L’entretien de Simon Johnson : « Le coup d’état feutré »

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Ceux qui ont déjà lu l’entretien que Simon Johnson a accordé à « The Atlantic », dont François Leclerc vous a révélé la substance dans le billet précédent, ont déjà deviné l’une des raisons pour lesquelles j’ai à cœur qu’il vous soit accessible en français : la similitude entre ses propos et le portrait de nos sociétés en crise que je vous offre ici depuis plus de deux ans.

Cette similitude pourrait à mes yeux suffire en soi : je n’ai jamais fait qu’effleurer les marges du système universitaire, alors que Johnson est Professeur au MIT, et si j’ai connu bien des guerres de la finance, je n’y ai jamais été qu’un fantassin (anthropologue infiltré !), alors que Johnson fut économiste en chef du Fonds Monétaire International, et l’autorité qui est la sienne en tant qu’expert en la matière, constitue pour les opinions que j’exprime un renfort non-négligeable : si les vues d’un iconoclaste sont reprises parallèlement par un ponte, elles se mettent soudain à prendre un petit air d’évidence.

Mais il ne s’agit encore là, comme je l’ai dit, que de la première des raisons pour lesquelles je tiens à vous faire connaître cet entretien, la seconde, c’est qu’il apporte aussi un tout autre éclairage que celui que je vous offre ici et celui-ci lui vient précisément de l’expérience acquise par Johnson en tant qu’économiste-en-chef du FMI.

Je résumerai son message spécifique de la façon suivante : des crises du type de celle qui emporte en ce moment le monde et qui, non seulement nous vient des États–Unis, mais est entretenue par eux, le FMI aurait proposé de les résoudre dans d’autres pays où elles auraient pu éclater en exigeant des autorités en place qu’elles cassent provisoirement les oligarques proches du pouvoir, à la suite de quoi le FMI aurait accordé à ces pays un prêt qui leur permettrait de se refaire une santé. Cette approche, dit Johnson, ne pourra pas être utilisée aux États–Unis et ceci pour deux raisons. La première, c’est qu’il faudrait un prêt beaucoup plus gros que ceux que le FMI a la capacité d’accorder. La seconde, c’est que l’Amérique ne pourra pas couper les ailes de quelques-uns de ses oligarques, parce que – et c’est là l’une des originalités de ce pays que je caractérise généralement en parlant de lui comme d’une « nation prise en otage par sa Chambre de Commerce » – parce que dit Johnson, aux États–Unis, l’oligarchie est au pouvoir.

Lisez son texte en entier en anglais si cette langue vous est familière, sinon, soyez patient, nous vous offrirons bientôt une traduction française complète de l’entretien. Je vais apporter mon modeste écot en vous offrant en attendant la traduction d’un passage, celui qui explique ce que sont les scénarii pessimiste et optimiste de sortie de la crise. Un petit avertissement ici à propos du scénario « optimiste » et plus particulièrement si vous êtes celui qui signe ici « déprimé » : allez plutôt faire un tour au cinéma. Attention on commence : d’abord le scénario pessimiste.

Notre avenir pourrait être celui où le chamboulement permanent alimente le pillage qu’opère le système financier, et où nous discuterons à l’infini du pourquoi et du comment les oligarques ont pu se métamorphoser en simples fripouilles et comment est-ce dieu possible que l’économie n’arrive pas à redémarrer.

Maintenant, scénario optimiste. Je vous ai prévenu : attachez vos ceintures !

Le second scénario débute d’une manière plus glauque, et pourrait malheureusement se terminer de la même manière. Mais il offre au moins un espoir minime que nous parviendrons à sortir de notre torpeur. Le voici : l’économie globale continue de se détériorer, le système bancaire de l’Europe de l’Est s’effondre et – du fait que ce sont essentiellement des banques d’Europe occidentale qui en sont les propriétaires – la crainte justifiée d’une insolvabilité généralisée des gouvernements européens s’empare de tout le continent. Les créanciers souffrent de plus en plus et la confiance sombre encore davantage. Les économies asiatiques exportatrices de biens manufacturés sont ravagées, tandis que les producteurs de matières premières en Amérique Latine et en Afrique ne s’en sortent guère mieux. L’aggravation dramatique de la situation mondiale donne le coup de grâce à une économie américaine déjà chancelante. […] Face à ce genre de pressions et confrontés à la perspective d’un effondrement à la fois national et global, un peu de jugeote infuse enfin l’esprit de nos dirigeants.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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73 réponses à “L’entretien de Simon Johnson : « Le coup d’état feutré »”

