La monnaie : approche comptable et approche économique

Les citations de l’ouvrage de Dominique Plihon, La monnaie et ses mécanismes (La Découverte 2000) que A-J Holbecq (Stilgar) nous propose dans un récent commentaire, me permettent de mettre le doigt sur l’une des choses qui me chipotent encore dans notre débat sur la monnaie. Dans les passages cités, l’approche de Plihon est toute en opérations comptables : en écritures en actif et passif. Ainsi, par exemple :

La monnaie créée se concrétise par une inscription au compte du client emprunteur qui figure au passif du bilan bancaire ; la contrepartie est inscrite à l’actif à un poste créance sur le client (page 19)

Il n’y a pas de mal à ça : il s’agit d’une des représentations possibles de ce dont il s’agit. Le danger réside dans le déséquilibre que nous introduisons alors inconsciemment quand nous parlons en termes de flux monétaires pour évoquer la monnaie fiduciaire créée par les banques centrales et en termes comptables pour évoquer la monnaie « scripturale » manipulée (je m’abstiens délibérément de dire « créée ») par les banques commerciales.

Or dans la plupart de nos discussions, je constate que nous ne parlons pas d’écritures dans une « langue » appelée comptabilité en partie double mais de flux monétaires effectifs en lesquels nous tentons de traduire l’ensemble des phénomènes d’une manière que j’appellerais « physique », comme si nous avions affaire à un système hydraulique.

Ceci n’est pas innocent parce qu’on trouverait là l’explication du scepticisme que l’on observe chez les « banquiers » devant la notion de création ex nihilo. En effet, quand on travaille dans une banque, et à moins qu’on ne soit comptable soi–même, on s’efforce d’ignorer entièrement l’approche comptable, parce qu’on la considère comme une fiction plus ou moins surréaliste destinée au public et aux régulateurs (entendez : « gogos ») mais sans rapport avec ce que l’on cherche à réellement mesurer, à savoir, le profit et que permet seule de capturer l’approche qu’on appelle « économique », qui ne s’intéresse elle qu’à des flux monétaires effectifs.

Je n’ai moi–même pas échappé à ce danger : dans La monnaie : le point de notre débat (III), je présente ce que j’appelle « L’existence de trois théories distinctes de la création de monnaie ex nihilo ».

– à l’occasion de l’allocation d’un prêt, la création de monnaie ex nihilo porte sur les intérêts qui seront versés par l’emprunteur : ces intérêts constituent une nouvelle source de monnaie (Louis Even) ;

– la création de monnaie ex nihilo résulte de la démultiplication d’une somme déposée sur un compte à vue en raison de la possibilité pour une banque commerciale de prêter les sommes déposées à un tiers en ne conservant que des réserves fractionnaires (Maurice Allais) ;

– la création de monnaie ex nihilo résulte du fait que les banques commerciales peuvent prêter des sommes « fictives » (créées au moment où un prêt est accordé et détruites au moment où il est remboursé) par une simple opération scripturale (Philippe Derudder).

Or, prêtez-y bien attention : dans la théorie Louis Even, on ne parle que de flux : les intérêts sont des flux et la création ex nihilo résulte du fait qu’ils sont extérieurs au prêt.

Dans la théorie Philippe Derudder on ne parle au contraire que d’opérations comptables.

Et dans la théorie Maurice Allais, on parle à la fois de flux : les dépôts et les réserves fractionnaires, et d’opérations comptables, débouchant celles–ci sur la « démultiplication » constatée.

Et c’est cela qui me fait crier : « Casse-cou ! »

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53 réponses à “La monnaie : approche comptable et approche économique”

  1. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Peut-être vais-je répondre à côté de la plaque (?) et demande toutes les indulgences si c’est le cas. Car je ne suis pas certain de bien détecter exactement les variantes « fondamentales » entre ces trois théories ici affichées qui feraient crier « Casse-cou! » à Paul Jorion.

    Dans ces trois théories, c’est celle de Maurice Allais qui paraît « ratisser » le plus large, mais ne serait pas la plus explicite car, à mon avis, la désignation des réserves fractionnaires concerne un « stade » bancaire « extérieur » à la « pure »(?) question de la création monétaire ex-nihilo. Cependant, celle de Louis Even nomme les intérêts comme étant également source de monnaie (il faudrait que je retrouve le ou les documents est cette phrase de L. Even) car il faudrait préciser si ce sont les intérêts payés par l’emprunteur concernant (vu la théorie de Maurice Allais) la stricte création monétaire ex-nihilo (hors réserves).

    Car les intérêts bancaires à payer sur une dette proviennent soit du « pugilat » économique et commercial (ma « réussite » ou ma bonne solvabilité en tant qu’emprunteur impliquent la « mise en difficulté » d’autres emprunteurs moins « battants » ou « chanceux » que moi) donc le montant de ces intérêts est soustrait à la masse monétaire, car je les ai enlevés de la monnaie déjà créée car en circulation. Soit il s’agit d’emprunts ultérieurs pour renflouer un ou des emprunts (ou les refinancer) et là, la source de monnaie que représentent les intérêts de l’emprunt, disons: emprunt-« dépanneur », est une « pure » source de création monétaire ex-nihilo, avec le risque de « spirale infernale » trop connue..

    Quoiqu’il en soit, quand Paul Jorion écrit :

    (….) quand on travaille dans une banque, et à moins qu’on ne soit comptable soi–même, on s’efforce d’ignorer entièrement l’approche comptable, parce qu’on la considère comme une fiction plus ou moins surréaliste destinée au public et aux régulateurs (entendez : « gogos ») mais sans rapport avec ce que l’on cherche à réellement mesurer, à savoir, le profit et que permet seule de capturer l’approche qu’on appelle « économique », qui ne s’intéresse elle qu’à des flux monétaires effectifs

    on perçoit, je crois, l’abysse qu’il y a entre la mesure (qui, depuis belle lurette, n’est plus intangible comme le système métrique !) des paramètres économiques et la complète absence (ou presque) de vérité dans la création de monnaie s’y rapportant ; étant entendu que le créateur de monnaie est, jusqu’à nouvel ordre (?), le maître quasi absolu des cycles économique… Il y a longtemps que le « miroir monétaire » est un miroir déformant, devenu maintenant miroir aux alouettes, ou encore un compteur à gaz d’un gaz dont la « densité » change continuellement, les chiffres du compteur à gaz sont justes, mais la contrepartie n’y est jamais, la densité du « gaz » s’amenuisant sans cesse par la magie des faiseurs d’argent…

  2. Avatar de A-J Holbecq (Stilgar)

    Bonjour

    Paul écrit

    Le danger réside dans le déséquilibre que nous introduisons alors inconsciemment quand nous parlons en termes de flux monétaires pour évoquer la monnaie fiduciaire créée par les banques centrales et en termes comptables pour évoquer la monnaie « scripturale » manipulée (je m’abstiens délibérément de dire « créée ») par les banques commerciales.

