LE TEMPS QU’IL FAIT LE 6 NOVEMBRE 2015 – (retranscription)

Retranscription de Le temps qu’il fait le 6 novembre 2015. Merci à Olivier Brouwer !

Bonjour, nous sommes le vendredi 6 novembre 2015, et je pars ce soir pour une petite tournée de conférences. Il y en aura trois à Bruxelles et puis une à Nantes. Et ensuite, le week-end suivant (pas celui qui vient là tout de suite mais le suivant), je me retrouverai à Paris pour discuter du plan B avec pas mal de gens, dont Monsieur Oskar Lafontaine, Monsieur Varoufakis,… Vous avez vu, j’ai fait une annonce pour ça. Pour ce qui est de Bruxelles, demain, on se retrouve au café « Le Vicomte » (je mettrai une notice avec tout ça), demain au Vicomte à 18h ; dimanche 8 [novembre], je serai à la Quincaillerie des Temps Présents, à la rue du Viaduc [n° 66] à Bruxelles, pour bavarder avec les gens qui viendront là. Je n’ai pas encore fait d’annonce pour ça. Lundi, je donnerai cours à l’Université Libre de Bruxelles, francophone, de 18h à 20h, aux anthropologues – mais vous pouvez venir écouter, parce que ce sera dans une grande salle – et je parlerai de ce qui rend spécifique le regard de l’anthropologue sur la crise dans laquelle nous nous trouvons. Ça, c’est donc le lundi, et puis, le mardi, là je suis à Nantes, et à Nantes, je parlerai à l’école de gestion, à l’école de commerce Audencia, à 20h. Et là, vous pouvez venir nous écouter. J’ai déjà fait une annonce, mais je remettrai tout ça en ligne tout à l’heure.

Alors, vous avez pu le constater – et moi, je l’ai constaté de mon côté aussi – depuis 2007, j’enchaîne les bouquins. Je crois que j’en avais écrit quatre jusque là, et là, je viens de terminer le dix-huitième, donc ça a été produit à un rythme accéléré. Pourquoi ? Eh bien, parce que les idées me viennent. Il y a quelque chose dont j’ai envie de parler, et chaque fois que j’arrête de parler de quelque chose, l’envie me vient de parler d’un autre sujet.

Je vais d’abord parler de ce qui est en train de se terminer. En ce moment, il y a un livre excellent que vous pouvez lire, qui est consacré, pas vraiment à la pensée de Keynes, mais enfin on en parle beaucoup aussi, il y a beaucoup de citations de Keynes. Je critique fort Keynes, mais c’est une réflexion générale sur comment est-ce qu’il faudrait faire une véritable réflexion de science économique ces jours-ci.

Il y a un livre qui sort aux Etats-Unis, c’est de [George A.] Akerlof et [Robert J.] Shiller : [Animal Spirits: How Human Psychology Drives the Economy, and Why It Matters for Global Capitalism], et je ne l’ai pas lu encore, mais j’en ai lu un très long compte-rendu dans le New-York Review of Books. J’ai lu ça hier, et, en toute modestie, Keynes parle, je dirais, correctement, de ce [dont] Akerlof et Shiller essayent de parler maladroitement. Ils tournent autour du pot, ils ne trouvent pas, d’après ce que je comprends. Ils voient qu’il y a quelque chose qui ne marche pas du tout dans la science économique qui [existe] maintenant, mais ils cherchent midi à quatorze heures, ils ne cherchent pas du tout au bon endroit. Ils croient qu’il faut plonger d’avantage dans la psychologie humaine, je dirais, du côté de ces « esprits animaux » mal compris chez Keynes, et à mon avis, ils sont vraiment dans une voie de garage.

Alors, vous avez la chance, vous, lecteurs francophones, de pouvoir lire sur le même sujet un excellent livre qui se trouve en librairie en ce moment. Mardi, aussi – bon, ça c’est autre chose – je serai dans les studios de Radio France International, et on enregistrera des choses sur ce livre sur Keynes et je vous tiendrai au courant quand ça passe, en ligne si vous êtes en France, et en live si vous habitez à l’étranger.

