BFM Radio, lundi 15 février à 10h46

Les optimistes.

Pour chacun d’entre nous la crise a éclaté à une date différente, qui dépend de la familiarité que nous avons avec la machinerie interne des marchés financiers : pour certains, ça a été en février 2007 : quand le prix des CDS qui assuraient les titres subprimes a bondi d’un seul coup ; pour d’autres, ça a été août de la même année : quand le flux des capitaux sur le marché interbancaire s’est soudain asséché ; ou encore, pour le grand public, un an plus tard : en septembre 2008, quand la chute de Lehman Brothers et la panique qui s’ensuivit sur les marchés monétaires a obligé la Federal Reserve, et à sa suite, les autres banques centrales, à injecter d’urgence sur les marchés, des centaines de milliards de dollars – pour tenter de stopper l’hémorragie. Quoi qu’il en soit, lorsque la crise a éclaté, il était évident pour tout le monde – des professionnels à l’homme de la rue – que l’on avait affaire à une crise d’une dimension cataclysmique et telle qu’elle remettait en question, non seulement notre système financier dans son ensemble mais aussi le système économique qui va avec.

La nature humaine est optimiste – c’est probablement la principale qualité qui a permis à l’homme de survivre dans le passé à des situations véritablement abominables mais cet optimisme inébranlable est aussi sa principale vulnérabilité – et aussitôt qu’une apparence de rétablissement est devenue visible à l’horizon, l’idée s’est imposée que les choses n’avaient peut-être pas été aussi graves qu’il avait semblé au moment-même et qu’il ne s’agissait peut-être après tout avec cette crise, que d’un incident de parcours finalement assez banal.

On l’a vu il y a quelques semaines, quand ceux qui avaient le destin de la finance internationale entre leurs mains à l’automne 2008 – parmi lesquels on trouve Hank Paulson, le Secrétaire au Trésor américain, le Ministre des Finances sous George Bush, et Timothy Geithner, qui est le Secrétaire au Trésor actuel – étaient convoqués pour témoigner devant une Commission parlementaire américaine et qu’ils furent obligés de confirmer que « Oui : on avait été à deux doigts d’un effondrement catastrophique du système capitaliste » et que ceux qui les interrogeaient faisaient la moue – puisqu’en fin de compte la situation avait pu être sauvée de justesse – en disant : « Ouais, bon, peut-être … êtes-vous vraiment sûr ? »

On aurait pu penser que ce serait l’homme de la rue qui se montrerait le plus sceptique quand on irait suggérer qu’il ne s’agissait après tout que d’un incident de parcours qui ne se répétera plus – « croix de bois, croix de fer… » – , puisque c’est lui, au bout du compte, qui a payé et continuera de payer les pots cassés. Or, ce n’est pas ce qu’on constate : alors que l’année dernière, 76 % des Américains pensaient qu’il était indispensable de mettre en place une réglementation plus sévère pour les institutions financières, il ne sont déjà plus que 62 % cette année.

Est-ce qu’il y a de quoi être surpris ? Quand on a la chance de faire partie des nantis, on peut se permettre d’être réaliste. L’homme de la rue lui, est condamné à être un optimiste. Au grand soulagement certainement de ceux qui nous ont mis dans ce pétrin !

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116 réponses à “BFM Radio, lundi 15 février à 10h46”

  1. Avatar de Pascal Bloch-Eisenstein
    Pascal Bloch-Eisenstein

    Il ne faut pas confondre, on peut avoir une nature optimiste ou pessimiste, dans le sens psychologique du terme, et être optimiste ou non quant à l’analyse des conséquences d’une situation : je suis optimiste de nature, mais quand j’analyse les conséquences possible de la crise financière, dans le cas ou des mesures de corrections et règlementations ne sont pas prises, je ne peux être que pessimiste sur ce qui va se passer, sinon je serais dans le déni de la réalité. Là ou les deux se rejoignent, c’est quand un type « trop » optimiste (ou pessimiste) de nature ne voit que ce qu’il veut/peut voir (ou ne voit pas ce qu’il ne peut/veut pas voir, c’est pareil..) : et c’est justement cette caractéristique de certains qui me rend pessimiste, alors que je ne le suis pas de nature.

  2. Avatar de roma
    roma

    Eric Chevillard : « J’admire l’angélisme des pessimistes. Comme si la situation pouvait empirer encore ! »

  3. […] après tout avec cette crise, que d’un incident de parcours finalement assez banal. (…suite article) Paul […]

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