    Je voudrais juste signaler que le « système » est exactement le même pour la Banque Centrale que pour les banques secondaires. La monnaie, dans les deux cas, est émise par « la prise en pension » (le terme n’est pas tout à fait exact, je sais) de titres ou « reconnaissances de dette », disons plus simplement « des garanties ». La seule différence est que lorsque la BC émets de la monnaie (fiduciaire ou scripturale), c’est une monnaie centrale à usage des banques commerciales, lorsque les banques commerciales émettent de la monnaie scripturale, c’est à usage des agents non bancaires ( en particulier entreprises et ménages, et l’Etat sous forme d’achats d’OAT … )

    Dans tous les cas, il y a « contreparties » (je ne discute pas ici de la solidité des contreparties acceptées par les Banques Centrales ou les banques commerciales) et le bénéficiaire devra payer des intérêts en échange de cette monnaie créée et, de plus, il y a « comptabilité » de cette monnaie. Dans le cas de la banque centrale le compte du client emprunteur qui figure au passif de son bilan bancaire est la banque commerciale qui s’est financée auprès d’elle en monnaie centrale, lors d’opérations de « refinancements » ou par des  » TAF » (Term Auction Credit) …

    Après, on peut faire la différence entre la monnaie permanente (billets) et la monnaie de crédit dont les termes arrivent à échéance à des dates prédéterminées…

    Comme j’ai plus travaillé sur la dette que sur la création monétaire, arretez-moi sans hésiter si je me suis trompé … j’ai pu écrire une bêtise dans ce qui précède 😉

  3. Avatar de A-J Holbecq (Stilgar)

    Je voudrais répondre à chacune des conclusions de Paul sur ce billet…

    1 – Or, prêtez-y bien attention : dans la théorie Louis Even, on ne parle que de flux : les intérêts sont des flux et la création ex nihilo résulte du fait qu’ils sont extérieurs au prêt.

    J’avoue ne pas avoir analysé le contexte cette affirmation, mais je pense qu’il faudrait savoir de quoi, en amont, parle exactement Louis Even.

    Que ce soient des intérêts dus sur le prêt d’une épargne existante, ou des intérêts demandés sur la création de monnaie à l’occasion d’un prêt créatif de monnaie par les banques, il faut bien que « globalement » il y ait création monétaire nouvelle ou qu’il y appauvrissement de celui à qui les intérêts seront « pris » pour que le débiteur puisse payer l’intérêt au créancier. C’est ce qui fait dire à Margritt Kennedy que le principe de l’intérêt est appauvrissant pour 8/10° de la population, neutre pour 1/10° et enrichissant pour 1/10°, qui crée le fait que les riches s’enrichissent et que les pauvres s’appauvrissent (« relativement » car l’ensemble est moins pauvre qu’avant… bien que la crise pétrolière risque fort de faire basculer cette courbe vers le bas…)

    2 – Dans la théorie Philippe Derudder on ne parle au contraire que d’opérations comptables.

    Philippe n’a pas dit que cela 😉

    En fait, ce que nous disons, ensemble, c’est que le bénéfice d’une banque correspond soit au « sur-intérêt » perçu lorsque la banque prête une épargne déja existante, soit à l’ensemble des intérêts lorsqu’il y a création monétaire à l’occasion de la mise à disposition de monnaie à un emprunteur (qui devra donc payer les intérêts). Nous disons aussi que globalement le système bancaire bénéficie de l’intérêt sur toute la monnaie en circulation (existante) puisqu’il a été le seul à avoir droit de créer cette monnaie. Seule une faible partie des intérêts (ceux sur la monnaie centrale) revient à la Banque Centrale et donc in fine aux Etats.

    3 – Et dans la théorie Maurice Allais, on parle à la fois de flux : les dépôts et les réserves fractionnaires, et d’opérations comptables, débouchant celles–ci sur la « démultiplication » constatée.

    Allais a aussi raison, mais il fait intervenir une notions moins facilement compréhensibles, ce sont les « régles » auxquelles sont soumises les banques, qui limitent (un peu) leur possibilité de création.

    Chacune des approches me semble bonne, il n’y a pas de « théorie » de la création monétaire différente, mais on a effectivement un point de vue un peu différent (mais seulement un peu).

    Nous « savons » (je sais, c’est prétentieux) globalement comment fonctionne la création de monnaie, mais nous avons du mal à l’expliquer, nous nous perdons parfois dans des détails et ces détails sont néanmoins nécessaires pour la compréhension globale.

    Les « grands » économistes ont eux aussi parfois des points de vue différents (multiplicateur monétaire ou diviseur monétaire? Qui « pilote » réellement, l’offre ou la demande ?), mais globalement aucun ne remet en doute le fait que la monnaie soit créée par les banques par (ou sur) la demande des agents non bancaires…

  4. Avatar de Jean Jégu

    @ Paul

    Il y a des choses qui vous chipotent encore, Paul … Bien. Résultat, on discutaille à nouveau, comme si tout était à refaire.

    Vous revenez sur les trois théories de la création de monnaie ex nihilo. Je reviens donc sur ma position. A mon avis, il n’y a pas trois théories. Il y a un constat unanime de ceux qui connaissent la question. Relisez comment j’ai vu les “trois théories” (troisième paragraphe et suivants de mon commentaire du 3 juin sur votre billet “La monnaie : le pont de notre débat (III)).

    Peut-on à la fois refouler la présentation comptable que vous reprochez à Dominique Plihon et regretter que nous n’utilisions pas la “comptabilité en partie double . Or ces parties “doubles” sont l’actif et le passif des comptables si je ne me trompe. D’autre part, tout se passe en effet comme si nous avions affaire à un circuit hydraulique extrêmement complexe, avec des débits (flux) mais aussi des réservoirs (stocks) et dans lequel on pourrait injecter de l’eau supplémentaire à volonté avec des robinets que les banques tiennent en main.

    Ceci étant, je suis tout à fait d’accord avec vous et votre expérience de banquier : les banquiers se fichent de la monnaie comme de leur première chemise. Ce qu’ils veulent c’est le profit et le profit c’est grossir les actifs ! Nous re-voilà au premier paragraphe du point A.2.b de notre canevas : monétisation des actifs et démonétisation des dettes. La monnaie c’est pour les “gogos” et les actifs sont pour les banquiers. Le débit dans le tuyau n’a aucune importance ; ce sont les pépites qu’il transporte qui comptent. Mais la monétisation des actifs, nous n’en avons pas encore dit un mot. Si nous faisons sans cesse marche arrière, nous n’y arriverons jamais.

    Et pourquoi vouloir opposer monnaie fiduciaire “créée” par les banques centrales et la monnaie scripturale “manipulée” par les banques commerciales. Stilgar fait remarquer à juste titre que le fonctionnement est identique à chacun de ces deux niveaux : les banques gèrent les avoirs monétaires de leurs clients et les banques centrales gèrent les avoirs monétaires de leurs banques clientes. C’est pourquoi les concepts fondamentaux sont ceux de monnaie centrale et de monnaies bancaires (le pluriel est intentionnel car chaque banque émet sa monnaie – c’est pourquoi les échanges entre banques – la compensation – ne se font qu’en monnaie centrale, la seule qui leur soit commune).