Ça, c’est le livre qui est terminé depuis un moment, qui est sorti en septembre. Le suivant, Le dernier qui s’en va éteint la lumière, ça, voilà, c’est en boîte. C’est chez l’éditeur, c’est chez Fayard (ça sortira chez Fayard), et maintenant, on travaille sur le manuscrit. Ça doit sortir en principe en janvier, ce qui est bientôt : c’est dans deux mois. Ça a été un vrai plaisir d’écrire ça. Ça, c’est un livre, je dirais, important. Important par son sujet. Je ne sais pas si la manière dont… J’ai un lecteur, là, jusqu’ici, j’ai un lecteur qui est assez enthousiaste, et ça me fait très plaisir, mais voilà, ça, c’est sur le… C’est dire : « Notre espèce est menacée par l’extinction et il faut, eh bien, il faut faire quelque chose à ce sujet-là. » Alors, je parle des dangers, ce qui est là en présence et qui risque d’empêcher la chose. La première raison pour laquelle ça pourrait ne pas marcher, la survie de l’espèce, c’est notre indifférence : on s’en fiche, après nous le déluge ! Mais le plus grand danger, si on prenait conscience, c’est qu’il y a des gens qui sont déterminés à empêcher qu’on sauve l’espèce, et ce sont les gens qui représentent la pensée ultralibérale. Pourquoi ? Eh bien parce qu’ils nous disent : « On sauvera l’espèce humaine si ça peut rapporter des sous : si ça fait sens d’un point de vue purement commercial. » Alors, c’est grotesque, évidemment, parce que cette idée d’essayer de gagner des sous sur le fait de sauver l’espèce, oui, c’est grotesque, c’est absurde, ça n’a pas de sens, mais c’est comme ça qu’ils raisonnent, et donc, si on ne les convainc pas du contraire, ça ne se fera pas. Voilà. Alors donc là, ça, ça sort en janvier.

Et comme… (je vous parle déjà du suivant, puisque je suis sur le suivant) … comme le danger le plus grand, ce n’est pas tellement les robots tueurs dans l’immédiat – oui, c’est un danger, il faut en parler et j’en parle dans le livre – mais le danger le plus grand, c’est justement cette pensée ultralibérale qui nous paralyse entièrement, et qui non seulement nous paralyse, mais qui mettra des bâtons dans les roues, qui utilisera tous les moyens dont elle dispose – et quand je dis ça, je veux dire aussi [il faut parler des choses sérieusement] qu’ils utiliseront si c’est nécessaire l’armée, la police aussi – pour empêcher que l’espèce puisse survivre. Et donc, ça, c’est le prochain sujet. C’est de ça que je veux parler [maintenant]. Ce sera ma première exploration, ma première grande aventure dans la science politique.

Et là, bon, je vais vous montrer un petit peu mes références. Alors, ça c’est un truc que je suis en train de lire, c’est de mon ami John Dunn, à Cambridge, [The Cunning of Unreason, Making Sense of Politics], voilà, ça c’est un ouvrage essentiel sur la pensée politique contemporaine.

Alors, sur la pensée ultra-libérale et sur sa naissance, vous le savez sans doute, c’est Foucault qui a parlé de ça véritablement, je dirais, en allant vraiment en profondeur, dans des leçons qu’il a données en 1978-79. Ça s’appelle : Naissance de la biopolitique, je n’ai pas la moindre idée pourquoi. C’est peut-être, et ça, ça arrive, qu’on donne un nom à ce qu’on est en train de faire, et puis ça part dans une autre direction. Mais toujours est-il, si vous voulez comprendre vraiment les débuts de la pensée néolibérale, ultra-libérale, voilà : ce sont des leçons de Michel Foucault, 1978-79, données au Collège de France. C’est paru chez Gallimard et au Seuil.

