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Certains apportent à la crise climatique une réponse révolutionnaire comme Roger Hallam, fondateur d’Extinction Rebellion. Il milite pour un renversement des pouvoirs en place pour mettre aux manettes des assemblées constituantes de citoyens tirés au sort :
Nous devons proposer un plan postrévolutionnaire, sinon le chaos s’ensuivra. Le plan que j’esquisse est celui d’une Assemblée nationale de citoyens qui s’empare du rôle souverain, le système parlementaire actuel étant corrompu. Le Parlement resterait, mais dans un rôle consultatif auprès de cette assemblée de gens ordinaires, choisis au hasard dans tout le pays. Cette nouvelle Assemblée délibérera sur la question centrale de notre vie nationale contemporaine – comment éviter notre extinction ? (Traduction des auteurs de Common sense for the 21st Century, Roger Hallam, 2019).
Deux problèmes majeurs se dégagent de cette solution révolutionnaire. La première, comme le rappelle Hallam lui-même, la révolution n’est pas une situation stable et certaine. L’histoire des révolutions et des changements de régime est faite de sang, de guerre civile et d’imprévisibilité sur l’issue du conflit. Comme l’écrivait en son temps Élisée Reclus, géographe et anarchiste :
Il ne suffit [pas] de répéter les vieilles formules, Vox populi, vox Dei, et de pousser des cris de guerre en faisant claquer des drapeaux au vent. La dignité du citoyen peut exiger de lui, en telle ou telle conjoncture, qu’il dresse des barricades et qu’il défende se terre, sa ville ou sa liberté ; mais qu’il ne s’imagine point résoudre la moindre question par le hasard des balles. C’est dans les têtes et dans les cœurs que les transformations ont à s’accomplir avant de tendre les muscles et de se changer en phénomènes historiques. (Reclus, Élisée, Écrits sociaux [1902], Éditions Héros-Limite 2012 : 45).
Notons cyniquement au passage que les guerres ont une empreinte carbone catastrophique. Mike Berners-Lee, professeur spécialisé dans les gaz à effet de serre, dans son livre How bad are bananas? The carbon footprint of everything (2010), estime que la guerre en Irak aurait émis entre 250 et 600 millions de tonnes de CO2 équivalents sur la période de 2003 à 2009. Cela représenterait « approximativement ce qu’émettrait l’ensemble de la population britannique en trois allers-retours Londres-Hong-Kong en avion ».
Ensuite, cette proposition révolutionnaire semble mettre complètement de côté la réalité politique d’aujourd’hui. Certes, les États du monde ne font pas assez pour la lutte contre le dérèglement climatique. Mais ils sont outillés pour le faire : les États sont des lions endormis, des animaux dont la puissance est sous-estimée. La logique ultralibérale les a limités au strict minimum, au rôle de « veilleur de nuit ». Mais d’un autre côté, on les dénonce comme des « mille feuilles administratifs ». Cette complexité administrative est perçue comme du gaspillage d’argent public qu’il serait bon de supprimer.
Et si, pour une fois, nous saisissions enfin l’opportunité d’utiliser cette puissance publique endormie, insérée à tous les niveaux de la société, à notre profit ? L’État, en particulier l’appareil étatique français, est aujourd’hui un ensemble d’administrations fonctionnant en boucle fermée : un grand nombre de fonctionnaires surqualifiés produisent des données, des notes et des rapports à longueur de journée qui restent sans conséquences. Mais ce travail, vain aujourd’hui, est le témoin d’une compétence opérationnelle et planificatrice forte des administrations. Abattre l’État serait une grave erreur. Au contraire, saisissons-nous de cet outil, certes avec ses nombreuses imperfections, et transformons-le en acteur de premier plan dans la transition écologique !
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