L’AFFAIRE DU CETA, UNE LEÇON DE DÉMOCRATIE ! par François Leclerc

Billet invité.

Le Conseil européen de vendredi n’ayant pas pu réunir l’unanimité requise pour l’adoption du CETA, des initiatives de dernière heure sont prises ce week-end pour éviter que sept ans de négociations ne se terminent en queue de poisson, avec toujours l’espoir de rebondir avant jeudi. Martin Schültz, le président du parlement européen, est à la manœuvre.

L’échec enregistré hier se profilait depuis quelque semaines et illustre à merveille de quoi les plus hautes autorités européennes sont capables quand elles s’y mettent. Encore un magistral raté à leur actif après l’accord de relocalisation des réfugiés, pour s’en tenir à celui-là. En réalité, les dirigeants européens viennent de récolter ce qu’ils ont semé, et ne devraient pas s’en étonner. Mais ils sont tellement isolés dans leur monde, et si convaincus de leur savoir-faire, qu’ils sont incapables de le saisir et préfèrent incriminer un parlement wallon qui prétend simplement avoir voix au chapitre, au nom de l’exercice de ses droits démocratiques. Si la Commission et le gouvernement canadien ont pu mener leurs négociations pendant sept ans, ce n’est que depuis le début du mois d’octobre que le parlement wallon avait pu en faire autant avec la Commission, qui l’avait précédemment superbement ignoré.

Cela renvoie à la conduite de secret qui a marqué le début des négociations du CETA et du TTIP avec les Américains, laissant supposer qu’il y avait à quelque chose à cacher, qu’un coup de force était en préparation, en dévoilant au dernier moment un texte qu’il ne restait plus qu’à signer. Devant les protestations qui ont enflé, les hautes autorités ont finalement dû mettre de l’eau dans leur vin, mais la suspicion était installée pour ne jamais disparaitre.

Non sans raison. L’acharnement avec lequel les négociateurs des deux bords ont défendu le recours à la justice arbitrale, qui permettrait à une compagnie transnationale de porter plainte contre un état adoptant une politique publique contraire à ses intérêts l’a alimenté. Devant la levée de boucliers que cette prétention a suscité, un habillage a finalement été proposé à contre coeur, qui n’est pas plus acceptable en raison de son flou (1).

Le parlement wallon a joué les empêcheurs de tourner en rond, mais la presse n’a pas mesuré les conséquences du jugement auparavant rendu par la Cour constitutionnelle allemande à propos du CETA. La Cour a en effet demandé que soient seules acceptées les dispositions de CETA qui sont du domaine de la compétence exclusive de l’Union européenne, excluant une longue liste de celles qui ne le sont pas. Elle a aussi stipulé que le gouvernement allemand doit disposer d’un droit de veto vis à vis des décisions du comité de gestion de CETA, ainsi que la possibilité de se retirer de l’accord.

Ce jugement se réfère à la suite du processus qui prévoit, suite à son adoption par les chefs d’État et de gouvernement européens et canadien, la ratification par les deux parlements, ce qui ne permettra que l’entrée en vigueur provisoire et partielle du CETA. Une dernière étape impliquera la ratification par les 38 parlements nationaux et régionaux…. En effet, certaines disposition du CETA ne figurent pas dans les compétences européennes – dont celle des tribunaux d’arbitrage – et sont du ressort des États.

La revendication d’une Europe et de ses organisations fonctionnant selon des normes démocratiques vient de prendre un élan tardif mais certain ! Les négociations du CETA et du TTIP ont illustré des pratiques instituées et mises à nu. Des réformes structurelles sont indispensables à Bruxelles et à Francfort, siège de la BCE.

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(1) Il est désormais prévu la création d’un tribunal permanent composé de 15 juges professionnels nommés par l’Union européenne et le Canada, dont toutes les auditions seraient publiques. Mais une interrogation majeure subsiste sur l’identité de ces juges qui pourraient être des avocats d’affaires liés à des cabinets privés.

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