  1. Avatar de Dominique B
    Dominique B

    Bonjour,
    Peut-on encore accorder à ces dirigeants le titre de nôtres ?
    Bonne journée à tous et encore merci pour cette belle ouvrage…
    …je ne sais pas si ça se dit, mais c’est…de la belle ouvrage !

  2. Avatar de Alexis
    Alexis

    Le premier scenario est visiblement souhaité par certains dirigeants politiques et économiques… du moins en France, et ce, pour leur plus grand profit, mais sûrement pas pour le notre !
    La seconde proposition est la plus probable, mais elle risque d’évoluer vers une troisième, mâtinée du comportement peu recommandable des oligarques… en fait vers la dictature !
    Sur ce point, l’Europe a de l’expérience ! à l’exception peut-être de la Grande Bretagne ? Quoi que le sort du prolétariat britannique (celui qui nous venge de Waterloo et de Jeanne d’Arc comme l’a dit, je crois, Ernest Renan), peut laisser penser à l’exercice d’une forme de dictature bien masquée de ce côté là de la Manche…

    Quant à la jugeote qui infuserait dans l’esprit de nos dirigeants… cette supposition me laisse rêveur. Où est la jugeote d’un DSK prévoyant la reprise pour 2010 ? Comment encore imaginer de la jugeote chez qui que ce soit, quand l’aspect énergétique et environnemental de la crise n’est au mieux, que mis en parallèle de la crise financière, alors que ces trois crises ne sont qu’une facette du même bouleversement en cours ?

  3. Avatar de François Leclerc
    François Leclerc

    Depuis que je rédige cette chronique de l’actualité, j’essaye de contourner plusieurs écueils. L’emploi des mots en « isme » en premier lieu, parce qu’ils sont démonétisés ( !) pour avoir été trop utilisés, à l’exception de « capitalisme financier », car il me semble en quelque sorte neutre et descriptif à la fois. Je tourne aussi autour du pot quand je parle « d’eux », ne pouvant pas dire les « capitalistes financiers ». L’article de Simon Johnson lève mes inhibitions, parce qu’il appelle un chat un chat, et engage la description de ce qu’est le pouvoir, en suivant à la trace les hommes et en faisant référence à leur idéologie, à la manière dont ils ont conquis le pouvoir et l’assument.

    Autant que sa description des scénarios possibles concernant la suite des événements, peu réjouissants mais dans lesquelles je m’installais moi-même plus ou moins implicitement, au fur et à mesure que je constatais que le système était en boucle aux Etats-Unis, qu’il faisait appel pour sortir de la crise aux ressorts qui sont à son origine, l’identification sous cette dénomination de « l’oligarchie financière » m’a donné une clé de compréhension et de description essentielle. Ainsi que son illustration Russe de ces vingt dernières années, en terme de nature du pouvoir. En dépit de contextes et, surtout, d’une histoire évidemment très dissemblables.

    Je serai tenté pour ma part d’utiliser le terme « d’oligarchie capitaliste financière », qui ne semble plus exact, pour différencier au sein des systèmes oligarques, dans leur diversité historique, celle que nous connaissons aujourd’hui, et je ne considérerais pas cette dernière sous un angle exclusivement américain, car elle est mondiale. Mais « oligarchie capitaliste financière mondiale » est dur à placer dans la conversation et l’acronyme OCFM est encore plus rébarbatif que ce qu’il désigne.

    Bien que n’étant pas un grand lecteur de science fiction, je ne peux m’empêcher parfois d’être frappé par la confluence de certains traits annonciateurs des sociétés contemporaines avec les descriptions du monde à venir que j’ai pu lire, chez les maîtres du genre. Pas uniquement en raison de la nature du pouvoir qui s’y exerce souvent sans partage, mais avec les méthodes de domination idéologiques et répressives employées par celui-ci. Je suis alors obligé de refreiner ce sentiment, mais je ne peux m’empêcher d’y revenir. Et d’en parler aujourd’hui.

