 2010 à 21:59
« Il faudrait donc nous déprendre du pouvoir que les choses ont sur nous ».
Ce n’est pas exactement pareil, j’en conviens, mais demander au toxico de se déprendre, à l’amoureux, au cadre hyperactif, ou à Citizen Kane à son dernier souffle avec son objet perdu, le traineau qui condense sa jeunesse…
Cependant une chose est certaine : ce que les braves gens nomment « instinct » de propriété n’a rien d’un instinct mais est culturel. Pire la culture dans laquelle nous avons été cultivés a largement poussé à l’accumulation. Le legs de mes grands parents tenait dans 2 valises, mes parents je vais être encombré, et mes enfants je ne vous dis pas…
L’inégalité devant l’avoir…ben oui et alors ? Déjà qu’Ikea rend égaux les jeunes couples…
C’est l’ampleur de l’inégalité devant l’avoir qui est d’abord à supprimer, après il restera une autre échelle, les suivants verront…
Le changement du rapport à la propriété ne peut qu’advenir au long cours.
L’idéologie est toujours en retard sur l’économie notait Marx. C’est à moduler un peu, comme les lois parfois en avance, le plus souvent en retard sur les mœurs.
Mais faire cesser l’aspiration à posséder, plutôt que louer, échanger, voire plus simplement renoncer prendra du temps.
Mon voisin de village est le noble du coin depuis le 13ème siècle. Petite noblesse qui vend ses terrains depuis la WW2, qui travaille, salarié. Les villageois de source l’appellent M. Le Comte. Et je suis l’immigré à leurs yeux.
C’est lent le changement des consciences. Quand j’étais môme dans les années 50,60, j’entendais des grandes personnes s’engueuler et souvent l’un de dire, « j’ai le droit de dire ce que je veux, on est en république tout de même ». Ça a disparu parce que ça va de soi. À l’échelle de l’histoire, l’agitation très raisonnée du politique, au niveau mondial et universaliste ne dure que depuis deux siècles. C’est peu.
Alors pour vos conditions :
1/ L’abondance, pour tout ce qu’on classe de l’ordre du besoin, oui. Mais la finitude des ressources suppose et pour le « besoin » et pour le « superflu » – cependant parfois aussi vital – d’inventer autre chose que singer nos plus aisés d’aujourd’hui.
2/ « Préservez l’investissement affectif »… ben les tentatives contraires sont et ont été vouées à l’échec.
Pour limiter l’avidité, en plus du contrôle des grands moyens de production pour entre autre s’inquiéter de ce qu’il y a lieu de produire, je ne vois qu’un moyen soft : la levée du secret bancaire. Alliée à l’élimination progressive de la monnaie fiduciaire-papier au profit de la seule monnaie électronique, cette levée permettrait de contrôler tout ? ce qui se passe, et au juge et au fisc d’en être enseignés. Ce serait un régime d’amaigrissement rapide de la grosse propriété.
Robespierre disait, en 1792 (cf. le billet de Paul du 14 juin 2010 « Y a-t-il trop de propriété » ?) : « quel est le problème à résoudre en matière de législation sur les subsistances ? Le voici : assurer à tous les membres de la société la jouissance de la portion des fruits de la terre qui est nécessaire à leur existence, aux propriétaires ou aux cultivateurs le prix de leur industrie et livrer le superflu à la liberté du commerce. Je défie le plus scrupuleux défenseur de la propriété de contester ces principes, à moins de déclarer ouvertement qu’il entend par ce mot le droit de dépouiller et d’assassiner ses semblables ».
Il est bon de rappeler que, un an plus tard, la Convention décrète « la peine de mort contre quiconque proposera une loi agraire ou toute autre subversive des propriétés territoriales, commerciales et industrielles » … et que Robespierre avait qualifié une pareille loi agraire de « fantôme inventé par les fripons pour épouvanter les imbéciles ».
Allez comprendre !
C’est toute la problématique que tenta d’affronter Robespierre, coincé entre la bourgeoisie conservatrice et active et des boute-feu plus ou moins sincères ou manipulés…
Exactement vigneron.
