Billet invité
Les excellentes nouvelles s’enchaînent à une cadence accélérée, saluées de tous côtés par des déclarations de circonstance. Après le lancement par la BCE d’un programme d’achat sous condition des obligations d’État sur le marché secondaire, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe vient de valider le MES, le Mécanisme européen de stabilité, qui va pouvoir sans tarder entrer en fonction. Enfin, à l’initiative de la Commission européenne, un dispositif de supervision des banques, investissant la BCE d’une nouvelle mission, est proposé, qui sera suivi par la création d’un fonds destiné à les renflouer si nécessaire.
À la suite de l’adoption du traité de rigueur budgétaire, un dispositif complet se met progressivement en place, qui est présenté comme un pas en avant vers une intégration européenne destinée à solutionner une fois pour toutes la crise.
José Luis Manuel Barroso, le président de la Commission, a profité de ces heureuses dispositions pour tracer devant le parlement européen la perspective d’une « refondation de l’Union européenne » : « nous devons progresser vers une fédération d’États-nations, c’est notre horizon politique ». Car, a-t-il expliqué, « en ces temps d’anxiété, ce serait une erreur que de laisser les nations en proie au nationalisme et au populisme ». Nous sommes dans de bonnes mains.
Une bonne nouvelle en amenant une autre, on a également appris qu’une année de plus avait été accordée au Portugal pour atteindre ses objectifs de réduction de déficit, le premier ministre s’en félicitant tout en décidant une augmentation des cotisations sociales pour les salariés, contrebalancée par une diminution côté patronal afin d’éviter un excédent. Pas question, en effet, de créer une deuxième Grèce, alors que les compliments pleuvent sur Antonis Samaras après qu’Angela Merkel ait chargé la Troïka, qui peine à la tâche, de bricoler vite fait un accord présentable. D’Espagne parvient la énième déclaration de Mariano Rajoy qui annonce toujours poursuivre sa réflexion à propos d’une aide financière, qu’il se refuse toujours à envisager sous la forme d’un plan de sauvetage assorti de mesures affectant les retraites et son électorat de rentiers. Si ce n’est que cela, un deuxième bricolage y pourvoira.
Certes, les esprits chagrins – il n’en manque pas – trouveront toujours à pinailler. Ils remarqueront que l’union bancaire en question soulève, tant du côté britannique qu’allemand, de véritables levées de portes blindées, destinées à protéger de toute malsaine curiosité la City ou le système bancaire allemand. Ils railleront aussi la déclaration de la présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Elisabeth Guigou, qui voit confirmation dans la décision de la Cour de Karlsruhe « que le processus d’intégration européenne est compatible avec la souveraineté des États… » – alors que seule la constitution du MES a été jugée – ce qui lui permet de poursuivre : « Après cette bonne nouvelle venue d’Allemagne, il est important de ne pas compromettre les efforts pour sortir de la crise. C’est au parlement français qu’il revient désormais de ratifier le traité budgétaire européen et de soutenir l’action du président de la République et du gouvernement pour réorienter l’Europe dans le sens de la croissance et de la solidarité ». C’est parler d’or et pas de bois.
Les mêmes se demanderont combien de temps les bricolages en cours tiendront cette fois-ci, et quand il sera nécessaire de faire appel à la BCE pour financer le MES, ou bien le fonds de soutien aux banques qui doit encore être constitué et dont il est aujourd’hui prétendu qu’il reposera sur les cotisations des banques. Sans la BCE, faut-il leur répondre, que pourrions-nous bien faire ?
Enfin, car ils sont tenaces, ils ne manqueront pas de relever que Michel Barnier, le commissaire européen en charge du marché intérieur et des services, n’a pas manqué dans sa présentation du projet de supervision bancaire de rassurer les gouvernements allemand et britannique. À l’usage du premier, il a insisté sur le fait que la BCE « pourra s’appuyer sur les superviseurs nationaux » dans l’accomplissement de sa mission, à celui du second, que les tâches de régulation resteront du ressort de l’Autorité bancaire européenne (EBA), dont on connait la clairvoyance éprouvée en matière d’analyse des bilans bancaires et de stress tests. La BCE ne sera chargée que de l’application des règles. Ouf,on avait craint le pire !
Allons ! ces prophètes de mauvais augure finiront bien par avoir tort ! C’était une « belle journée pour l’Europe » a déclaré Angela Merkel, ne boudons pas son plaisir !
161 réponses à “L’actualité de la crise : AH DIEU ! QUE LA CRISE EST JOLIE ! par François Leclerc”