Et à partir de – ça, ce n’est pas moi qui le dis, c’est eux qui le disent, les auteurs de La Nouvelle raison du monde, essai sur la société néolibérale, c’est [Pierre] Dardot et [Christian] Laval – ils le disent au départ : ils vont approfondir ce qu’a dit Foucault dans le bouquin Naissance de la biopolitique. Ils ne le font pas de la même manière. C’est un livre assez gros, assez épais. J’ai déjà lu les deux tiers, je vais lire le dernier tiers qui reste là. C’est très bien fait, c’est fait de manière un petit peu chronologique, alors vous allez voir, vous allez voir comment la pensée néolibérale, ultralibérale, est née, les moyens qu’ils ont mis, les moyens financiers, les soutiens qu’ils ont reçus, dans l’industrie, dans la banque, etc., pour lancer leur grand projet.

Qu’est-ce que j’ai encore ? Ah ! Ça, je vous recommande aussi de lire. Ça aussi, je suis en train de le lire. C’est sur Bruxelles, sur le milieu, le milieu des lobbyistes, le milieu des Hauts Fonctionnaires. On nous montre bien, dans ce livre qui s’appelle : Les courtiers du capitalisme, Milieux d’affaires et bureaucrates à Bruxelles [de Sylvain Laurens], on nous montre bien que c’est le même milieu : ce sont les mêmes personnes qui passent d’un côté à l’autre du revolving door (du pantouflage), et que donc, il n’y a pas, d’un côté, les représentants de l’État, et de l’autre, [ceux] des entreprises, tout ça, c’est un grand business. Voilà.

Là aussi, là, celui-là, je vous en parle beaucoup, et je vois que vous faites attention à ce que je dis : vous êtes nombreux dans les commentaires, dans les choses que vous écrivez, [à montrer] que vous êtes en train de lire ça. C’est une très très bonne chose, il faut absolument lire ça, Alain Supiot : La gouvernance par les nombres, Cours au Collège de France, 2012-2014, donc il se passe toujours des choses très intéressantes au Collège de France. C’est dommage que, justement, qu’en « science » économique, ils ne sont peut-être pas tout à fait à la hauteur, au Collège de France.

Et voilà deux petits livres, aussi, de Supiot, qu’il faut regarder aussi : un commentaire sur Bossuet, De l’éminente dignité des pauvres, et Grandeur et misère de l’État social : c’est sa leçon inaugurale au Collège de France. Tout ça, il faut bien entendu le lire, et moi, je le lirai et j’en parlerai dans le prochain bouquin, mon exploration, l’aventure que je vais mener en sciences politiques, parce que, voilà, il faut aller contrer ces gens absolument sur leur terrain. Je l’ai fait sous forme d’escarmouches, d’égratignures, jusqu’ici. J’ai parlé incidemment de tous ces von Hayek, von Mises, Rothbard, enfin tous ces gens qui, en fait, ont signé l’arrêt de mort de l’espèce humaine. Il faut renverser ce courant. Tout ça, tous leurs machins, ont été inscrits dans les institutions européennes, c’est inscrit dans l’euro. Voilà, c’est inscrit dans notre vie de tous les jours : le Big data, c’est eux, le pouvoir donné aux militaires de s’occuper d’intelligence artificielle, c’est eux aussi et ainsi de suite, et donc, eh bien, il faut en parler, il faut s’attaquer à ça.

Alors, là, je ne peux pas encore vous dire ! C’est un livre qui n’a pas encore la première ligne d’écrite ! Je ne vais pas vous dire quand ça paraît et où ça paraîtra, je n’en sais absolument rien, mais c’est à ça que je m’attaque depuis, eh bien, depuis deux ou trois jours, voilà.

Allez, bonne lecture ! Et, je vous ai dit, si vous êtes à Bruxelles ou à Nantes dans les jours qui viennent, venez m’écouter. On bavardera aussi, ça me fera plaisir de vous voir !

Allez, à bientôt !

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