Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Alexis Tsipras a donc pris donc ses responsabilités, face à l’Europe et face à ses électeurs mais en Europe, il faudra bien aussi que des responsabilités soient prises.
C’est notamment le cas en France puisque des élections cruciales arrivent bientôt, avec les cantonales en mars 2015. Cela peut ainsi paraître étrange de donner à ces élections une valeur majeure mais celles-ci sont de fait essentielles au parti au pouvoir, le Parti Socialiste, lequel est structurellement dépendant de ses élus locaux. Si comme cela pourrait se confirmer des effets d’éviction des candidats du PS par un fractionnement des alliances, notamment des Verts s’alliant dans des centaines de cantons à la gauche de la gauche, devaient se produire, un nombre important d’élus locaux PS se verraient distancés au premier tour, soit par des candidats de gauche ‘alternatifs’, soit par le FN.
La résultante serait politiquement catastrophique pour le PS et le pouvoir exécutif car les opposants au sein du PS verraient ainsi confirmer leurs propres positions lors du prochain congrès en juin 2015.
La position de Manuel Valls est en effet minoritaire au PS et le ‘Vallsisme’, tout comme le ‘Rocardisme’, outre la popularité que ces deux premiers ministres semblent avoir dans la population française (‘popularité’ qui en font des ‘ennemis’ potentiels pour des Présidents de la République), ne constitue pas une base politique suffisamment solide, en tout cas au sein du PS, pour finir le mandat en cours.
Sauf à valider l’hypothèse hasardeuse de ‘changer de parti’ définie par M. Valls et en l’absence d’alternative politique constituée, le choix pour François Hollande est donc restreint mais il se restreindra plus encore en cas, qui se profile, de débâcle électorale aux cantonales.
Dès lors, il faudra bien que les ‘frondeurs’ du PS prennent leurs responsabilités dès avril 2015 en prenant le pouvoir au PS, car, qu’on le veuille ou non, sans changement de direction au sein du processus, parti de l’exécutif au pouvoir, il ne pourra pas y avoir de modification des politiques menées actuellement : pour cela, il faudra bien un jour ou l’autre mettre politiquement M. Valls en minorité au sein du parti, en évitant de le mettre en minorité au parlement (ce qui serait synonyme d’élections anticipées catastrophiques pour le PS) et changer de Premier Secrétaire, comme signe validé de cette réorientation. M. Hamon s’y prépare déjà, en ayant soutenu ouvertement Syriza avant les élections en Grèce.
Mais juin 2015, et même avril 2015 sont loin, et un ‘putsch’ au sein du PS ne suffira pas à décider un François Hollande à réorienter la politique menée car un PS comme parti est une chose, mais un PS sans base politique suffisante en est une autre : il faudra bien que puisse émerger politiquement une base sociale et politique plus large, bien plus large, pour décider le Président de la République à abandonner la proie pour l’ombre. Qu’on le veuille ou non, il reste le décisionnaire ultime jusqu’en 2017.
Il y aura certes dans l’entre-temps des réponses qui auront pu être données au niveau politique en Europe, avec des élections législatives en Angleterre où pourrait émerger l’UKIP et peut-être l’arrivée des travaillistes au pouvoir, ou les élections dans deux Länder allemands (Hambourg et Brême) où l’on pourra peut-être observer la montée de l’AfD sur le flanc droit de Mme Merkel, la poussant ainsi à plus de souplesse, ou même les élections régionales en Italie et en Espagne, avec la montée des mouvements europhobes et/ou nationalistes.
Mais tout ceci ne peut que participer à convaincre les partenaires européens à entrer dans la négociation, pas constituer une base politique alternative, dont la responsabilité revient, à gauche en France, à la gauche de la gauche : Front de Gauche, Les Verts, Nouvelle Donne, PC et même NPA.
A ceux-là revient la responsabilité de constituer non pas une offre politique constituée et alternative (elle en est actuellement incapable) mais une capacité d’accord politique. C’est cette capacité qui sera ou qui pourra être évaluée à l’aune de ses éventuels résultats aux cantonales, par rapport notamment à celle du PS. Apparemment, à lire la tribune de Cécile Duflot le 25 janvier, certains en ont pris acte, quand d’autres déclarent que « Le PS, son sort est réglé, c’est une affaire de temps» car « son logiciel est totalement périmé » : si affirmer cela est sans doute vrai, à terme (mais à terme, nous sommes tous morts !), cela ne préjuge en rien de la capacité de ceux qui font cette déclaration à rassembler sur une politique alternative ni des réalités politiques, notamment au sein du PS.