    Après tout, il y a des références littéraires qui continuent de s’imposer quand on évoque l’avenir. Celle d’Aldous Huxley, auteur du « Meilleur des mondes » et celle de quelqu’un qui l’a bien connu, George Orwell, auteur de « 1984 » et de « La ferme des animaux ». Ce dernier, militant du POUM durant la guerre civile Espagnole et marqué à ce titre par l’affrontement avec le communisme stalinien qui s’est déroulé en son sein, aura laissé comme héritage son « Big brother », expression achevée d’un contrôle social totalitaire qui fait toujours référence. Ils se connaissaient tous les deux, appartenaient à la même époque, témoins de la montée irrésistible simultanée du « fascisme » et du « stalinisme » (qu’il serait à mon sens bien imprudent d’assimiler, comme d’ailleurs la suite de l’histoire l’a montré).

    Ces descriptions politico-littéraires sont aujourd’hui inévitablement datées, marquées par leur époque, rien ne remplaçant le face à face avec la réalité, que nous pouvons désormais contempler. Nous en sommes là et, en ce qui me concerne, je me demande parfois ce que j’y fais ! Dans quel scénario je me suis fourvoyé. Ceux que Simon Johnson décrit, avec l’autorité que lui confère son expérience, peuvent être considérés comme un peu manichéens, systématiques dans le déroulement implacable de ce qu’ils annoncent et n’est encore qu’entrevu. Mais on ne peut qu’éprouver une irrésistible envie de fermer la porte, dans un geste de refus un peu enfantin et dérisoire, avant de se demander comment pourrait dérailler ce processus ? A la faveur de quel rejet ?

  4. Avatar de JeanLulu
    JeanLulu

    Bonjour,
    Je n’ai pas encore lu l’article dans son intégralité, mais le scénario « optimiste » me semble assez proche de celui du LEAP 2010, à savoir la « dislocation géopolitique mondiale ».
    Bien à vous.

  5. Avatar de Philippe Deltombe
    Philippe Deltombe

    @ François Leclerc

    appeller un chat un chat?

    ce lien – déjà posté peut-être? – est du même tonneau

    http://www.pbs.org/moyers/journal/04032009/watch.html (Prof. Bill Black, Univ Missouri, impliqué – du bon côté – dans les crises des S&L… )

    on pourrait en poster beaucoup d’autres (Posen, Krugman, Mayo, Soros, etc.)

    non Paul Jorion, vous n’êtes plus seul, et de moins en moins.
    on peut observer depuis peu une effervescence de bon aloi qui est située cette fois nettement à l’intérieur du système – pas en son coeur encore…
    faites-vous les mêmes observations?

  6. Avatar de iGor milhit

    je viens de poster la trad de la partie III : ici

  7. Avatar de Blackole
    Blackole

    Je note qu’au fil des semaines les postes de Paul Jorion et de François Leclerc on une approche de description de la crise et de la gouvernance mondiale se rapprochant de plus en plus de thèses que l’on appelait encore il y a quelques années théorie de la conspirations. (Orwell, Huxley, gouvernement mondial, domination d’une élite, d’un oligarchie financière, groupes de pression)
    Des groupes comme le CFR, la Trilaterale, Bilderberg, Round Table, Le Siècle, Skull n Bones, Bohemian Grove, … ne sont pas des inventions et devraient être intégrés aux discours pour comprendre par exemple les décisions (ou non décisions) du G20.

    Les conspirations ont toujours existé. Par le passé elle n’étaient révélées que des années voire des décennies plus tard.
    Mais aujourd’hui, il y a internet et l’info circule beaucoup plus rapidement et librement (sans passer par le contrôle de la presse officielle appartenant à cette même oligarchie).

  8. Avatar de BA
    BA

    PIB des Etats-Unis en 2008 : 14 264,6 milliards de dollars.

