LES PARADOXES DANS LESQUELS ILS S’ENFONCENT, par François Leclerc

Billet invité.

Une grande confusion règne à propos des deux grands évènements présumés de la semaine. Jeudi, la BCE devrait annoncer le lancement de son programme d’achat de titres, et dimanche les électeurs grecs vont élire leur parlement et changer de gouvernement. Beaucoup d’hypothèses circulent dans les deux cas, l’incertitude pouvant être appelée à durer, car l’époque s’y prête désormais après tant d’assurances démenties : il n’est pas exclu que tous les détails du programme de la BCE ne soient pas immédiatement divulgués, tandis qu’émerge comme probable l’hypothèse que Syriza remporte les élections mais ne dispose pas d’une majorité parlementaire et soit obligé de composer.

Le calibrage du programme de la BCE fait moins l’objet d’interrogations sur ses résultats – le sujet est peu abordé, et quand c’est le cas avec circonspection – que de supputations sur les arbitrages qui pourraient être rendus afin que les autorités gouvernementales allemandes laissent faire en manifestant leurs réserves. Figurent parmi les principales éventualités la démutualisation du risque – qui serait porté par les banques centrales nationales – un volume limité du programme, ou la limitation des achats à des titres de dette à courte maturité, pour minimiser sa durée.

La principale préoccupation semble être de décider de qui va hériter du mistigri de la dette, comme si sa détention restait le premier souci, paradoxal à observer les très bas taux obligataires qui s’accentuent… Mais, afin de ne heurter ni les convictions ancrées des autorités allemandes ni plus généralement les préceptes libéraux, il ne sera pas manqué d’insister sur la nécessité de poursuivre les réformes engagées. Cela pourrait en particulier s’illustrer, serait-il envisagé, par un achat des titres grecs conditionnel. S’ils s’y risquent, ils devront en assumer les conséquences. La croyance aveugle est décidément un enfermement. Un paradoxe encore, puisque la politique qui sert d’inspiration se trouve être la principale cause des poussées déflationnistes que l’on veut contenir.

Deuxième interrogation du moment, combien de temps et comment le gouvernement grec issu des élections pourra-t-il tenir financièrement, s’il peut être mis sur pied ? De Grèce, il se confirme que le gouvernement Samaras vivait d’expédients en émettant des bons du Trésor à court terme majoritairement achetés par les banques grecques, afin de différer de nouvelles négociations impopulaires impliquant de satisfaire les exigences de la Troïka, la corde devenant trop tendue. La demande des banques grecques de bénéficier auprès de leur banque centrale nationale d’une assistance financière d’urgence (ELA) participe d’un très sombre tableau de la situation, qui se découvre, impliquant sans aucune échappatoire possible de mettre sur pied un nouveau soutien financier si l’on veut éviter un défaut – cette seule certitude réaffirmée – quel que soit le résultat des élections. La fiction d’une sortie positive de la Grèce de son plan de sauvetage n’est pas tenable, pas plus que sa dette n’est soutenable. La victoire électorale de Syriza aura certes pour avantage de lui faire porter la responsabilité de l’impasse au nom de son aventurisme présumé, mais sans rien régler !

La cause est entendue : pour s’en sortir, nos édiles ne savent que plonger.

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