TOUS COMPLICES, par zébu

Billet invité.

Tous ?

Non.
Quelques millions seulement : les ‘rentiers’.
Non, pas ceux qui ont suffisamment de revenus pour ne pas sentir l’haleine visqueuse de la crise, que ce soit en salaire et/ou en revenus mobiliers. Pour ceux-là, si l’enfer doit arriver, il arrivera bien assez tôt pour ne pas profiter dès maintenant de ces revenus.
Ne parlons pas non plus des ultra-riches, ceux qui ont hérité ou qui ne savent plus quoi faire de leur pognon durement acquis ‘sur les marchés’. Ils se délocalisent aussi bien que leurs capitaux.
Non.
Les fumeuses ‘classes moyennes’, celles qui n’ont que leurs salaires comme revenus et dont le reliquat, ce qui reste quand la crise n’a pas tout bouffé, est ‘placé’.
Attention, ce ne sont pas non plus ‘les épargnants’ : ceux qui versent le ‘reliquat’ sur des comptes d’épargne réglementée.
Ceux là savent que ce qu’ils versent n’est qu’un supplément pour les vieux jours comme le petit chocolat avec le café, pour les coups durs de la vie, juste pour pouvoir avoir la bouche à la surface de l’eau, si nécessaire.
Rien à voir avec ceux qui ‘placent‘, le plus souvent en assurance-vie (mais ce peut aussi être dans l’immobilier locatif défiscalisé, …) : rentable, défiscalisée, sûre.
Ceux là, ils escomptent le surplus que produit l’intérêt pour pallier les faiblesses ou aux absences des salaires qu’ils ont, pour pallier aussi les faiblesses des retraites qu’on leur promet et même pour pouvoir payer les études, de plus en plus chères, des gamins. Et si tout va bien, léguer, en sus, d’un patrimoine immobilier durement payé durant de longues années, un surplus dont ils espèrent qu’il permettra à leur descendance de survivre plus confortablement face à la compétition généralisée de tous contre tous.
Ceux là
comptent sur les intérêts produits par leurs contrats, comptent sur la sécurité qu’on leur garantit, comptent sur la défiscalisation pour adoucir l’impôt (qu’ils payent) et comptent sur l’absence de droits de mutation sur ce patrimoine en cas de décès.
Et quand on a autant de gens qui
comptent, on ne fait pas le nombre : on s’incline.

Imaginez.
Vous allez traverser un désert. Vous le savez. Vous avez fait des réserves d’eau, qui devraient être suffisantes, pour le traverser.
On vous a garanti que vous auriez cette eau pendant la traversée et même plus, après.Puis on vous dit soudain que non, c’est plus possible. En pleine traversée.
Trop tard, bien trop tard pour retourner sur ses pas.
Imaginez. La folie, l’angoisse … Des millions de ‘rentiers’, paniqués, hagards.

A moins de leur dire de suite que vous savez comment sortir de ce désert, je ne donne pas cher de votre peau.
Les autres, les pas ‘rentiers’, eux, ont l’habitude du désert et un bon nombre sont déjà sur le bord de la route, avec quelques gouttes d’eau.
A attendre.

Le pacte, le ‘contrat’ social, actuellement, c’est ça.

Si le politique vient à faire défaut aux ‘rentiers’, c’est la fin des ‘rentiers’ : qu’un État, ou pire, qu’un ‘fournisseur de contrats d’assurances-vie’, fasse défaut, et c’est la révolte.
Mieux vaut encore laisser filer la dette publique.

Si le rentier vient à faire défaut aux politiques, c’est la fin des politiques : car les ‘rentiers’ élisent ceux qui garantissent le mieux leur traversée, comme on choisit le passeur du Styx, en s’acquittant d’un vote pour le passage.

La ‘démocratie’ ?

Je ne sais pas.
Je ne suis pas ‘rentier’.
Ni politique.

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zébu a écrit son billet, nous dit-il, en réponse à deux commentaires : un commentaire de Vigneron, et une réponse de Marlowe. Les voici :

