Retranscription de Pour Trump, une grande victoire et une grande frayeur, le 11 juin 2019
Bonjour, nous sommes le mardi 11 juin 2019 et mon exposé va s’appeler « Pour Trump, une grande victoire et une grande frayeur ».
Mais avant, je voudrais vous parler d’un article que je viens de lire dans le Financial Times qui a un rapport avec le fait que mon radiateur est chaud : le chauffage s’est remis en marche parce qu’il fait froid. A Vannes, il faisait 8°C quand je suis sorti ce matin pour faire une course. Ce que l’article dit dans le Financial Times, c’est que, non seulement la température va augmenter mais les écarts au cours de l’année vont augmenter. Je crois que c’est ça que l’on observe en ce moment et ça va faire augmenter la consommation d’électricité. Donc, consommer plus d’énergie, brûler plus de charbon et de pétrole, à moins que l’on emploie du nucléaire, ce qui n’est pas une bonne idée en soi, et ça va encore aggraver le processus. C’est ce que l’on appelle une rétroaction positive. Positive ne veut pas dire que ce soit une bonne chose dans ce cas-ci. Une rétroaction négative, c’est une rétroaction où les effets se neutralisent, diminuent régulièrement : il y a un processus de régulation. Dans une rétroaction positive, il y a un effet d’emballement, le fait que l’on va dans une certaine direction fait que l’on va encore aller davantage dans cette direction-là et, là, c’est de ça que l’on parle. Le réchauffement climatique est dû au fait que nous consommons trop de charbon et trop de pétrole et, pour essayer de compenser ça dans le chauffage chez nous, on va augmenter encore cette consommation.
Grande victoire de Trump. Quand Trump a une grande victoire, il faut le reconnaître. Malheureusement, c’est une grande victoire qu’il obtient en utilisant ses tactiques de brute mais ça a marché. Il a menacé le Mexique d’augmenter les droits d’accises, les tarifs douaniers, 10 juin, c’est-à-dire hier, de 5 % sur les produits qui venaient du Mexique et que l’on augmenterait ces droits jusqu’à 25 % au 1er octobre. Ça a marché. Les Mexicains ont fait machine arrière. Ils ont proposé plein de choses comme Trump le leur demandait. Ça n’avait rien à voir avec le commerce. Ça n’avait véritablement aucun rapport avec les droits douaniers mais c’était pour qu’ils freinent l’immigration en provenance du Mexique et, pour le moment, c’est une immigration qui vient essentiellement non pas du Mexique lui-même mais qui vient du Guatemala, du Honduras et de El Salvador en raison des conditions qui existent dans ces pays.
Et donc, ça a marché. Le Mexique a accepté d’ajouter une force militaire de 6 000 soldats à la frontière avec le Guatemala, de surveiller davantage les points de passage aux Etats-Unis en provenance du Mexique, d’organiser des camps qui seraient financés partiellement par les Etats-Unis. Il y a quand même un « échange de bons procédés ». Des règles aussi feront que les pays comme le Guatemala, qui voient des flux d’immigrants venant de El Salvador et du Honduras vont eux aussi essayer de freiner le processus. Trump essaye d’introduire une loi qui ferait qu’un migrant qui vient d’un pays se retrouverait dans le premier pays qu’il traverse, c’est-à-dire au Guatemala s’il vient du Honduras et du El Salvador et, pour ceux qui viendraient du Guatemala, qu’ils soient arrêtés au Mexique.
Donc, grande victoire pour Trump. Il avait été particulièrement furieux que le New York Times ait dit à propos de l’accord « Finalement, ce sont des choses qui étaient déjà dans les tuyaux depuis un certain temps ». Il était furieux parce qu’il s’était lié à ne pas dire immédiatement l’accord avec le Mexique. Du coup, il était particulièrement furibard. Il avait raison dans ce cas-là. Ce qui est dommage évidemment, c’est que ce soit ses tactiques de gougnafier qui l’aient emporté dans ce cas-là mais il a raison sur un point qui est que les méthodes traditionnelles n’avaient rien obtenu, de négociation de pays à pays entre gens civilisés. Puisque les tactiques de gens civilisés ne marchent pas, il s’est tourné vers des tactiques de gens pas civilisés et, dans ce cas-ci, ça a marché.
Grande victoire pour lui. Ça va malheureusement l’encourager à continuer à utiliser ce type de bras de fer mais il faut reconnaître que ça a marché.