    Dette publique des Etats-Unis au 6 avril 2009 : 11 149 346 771 082 dollars (soit 11 149 milliards, 346 millions, 771 082 dollars), soit 78 % du PIB.

    Pour lire le montant de la dette totale (publique + privée) des Etats-Unis, il faut lire la page 15 :

    http://www.federalreserve.gov/releases/z1/Current/z1.pdf

    Domestic nonfinancial sectors : 33 517,9 milliards de dollars.

    Domestic financial sectors : 17 216,5 milliards de dollars.

    Foreign : 1 858,3 milliards de dollars.

    Dette totale (publique + privée) des Etats-Unis : 52 592,7 milliards de dollars, soit 368 % du PIB.

  9. Avatar de Philippe Deltombe
    Philippe Deltombe

    @ blackole

    je pense qu’il n’est même pas pas nécessaire de faire appel à la conspiration

    nous assistons à une énorme lutte de pouvoir – de conservation du pouvoir, en fait.
    ceux qui sont en place et aux commandes du système financier ne sont tout simplement pas disposés à renoncer à leur position!

  10. Avatar de JAMES
    JAMES

    Après Orwell vous pouvez lire les commentaires de Jean-Claude Michéa (Editions Climats) et lire ou relire Guy Debord.
    Le tout est de comprendre sur quelles bases a pu se développer depuis trente ans un capitalisme financier qui se comporte comme des bandes armées et dont les armes sont le produit de l’acceptation religieuse de l’existence de la main invisible du marché qui commande nos vies, au moment historique où l’économie toute entière devient spéculative et de pouvoir agir pour inverser la vapeur.
    Il suffit de voir comment tout individu qui possède un bien immobilier a été transformé en spéculateur sans même en prendre conscience (je laisse de côté ceux qui ont approuvé toute la tranformation du monde par la spéculation globalisée et la transformation de la Chine en « Usine du Monde ».)

  11. Avatar de Vincent
    Vincent

    Bonjour (Mauvaisjour va devenir plus approprié…),

    La configuration du système mondiale et les répercussions économiques et sociales de cette crise financière sont particulièrement inquiétantes concernant quelques points précis qui n’ont pas d’historicité véritable :

    – Entretien et fonctionnement des centrales nucléaires dans le monde (vieillessement des parcs, perte de savoir, interdépendance technologique)

    – Agriculture nourricière intensive / populations.

    – Biens d’équipements

    Ces trois éléments à eux seul sont un danger immédiat, potentiellement dévastateur (=mortel !), en cas d’effondrement marqué du système économique et des échanges inter continentaux.

    Le jeu ne demandera plus INSERT COINS pour continuer avant la fin de la partie comme sur les consoles vidéo des salles de jeux, il a déjà affiché GAME OVER.

    Ce n’est pas « 1984 » ou « Le Meilleur des Mondes » qui se profile, en filigrane ça serait plus certainement « MAD MAX » !

    Et moi donc qu’est-ce que je fous là ? Bon sang de soir, un gros trois quarts de siècle d’espèrance de vie à passer sur ce caillou, pour assiter à ça ! Quelle bêtise, mais comme le soulignait Umberto Eco nous sommes tous des « idiots », mais le savoir trop tôt rend la vie désagréable.

    Le désespoir c’est ne plus espérer, tant que l’on espère on n’est pas prêt, je suis bientôt près ! Pourquoi faire, voilà la grande inconnue…

  12. Avatar de Blackole
    Blackole

    @Philippe Deltombe

    Tout à fait d’accord.
    C’est une question de vocabulaire.

    Les média officiels aiment bien les termes en « isme » ou « iste »:
    conspirationnisme-conspirationiste
    révisionisme-révisioniste
    négationisme-négationiste
    antisionisme-antisioniste (voire antisémistisme)

    Pour discréditer tous ceux qui n’adoptent pas l’idée dominante imposée par l’oligarchie capitaliste financière mondiale (OCFM)

  13. Avatar de Charles
    Charles

    Dé-tricotage du tissus social
    Corruption à tous les étages de la société
    Infiltration au plus haut niveau des états
    Emission frauduleuse de monnaie à des fins de gains privées
    Architecture financière illusionniste et destructrice au service de la vampirisation de la vraie richesse du monde
    « Conspiration » menée de longue date! faut t-il enfin l’écrire?