    Finalement, je me demande si je n’avais pas raison. On n’apprend ni la physique, ni la chimie, ni la biologie, et pas davantage la monnaie – terreau de la finance – sur un blog, si prestigieux soit-il. Le problème, c’est que les manuels consacrés au sujet ne courent pas les rues et sont peu lisibles. Les malheureux qui s’emploient à les vulgariser en tâchant de simplifier et en employant un vocabulaire un peu carré ont bien du mal à apparaître crédibles. Combien d’années se sont-elles écoulées avant que les opinions publiques, menées par des médias irresponsables, veuillent bien s’intéresser au réchauffement climatique, pourtant affirmé par les climatologues depuis plus d’une décennie ? J’ai lu mon premier livre sur le sujet et ai été convaincu dès 1990 : “ Gros temps sur la Planète” de Jean-Claude Duplessy et Pierre Morel. Ed. Odile Jacob janvier 1990.

    Quel commentaire Paul, en tant qu’anthropologue, pourriez-vous faire de cette inertie étonnante des sociétés humaines ?

  5. Avatar de Leduc
    Leduc

    L’argent est corrupteur, comme le pouvoir parfois. Il arrive que dans certaines sociétés le pouvoir soit corrompu, qu’il trahisse ses fonctions originelles. Ainsi au lieu de servir le peuple, l’intérêt commun de la société, les dirigeants finissent par rechercher le pouvoir uniquement pour le pouvoir.

    J’imagine que pour les banquiers, le fait de manipuler uniquement de l’argent et tous ses dérivés finit par leur monter à la tête. Encore dans une compagnie de n’importe quel autre secteur de l’économie on a affaire et on manipule de l’argent mais aussi tout un tas d’autres choses, des matières premières ou semi-finies, des processus industriels complexes, des usines, de la logistique, etc. Mais le pauvre banquier il n’a affaire toute la journée qu’à des chiffres, et toujours des chiffres. Pas étonnant qu’à force ils soient corrompus et finalement finissent par « manipuler » de l’argent uniquement pour créer et surtout leur rapporter encore plus d’argent.

    Les sociétés humaines sont inertes parce que les dirigeants et grands acteurs de ce monde n’ont certainement pas intérêt à ce que les masses populaires prennent conscience de la vaste escroquerie dont elles sont les grandes victimes. Tant que le peuple n’aura aucun moyen de comprendre le fonctionnement du monde financier, alors les banquiers et financiers pourront continuer à s’enrichir tranquillement sur le dos de tout le monde. Il faut que pour le monde entier, pour l’immense majorité, les banques évoquent seulement des mot tels : « la banque à qui parler », « le bon sens près de chez vous », etc.

    Je me demande parfois même comment les banquiers eux-mêmes arrivent à comprendre ce qu’ils font, tellement les produits financiers qu’ils s’ingénient à créer semblent compliqués. Maintenant avec l’usage massif de l’outil informatique et des réseaux, le monde bancaire et financier a radicalement changé ces 20 dernières années. Ce qui me fait un peu peur c’est que les ingénieux manipulateurs et créateurs d’argent et de produits financiers complexes semblent ne plus maitriser et contrôler leurs bébés financiers monstrueux.

    Finalement dans la crise des subprime, qu’est-ce qui a été plus fort que le bon sens, la logique, la raison chez les banquiers et prêteurs hypothécaires ? Car apparemment la règle de base du prêt d’argent, c’est de s’assurer et de veiller à ce que l’emprunteur soit solvable, sinon il n’y a plus de remboursements possibles et le système s’écroule. Alors comment ont-ils pu tomber dans un piège aussi grossier ?

    Est-ce que les prêteurs pensaient réellement s’en sortir en refilant le bébé et l’eau du bain à d’autres banques et d’autres acteurs économiques en reconditionnant leurs prêts sous d’autres formes plus alléchantes, empochant ainsi quand même des bénéfices et refilant la dette insolvable et tous les problèmes à quelques gogos financiers moins doués et surtout ignorants de ce qui se passait vraiment ? Qu’avaient-ils en tête réellement, mettre en difficulté des banques concurrentes en les induisant en erreur et ensuite en lançant des opération « généreuses » de rachat afin de les empêcher d’être en situation de faillite ?

    Le monde de la finance est tellement vaste qu’il y aurait beaucoup de choses à dire, et chers amis lorsque vous en aurez fini avec la création monétaire, vous pourrez réattaquer directement sur les produits bancaires complexes et les opérations aussi plus que douteuses qu’elles font.

  6. Avatar de Paul Jorion

    Chers amis,

    Je nous imagine, nous avions décidé ensemble d’escalader l’Everest et nous voilà, fourbus, bivouaquant dans la nuit, à cent mètres du sommet.

    André–Jacques dit : « Nous sommes globalement arrivés ! » Personne ne répond. Oui, c’est vrai, mais ça ne convaincra pas les journalistes. Il faut parvenir au sommet : avec une entreprise aussi formidable que la nôtre, c’est du tout ou rien !

    Leduc dit : « C’est beau ce qu’on fait mais c’est dur ! » et les autres en chœur : « Leduc, dors : tu es fatigué ! ».

    Paul dit : « On n’y arrivera pas sans les biscuits qu’on a laissés cent mètres plus bas : il faut d’abord aller les chercher ! ». Jean éclate : « Ah non ! Avec tous les efforts qu’on a faits pour arriver jusqu’ici : pas question de redescendre, même d’un mètre ! », et Paul répond imperturbable : « Jean, sois raisonnable : on n’y arrivera pas sans les biscuits et personne ne saura ce qu’on a fait ! »

    Rumbo dit : « Allez les gars, on se tait et on dort. Demain on a du pain sur la planche : il faut d’abord aller chercher les biscuits au dernier camp et puis grimper au sommet. On est presque arrivés ! »

  7. Avatar de Paul Nollen

    Peut être intéressant pour ceux qui peuvent lire ce document

    http://129.3.20.41/eps/mac/papers/0203/0203005.pdf

    Fractional Reserve Banking as Economic Parasitism
    A Scientific, Mathematical, & Historical Expose, Critique, and Manifesto

    Vladimir Z. Nuri

    This paper looks at the history of money and its modern form from a scientific and mathematical point of view. The approach here is to emphasize simplicity.
    A straightforward model and algebraic formula for a large economy analogous to the ideal gas law of thermodynamics
    is proposed. It may be something like a new F = ma rule of the emerging econophysics field.
    Some implications of the equation are outlined, derived, and proved. The phenomena of counterfeiting, in ation and de
    ation are analyzed for interrelations.
    Analogies of the economy to an ecosystem or energy system are advanced. The fundamental legitimacy of \expansion of the money supply » in particular is re-examined and challenged. From the hypotheses a major (admittedly radical) conclusion is that the modern international \fractional reserve banking system » is actually equivalent to legalized economic parasitism by private bankers. This is the case because, contrary to conventional wisdom, the proceeds of inflation are not actually spendable by the state. Also possible are forms of « economic warfare » based on the principles. Alternative systems are proposed to remediate this catastrophic flaw.