Grande frayeur quand même pour lui liée à un évènement qui a eu lieu hier, c’était la commission judiciaire du parlement américain où étaient interrogés un certain nombre d’experts, 3 juristes et M. John Dean qui a été le conseiller juridique de la Maison-Blanche à l’époque de M. Nixon et qui a joué un rôle considérable dans la mesure où il a d’abord suivi les instructions du Président Nixon avant d’être la personne qui a jeté l’éponge et qui s’est rangée du côté du Congrès, du parlement, de l’assemblée nationale américaine et a été la première personne à vendre véritablement la mèche.
J’ai regardé tout à l’heure. Je n’ai pas retenu les noms. C’est une longue interview qui date de l’époque. Il s’agit d’un représentant du peuple, d’un député américain, le premier Républicain qui ait, lui, jeté l’éponge du côté du processus d’impeachment, [Caldwell Butler] a réclamé l’impeachment en disant « Si nous ne lançons pas ce processus d’empêchement, de destitution du président, alors il n’y a plus aucune règle qui existe ». Si ce reporter de MSNBC l’a reproduite, a reproduit cette interview dans une vidéo, c’est sans doute pour encourager certains parlementaires du Parti républicain, pour en appeler à leur sens moral là aussi.
Qu’a fait M. John Dean ? Il avait d’abord écrit un rapport préalable avant de se rendre à la séance hier. Durant la séance, il n’a fait que répéter des choses qui étaient déjà dans sa déclaration officielle préalable.
Qu’est-ce qu’il y a dans cette déclaration officielle ? C’est un texte serré sur 8 pages. Il y a énormément de matière. Cela prend quand même un certain temps à lire. Il y a 8 parallèles entre la présidence de M. Trump et celle de M. Nixon et, en particulier, sur des faits d’obstruction de la justice, d’entrave à la justice.
C’est extrêmement détaillé. Il a pu en répéter une partie, ce qui n’était évidemment pas très important puisque son texte est là. Les parlementaires Républicains ont essayé de le déstabiliser en disant que, bien sûr, il avait été un menteur au départ, qu’il avait été radié en tant que juriste à la suite de cette affaire de Watergate, qu’il avait été en prison, ce qui est à la fois vrai et pas vrai parce qu’en fait, il a été protégé, il n’a été pas véritablement derrière les barreaux : il a été protégé contre des représailles possibles parce que des menaces de mort avaient été formulées à son endroit.
Qu’est-ce qu’il a fait ce M. Dean ? Il commence par dire que le rapport de la commission Mueller, dans son paragraphe d’introduction, dit que c’est un guide pour le processus d’impeachment. Il complimente M. Mueller de la manière dont il a procédé, c’est-à-dire ne pas s’engager, ne pas vouloir se prononcer quant à des délits qui ont été commis par M. Trump et M. Dean considère que M. Mueller a été particulièrement habile parce qu’il y a ce volume qui est bien annoté de ma part. C’est « The Mueller report » [PJ montre son exemplaire]. Tous les gens qui étaient là, hier, devant la caméra avaient un exemplaire de ce machin devant eux. Vous voyez. C’est épais. Ce n’est pas numéroté d’un bout à l’autre. Ah si, il y a 730 pages.
Que dit M. Dean ? « M. Mueller aide la démocratie et, en particulier, la démocratie américaine en ayant réuni ces 730 pages d’informations qui constituent un véritable guide, a road map, une carte, qui conduit au processus d’impeachment« . Ça, c’est déjà assez dur en soi mais il va au-delà de ce que dit Mueller parce que, dans ses 8 exemples où il fait un parallèle entre la commission à l’époque, du lancement de processus d’impeachment contre Nixon et le rapport Mueller, il ajoute pas mal de détails supplémentaires de sa propre expérience en soulignant le parallèle.
Ce qu’il fait, c’est qu’il va au-delà de Mueller parce qu’il souligne que des choses qui sont mentionnées sans commentaire à propos de Trump dans le rapport Mueller sont des choses particulièrement graves. Il démonte certains des arguments des Républicains en ce moment. Il les démonte de manière extrêmement précise et détaillée en disant : « Non, ça ne tient pas ». Il attire l’attention, par exemple, sur cette chose qui paraît peut-être anecdotique, les paiements qui ont été faits à différentes dames pour empêcher qu’elles ne parlent des liaisons que M. Trump avait eues avec elles, d’autres choses dans lesquelles il a été impliqué, où il est mentionné simplement comme un témoin mais un témoin crucial, par exemple d’avoir réécrit de sa propre plume un rapport sur la réunion que son fils Donald Jr. avait eue avec des émissaires russes, etc. Dean souligne que dans le cas du Watergate, des exemples de ce type-là ont été les arguments qui ont joué un rôle clé, c’est-à-dire que des choses sur lesquelles Trump imaginait que même le rapport Mueller n’en parlait pas de manière suffisamment détaillée ou en soulignant un rôle qu’il a pu jouer là-dedans, que même des choses comme cela peuvent être ajoutées au dossier.