La propriété, expression du pouvoir que les choses exercent sur les hommes…
Les choses (un terrain, une maison, une voiture, un ipad, un tableau, une statue, un livre ) suscitent en nous des affects, des émotions telles que le désir, l’envie, la peur, le rejet, la colère, etc.). Nous sommes sans cesse « imprégnés » d’émotions diverses auxquelles nous réagissons tant bien que mal. La propriété découle essentiellement du désir, de l’envie, du besoin de satisfaire une frustration ressentie sous l’effet d’une chose.
Dans cette perspective, on peut considérer que ce sont les choses qui nous possèdent ou dont nous sommes la propriété et non, nous, qui détenons la propriété sur les choses. La propriété, le pouvoir que nous pensons exercer volontairement sur les choses, ne serait donc qu’illusoire, qu’une croyance sans fondement, simple expression de notre vanité. Nous ne serions en fait que de simples gérants temporaires, des catalyseurs inconscients des affects que suscitent en nous les choses au fur et à mesure de nos expériences de vie.
Partant de là, on peut penser que les choses en nous possédant, nous emprisonnent, nous aliènent, Diogène l’avait déjà bien compris, lui qui errait sans bien, se contentant d’un tonneau pour logement.
Nous ne sommes propriétaires de rien, c’est la vie, l’univers, qui nous possède.
« En situation sociale, la gratification, c’est à dire l’utilisation, suivant les besoins, des objets et des êtres situés dans le territoire de l’individu, c’est à dire dans l’espace au sein duquel il peut agir, s’obtient évidemment par l’établissement de sa dominance. » -H. Laborit
Si on se base sur Laborit qui ramène plus ou moins tout à la recherche de la dominance, la notion de propriété n’est donc là que pour structurer la compétition entre les êtres qui cherchent à conserver un objet à leur disposition.
En poussant le raisonnement un peu plus loin, il déduira que l’ensemble des structures « socio-culturelles » n’ont d’autre but que la conservation des dominances en places. Ce postulat permet d’expliquer la notion de propriété intellectuelle, qui n’a absolument plus rien à voir avec celle de propriété tout court, puisque en l’occurrence, l’utilisation de l’ »objet » ne prive pas l’autre de son usage, la compétition pour la possession na plus d’intérêt (autre que générer du profit par le manque).
Je rejoins ici la position de Zebu, toute la difficulté consistant à trancher entre les ‘objets’ dont la possession prive un tiers d’un droit fondamental et ceux dont on pourrait permettre une possession exclusive. Quant à l’information, je suis de ceux qui pensent qu’elle est incompatible avec la notion de propriété, tout objet dont la réplication a un coût bien inférieur à la création ou dont l’usage n’est pas exclusif devrait faire partie de la ‘res communis’. Le monde de l’open source (logiciel libre) peut ici nous fournir une réflexion extrêmement aboutie. A noter qu’un tel modèle n’exclut pas le profit, pour ceux qui pense que seul ce type de gratification assure une créativité (progrès ?) suffisante.
Où est la limite entre la propriété privée et la propriété collective ? Et plus généralement quelles limites mettre à l’inégalité ou à l’égalité absolue, à la liberté totale ou à l’aliénation des individus. On cherche ici un optimum et en physique il existe un principe universel pour régler ce genre de dilemme : la loi du moindre effort. Un régime totalitaire est très couteux pour la société en terme de police, répression,… De même une société d’individus isolés sans aucun où règne la loi du plus fort n’est assurément pas un optimum du bien être commun et individuel.
Je crois qu’il est intéressant d’analyser les limites de la propriété individuelle par rapport aux efforts individuels et collectifs nécessaires pour la garantir.
Assurément ma maison est ma propriété car si n’importe qui peut y entrer et y faire ce qu’il veut, il y aura énormément de querelles et de crimes entre ceux qui ont fait l’effort de l’acquérir et de l’entretenir et ceux qui se servent en passant. On retombe là dans l’image bien connue de l’ère soviétique où le petit lopin de terre privé était très productif alors que les terres collectives étaient sous-exploitées.
A contrario avoir cent maisons, une île privée, des milliards pour spéculer sur le blé, une usine d’armement dont on souhaite tirer le plus de profits possible,… cela a un coût social incalculable.