    Paul

  8. Avatar de Gérard P.
    Gérard P.

    Quelques biscuits :
    1) Comprendre la Banque (Association Belge des Banques)
    http://www.abb-bvb.be/edu/fr/mod001/files/WF-fichebank-tekst-fr.pdf

    2) Nature juridique des dépôts sur un compte en banque :
    « Que des dépôts sur un compte en banque s’analysent comme un prêt de consommation, l’intérêt étant la rémunération du droit d’usage par le banquier des fonds déposés; qu’en raison de ce droit d’usage de fonds consomptibles, le titulaire d’un compte transfère nécessairement la propriété des fonds au banquier; … Qu’une somme d’argent figurant au crédit d’un compte ne peut être considérée comme une chose corporelle individualisée et ne peut dès lors être revendiquée; »
    (Cour d’appel de Bruxelles, 23.12.1998)

    3) Le système monétaire, François Rycx (ULB)
    http://homepages.ulb.ac.be/~frycx/Ecopol_s12.pdf

    4) Fondement d’économie politique, Alexis Jacquemin, Henry Tulkens, Paul Mercier, De Boeck 2000. Voyez la partie II.
    http://www.core.ucl.ac.be/~tulkens/Fondements_Economie_Pol.php

    5) Communications au colloque « du franc à l’euro : changements et continuité de la monnaie », Poitiers, 14 – 16 novembre 2001
    http://sceco.univ-poitiers.fr/franc-euro/communications.htm

    6) Le principe monétaire au-delà de la dématérialisation, Vincent SOYER
    http://sceco.univ-poitiers.fr/franc-euro/articles/VSoyer.PDF

  9. Avatar de A-J Holbecq (Stilgar)

    Seul Paul Jorion peut nous dire de quels biscuits il a (encore) besoin pour monter au sommet 😉

  10. Avatar de A-J Holbecq (Stilgar)

    En attendant de savoir de quels biscuits nous avons besoin, ceux ci conviendraient-ils pour faire quelques mètres supplémentaires ?

    Supposons qu’il n’existe qu’une seule banque dans l’économie et que celle-ci accorde un crédit de 100 à une entreprise.

    La banque accorde un crédit à l’entreprise et en contrepartie, crédite son compte (au passif de son propre bilan) : le dépôt à vue de l’entreprise a augmenté du montant du prêt. La banque inscrit donc simultanément la même somme à l’actif (crédit) et au passif (compte-courant) de son bilan.
    Cela constitue l’acte par lequel elle crée de la monnaie.

    Cette création a lieu également quand la banque achète un actif réel (immeuble par exemple), un actif financier (action, obligations, titres de créances négociables) ou des devises. La seule différence est que la création monétaire à l’occasion du crédit (ou de l’achat d’un titre de dette) n’est que provisoire – quand le crédit, où la dette est remboursée, il y a destruction monétaire – alors que dans les autres cas, la création monétaire et définitive.

    La monnaie ainsi créée permet à l’entreprise d’ effectuer différent paiements. On peut par exemple imaginer qu’elle va payer les salaires de ses employés.

    La création d’un dépôt supplémentaire au bénéfice de l’entreprise à l’occasion du crédit bancaire n’a lésé aucun autre déposant. Les autres titulaires de dépôt possèdent toujours la même somme sur leur compte en banque. Le crédit bancaire a bien permis de créer un pouvoir d’achat supplémentaire, dont l’entreprise a ici bénéficié et qui lui a permis de payer ses salariés. Si le dépôt créé restait toujours au sein de la banque, celle-ci pourrait créer autant de monnaie qu’elle le souhaite, puisque tout crédit augmente les ressources de la banque d’un même montant. Elle n’aurait pas, dans ce cas, à se préoccuper d’une fuite de monnaie hors de ses propres comptes.

    En pratique, il existe plusieurs banques dans une économie, et la monnaie créée par une banque peut être redéposée dans d’autres banques. Dans notre exemple, il est ainsi peu probable que l’ensemble des salariés de l’entreprise aient tous un compte bancaire dans la même banque que leur employeur. La banque va donc subir une fuite sous forme de transferts dans d’autres banques au moment de l’utilisation du crédit. Ainsi le banquier prêteur ne va conserver qu’une faible partie des dépôts qu’il aura créés en accordant des crédits. Cependant, ses clients vont lui apporter une portion des dépôts créés par d’autres banques. En outre, du fait de l’existence d’un marché interbancaire, une banque peut retrouver ces fonds en les empruntant moyennant rémunération auprès d’autres banques. Elle peut ainsi se refinancer sur le compartiment interbancaire du marché monétaire, le lieu où les banques s’empruntent ou se prêtent les trésoreries disponibles.

    Ainsi, une banque seule a un pouvoir de création monétaire limitée au pourcentage de dépôt qui reste à son bilan, c’est-à-dire à sa part dans la collecte de liquidité du système bancaire. Le système bancaire dans son ensemble, en revanche, à un pouvoir de création monétaire potentiellement illimitée.

    En effet, si des fuites d’une banque limitent sa propre création monétaire, elles s’effectuent au profit d’autres banques, favorisant la création monétaire de ces dernières.

    Si l’on raisonne sur le bilan consolidé de l’ensemble des banques, le crédit initial est toujours à l’origine d’un dépôt du même montant au sein du système bancaire. C’est pourquoi, il est nécessaire de mettre en place des mécanismes destinés à contrôler la création monétaire due aux banques commerciales puisque les établissements de crédit sont les principaux créateurs de monnaie à travers la distribution de crédit aux agents non financiers.

    À la monnaie scripturale créée par les banques va s’ajouter la monnaie créée par la banque centrale.

    Si les crédits bancaires accordés restaient en dépôt au sein du système bancaire, il n’y aurait pas de limites à la création monétaire. En fait, les banques ne peuvent créer indéfiniment de la monnaie, car elles vont faire face à des « fuites » hors du système bancaire (en plus des fuites hors de leur propre réseau), fuites qui les contraignent à se tourner vers la banque centrale.

    Les agents vont demander la conversion d’une fraction de leurs dépôts à vue en monnaie émise par d’autres réseaux.

    Ainsi, avec la monnaie créée à l’occasion du crédit, les ménages et les entreprises vont effectuer différentes opérations, retirer des billets, effectuer des virements bancaires, etc… Ces opérations obligent la banque à puiser dans ses réserves et, si ces dernières sont insuffisantes, a emprunter des liquidités auprès des autres banques ou auprès de la banque centrale. C’est la monnaie centrale qui va permettre le bouclage du circuit monétaire, et c’est grâce à elle que la banque centrale pourra dans une certaine mesure, contrôler la création monétaire.