Quand on a fini de lire ces 8 pages, on peut penser qu’effectivement, il n’y ait plus qu’une seule chose qui soit nécessaire, c’est que ce processus d’impeachment soit lancé. Il y a la matière, je vous l’ai dit. Quand on regarde les 730 pages, je dis une cinquantaine à vue de nez de Watergate mais c’est vrai qu’il y a encore bien plus de matériaux que dans le cas de Nixon. Dans les conversations que Dean rapporte entre lui et Nixon, Nixon apparaît comme un monsieur beaucoup plus raisonnable. Quand Dean lui dit, et ça il le reproduit, « Agiter la possibilité d’une grâce présidentielle pour que certains des témoins se taisent, c’est très très grave ! ». Nixon lui dit « Oui, vous avez peut-être raison. C’est peut-être vraiment très grave. Il vaut mieux éviter ça ». Dans les conversations que nous avons de Trump à ce sujet-là, nous n’avons pas du tout un monsieur qui fait encore attention à ne pas brûler ses arrières.
Alors, pour Trump, très bonne journée. Le Washington Post reconnaît que M. Trump a obtenu des résultats considérables que la diplomatie de type traditionnel n’avait pas pu obtenir, mais autour de lui, on doit avoir la pétoche parce que ce que Dean souligne aussi, c’est que la plupart des gens qui ont acquiescé avec Nixon, qui l’ont aidé au début du processus, qui ont fait un certain nombre de choses, ça s’est très très mal passé pour eux. Ça a mal tourné, bien davantage que pour Dean lui-même puisqu’il avait coopéré. À la lecture de ces 8 pages de Dean déjà quand Mme Sarah Huckabee Sanders – le porte-parole de Trump qui n’a pas arrêté de dire des bêtises – un certain nombre de ses collaborateurs à la Maison Blanche : Mme Hope Hicks, je ne vais pas ajouter de noms, doivent se sentir un peu mal aujourd’hui parce que M. Dean a fait des parallèles. Il ne les a pas nommés nommément. Il n’a pas donné leur nom mais un certain nombre de personnes, en lisant ces 8 pages, ont dû avoir des sueurs froides et il est bien possible qu’un jour plus tard, ils les aient toujours. Le parallèle est saisissant. Il aurait donné 4 exemples au lieu de 8 mais avec les 8, il y a eu une accumulation considérable. Et quel était son rôle ? Il était conseiller à la Maison-Blanche, conseiller juridique à la Maison Blanche, le même rôle que M. Don McGahn qui a joué un rôle clé en donnant beaucoup d’informations à la commission Mueller mais qui refuse maintenant de venir témoigner et là, Dean va fouiller dans la loi pour lui dire : « Non, vous êtes en position où c’est un devoir pour vous en tant que juriste, en tant qu’avocat, d’aller témoigner ». Et il mentionne un certain nombre d’articles de loi, de jurisprudence, de décisions, si je me souviens bien, en 1974 [En fait, 1975], qui soulignent le fait qu’un conseiller juridique, le conseiller juridique de la Maison-Blanche est une personne qui est au service de l’institution de la présidence et pas d’un individu en particulier. Et il inclut ça, Dean, dans un principe général que l’avocat d’une personne morale [juridique] est l’avocat de la personne morale en tant que telle et pas des individus qu’elle représente vis-à-vis de l’extérieur.
C’est une très très belle leçon de Droit par ce monsieur qui a joué un rôle important dans l’histoire des Etats-Unis et mon sentiment est qu’il a joué hier un rôle important à nouveau, 45 ans plus tard, il a à nouveau joué un rôle capital dans l’histoire des Etats-Unis. Il avait suivi Nixon au départ. Il s’est racheté. J’ai le sentiment qu’il s’est racheté une seconde fois. Nous en saurons plus bientôt.
Voilà. Allez, à bientôt !
Et depuis qu’il est colibri il fait pluie-pluie…