Pour moi le débat politique de la propriété privée/collective est la recherche de cet optimum entre le bénéfice de celle-ci et le coût de celle-ci. C’est un débat politique noble où la limite est mouvante avec la technologie à notre disposition, les ressources naturelles dont on dispose (disette ou récolte abondante), et la culture dans laquelle on vit.
Ce principe permet d’évacuer la morale (il est dans l’absolu immoral d’accaparer le blé quand ses voisins meurent de faim) du débat politique car elle est toujours mauvaise conseillère et toujours particulière comme le montre les religieux qui veulent nous imposer telle loi au nom de la morale universelle, en fait la leur. Car la morale oublie souvent d’armer le bras de la justice, et si la justice n’est pas plus puissante que les malfaisants qu’elle condamne, elle devient inutile. L’ONU, ce « machin » sans armée illustre bien ce principe où la loi du plus fort permet d’ordonner des crimes au nom des plus nobles principes humanistes. Donc on évacue la morale du débat et on introduit le pouvoir, la force, la paix sociale, le bien-être commun,… qui sont des notions où les agents de l’Etat, fonctionnaires et élus, sont tout à fait compétents et outillés.
Ce que la crise montre bien est que le droit de propriété ne peut être un droit absolu. Et pour en sortir il faudra certainement « spolier » nombre de gens. Et cela sera tout à fait légitime, légal, juste et pertinent d’un point de vue économique.
L’analyse coût/bénéfice est l’argumentaire que l’on fait tous consciemment ou pas lorsque l’on égrène la liste des sociétés à nationaliser. Et les Chicago boys se trouvent alors devant un problème cornélien : soit ils nient cette recherche d’optimum utilitariste qui est pourtant la justification politiquement correcte de leur théorie, soit ils doivent remettre en cause la sacralisation absolue de la propriété privée, ce qui est quand même une conditions absolument nécessaire à la perpétuation de la ploutocratie qu’ils essaient de légitimer.
@ Laurent S dit : 12 août 2010 à 17:44
Vous avez tout à fait raison de faire un rappel sur le principe fondamental et incontournable du moindre effort. Il est en relation directe avec la consommation d’énergie, laquelle est ce qui conditionne la vie. Quand un système ne peut plus consommer d’énergie, il meurt s’il s’agit d’un organisme vivant.
Une organisation humaine est un système dans lequel énergie consommée est utilisée plus ou moins efficacement, pour faire fonctionner la collectivité et les individus.
Le site suivant donne la consommation moyenne d’énergie par habitant http://www.statistiques-mondiales.com/energie.htm
Les pays qui n’ont pas de réserves fossiles et qui sont gros consommateurs ont des soucis à se faire. Quand de plus ils ont des dettes, c’est encore pire.
« La propriété étant d’une manière très générale la pierre d’achoppement de nos réflexions sur la transition vers un nouveau monde… »
Effectivement : on peut se demander dans quelle mesure l’homme est propriétaire de sa réflexion. Elle a tellement pris de plis que l’on peut raisonnablement douter de l’ouverture qui s’offre à nous pour « un nouveau monde » !
“La non-possession s’applique autant aux pensées qu’aux choses; qui embarrasse son cerveau de connaissances inutiles viole le principe de la non-possession.”(Gandhi)
J’ai du mal à comprendre l’allergie de certains pour des mots comme « devoirs ».
Il me semble pourtant qu’il s’agit là d’un élément fondamental de la vie personnelle et de la vie en commun. J’ai, donc, tendance à croire que certains sont encore dans une psychologie de l’insurrection que je trouve personnellement infantile ! De là à dire que revendiquer des droits sans jamais parler de ses devoirs est pour moi une cause évidente de conflits sans fin dans la société et les familles, voire même avec soi-même.
Je trouve cette conception proprement stupéfiante de parti-pris infantile.
L’enfant devient un adulte le jour où il assume ses devoirs, pas le jour où il revendique ses droits. Même un animal revendique ses droits. Pourtant, il assume sa progéniture quand il en a.
Je persiste donc à penser qu’il y a une sorte d’allergie provenant d’une conception primitive de la vie en société.