    Quand dénoncera t-on, avec les mots qui conviennent, ce démoniaque coup d’état de la finance anthropophage mondiale?

    Quelques éléments supplémentaires ici: http://www.mecanopolis.org/?p=4876&type=1

  14. Avatar de TARTAR
    TARTAR

    Nous sommes les shadoks.
    Pompons!

  15. Avatar de Champignac
    Champignac

    Dans le genre référence science-fictionnesque, il en est une qui m’a souvent frappé, au cours de ces années, par son coté assez ressemblant avec notre société telle qu’elle évolue, c’est le film « Rollerball ».

    Le vrai. Celui de 1975. Pas la daube sortie récemment, évidemment.

    Le film décrit une société faussement libre et prospère. Mais complètement dominée, en réalité, par de froides et mystérieuses « Corporations ». Lesquelles décident de tout, y compris des lieux de vie et de la composition de votre couple, par exemple, au nom, semble-t-il de leur capacité « scientifique » à prendre de telles décisions.

    Dans cette société, les individus en sont réduits à vivre une existence faussement joyeuse, mais complètement superficielle. Car complètement privés de tout droit à décider librement de leurs aspirations individuelles et collectives.

    Seul exutoire permis, mais balisé par les « Corporations », le Rollerball. Un jeu violent délibérément basé sur une compétition féroce, voire cruelle, entre « équipes sportives », ne faisant que cela. La finalité manifeste du « Rollerball » étant de laisser exprimer aux citoyens soumis leur propre violence & frustrations dans une activité parfaitement contrôlée. Ceci afin d’empêcher qu’elles ne puissent se retourner contre le pouvoir absolu des « Corporations ».

    Mais arrive une équipe de Rollerball, dont le capitaine est Jonathan E. Qui se met a gagner systématiquement toutes les compétitions. Et dont le leader, Jonathan E. devient très populaire.

    Chose insupportable pour les « Corporations ». Pour lesquelles le Rollerball ne doit pas permettre l’émergence d’individus potentiellement à même de se mettre à contester leur propre pouvoir. D’autant plus que Jonathan E. commence à poser des questions et à exiger des réponses.

    L’ordre est donc donné à Jonathan E. d’abandonner la compétition. Et, puisqu’il refuse, les « Corporations » vont brutalement changer les règles du Rollerball afin qu’elles ne lui soient fatales…

    Le coté assez prémonitoire de ce film, je trouve, est dans ce que l’on devine des processus qui ont mené à la formation de ces « Corporations ». Ainsi que de leur pouvoir absolu.

    On devine des concentrations/fusions successives d’entreprises transnationales de plus en plus gigantesques. Pour finir par des entreprises uniques dans chaque secteur d’activité. Débarrassées de toute concurrence et imposant leurs lois à tous. On devine, ensuite, le constat, par ces nouveau « maitres du monde », de l’étendue de leur pouvoirs. Infiniment supérieurs à ceux du politique et des nations.

    Donc, par conséquent, la décision, par ces « super dirigeants », d’exercer effectivement ce pouvoir qui est entre leurs mains. En éliminant, ou en fusionnant, avec le politique, dans une oligarchie unique, faussement bienveillante. Supprimant, au passage, les libertés civiles, individuelles et politiques. Jugées « inefficientes » par rapport à leur propre pouvoir, que l’on estimera supérieur, plus efficace, car « scientifique » et « rationnel ». Éliminant, enfin, les nations, confettis jugés inutiles, dans l’exercice d’un pouvoir qui s’étend au monde entier.

    Je ne sais pour vous, mais, moi, je discerne d’étranges, et inquiétantes, évolutions semblables dans la manière dont notre « oligarchie capitaliste financière mondiale » façonne le monde actuellement.

    Le monde de « Rollerball » sera peut-être, demain, le nôtre.