    Le besoin de liquidités d’une banque équivaut à son besoin de monnaie centrale. De fait, les facteurs de la liquidité bancaire sont l’ensemble des événements qui affectent les liquidités des banques et les contraignent dans leur distribution de crédit. Autrement dit ce sont tous les éléments qui entraînent une variation du besoin de financement des banques auprès de la banque centrale. On trouve les quatre facteurs de la liquidité bancaire au bilan de la banque centrale : ce sont les contreparties des refinancements, à savoir l’émission de billets, les besoins en devises, les opérations avec le trésor et les réserves des banques à la banque centrale. Ces facteurs peuvent être restrictifs quand il se produit une fuite de liquidités hors du système bancaire. Les banques sont alors contraintes dans leur création monétaire car elles doivent détenir suffisamment de monnaie centrale (billets et réserves à la banque centrale) pour faire face à ces fuites. Les facteurs de la liquidité bancaire peuvent également être expansifs. Dans ce cas les banques voient affluer des liquidités à leur bilan, liquidités qu’elles n’ont pas elles-mêmes créées.

    C’est extrait de « La monnaie » (éd. Dunod) de Sophie Brana et Michel Cazals
    http://lare-efi.u-bordeaux4.fr/Homepage/Brana/Brana.htm
    (excusez s’il reste quelques fautes, je l’ai « dicté » et sans doute insuffisamment relu)

  11. Avatar de JA
    JA

    Bonjour à tous,

    Fidèle (et silencieux jusqu’ici) lecteur du blog depuis quelques temps, j’avoue avoir un peu de mal à comprendre l’entreprise actuelle autour de la création de monnaie ex-nihilo par les banques commerciales. Sauf erreur de ma part, il me semble que Paul réfute cette théorie. Pourtant, je lis ici-même sur ce blog plusieurs billets depuis quelques semaines tentant de faire le point sur cette approche. Je lis et comprends les développements de chacun, selon qu’il conçoive cette création de monnaie sous l’angle de flux ou d’écritures comptables (voir comme Allais les deux, avec une variante au niveau de la définition des flux). Il n’en demeure pas moins que ces 3 approches me semblent gouvernées par une grille de lecture à géométrie inversée : on détermine les conséquences, puis de manière plus ou moins empirique, on remonte à ce qu’on estime être la cause initiale. Ainsi va, me semble-t-il, de la création de monnaie ex-nihilo par le biais des intérêts perçus par les banques commerciales.

    Or, je ne vois pas au plan théorique de contradiction dans les agissements des banques commerciales, et donc encore moins de création de monnaie à partir de rien, sauf à estimer que les agrégats M1, M2 et M3 (et M4) dont se dotent les banques centrales sont faussés par une circulation excédentaire de monnaie « virtuelle » créée illicitement par les banques commerciales, ce qui ne me semble pas être le cas.

    Pour faire simple, une banque commerciale qui accorde un prêt émet en même temps que ce dernier une créance qui correspond à l’intérêt dû pour l’immobilisation/prêt du capital, lequel représente aujourd’hui seulement une fraction des dépôts auprès de la banque (ce qui est certainement un aspect hautement critiquable). La monnaie qui constitue le capital prêté par la banque commerciale a été mise en circulation par la banque centrale qui gère la masse monétaire de la zone économique en question. L’intérêt perçu correspond à une création par la même banque centrale de monnaie destinée à couvrir précisément l’intérêt qu’elle a elle-même imposé à la banque commerciale au moment du prêt du capital + la marge de cette dernière pour couvrir son opération et dégager un profit. Le corolaire de cette acceptation me semble être que la banque centrale est condamnée à créer (inflation) de la monnaie pour permettre aux acteurs économiques à tous les niveaux de rembourser le capital + l’intérêt selon un schéma pyramidal qui aggrave les conditions financières à mesure que l’on s’éloigne du cercle concentrique.

    Qu’en pensez-vous ???

    Cordialement, JA

  12. Avatar de egdltp
    egdltp

    @JA

    Je vous soutiens dans votre reformulation de la situation. C’est un peu ce qu’explique Louis Even notament via son conte « L’ile des naufragés ».

    Pour tenter d’expliquer le « coupage de cheveux en quatre », je crois que notre hote et les intervenants essayent de formaliser d’une manière irréfutable pour quelque lecteur que ce soit le sentiment que beaucoup partagent :

    – Le système tel qu’il existe et tel qu’il est régulé ne peut qu’ « exploser », ainsi que l’actualité commence à nous en faire la narration.

    – Tant que les parties prenantes n’accepteront pas ce fait, il sera difficile de les réunir pour définir une nouvelle règle de fonctionnement du sang de l’économie qu’est la monnaie.

    – Et pour l’instant, une faible minorité, celle qui est sensée diriger le système profite encore de celui-ci et ne semble pas voir son évolution mortifère…

    Merci pour vos explications chers intervenants.

    Au plaisir de vous lire

  13. Avatar de Emir Abel
    Emir Abel

    @JA

    La monnaie qui constitue le capital prêté par la banque commerciale a été mise en circulation par la banque centrale (…)

    Non, vous vous trompez. Cette phrase est totalement incorrecte. Et c’est bien la tout le problème.

  14. Avatar de Jean Jégu

    @ JA, egdltp et Emir Abel.

    Intervenant sur ce blog, je souhaite absolument répondre brièvement ( j’ai peu de temps ce matin) à JA qui veut bien nous demander ce que nous en pensons.

    Votre point de vue, JA, me semble très intéressant. Peut-être est-ce je me trompe, mais il est probable que vous connaissez la banque et la finance de l’intérieur. Si c’est bien le cas, vous confirmeriez tout à fait ce que je soupçonne de plus en plus. Comme notre hôte Paul, vous êtes certainement de bonne volonté et de bonne foi. Je vous tiendrai donc volontiers le même langage que celui que je lui ai tenu, à propos de son billet du 6 avril 2008 : ”L’un de nous deux se trompe”.

    Effectivement, je pense qu’avec beaucoup d’autres, notamment dans le milieu de la banque, vous vous trompez. Voyez ce que dit Emir Abel. Je souscris totalement à son avis. Evoquer comme vous le faites “la création de monnaie ex-nihilo par le biais des intérêts perçus par les banques commerciales“, me prend totalement à contre-pied. Pour moi, la création de monnaie se fait au moment de l’établissement de la créance et de l”approvisionnement du compte du “bénéficiaire”.