@senec
Il se trouve que les volontaires pour nous rappeler nos devoirs ne manquent pas, de la naissance jusqu’à la mort, et dans toutes les facettes privées ou sociales de nos vies. Et aujourd’hui pas moins qu’hier, ne vous en déplaise. La pression normative, dite « post-morderne », compensant allègrement la permissivité, apparente seulement, dénoncée par vos ineffables tantras sécuritaires et babillages moralisateurs. Beaucoup de gens sont même payés et médaillés pour ça, mon bon Senec. Ne faites pas dans le bénévolat zélé, en l’occurrence ce serait du temps perdu. Ya des vrais experts qui s’en chargent.
Pour ce qui est de nos droits, c’est pas exactement la même mélodie, pas besoin de vous faire un dessin! Alors, jusqu’à preuve du contraire, mieux vaut continuer à revendiquer nos droits, existants formellement ou non-existants et souhaitables. Et laisser aux autres le soin de revendiquer nos devoirs. Les rapports de force se chargeront de faire le tri. Et les poules seront bien gardées…
@ Senec dit : 14 août 2010 à 09:50
« J’ai, donc, tendance à croire que certains sont encore dans une psychologie de l’insurrection que je trouve personnellement infantile !» dites-vous.
J’ai la même perception que vous et j’ai l’impression que cela plait à une partie de la population.
Cette psychologie ne touche pas que les couches les plus défavorisées qui pourraient être mues par une rébellion de frustration et c’est bien là que se situe la dangerosité des sujets concernés.
Ce sont souvent des individus brillants, à l’esprit alerte, à l’indépendance extrême, habiles manœuvriers, jamais pris, grands charmeurs et cyniques à la fois, capables de susciter l’admiration, d’être des leaders et en mesure de provoquer de grands ravages par contamination s’ils se trouvent placés en situation de formateurs, ce qui arrive à tout à chacun lorsqu’il devient parent où, ce qui les tente souvent, éducateurs, endoctrineurs.
Mais il manque une dimension essentielle à ces êtres pétris d’orgueil. Ils ne se sentent pas dépendants du monde, des autres dans l’étrernité. Ils sont incapables d’approcher l’intemporel.
On peut se demander s’ils se sont seulement interrogés une seule fois sur le sens de leur vie, et ce qu’ils se doivent d’apporter sur terre pour œuvrer à perpétuer l’entreprise humaine dans le long terme. Non, aborder l’intemporel, approcher le spirituel et le religieux, c’est pour eux se soumettre à une finalité supérieure, qui les dépasse et les transcende, leur égo leur interdit, ils perdraient la main.
Leur plaisir ne peut être que dans l’intensité de l’instant, de l’immédiat sans égard pour un intérêt supérieur.
Le mot supérieur, qui appelle la subordination, les révulse à moins qu’ils se l’applique à eux-mêmes et qu’ils se sentent en maîtres régnant par leur art, leur savoir, leur doctrine, en un mot leur puissance, qu’elle soit financière ou de tout autre nature à condition que ses effets soient mesurables au plus vite car l’éternel, aux relents par trop religieux, leur donne de suite la nausée.
Tout ce qui va dans le sens du court terme, voir de l’instantané les attire, quitte à faire usage de la brusquerie voire de la violence. La fulgurance, l’intensité, l’assouvissement immédiat du désir (pas uniquement sexuel) à la façon animale, leur importe bien plus qu’une lente, longue et savoureuse satisfaction mentale résultant d’une domestication du temps qui précède une extase longtemps désirée, et partant de là, sublimée.
Je ne peux m’empêcher de penser souvent à cette déclaration de Malraux disant à peu près ceci «le 21ème siècle sera spirituel ou ne sera pas ».
S’il à vu juste, et si cette tendance à la satisfaction du court terme au détriment du long terme, voire de l’éternel, ne s’inverse pas rapidement, quitte à s’appuyer sur des aides développées par les courants religieux, j’ai des craintes pour mes descendants connus.
Nos premiers devoirs aujourd’hui se situent au plan moral et énergétique, bien avant l’économique et le politique trop calés le temporel.