    A cette différence près que je doute fort de ce que notre future « oligarchie mondialisée » n’ait l’intention de créer, pour ses « citoyens mondiaux », un quotidien aussi relativement prospère, est assurant la sécurité matérielle, faute d’autre liberté, que celui que décrit le film. Quoique, quand on regarde l’évolution actuelle du « capitalisme autocratique bienveillant » Chinois, ça commence à y ressembler pas mal.

    Leur version, à eux, a de fortes chances d’être beaucoup plus brutale, inégalitaire. Sans la moindre intention d’assurer, en échange, une vie calme, sans soucis matériels. Le retour à une forme plus ou moins « soft » de l’esclavage et du servage, en ferait probablement partie. Quand à la répression de toute forme de contestation du Système, elle prendrait surement beaucoup moins de gants que ce que l’on pouvait imaginer en 1975.

    Qui sera le Jonathan E. de nos « Corporations » naissantes?

  16. Avatar de Moi
    Moi

    @François Leclerc : les artistes décrivent leur réalité avec intuition et dans les années 30 on a eu « 1984 », « Le meilleur des mondes », etc. De nos jours, l’imaginaire est hanté par des « Matrix ». A chacun de juger s’il s’agit là d’une intuition de la réalité.

  17. Avatar de Moi
    Moi

    @Champignac: « A cette différence près que je doute fort de ce que notre future “oligarchie mondialisée” n’ait l’intention de créer, pour ses “citoyens mondiaux”, un quotidien aussi relativement prospère, est assurant la sécurité matérielle, faute d’autre liberté, que celui que décrit le film. »

    Les cochons sont paisibles et obéissants s’ils ne sont pas affamés. Si un bug vient casser la source du plaisir, ça risque de chauffer pour la Corporation.

  18. Avatar de Philippe Deltombe
    Philippe Deltombe

    @ Paul Jorion

    Et pourquoi pas, si vous en avez le temps et l’envie, une description, en votre qualité d’anthropologue, des mécanismes et stratégies de conservation du pouvoir, qu’il s’agisse du pouvoir détenu par les banquiers de Wall Street et d’ailleurs ou encore du pouvoir détenu par le président du club de foot du quartier qui aurait commis quelques menues erreurs de gestion mais garderait un peu d’influence sur son comité local… ?

    ou quelques bonnes références?

    merci

  19. Avatar de Mikael EON
    Mikael EON

    De l’argent au pouvoir.

    http://www.bigeye.com/griffin.htm

    Lisons cela comme un conte :« The creature of Jekyll Island »

  20. Avatar de Monique
    Monique

    Bonjour,

    Voici un article de Rue 89 à propos de Wikipedia. Une controverse avait déjà eu lieu, ici ça se précise avec l’ingérence de groupes pharmaceutiques.

    http://www.rue89.com/2009/04/07/l-industrie-pharmaceutique-manipule-wikipedia

  21. Avatar de Ton vieux copain Michel
    Ton vieux copain Michel

    Un panel auquel ont participé des membres du Congrès, mis sur pied pour évaluer les résultats provisoires du TARP, a livré ses impressions et recommandations. Elle ne sont pas très éloignées de celles de Simon Johnson.

    http://cop.senate.gov/reports/library/report-040709-cop.cfm

  22. Avatar de Champignac
    Champignac

    Un petit bémol, quand même, sur la première partie de l’article.

    Vu son implication personnelle, on peut comprendre que l’auteur se montre très affirmatif quand au coté approprié, légitime, adapté aux réalités locales, ou tout simplement juste, des politiques « d’ajustement structurel » que le FMI appliquait systématiquement aux pays « aidés ». Mais tout le monde, loin de là, ne partage pas ce point de vue.

    Quand on connait le coté systématiquement orienté mondialisation, ouverture des frontières, création de mono-industries d’exportation à bas prix, en jouant « l’avantage comparatif », pour ne même pas parler de l’exigence prioritaire de sabrer dans les programmes sociaux, en ne préconisant jamais, par exemple, des fiscalités plus justes, ou la lutte contre l’évasion fiscale, affirmer que le « FMI trouvait toujours les bonnes solutions économiques » me parait hautement contestable.

