L’actualité de la crise : TOUT VA BIEN, RIEN NE VA PLUS ! par François Leclerc

Billet invité

Des accords entre banques centrales afin d’approvisionner en urgence les banques commerciales européennes en dollars, ainsi qu’une téléconférence entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy – dont on ne saura que leur conviction martelée dans un communiqué que la Grèce doit rester dans l’euro – suffiraient-ils pour que les choses rentrent dans l’ordre, après ces jours derniers d’intenses frayeurs ? Après la pluie vient si soudainement le beau temps que cela incite à penser que le baromètre est décidément détraqué.

Ces subites sautes d’humeur boursières sont la plus explicite expression de la crise, car nul ne sait trop ce qu’elles ce qu’elles recouvrent, ni les rebondissements qui peuvent être attendus.

Dans l’immédiat, nos édiles ont un seul mot d’ordre : tenir, dans l’adversité ! Leur scénario est déjà écrit : éviter le défaut grec à tout prix avant que le Fonds européen de stabilisation financière (FESF) soit prêt à intervenir pour prêter main forte aux banques, à l’Italie et à l’Espagne. Calmer autant que faire se peut dans l’immédiat les marchés et débloquer des fonds pour que le gouvernement grec puisse attendre cette échéance. Le FMI prêt à suivre après sa réunion de mercredi, sans le proclamer pour ne pas être en première ligne. Après, on verra bien.

Après, on s’attellera au prochain G20, en novembre, car dure est la vie des chefs d’État et de gouvernement. Avec comme sujet épineux la conjugaison de la réduction des déficits et de la relance, qui en est la condition explicite mais que l’on ne sait pas provoquer. Ainsi que l’harmonisation des politiques passablement contradictoires qui sont à ce propos préconisées aux États-Unis et en Europe.

Mais n’anticipons pas, car le prochain Ecofin qui débute demain en Pologne a encore fort à faire. À boucler le plan de sauvetage de la Grèce, encore pourvu de quelques sévères épines. Notamment à propos de la participation des banques, qui se font beaucoup tirer l’oreille en dépit des conditions avantageuses qui leur sont proposées. Quelques explications que l’on imagine musclées interviendront avec Timothy Geithner, qui ne s’est pas déplacé pour rien, mais dont on ne saura rien.

Un grand coup de clairon devrait être sonné, après que soit finalement intervenu au Parlement européen un accord de principe en vue de durcir le Pacte de stabilité au sein de l’Union, qui va être soumis à la réunion des ministres des finances de Wroclaw. Il s’agit d’une contrepartie politique aux mécanismes de solidarité financière, sous forme de sanctions financières destinées à ceux qui ne resteraient pas dans les clous, qui ont fait l’objet de nombreuses tractations, principalement à propos du principe de leur automaticité.

Les dirigeants européens cherchent à se faufiler entre tous les écueils qu’ils rencontrent. En l’occurrence, l’objectif poursuivi est à court terme d’aider Angela Merkel à convaincre le Bundestag de voter les nouvelles missions du FESF, et plus généralement de poursuivre l’opération « Règle d’or », qui vise à habiller d’un carcan constitutionnel le principe de l’équilibre budgétaire pour mieux l’imposer.

La main de fer enfile toutefois un gant de velours, si l’on considère les nouvelles dispositions décidées par la Commission européenne, qui vise à diminuer les taux des prêts consentis par le FESF au Portugal et à l’Irlande ainsi qu’à allonger leur durée. À quoi sert-il d’imposer des conditions draconiennes, si on sait dès le départ qu’elles ne pourront pas être tenues, comme l’exemple de la Grèce le démontre ?

Une « task force » a également été envoyée par l’Union européenne à Athènes, afin officiellement d’aider les entreprises grecques à trouver des financements, avec l’aide de la Banque Européenne d’Investissements (BEI), de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), ainsi que de la banque allemande KrW, spécialisée dans le financement des PME. En réalité, sous couvert d’un soutien technique, elle mettra le gouvernement sous une tutelle déguisée.

