Retranscription de « Le gouvernement nous ment », le 21 janvier 2020. Ouvert aux commentaires.
Bonjour, nous sommes le mardi 21 janvier 2020 et aujourd’hui, ma vidéo s’appellera : « Le gouvernement nous ment ».
C’est entre guillemets. Vous allez voir que, finalement, les guillemets ne font pas une énorme différence à l’arrivée.
Hier, je savais que j’allais voir un ami : quelqu’un qui regarde le blog vraiment depuis ses tout débuts, donc ça fait quoi ? [13] ans, et je lui avais préparé un exemplaire du livre que je viens de publier sur Trump : La chute de la météorite Trump, 1er tome.
Et je le lui donne et il me dit : « Est-ce que je peux être honnête avec toi ? ». Je dis : « Oui, bien entendu, vas-y ! ». Et il me dit : « Tu sais, Trump, ça n’intéresse pas grand monde. Je préférais quand tu t’intéressais davantage à ce qui se passe dans nos pays ».
Et là, tout de suite, évidemment, ça a réveillé en moi un vieux souvenir, c’est l’époque où je bassinais les gens autour de moi en parlant de prêts consentis à des gens qui n’ont pas beaucoup d’argent… on en faisait des titres et ça allait être très dangereux, ça allait provoquer une crise… et les gens me disaient exactement la même chose : « Tu sais, ça n’intéresse pas grand monde ». On m’arrêtait parce que ça n’intéressait personne.
Et bien sûr, cette histoire de subprimes, ça a commencé à intéresser tout le monde à partir d’un certain jour. Ça a commencé quand ça a causé la catastrophe et là, les gens se sont tournés vers moi en disant : « Mais M. Jorion, pourquoi est-ce que personne ne vous écoutait quand vous préveniez que ça allait se passer ? ». Et si ça se trouve, la personne qui me dit ça, c’est une personne qui, si je lui en avais parlé, aurait dit de la même manière : « Vous savez, ça n’intéresse pas grand monde cette histoire, etc. »
C’est-à-dire que, malheureusement, il n’y a que devant la catastrophe que nous réagissons véritablement. Tout le temps qui précède, en parler aux gens, c’est un investissement. C’est pour pouvoir après leur dire : « Je vous avais prévenu et vous m’aviez pas écouté ! » Je ne dis pas la deuxième partie de la phrase bien entendu mais en espérant que la prochaine fois, on m’écoutera.
Vous voyez, dans le cas de Trump, ça ne joue pas malheureusement. Alors, là, je dis à mon ami : « Mais il faut quand même tenir compte du fait que ce type est capable de lancer une guerre thermonucléaire ». Et là, mon ami me dit : « Oui, mais il n’y aura pas de guerre thermonucléaire ! ». Alors, je dis : « Mais pourquoi ? Le risque est là ». Il me dit : « Oui, mais la guerre thermonucléaire, tout le monde sait que c’est une blague ». Je dis : « Qu’est-ce que tu veux dire en disant que c’est une blague ? ». « Tu sais bien, pendant des dizaines d’années, on nous a parlé de ça. Il y avait une menace de guerre thermonucléaire et puis, il n’y a jamais rien eu. Ça prouve que c’était une blague ». Ça prouve que c’était une blague… Alors, malgré les Kennedy, malgré les Khrouchtchev qui nous ont sauvés à la dernière minute ?
Et là, ça me rappelle évidemment une autre histoire. C’est le bug de l’an 2000. Vous vous souvenez du bug de l’an 2000 ?
On m’en parle de temps en temps en disant : « Vous savez, le bug de l’an 2000, vous voyez cette blague, etc. ». Je dis : « Non, c’est pas une blague ». « Bah si, c’est une blague : ça n’a pas eu lieu ! ». Je dis à ces personnes : « Vous savez, si ça n’a pas eu lieu, c’est parce qu’il y a des milliers, des dizaines de milliers peut-être de personnes qui ont travaillé là-dessus pour empêcher le fait que, voilà, on n’avait prévu que deux emplacements pour les années à l’intérieur du traitement de l’information sur les ordinateurs et tout à coup, le 1er janvier 2000, il y aurait une confusion totale entre 1900 et 2000 et les gens devraient payer des intérêts avec des arriérés sur une centaine d’années et des choses comme ça ». On a fait travailler tout le monde et on a réussi à empêcher ça. Même chose pour la guerre thermonucléaire.
Alors pourquoi est-ce que ces idées peuvent se répandre, que si quelque chose n’a pas lieu – ça, c’est la difficulté – vous prévenez d’un danger, on ne vous écoute pas parce que le danger n’est pas encore là, et si le danger se matérialise, on vous dit : « Mais pourquoi est-ce qu’on ne vous a pas écouté ? » Et si le danger ne se matérialise pas parce qu’éventuellement des gens font des efforts désespérés pour que ça n’ait pas lieu, on vous dit : « Vous voyez bien, c’était une blague ! Vous avez perdu votre temps à parler d’une blague ! »
Qu’est-ce qui permet ce raisonnement en arrière-plan ? C’est le fait qu’on nous ment. Qu’on nous ment systématiquement et que, par conséquent, on a bien raison de ne pas croire les menaces dont on nous parle, etc.