    Le FMI peut bien prétendre, aujourd’hui, qu’il combattait les « oligarchies locales » (chose dont je doute quelque peu), il n’en reste pas moins que les politiques imposées avaient toutes la particularité de favoriser tout particulièrement ceux de « l’oligarchie mondiale ». Et, tout particulièrement, sa composante… localisée aux Etats-Unis. On comprend que l’auteur ne s’étende guère là-dessus.

    Ajoutons, que, dans bien des cas, ce n’était pas uniquement dans l’action imprudente des gouvernements locaux que la crise trouvait son origine. Mais que, bien souvent, l’oligarchie mondiale y avait une bonne part de responsabilité. Par exemple en surinvestissant longuement dans l’économie des pays concernés. Uniquement uniquement attirée par l’attrait irrésistible d’une combinaison de bas salaires, d’autorités, de législations bienveillantes, ou de corruption endémique. Bref, de gros profits vite réalisés. Pour, ensuite, se retirer brutalement au moindre danger.

    Ensuite, la prétention à dire que l’on n’hésitait pas à combattre sans pitié les « oligarchies locales » me semble quelque peu trompeuse. Certes, elles n’échappaient pas totalement au couperet du FMI. Mais celui-ci, par ses « recettes », s’abattait quand même majoritairement, et d’abord, sur les populations, les plus pauvres en particulier. Alors que, bien souvent, elles n’étaient que très partiellement responsables du désastre. N’ayant pas eu voix au chapitre.

    Un aspect des choses qui a rarement semblé inquiéter les « ajusteurs » du FMI. Un aspect, surtout, qu’aucune des recettes de retour à l’équilibre préconisées ne s’avisait de corriger.

    Enfin, le résultat final des politiques du FMI aura souvent abouti, au final, au renforcement des « oligarchies locales ». Notamment, en leur permettant de très juteux gains sur un commerce boosté de l’import-export, sur des monopoles d’exportations de matières premières préconisées par le FMI, sur la dépression salariale & sociale encouragée, sur la totale libre circulation des capitaux exigée comme une des conditions.

    Bref, la politique du FMI, dans les pays autres que les Etats-Unis, n’aura jamais été de combattre les oligarchies locales. C’en était juste une conséquence. Pas systématique. Le seul souci, en la matière, du FMI, semble avoir été de « restructurer » ces oligarchies, de façon à ce qu’elle puissent fonctionner plus efficacement (selon le point de vue FMI). Et, enfin, s’intégrer « harmonieusement » dans… l’oligarchie mondiale. Dont il ne faut pas oublier que le FMI lui-même est une des composantes.

    Je sais que j’enfonce là, un peu des portes ouvertes. Mais ceci juste pour rappeler que les affirmations de l’auteur ne sont pas une bible à prendre sans pincettes. La récente prise de conscience de l’auteur ne devrait pas, pour autant, lui permettre de présenter ses activités passées sous un jour, disons, très flatteur et fort peu auto-critique (même si ce n’est pas l’objet principal de l’article).

  23. Avatar de ghostdog
    ghostdog

    Ce coup d’état est-il si feutré ? N’est- ce pas oublier un peu vite les millions de chômeurs américains pour ne parler que d’eux ?

    Ce matin, à la une du Guardian, une vidéo donne à voir la violence d’état dans toute sa splendeur… victime des manifs anti-G20 à Londres, Ian Tomlinson y apparaît déambulant les mains dans les poches, avant d’être violemment jetté à terre par un policier anti-émeute. Il est mort quelques minutes plus tard d’un arrêt cardiaque. Il s’agit à présent de vérifier si son attaque est une conséquence de son molestage, ce que doit s’employer à faire une commission d’enquête indépendante.

    http://www.guardian.co.uk/

    Le contrat social suppose l’abandon de la violence individuelle au profit de l’Etat, légitimant dans le même temps l’exercice de celle-ci par le seul Etat.

    Je crois que c’est dans le Léviathan de Hobbes.

    Que se passe-t-il lorsque cette violence s’exerce de façon arbitraire ou qu’elle n’a pour but que de défendre un ordre établi, c’est-à-dire ici les privilèges d’une minorité (l’oligarchie financière) au détriment de la majorité de la population ?