    L’encaissement des intérêts se fait par destruction monétaire sur le compte de l’emprunteur. C’est ici que la banque détruit sa dette (car la monnaie est pour la banque une dette) et par conséquent s’enrichit. Si vous avez lu mon canevas, ceci est à discuter au point A.2.b premier paragraphe.
    La pensée de Louis Even ne m’est pas familière mais pour ce que j’en connais, elle ne se réduit pas à la question de l’argent supplémentaire nécessaire pour payer les intérêts. L’approbation de egdltp me surprend ; a-t-il bien saisi l’ensemble de votre propos ?

    Bref, concluons ensemble, JA, si vous le voulez bien : il y a là un problème sérieux, celui de l’ ignorance généralisée du fonctionnement des forces financières (il ne suffit plus de dire monétaires) qui nous emportent comme un torrent.

  15. Avatar de JA
    JA

    @ Emir Abel

    Vous avez raison, j’ai été un peu vite dans le raccourci. Ce que je veux dire par là, c’est que c’est la banque centrale qui autorise la création de monnaie scripturale par les banques commerciales, en leur permettant de prêter une partie plus ou moins importante des fonds qu’elles ont en dépôt. Fixer cette règle revient à déterminer la masse de monnaie en circulation, fiduciaire ou scripturale. Par conséquent, le résultat est le même : c’est la banque centrale qui crée la monnaie directement (fiduciaire) ou indirectement (scripturale).
    Note personnelle : faire attention à la formulation 🙂

  16. Avatar de Emir Abel
    Emir Abel

    @ JA

    (…) c’est la banque centrale qui autorise la création de monnaie scripturale par les banques commerciales, en leur permettant de prêter une partie plus ou moins importante des fonds qu’elles ont en dépôt.

    Décidément, c’est encore non. Cette phrase est fausse. Les banques commerciales, ne prêtent pas (ou pas seulement) l’argent qu’elles ont en dépôt. Elles le créent. Encore une fois, c’est bien là le problème.

    Pour vous permettre de comprendre ce que j’ai compris grâce à des gens qui ont pris le temps de faire de la pédagogie, je vous invite à consulter les lients suivants :
    1) Ce texte court donne une explication très claire :

    2) Ce livre comporte une explication détaillée et très compréhensible des mécanismes de création monétaire

    3) Ce site propose de nombreux textes courts et des questions-réponses qui permettent une bonne compréhension

    Je ne peux que vous recommander de faire ce premier effort de consulter ces différentes sources d’information (parmi d’autres). C’est le seul moyen selon moi, d’obtenir une compréhension correcte qui vous permettra ensuite de débattre de façon pertinente.

  17. Avatar de guillaume
    guillaume

    @ JA

    C’est la banque centrale qui autorise la création de monnaie scripturale par les banques commerciales, en leur permettant de prêter une partie plus ou moins importante des fonds qu’elles ont en dépôt. Fixer cette règle revient à déterminer la masse de monnaie en circulation

    Comme B. Maris, je ne suis pas sûr de cette réalité :

    La titrisation par exemple (sauf erreur de ma part) ne permet-elle pas à une banque commerciale de faire un prêt (en respectant bien sûr les règles prudentielles de réserves fractionnaires, de Bale …), puis de le sortir de leur bilan en le revendant (obligations). Ce qui, non seulement, lui permet de considérer qu’il n’y a pas eu réellement un prêt dans son bilan, mais en plus d’accroitre par la vente de titre ses capitaux (pour de nouveaux prêts).

    Si tel est le cas, le contrôle de la BC s’exerce non pas sur la capacité d’une banque commerciale à effectuer ou non un prêt, mais une opération, qu’elle peut de ce fait reproduire relativement indéfiniment (jusqu’à un resserrement systémique du crédit pour insolvabilité du système).

    A chaque fois que l’opération est répétée, cela se traduit par l’augmentation de la masse monétaire (crédit scriptural)…

  18. Avatar de A-J Holbecq (Stilgar)

    Le plus important n’est pas (ce me semble) le montant des réserves obligatoires qui ne sont, je pense, que de 2% dans l’eurosystème, mais celui des « fuites » (lesquelles représentent pour les banques commerciales, leurs besoins en monnaie centrale pour assurer d’une part les écarts en compensation, d’autre part les habitudes de payement « en espèces ». A chaque fois que vous tirez des espèces dans une banque (distributeur de billets) vous obligez cette banque a emprunter (se procurer) de la monnaie centrale.

  19. Avatar de guillaume
    guillaume

    Oui, ON oblige par nos retraits, mais ce n’est qu’un moyen de pression très indirect des BCentrales sur les Bcommerciales, non ?

    Une question : y a t-il des échanges de monnaies centrales sur le marché interbancaire ?

  20. Avatar de A-J Holbecq (Stilgar)

    @guillaume

    Si j’ai bien compris votre question…

    Un banque qui a trop de fuites (demande de monnaie fiduciaire ou simplement en position négative lors des compensations interbancaires de chèques ou d’effets divers) et pas assez d’actifs a donc un compte à la banque centrale qui peut devenir inférieur aux réserves obligatoires. Elle est donc obligée de se « refinancer » (on a beaucoup parlé du refinancement des banques il y a quelques mois) par différentes méthodes dont la principale me semble être l’emprunt en échange de différentes garanties, soit auprès de la Banque Centrale, soit auprès de ses concurrentes qui auraient des disponibilités de cette monnaie centrale (aux taux du LIBOR et de l’EURIBOR).

  21. Avatar de JA
    JA

    @ Guillaume

    Vous avez aussi raison, la titrisation est précisément un outil de gestion de bilan prudentiel, et se traduit à la fois par un flux financier (la cession d’actif à la SPC qui émet ensuite les obligations vendus aux investisseurs, lesquels rétribuent au prix de souscription la SPC qui paie à la banque le prix de vente) et une écriture comptable (sortie de bilan et rentrée par la rétribution de la vente). 2 remarques :

    – en général, la titrisation se fait à partir du moment où les actifs de la banque commerciale atteignent un certain niveau ; l’opération n’est pas systématique ;

    – Vous dites : « A chaque fois que l’opération est répétée, cela se traduit par l’augmentation de la masse monétaire » = je ne suis pas sûr que cette affirmation soit juste. Lorsque la SPC ou SPV émet les obligations, ce sont les investisseurs qui acquièrent le contrat de l’obligation à sa valeur actuelle. C’est le résultat de cette émission obligataire qui permet à la SPC/SPV de payer à la banque le prix de vente du portefeuille. Donc sauf à considérer que les investisseurs ont eux même créé la monnaie qui finance l’obligation, in fine, il ne s’agît que d’une écriture comptable au final pour la banque commerciale. En d’autres termes, la titrisation ne me semble pas créatrice de monnaie.

    Qu’en dites vous?

  22. Avatar de egdltp
    egdltp

    @Jean Jegu

    Le système que décrit Louis Even dans son conte est un système fermé dans lequel « s’invite » un banquier. La demande d’intérêt par celui-ci fait que la masse monétaire « présente » : somme des compte courant de chacun + des intérêts dus, est supérieure à la richesse initiale décidée. A moins que le banquier n’accepte que les intérêts soient payés en produits, il y a obligation d’émission pour rétablir l’équilibre et ainsi « création de monnaie ». C’est comme cela que j’interprétais la discussion et le conte.