Qu’est-ce qui conduit à des situations comme cela ?
Premièrement, quand les gouvernements mentent. Effectivement, ça encourage l’idée que les gouvernements mentent de manière systématique. Mais c’est surtout, bien entendu, une polarisation dans la population.
Quand on se désintéresse, quand les gouvernements se désintéressent d’une grande partie de la population – je ne dois pas vous donner des exemples récents, vous en avez sous les yeux – ça conduit à la catastrophe. Ça conduit à une polarisation. On ne s’intéresse plus qu’aux nantis. Les autres, on les laisse tomber et on encourage chez eux, évidemment, à penser que le gouvernement nous ment systématiquement et qu’il ne faut pas l’écouter.
C’est cette réflexion de Keynes que j’ai retrouvée quelque part et que je cite maintenant souvent, j’y reviens toujours. On ne peut pas s’arranger dans une société probablement pour organiser le consensus à l’unanimité de tout le monde, pour dire que ce que le gouvernement fait, c’est formidable, mais un gouvernement, il doit avoir pour souci de minimiser le ressentiment dans la population pour pouvoir gouverner. Ça se trouve, déjà chez Confucius, 500 ans avant Jésus-Christ : pour qu’un gouvernement puisse gouverner, il faut minimiser le ressentiment à l’égard du gouvernement à l’intérieur de la population.
Et ça, c’est la grande invention de l’ultralibéralisme à partir des années 1970 : on s’intéresse à la population qui intéresse le gouvernement : ceux qui sont riches, ceux qui n’ont pas de problèmes etc., et le reste, on les laisse tomber. On les laisse manifester et s’ils manifestent de manière de plus en plus marquée, on tape dessus de manière de plus en plus marquée. Là aussi, ouvrez vos journaux, on en parle tous les jours.
Alors, le danger, d’abord, il est là : c’est le danger d’explosion. C’est le danger simplement d’alternance à ce moment-là d’un gouvernement populiste qui vous dit simplement le contraire, à partir de « Le gouvernement nous ment » : il dit systématiquement le contraire. Regardez dans quel état se trouvent donc les Etats-Unis.
Le gouvernement dit : « Les Russes ont interféré de manière massive dans nos élections ». L’extrême-droite populiste dit : « Non, ce sont les Ukrainiens. C’est pas les Russes : c’est le contraire, ce sont les Ukrainiens qui sont intervenus ! ».
Alors, quand on nous fait savoir que M. Trump est en rapport étroit avec les éléments les plus corrompus de la société ukrainienne, la presse d’extrême-droite américaine dit exactement l’inverse : « Non, c’est M. Biden, un des candidats Démocrates, qui est lui lié aux éléments les plus corrompus de la société ukrainienne ».
Et ça marche auprès d’une partie de la population puisque les gens se sont habitués au fait que les gouvernements ne nous mentent peut-être pas de manière systématique mais leur mentent à eux de manière systématique.
Pourquoi ? Parce qu’on les néglige, parce qu’ils sont des quantités négligeables et qu’on s’achemine petit à petit – attention chers amis, je vais dire quelque chose de très grave – vers une politique d’exterminisme. On commence déjà à tirer avec des armes réelles sur des gens quand ils ne sont pas contents. Vous voyez ça aussi autour de vous.
On trouvera des raisons pour éliminer cette partie de la population qui est désagréable et dont on n’a finalement plus besoin parce que c’est des gens qui travaillaient autrefois et des gens qui travaillent, on n’en a plus besoin parce qu’on a des machines pour remplacer et on s’achemine vers quelque chose de cet ordre-là.
Le danger, le danger, il est que si on veut vraiment sauver l’existence de l’être humain à la surface de la Terre, et des animaux autour d’eux – parce que dans nos catastrophes maintenant, on vient de tuer un milliard d’animaux sauvages en Australie avec notre inconséquence, notre impéritie, etc., etc. – le jour où les gouvernements voudront à nouveau s’intéresser à l’intérêt général, qu’est-ce qu’il se passera ? On ne croira plus un mot de ce qu’ils racontent. On fera comme on fait maintenant : on dira que c’est des blagues, que c’est des histoires qu’on nous a racontées. La population ne suivra pas. Est-ce qu’on pourra le lui reprocher ? Non, puisque les gouvernements se désintéressent des populations.
Alors, ce jour-là, c’est l’histoire du petit garçon qui crie au loup. Le jour où le gouvernement dira : « Oui, mais maintenant, je me réintéresse à l’intérêt général ! », on ne le croira pas. On dira : « C’est bidon! ». On dira que c’est des histoires qu’on nous a toujours racontées et, à ce moment-là, on pourra mettre la clé sous la porte.
Voilà ce dont je voulais vous parler ce matin. Allez, à bientôt !
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