    Peut-on laisser s’exercer une telle violence sociale (sous la forme de répression policière, mais aussi de chômage, de conditions de travail dégradantes etc.) sans réagir ?

    Quel est le sens du monopole d’Etat dans l’exercice de la violence dans ce contexte précis ?

    Voici les quelques questions que je me pose en suivant l’actualité de cette crise, dont la capacité à me donner la nausée semble sans limite…

    Ma patience par contre

  24. Avatar de clive
    clive

    Longtemps je me suis demandé si les participants à ce blog, réfléchissant brillamment à un nouveau modèle, faisaient preuve d’une même forme de déni que celui évoqué à propos de « nos » dirigeants, ou bien ne trouvaient pas la bonne manière d’en parler (de peur d’être assimilés aux -beeeep-).
    D’ou les efforts de contournement, par la nuance, le sous-entendu…en partie compensés par le décalage cher à un bicommentateur grimé, dont je crains bien qu’il ait été découragé par les reproches d’anticonformisme que certains ont formulé…
    Mais il semble bien que tout le monde arrive en fait au même constat.
    Ce qui n’est pas réjouissant.
    Alors puisse cette « validation » libérer la parole, la réflexion intégrer les moyens d’action..

  25. Avatar de Cécile
    Cécile

    à clive,
    il y a les vacances, de là peut-être la vacance de notre bicommentateur préféré ….

  26. Avatar de iGor milhit

    @ ghostdog
    il me semble aussi que ce coup a fait un peu de bruit, au moins indirectement… mais le bruit était-il une diversion pour qu’on regarde ailleurs?

  27. Avatar de Ken Avo
    Ken Avo

    @Champignac,

    Je partage vos doutes quant à la réalité du crédo économique du FMI tel qu’il est présenté ici.

    On peut penser aussi aux services publics dont le FMI a à chaque fois forcé la privatisation. Pourquoi ? Idéologie pure. Ce qui ne me semble pas très cohérent avec cette soi-disant politique vertueuse visant à détruire l’oligarchie. N’est-ce pas au contraire alimenter celle-ci mais au niveau mondial cette fois en nouveaux actifs tout frais et par n’importe lesquels. Puisque portant sur des productions de première nécessité (eau, énergie, etc). Clients captifs, prix de marché et indifférencié, etc etc.
    On peut aussi ajouter au passif l’agriculture vivrière sacagée, etc etc
    On connait tout cela très bien maintenant. Blablabla.

    Bref comme vous le disiez l’oligarchie locale peut-être partiellement cassée, mais au profit de l’oligarchie mondiale et au mépris complet des populations.

    L’intérêt de cet article ne réside donc pas dans l’éclairage de la politique du FMI et du consensus de Washington, mais plutôt dans la mise en évidence:
    1/ que cette politique ne peut être appliquée à la puissance dominante du fait qu’elle est la puissance dominante.
    2/ qu’il existe une oligarchie économique et l’ascendant que celle-ci exerce sur le pouvoir politique.

    Mais l’auteur n’a peut-être jamais lu Marx.

    Ou quelque chose m’échappe ?

  28. Avatar de TARTAR
    TARTAR

    @ Cecile
    Difficile en effet de passer d’un présent conforme au passé (histoire relativement linéaire en occident depuis 50 ans) à un futur « alternatif » pour cause de rupture sociétale.
    Envisager un « Futurible » à la Ira Lewin dans « un bonheur insoutenanble » ou à la Huxley / Orwell…est impensable pour certains.
    Ce qui risque de nous guetter par delà la domination des oligarques des sociétés fabiennes c’est le chaos.
    Auquel succède éventuellement une dictature réclamée par l’usure des peuples.
    La population mondiale aura alors diminué (comme préconisé par les groupes conspirationnistes dont Rockefeller David a créé le modèle).
    J’en sais rien, mais je tente de n’y croire qu’à moitié!

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  1. On risquerait d’écrire une boulette (keftedes d’Egée ou de Thessalie , köfte de Thrace orientale, de Lydie ou d’Anatolie, voire…

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