    Le principe de titrisation et de « future », décorrélant de plus en plus la richesse physique et la richesse financière, fait que nous finissons par être dans une situation où la production physique ne peut plus contrebalancer la demande financière sauf à augmenter les prix, inflation, soit à « détruire » cette soi-disant richesse financière. Quelle est la contrepartie de la sphère financière, plusieurs dizaines de milliers de milliards d’unités (dollars ?), qui représente plusieurs fois la sphère physique, de l’ordre de milliers de milliards d’unités (dollars ?) ?

    Je me trompe sûrement dans les chiffres. Mais un billet de banque n’a jamais nourri son homme. Et comme l’indique (via Marianne de cette semaine) Xavier Timbeau : « Le système en est à vendre aux enchères un steack avec d’un coté un acteur qui n’a que 1 dollar et de l’autre un autre qui en a 150. »

    Faut-il que l’argent reste le seul moyen de répondre aux besoins et le seul moyen de mesurer l’évolution de la société ?

  23. Avatar de JA
    JA

    @ Emir Abel

    Cela fait longtemps que je connais les pages de Jean Jégu, mais merci pour ce rappel.

    Je mois m’excuser pour ma formulation, pas toujours en ligne avec ma réflexion. A ma décharge, je ne suis pas francophone… 🙂

    Donc quand je dis que « c’est la banque centrale qui autorise la création de monnaie scripturale par les banques commerciales, en leur permettant de prêter une partie plus ou moins importante des fonds qu’elles ont en dépôt », il faut traduire en bon français que les banques commerciales s’appuient sur les ratios de Bâle (Mc Donough) pour déterminer la proportion « au-delà » de leurs fonds propres qu’ils peuvent prêter, ou encore, le montant de dépôt minimum qu’elles doivent conserver proportionnellement aux encours.

    Et une fois qu’on a dit ça, à partir du moment où une règle fixe le niveau de ce que vous appelez « création » et qui correspond à un ratio par rapport aux fonds propres, les montants sont mesurés par les agrégats de la banque centrale et donc sous couvert de la volonté de la banque centrale de volume monétaire.

    Désolé encore pour l’imprécision de mon français, peut-être ce que j’avance/précise est encore faux.

    Merci pour votre vigilance 🙂

  24. Avatar de Jean Jégu

    @ egdltp

    Tout à fait d’accord avec vous sur la conséquence de l’obligation de verser des intérêts, c’est-à-dire la nécessité de création supplémentaire ultérieure. Je ne contestais pas votre pensée, telle que je l’ai comprise sur ce blog, ni celle de Louis Even. Celui-ci fût un pédagogue talentueux ; l’ écho de sa fable de “L’ile des naufragés” en est la preuve. Cependant celle-ci date de plus d’un demi-siècle. Il n’est pas de nos jours prévu de payer les intérêts en lingots d’or. Le plus souvent ces intérêts sont perçus par prélèvement sur un compte de dépôt à vue et – c’est ce que je veux dire à JA – ceci est une destruction monétaire qui enrichit la banque, ne serait-ce que par ce que cela lui libère autant de possibilités d’acquisition d’actifs.

    L’intérêt perçu correspond à une création par la même banque centrale de monnaie destinée à couvrir précisément l’intérêt qu’elle a elle-même imposé à la banque commerciale au moment du prêt du capital + la marge de cette dernière pour couvrir son opération et dégager un profit.

    Cette phrase de JA – et quelques autres – est pour moi totalement incompréhensible, comme les miennes le sont probablement pour lui. C’est pourquoi l’énigme demeure d’une incompréhension très commune du système monétaire, ou bien de ma part et de tous ceux auprès de qui j’ai appris ce que je défends (car je n’ai rien inventé) ou bien de la part de JA et de ceux qui partagent son point de vue. Je pense, – mais je peux me tromper – qu’il s’agit hélas souvent du milieu financier professionnel. !

    @ JA

    Sur le point de poster le texte ci-dessus, je prend connaissance du vôtre à 14:38. Merci pour votre effort linguistique ; n’étant pas moi-même anglophone, je sais ce qu’il m’en coûte quand je suis contraint de m’y essayer.

    Pour tenter une fois encore de m’expliquer, je dirais que le système oblige par diverses règles à conserver la « proportionnalité » M1 = k.M0. (J’évite volontairement les termes « multiplicateur » ou « diviseur »). Vous dites, et plus généralement la théorie monétaire dit : la Banque Centrale contrôle M0 et donc maîtrise M1. Je dis, à l’inverse comme d’autres analystes (par exemple Steve Keen qui a été invoqué par Paul) que c’est M1 qui force M0 par le refinancement. Bien sûr, vous me répliquerez qu’il y a Mc Donough qui impose des limitations liées aux fonds propres de la banque. Cela aussi, il m’est arrivé d’y regarder de près, avec notamment des experts de l’association Chômage et Monnaie. Ce n’est pas le lieu de détailler ici ce travail, mais je parlerai en « parabole » (comme Louis Even) : c’est un peu comme si vous interdisiez à l’habitant d’une chambre de grandir au point que sa tête touche le plafond, mais que vous le laissiez libre de faire relever le dit plafond dès qu’il en éprouve le besoins. Qui règle l’augmentation des fonds propres des banques ?

    Bizarre non ?

    Courage. Nous finirons peut-être (probabilité bien faible toutefois !) par nous comprendre, mais comme certains l’ont dit, c’est harassant. Si vous trouvez des erreurs bien identifiées dans mes écrits, surtout, n’hésitez pas à me le dire. L’erreur ne mène jamais à rien. Ce n’est pas notre objectif, ni aux uns ni aux autres.

  25. Avatar de A-J Holbecq (Stilgar)

    @ JA

    Tout à fait d’accord avec votre nouvelle formulation… c’est le point de vue du « multiplicateur de crédit ».

    Le point de vue « diviseur de crédit » propose que la banque centrale n’a pas d’autre choix que d’augmenter la monnaie centrale lorsque les banques commerciales émettent plus de crédit (de création nouvelle de monnaie).

    Merci de votre effort de vous exprimer en français : bien que lisant assez bien l’anglais et l’espagnol, je serais tout à fait incapable d’exprimer toutes ces « finesses » dans ces langues…

  26. Avatar de Paul Jorion

    @ A–J H (Stilgar)

    Merci pour l’extrait de « La monnaie » (éd. Dunod) de Sophie Brana et Michel Cazals http://lare-efi.u-bordeaux4.fr/Homepage/Brana/Brana.htm mais encore une fois – comme dans les extraits du livre de Plihon – un mélange de réflexions relatives à des transferts de flux monétaires et de références à des modalités d’enregistrement comptable.
    Je cite :

    La banque accorde un crédit à l’entreprise et en contrepartie, crédite son compte (au passif de son propre bilan) : le dépôt à vue de l’entreprise a augmenté du montant du prêt. La banque inscrit donc simultanément la même somme à l’actif (crédit) et au passif (compte-courant) de son bilan. Cela constitue l’acte par lequel elle crée de la monnaie.

