J’aurai encore été trop optimiste, le 3 février 2020 – Retranscription

Retranscription de J’aurai encore été trop optimiste, le 3 février 2020 Ouvert aux commentaires.

Bonjour, nous sommes le lundi 3 février 2020 et aujourd’hui, mon billet s’appellera : « Le blog de Paul Jorion a encore été trop optimiste ».

Alors, vous le savez, le blog a pour sous-titre… c’était une plaisanterie au départ avec quelqu’un, j’ai repris une phrase qu’il disait en sous-titrant le blog : « Le seul blog optimiste du monde occidental ». C’était une plaisanterie mais il y avait une morale à l’intérieur de cette devise, c’est qu’on n’arrêtait pas de me dire que j’étais pessimiste mais qu’en même temps, je n’ai pas arrêté depuis que ce blog a débuté – il a débuté en février 2007, c’est-à-dire qu’il aura bientôt son anniversaire des 13 ans (espérons que ça ne lui porte pas malheur ! [rires]) – j’ai alerté, j’ai alerté depuis le début.

J’ai commencé par parler de la crise des subprimes avant qu’elle arrive puis en direct et ainsi de suite. Mais à tout moment, le blog a été le centre d’une réflexion sur : Que faire ? Comment répondre ? Comment continuer ? Comment repartir ? Comment rebondir ? et la preuve en est de cet esprit du blog, du livre que je suis en train de terminer. On vient de terminer de lire les premières épreuves, Vincent Burnand-Galpin et moi, et ce livre a un titre : « Comment sauver le genre humain » qu’on pourrait considérer quand même comme très optimiste ce matin par rapport au contexte général.

Bon alors, on peut dire que c’est un texte mégalomane, enfin que le titre est mégalomane. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de vouloir tout seul sauver le genre humain ? Je regardais encore hier la série, l’excellente série « Mr. Robot » où ce type complètement dingue, à un moment donné, il est complètement coincé dans un truc qu’il a lancé et il répond, hagard, à la caméra : « J’essayais de sauver le genre humain ! ». Je ne crois pas que je donne la même impression que le gars. En plus, il est complètement camé… mais sympathique héros par ailleurs, excellent acteur d’ailleurs [Rami Malek]. Je m’égare…

Voilà. On n’arrête pas d’alerter et de proposer des solutions et j’espère que ce livre : « Comment sauver le genre humain », en tout cas le titre, il y a peu de livres qui s’appellent comme ça.

Mais le problème, le problème, il est le suivant, c’est qu’il y a 4 ans, en 2016, a paru « Le dernier qui s’en va éteint la lumière », un de mes livres, et l’éditeur a voulu le sous-titrer par une sorte de bandeau mais imprimé sur la couverture « Essai sur l’extinction ». Je crois, à ma connaissance – si vous connaissez d’autres exemples, dites-le moi – de toute façon, ça n’a pas une énorme importance, que ce soit le premier livre en français sur la page de garde duquel se trouve le mot « extinction » ou que ce soit le second ou le troisième, le thème était neuf.

Et pourquoi parler d’optimisme ou de pessimisme ? C’est parce que dans le corps du texte, je dis aux gens pour essayer de les alerter, mes lecteurs, je dis : « Si vous n’y pensez pas, c’est parce que vous considérez que, oui, ce sera effectivement un problème peut-être pas pour nos enfants, pas pour nos petits-enfants mais un problème urgent pour nos arrière-petits-enfants et que nous ne pouvons pas nous représenter nos arrière-petits-enfants qui sont encore à naître et que, du coup, nous avons la tentation de réfléchir en termes de « Je m’en lave les mains ! » ou « Après moi le déluge ! ».

Et en ces 4 ans, entre 2016 et 2020, j’ai cessé de penser que ce serait un problème pour mes arrière-petits-enfants que je ne connaitrai pas. J’ai vu que ce serait un problème certainement pour mes petits-enfants que je connais. Je me suis aperçu que c’était un problème pour mes enfants aussi, dans les conversations qui ont eu lieu au cours de ces 4 années et ce matin, en me réveillant, en regardant les journaux, je me rends compte que c’est un problème pour moi aussi, pour ma génération. Donc, en 4 ans, je suis passé de me dire qu’il s’agissait d’un problème qui paraissait un peu « théorique » du fait qu’il ne concernerait que les enfants encore à naître à me dire – en remontant le long des générations – que c’est un problème pour moi et que c’est un problème pour moi ce matin.

Alors, j’ai au moins la satisfaction de savoir que, dans deux mois, un livre va paraître, que j’ai écrit avec Vincent, et qui s’appellera « Comment sauver le genre humain ». Dans deux mois, je vous assure d’une chose : le titre n’aura pas l’air mégalomane. Personne ne dira ça. On dira… si, dans les extrêmes-droites, parce que les extrêmes-droites maintenant ont choisi, Dieu sait pourquoi, de dire qu’il n’y a pas d’extinction, qu’il n’y a pas de menace, qu’il n’y a pas de réchauffement climatique.

