Sommes-nous prêts pour un retour à la planification ?
Les États prennent des mesures pour contrer la menace que constituent le réchauffement climatique, la pollution et l’épuisement des ressources. Pour permettre des périodes de transition « réalistes », des horizons sont fixés pour la mise en œuvre définitive de ces mesures : 2030, 2040 ou 2050.
Or, si de telles dates sont en effet « réalistes » en raison des pesanteurs, de l’inertie, de nos systèmes politico-économiques, elles ne le sont hélas pas par rapport aux menaces environnementales qu’il s’agira de conjurer.
Ceci signifie que pour chacun de ces dangers, une accélération de la transition apparaîtra impérative un jour ou l’autre. Un événement inédit, mais ayant cessé d’apparaître improbable, une canicule par exemple, durant laquelle la température ne tombe pas la nuit en-dessous de 40° (mettant alors en danger la vie de celui qui dormirait à la belle étoile), provoquera une panique, suivie d’un sursaut. Il faudra alors coordonner dans l’urgence la mise en œuvre immédiate de l’ensemble des mesures qui avaient toutes été repoussées à des horizons « confortables » comme 2030, 2040 ou 2050.
Pour cela il faudra disposer d’un outil que les démocraties occidentales ont jeté aux orties. Des planifications existent encore chez nous ici et là à l’échelon local ou dans des secteurs particuliers, chacune utilisant ses propres méthodes, mais les Bureaux du plan d’autrefois n’existent plus, qui rassemblaient de manière centralisée toute l’information d’une nation, et qui n’étaient pas simplement indicatives, mais partiellement contraignantes : l’État décidait de sa politique en fonction du Plan, intervenant dans les zones de faiblesse, planifiant sur des échéances de cinq ou dix ans l’entretien de l’infrastructure de la nation et son renouvellement dans une perspective d’innovation.
La mauvaise réputation de la planification lui est venue de l’Union soviétique en raison de sa lourdeur bureaucratique là-bas, de la servilité des agents de terrain modulant les chiffres pour qu’« ils plaisent » à la hiérarchie, et de manière générale, la mauvaise qualité des données et de leur analyse, débouchant sur une gabegie où se combinaient pénurie et gaspillage.
Le sentiment s’est développé chez nous que le « marché » s’autorégulait sans nécessité d’un plan : une concurrence « pure et parfaite » paraissait veiller à tout de manière optimale. Or, constatation inévitable aujourd’hui : la fameuse « main invisible » d’Adam Smith ne s’appliquait qu’à un monde qui, en raison du faible chiffre de la population, semblait encore sans limites : où le pétrole coulerait toujours à flot, où le ciel, les rivières et l’océan pouvaient sans souci servir d’égout, où le climat resterait stable et le niveau des océans ne monterait jamais.
Un seul pays au monde dispose aujourd’hui d’un système de planification bien huilé et en bon état de marche : où une information de bonne qualité monte et redescend de manière fluide, où les plans s’enchaînent sans heurt et atteignent leurs objectifs. Ce pays, c’est la Chine.
Et il y a là un avertissement ! Le jour où, pris de panique, lors d’une crise environnementale majeure, nous déciderons en catastrophe qu’un retour à une planification contraignante est devenu impératif pour la survie de la nation, serons-nous conduits à quémander aux Chinois, une planification « clé en main », qui ne manquera pas d’amener avec elle tout ce qui nous choque dans ce pays en termes de déficit démocratique ?
Pas nécessairement heureusement ! Deux exemples remarquables de planification contraignante ont existé en Occident dans le cadre démocratique que nous jugeons à juste titre comme non-négociable : l’économie de guerre de la Grande-Bretagne à partir de 1940, et des États-Unis à partir de 1941.
Dès ses débuts, le talon d’Achille de la planification a été la qualité des données et de la méthodologie de leur traitement. Or sur ce plan-là des progrès colossaux ont été accomplis : la collecte des données a été automatisée et numérisée, elle est aujourd’hui universelle et instantanée ; quant à l’analyse des données, le Big Data, le Deep Learning, disposent désormais d’une puissance sans commune mesure avec ce qui était possible pour les États-Unis et la Grande-Bretagne en guerre, sans mentionner même l’Union soviétique.
N’attendons pas : seule la date à laquelle une planification contraignante nous apparaîtra à nouveau soudain indispensable nous est inconnue. Soyons prêts : les économies de guerre américaine et britannique d’autrefois constituent la moule à réutiliser, ne confions pas à la Chine – seule candidate possible – le soin de nous sauver de justesse un jour prochain.
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