21/05/2011 à 22:51

@Nodilor

Ouais, c’est bien gentil tout ça, mais très, très éloigné de la réalité des rapports entre financements publics et marchés financiers (et donc dettes publiques) intimement liés au rapport entre financement de la rente privée et marchés financiers.
Quand vous dites « quelques rentiers » qui profitent de la dette publique des membres du G20, il ne s’agit pas de « quelques » banksters et « quelques » gros capitalistes, ce serait bien trop simple politiquement de les tordre, de les rincer et j’ose croire que cela aurait déjà été fait, quitte à voir quelques établissements financiers y laisser chemise, caleçon et bilan et, surtout et plus grave, quelques vieilles amitiès complices quelque peu écornées dans le poulailler de la courtisaille.
Mais, ces « quelques rentiers », c’est, par exemple, les clients privilègiés de tout le système de fonds de pension « à la française » – d’assurances- retraite par capitalisation privatisées en fait, soit les 1400 milliards d’€ placés par des millions de ménages français sur des fonds d’assurance-vie très majoritairement en € (plus de 20 Millons de contats en France, soit aux alentours d’une moyenne de 70 000 € par contrat…), et donc massivement investis sur des titres de dettes publiques, à long terme le plus souvent. Tout simplement parce que seuls ces produits offrent aux bancassurances françaises une durée, des taux et des notes d’agences à la hauteur des garanties de taux et de capital ainsi que la durée des produits financiers offerts à leurs millions de clients. Seules les obligations d’Etats leur offrent les contreparties nécessaires, couplées aux mecanismes plus sophistiqués offerts par les marchés financiers, tels les swaps de taux, pour se couvrir du risque de taux qui peut provoquer, en cas de variation rapide des taux d’intérêts, à la hausse comme à la baisse, des fuites massives des capitaux de leurs clients ou une baisse tout aussi massive de la collecte de nouveaux capitaux, pouvant entrainer la faillite comme pour tout vulgaire fonds de pension américain jouant sur des marchés à risque, actions où autre. Le système des assurances-vie « à la française » est la merveille de la finance hexagonale, une magnifique opération de détournement de fonds globale, mais c’est aussi un authentique et énorme « Ponzi scheme ».
Il faut bien se rendre compte que les privilèges énormes accordés aux clients contractant des assurances-vie en France, tant du point de vue fiscal, de la garantie de rentabilité et surtout de liberté passés, les huit années d’engagement réglementaires, constituent un pilier du système financier français et sont significatifs d’un choix politique faits par nos gouvernants successifs pour instaurer non seulement une source de financement « pérenne » , mais encore un moyen de redistribuer un peu des profits financiers au bon peuple ( de l’ordre de 45 Milliards € d’intérêts récoltés quand même, soit 2000 € en moyenne par contrat – 2 smic nets mensuels… – à 3,5% minimum garantis et quasiment nets d’impôts jusque là…). Les français ont très vite compris les avantages qu’ils pouvaient en tirer – on accumule pas 1400 milliards sur un type de produit financier en dix ou quinze ans sans raisons valables.. Les fils et petits-fils de paysans, ça sait compter….
Mais sont-ils vraiment conscients du coût à payer par les contreparties, de l’autre côté du miroir financier, pour cette sécurité garantie, cette rentabilité garantie, cette liberté garantie (une option de « put » en fait offerte par « l’assureur », je peux me retirer et demander le paiement quand je veux, tout en pouvant augmenter inversement comme je veux mes dépôts sur le contrat à taux préalablement garanti… intenable le truc), cette quasi défiscalisation garantie ? Comme conscients des angoisses des gestionnaires de ces fonds énormes et donc les acrobaties financières incroyables qu’ils doivent exécuter pour couvrir les risques impensables que le système comme la concurrence les obligent à prendre, rien que pour se couvrir du risque de taux, sans parler des risques de défauts obligataires avec CDS à la clef et tutti quanti… On voit encore des pubs offrant du 4,5 %… Il en faut des junk bonds ou des dettes de pigs pour payer ça…
Alors un moratoire de 5 ans sur les dettes publiques qui tombe sur ce bel édifice, sur ce château de cartes biseautées, c’est pas compliqué, c’est Jumbo qui se crashe sur le service en porcelaine de Limoges de grand-maman, c’est de gros lézards verts dans les coupes de champagne des premiers communiants, c’est l’Apocalypse, Hiroshima, Nagasaki, Tchernobyl et Fukushima dans la même seconde, la mort du petit cheval quoi. La Démocratie, je vous en parle même pas. À la trappe en moins de deux.
1400 milliards qui disparaissent, c’est l’avenir, le passé et le présent de millions de braves français moyens qui cessent d’exister. C’est l’indicible, le cauchemar d’outre-tombe, l’enfer réinventé et à portée de main..
C’est, entre autres et pas seulement certes, mais pour une bonne part, ce qui est en jeu dans ce pays aujourd’hui. Comptez sur Pébereau, Bébéar et consorts pour le rappeler aux bons souvenirs de petites ou grandes personnes de très hauts lieux…
Les dettes publiques, franchement, c’est un détail, un symptôme dirait Jorion, mais le mal est ailleurs. C’est le système de capitalisation individualisé généralisé – en douce par chez nous, mais rapidement, massivement et à peu près autant qu’ailleurs – censé compenser via l’intermédiation financière, la fin programmée de la redistribution par répartition pour les futurs retraités, la chute des ressources par la baisse compétitive de la pression fiscale sur les grandes entreprises, les revenus financiers et les tranches supérieures d’IR pour l’État, comme, un peu, la stagnation ou la régression des revenus du travail pour les salariés des « classes moyennes ».
Économiquement c’est raté, on le sait depuis au moins trois ans.
Politiquement, là, je m’avancerai pas, mais j’ai bien peur que la désintoxication des millions de loosers soit très douloureuse, en plus d’être imposée par le fiasco économique et non librement choisie… On en est encore à l’ère du déni, alors pensez donc…
Les dettes publiques ? Pas le problème, non, pas le problème. Tant qu’elles roulent bien sûr… Rocking & Rolling !
Long live R&R !

Marlowe :

21/05/2011 à 23:11 | En réponse à vigneron.

Tous complices.

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198 réponses à “TOUS COMPLICES, par zébu”

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  1. Ultra-dangereux… Je ne résiste pas à ma furieuse envie de faire partager les saloperies commandées là-bas par le gouvernement israélien…

  2. @ilicitano C’est cela, aller travailler pour gagner de l’argent pour acheter(à crédit) une maison dans la campagne et une voiture…

  3. @Otromeros Cela fait un mort pour 100 000 repas, soit 50 000 jours ou 125 ans, cela fait probablement que…

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