C’est un des grands thèmes maintenant de l’extrême-droite de dire qu’il n’y a pas de réchauffement climatique. Pourquoi est-ce que l’extrême-droite, en fait, arrive à faire ça ? C’est parce qu’elle a toujours des noms à mettre dessus. C’est la faute des machins, c’est la faute des untels, etc., c’est la faute de Jules… et donc c’est jamais des choses abstraites comme un réchauffement climatique ou la bourse de Shanghai… qui est encore un peu abstraite pour l’extrême-droite !

Sinon, le reste du monde voit que M. Trump va être confirmé dans ses fonctions mercredi, que M. Boris Johnson a prononcé le Brexit la semaine dernière et qu’évidemment, les empoignades du côté des négociations entre Européens et Britanniques ont démarré hier dans la journée, que l’Ecosse s’apprête à déclarer son indépendance et que l’Irlande du Nord ne sait plus du tout où elle est. Par ailleurs, les malheureux Australiens ont un continent qui devient invivable de jour en jour et ils ont un premier ministre qui dit : « Non, non, circulez, il n’y a rien à voir ! » [rires] et la presse australienne dit : « Circulez, il n’y a rien à voir ! ». Alors, je vois que dans les campagnes, on commence… si on voit quelqu’un qui a l’air asiatique, on commence à dire : « Les salauds, vous allez nous tuer !, etc. ». Voilà, ça, c’est les réactions, je dirais, des extrêmes-droites classiques, c’est de trouver les boucs-émissaires. C’est pas les Chinois chers amis, c’est nous ! C’est notre espèce qui est telle qu’il peut y avoir des sauts entre les virus d’autres espèces et la nôtre. Oui, c’est lié au fait que nous sommes très nombreux mais ça fait un moment que nous sommes très nombreux et ça ne s’arrange pas de jour en jour.

Alors, je vous ai dit, les gens qui réfléchissent à l’effondrement, nous allons nous réunir dans quelques semaines. J’ai envie ce matin de dire à notre petit groupe, de dire : « Est-ce qu’on ne peut pas avancer la réunion ? » parce qu’on est vraiment très très mal barrés. J’insiste là-dessus aussi depuis un certain temps. L’effondrement, ce ne sera pas un truc abstrait avec le grand mot EFFONDREMENT écrit en lettres de feu dans le ciel. Non, non, c’est des choses qui vont se passer chez nous, où on pourra mettre des noms [propres] si on veut. On peut dire « Trump », on peut dire « Boris Johnson ». Ce n’est évidemment pas le genre de noms que les extrêmes-droites choisissent ! Eux, ils préfèrent s’attaquer à des religions entières, à des ethnies entières…

Evidemment, il y aura des gens qui seront responsables ici et là de pans d’effondrement. Je viens de donner deux noms. Il y aura aussi les phénomènes de type épidémie. On le mentionne heureusement, on y a pensé dans « Comment sauver le genre humain » : on parle des épidémies. On ne consacre pas 10 pages à ça mais j’attire l’attention sur le paradoxe qui fait qu’on a éliminé la variole mais qu’il y a des laboratoires où on essaye de la ressusciter. On a encore des souches mais pour en faire des armes de guerre. C’est ça la difficulté du genre humain. Et je signale aussi ça depuis un certain temps, c’est que nous dire : « Il y aura un effondrement sympathique. Simplement, chacun va se retirer sur ses terres et tous les bisounours vont se mettre d’accord en se tenant la main et ça va marcher… ». Non, non, il y a 9 pays qui ont l’arme atomique et comme je le disais il y a déjà pas mal de temps (je crois que c’était dans une des chroniques que j’écris), la probabilité qu’il n’y en a pas au moins un des 9 qui s’énerve dans le processus d’effondrement, elle est nulle et il faut (je relisais le chiffre dans le manuscrit) il suffit que 0,7 % des armes nucléaires dont nous disposons soient utilisées pour recréer un hiver nucléaire qui rendra les moissons impossibles, sans compter le genre d’aventures qu’on peut voir dans le film « Sur la route » inspiré du roman du même nom.

Voilà un petit billet d’humeur comme on dit, un lundi matin, le genre de billet que j’aimerais autant ne pas vous faire, surtout que, comme vous avez pu le voir, je le fais véritablement au saut du lit – je n’ai pas encore de chaussettes – parce qu’en regardant les journaux, je me suis dit : « Il faut absolument que je dise quelque chose ». Voilà.

Passez quand même, autant que possible, une bonne journée mais l’effondrement, ce n’est pas un truc pour dans 30 ans, dans 20 ans, dans 10 ans. Il est là à nos portes.

Allez, à bientôt quand même !

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