Tous les (faibles) moyens sont bons pour passer par le chas de l’aiguille. Y compris en traçant la perspective à moyenne échéance d’une révision du Traité de Lisbonne, afin de passer à une étape supérieure du fédéralisme. Une opération à haut risque, destinée à occuper les esprits, qui ressemble pour l’instant à une véritable auberge espagnole, où chacun apporte ce qu’il souhaite manger. L’élan fédérateur qui est recherché recouvrant comme principale préoccupation de durcir la discipline budgétaire commune. José Manuel Barroso ayant comme intention de présenter une étude sur les options permettant de créer des instruments de mutualisation de la dette…

Pas décidé de passer à la trappe comme il lui est promis, la Commission reprend l’offensive, Viviane Reding s’exprimant également en faveur de la mutualisation de la dette et proposant que la présidence de l’Eurogroupe soit confiée au commissaire Olli Rehn. Attribuant au couple franco-allemand le rôle de « moteur » de la zone euro, tandis que la Commission en serait le « pilote ».

Tenir, comme le cherchent Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, c’est parvenir sans trop d’encombres à leurs prochaines échéances électorales respectives, en 2012 et 2013. Voilà leur véritable horizon, auquel ils conditionnent leur action. Ce n’est donc pas d’eux que l’on peut attendre qu’ils nous délivrent une analyse du type de celle du Comité économique et financier de la Commission européenne.

Celui-ci a comme de coutume préparé un document pour la réunion de l’Ecofin, qui a tous les aspects d’un brûlot. Il fait état d’un « risque de cercle vicieux entre la dette souveraine, le financement des banques et la croissance négative », alertant du proche danger d’une « crise systémique » qui affecterait les banques. Il évoque une « dangereuse spirale négative entre le secteur financier et les secteurs de l’économie réelle », pouvant aboutir à « une crise du crédit ». En référence aux banques, il souligne à son tour que le renforcement de leurs fonds propres est « recommandable ». C’est eux, à Bruxelles, qui ne sont pas recommandables pour dire aussi crûment les choses, doivent penser ceux qui les écartent des centres de décision.

Un phénomène nouveau est intervenu dans le secteur bancaire, qui va contribuer à ce que les banquiers appellent un resserrement du crédit. En d’autres termes, sommés de renforcer leurs fonds propres, ils préfèrent plutôt réduire la taille de leur bilan pour l’éviter, car cela supposerait une forte dilution des actionnaires – ce qu’ils veulent à tout prix éviter – étant donné la gamelle intervenue en bourse. Il faut donc réduire les engagements, c’est à dire les crédits, promus variable d’ajustement. La relance n’y trouvera pas son compte.

Mais ce discours des banques n’a pas la portée des propos que vient de tenir Charles Dallara, directeur général de l’Institute of International Finance (IIF), non sans une impudence certaine. À Washington, il a en effet déploré la « platitude » de la réaction des gouvernements à la crise européenne. Rendant publique la lettre adressée chaque semestre aux ministres des finances des pays membres du G20, pour déclarer : « Dans cette lettre, nous avons esquissé un certain nombre d’idées dont nous pensions qu’elles devraient être au sommet de l’ordre du jour dans les semaines à venir, les jours à venir je dirais ». « Il est difficile de voir comment la croissance économique peut être ravivée dans le cadre des approches actuelles en termes de politique monétaire » est-il expliqué dans ce document, critique implicite de la politique de la BCE, si on la comprend bien.

Tous autant qu’ils sont, ils recherchent une politique miracle. Ou font le gros dos en se disant que l’essentiel est d’être au pouvoir… et de le rester. Vaste programme.

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  2. L’International Fasciste Masculiniste et Théocratique se met tranquillement en place… https://www.franceinfo.fr/monde/afghanistan/la-russie-reconnait-officiellement-l-emirat-islamique-instaure-par-les-talibans-en-afghanistan_7353636.html

  3. En fait 500 morts en 15 jours pour 55 millions de repas en un mois c’est plutôt un mort pour…

  4. @Grand-mère Michelle On choisit toujours là où on vit et où on travaille, mais dans des contraintes économiques et structurelles…

  5. Ultra-dangereux… Je ne résiste pas à ma furieuse envie de faire partager les saloperies commandées là-bas par le gouvernement israélien…

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