On peut vouloir la réorientation radicale des politiques menées comme l’a proposé Syriza, avec le succès que l’on connaît aujourd’hui, mais proclamer que le sort du PS est réglé ne règle absolument rien. Il faudra donc que M. Mélenchon finisse un jour par comprendre que les conditions d’un rapport de force politique se font avec l’existant et non uniquement avec ce qui est souhaitable ou désiré. C’est d’ailleurs une des grandes leçons que nous pouvons tirer de l’expérience de Syriza mais aussi de la crise en Grèce (que les Français n’ont pas eu heureusement à supporter) pour produire cette transformation des bases politiques qui a fait émerger ce mouvement alternatif arrivé au pouvoir en Grèce, après 6 ans d’une ‘crise’ que l’on n’ose même plus nommer ainsi tant ses ravages ont été hors de la norme de ce que l’on appelle communément une ‘crise’.
Il faudra donc que la gauche de la gauche prenne ses responsabilités, en constituant une réponse politique à très court terme, avant les élections de mars 2015, avant que de réfléchir à une offre politique alternative constituée, en partant de la réalité politique, sociale et économique en France.
Et cette réalité, qu’on le veuille ou non, passe par la reconfiguration du PS telle que décrite plus haut, à la fois parce que le PS est le seul parti politique suffisamment structuré aujourd’hui et surtout parce qu’il est la condition, nécessaire mais non suffisante, pour retirer au pouvoir exécutif actuel, la base politique, même restreinte, dont il a besoin pour survivre.
Mais à ces différentes responsabilités devront s’adjoindre nos propres responsabilités, celles que nous avons en tant que citoyens car à nous revient la part majeure : si tous ces acteurs prennent leurs responsabilités, il reste que rien ne pourra être changé si nous n’allons pas en France voter aux prochaines cantonales, à la fois pour indiquer (en espérant qu’une offre à la gauche de gauche apparaisse) notre choix et à la fois pour montrer aux terroristes que nous rejetons également ceux qui prospèrent sur la peur qu’ils souhaitent répandre.
Plus, et dès maintenant, nous avons la responsabilité dans l’entre-temps qui s’ouvre entre aujourd’hui et la fin du mois de Mars 2015 de ne pas ‘espérer que Syriza s’en sorte’ face à la Troïka, seul et pour le bien de tous : ce serait non seulement irresponsable, mais aussi un peu lâche.
Il nous faut donc trouver un moyen d’exprimer notre soutien au gouvernement grec dans ses démarches de renégociation des politiques d’austérité et sur la dette publique, notre nécessaire solidarité, mais aussi notre désapprobation citoyenne, quelle soit de gauche ou quelle soit de droite, face aux politiques d’austérité menées actuellement en Europe et dans nos pays respectifs.
Ce soutien doit aussi être clairement circonstancié, à savoir ne porter que sur la lutte pour la fin des politiques d’austérité qui ont mené la Grèce et l’Europe droit dans le mur et pour la renégociation de la dette publique grecque et européenne. Ce soutien ne doit pas pouvoir être pris comme un soutien sans limites à un gouvernement d’alliance et de circonstance, ‘imposé’ par ces politiques perverses, un soutien qui pourrait conduire à faire croire que les positions de l’ANEL (sur l’immigration, sur le lien entre l’Eglise et l’Etat, sur les homosexuels par exemple) soient par ce biais aussi soutenues.
Cette expression doit être citoyenne, portée par des intellectuels, qui doivent retrouver le sens du mot ‘intellectuel’, en s’engageant publiquement dans cette expression par-delà les innombrables chapelles intellectuelles qui les animent.
Cette expression, si elle démarre en France, doit aussi être européenne : c’est une nécessité politique puisque ces politiques sont menées au niveau européen, mais c’est aussi une nécessité pour demain.
« L’expérience d’une vie réussie n’est pas à l’aune de la victoire, mais dans le sentiment et la conscience d’avoir été à la hauteur de ses responsabilités. » (Nelson Mandela)
Répondre à V-ignoble Annuler la réponse