    Ce passage parle de l’enregistrement comptable du fait d’accorder un crédit, il ne dit rien des flux monétaires (d’où viennent les sous ?) et n’en ayant rien dit, en tire la conclusion que de la monnaie a été créée à partir du vent. Mais ce n’est pas le cas, comme le montre très clairement un raisonnement qui remonterait la chaîne à contre–courant.

    La banque A prête un million à B. « La banque inscrit donc simultanément un million à l’actif (crédit) et au passif (compte-courant) de son bilan ». Fort bien. B rembourse le prêt (en petites coupures, pas par une cyber-opération – je dis cela pour qu’on « visualise » l’opération : que faire de tous ces sacs ?). La banque A enregistre ce versement : elle élimine cette fois l’inscription du million en actif et en passif. L’affaire de l’enregistrement comptable du crédit est réglée.

    Maintenant, qu’advient–il du million ? S’il y a eu création de monnaie ex nihilo, le million remboursé est une manne : un profit net pour la banque – que les banquiers peuvent aussi bien se partager entre eux. Quelqu’un suggère–t–il que c’est cela qui se passe ? Et si non, que se passe–t–il en réalité ? (Je crois connaître la réponse).

  27. Avatar de JA
    JA

    Je me risque à essayer de synthétiser la raison pour laquelle nous ne nous comprenons pas ou plutôt pour laquelle nous ne sommes pas d’accord (car en fait je comprends votre raisonnement) : vous avez raison dès lors que vous parlez de comptabilité, nous avons raison dès lors que nous parlons de flux financiers. Quand on a dit ça, on a tout dit et rien à la fois. Ces 2 approches sont elles compatibles? A mon sens, non, car « l’enregistrement comptable » pour reprendre la terminologie utilisée par Paul Jorion, n’est justement qu’une écriture comptable. On ne crée pas de monnaie à partir d’une écriture comptable, sauf à fausser un bilan (je schématise bien sûr, pour faire court).

    Donc quand vous me demandez de pointer une éventuelle erreur dans votre construction théorique, à priori je mettrais le doigt sur ce point (sans grande conviction, attention, j’avance aussi dans ma réflexion à mesure que je vous lis).

    Sauf erreur de ma part, car j’ai du mal parfois à saisir les subtilités des paraboles de notre hôte, je comprends qu’il considère aussi que c’est la pierre d’achoppement de notre réflexion commune.

  28. Avatar de guillaume
    guillaume

    @ JA

    la titrisation ne me semble pas créatrice de monnaie.

    Je me suis mal exprimé, certes la titrisation n’est pas créatrice de monnaie, mais : il me semble qu’une banque est limitée dans ses prêts dans la limite où elle doit respecter une proportion entre la somme des prêts effectués et ses fonds propres, ce qui normalement donc la limite. Cependant, en sortant de son bilan des prêts effectués (par la titrisation de ces prêts) elle a la capacité d’en octroyer des nouveaux.

    Une illustration valable si le raisonnement est juste :

    Une banque possède 100 unités de fonds disponibles, elle peut prêter disons 90 U (en fonction des réserves fractionnaires) ; elle prête 9 fois 10 U, titrise 5 de ces prêts, dans son bilan apparaissent donc 4 prêts de 10U en passif et une partie des 5 autres en actif (qui augmentent ses fonds propres), elle peut donc émettre de nouveaux prêts en respectant les réserves fractionnaires, non ?

    Je me trompe peut-être…

  29. Avatar de JA
    JA

    @guillaume

    votre raisonnement me semble globalement juste du moment qu’on s’en tient à votre exemple et votre formulation. Néanmoins, ce même exemple est assez révélateur du biais de l’approche strictement comptable. Pour être le plus précis possible, je vous propose de repartir de votre expérience de pensée, qui est un excellent point de départ :

    – une banque possède 100 unités de fonds disponibles, elle peut prêter 900 U en respectant le ratio McDonough (en l’occurrence ici les réserves fractionnaires de la banque s’élèveraient à 10% de ses encours). A ce stade, une bonne partie des intervenants crient : « risque de création de monnaie ex-nihilo… »
    – notre fameuse banque, appelons-là la Rockschild ou la Rotschfeller, effectue 90 prêts de 10 U qu’elle enregistre comptablement et pour lesquels elle s’assure par contrat d’une contrepartie financière qui garantit son prêt ; une partie des intervenants voit le risque qu’ils redoutaient se réaliser, la banque ayant accordé des prêts au delà de ses fonds disponibles en dêpots et actifs. Pour eux, il y a création de monnaie ex-nihilo.

    – la Rotschfeller, décide alors de titriser une partie de ses prêts, ayant atteint un seuil qu’elle juge correct pour cela. Elle titrise donc 50 de ses prêts. Et c’est là que je ne suis plus d’accord : vous réduisez la titrisation a une opération comptable de la Rockschild à seule fin de pouvoir créer davantage de monnaie. Je vous renvoie à mon paragraphe sur la titrisation que je résume ici. La Rotschfeller met sur pied un Special Purpose Vehicle qui émet des obligations acquises par des investisseurs. En retour, la SPV retourne à la Rotschfeller, le fruit de l’émission des obligations. Et donc sauf à considérer que ces investisseurs aient créé l’argent qu’ils ont investi dans les obligations, ce que personne ne suppose, cette titrisation se traduit par un flux financier réel. Et si ce flux financier n’avait pas une contrepartie financière préexistante, cela se traduirait comptablement par un bénéfice net au profit de la Rockschild ce qui ne me semble pas être le cas (je fais volontairement un raccourci).

    – Enfin, quand vous dites que par conséquent la banque est alors de nouveau apte à consentir de nouveaux prêts en respectant le ratio de réserves fractionnaires, vous avez raison, à condition d’adjoindre à votre formulation « dans la limite de l’apport d’air frais procuré par l’émission des obligations dont le fruit revient à la Rotschfeller via le SPV ».

  30. Avatar de Emir Abel
    Emir Abel

    @JA
    « On ne crée pas de monnaie à partir d’une écriture comptable (…) » et bien si justement. Une fois de plus, c’est la tout le problème !

    @Paul
    A mon avis, votre exemple ne tient pas la route car il n’est pas représentatif. C’est un cas très particulier. Vous en connaissez beaucoup vous des gens qui vont rembourser 1 million en petites coupures ?

    Et quand bien même, en supposant que cela arrive, effectivement les banquiers touchent le gros lot en se faisant rembourser la monnaie « banque commerciale » qu’ils ont prêté, en monnaie « banque centrale ».

    J’imagine que ce genre de pratiques est peut-être utilisée pour « blanchir » de l’argent par exemple ?

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