Retranscription de Le temps qu’il fait le 26 janvier 2020.
Ma vidéo d’aujourd’hui s’appellera : « Le temps qu’il fait le 26 janvier 2020 ». Je renoue ainsi avec une vieille habitude qui était d’appeler mes vidéos « Le temps qu’il fait » un jour précis. C’est un petit hommage rendu à une maison d’édition où publiait quelqu’un qui est décédé maintenant, à qui je suis lié par alliance, le romancier Jean-Claude Pirotte.
A une date encore tenue secrète et dans un endroit tenu secret se réuniront bientôt les collapsologues pour un grand… deux journées de réflexion ensemble. Qu’est-ce qu’on va faire ? On va réfléchir. Sera sûrement à l’ordre du jour l’idée de dissoudre le mouvement. Nous avons commencé à parler de l’effondrement et puis tout s’est précisé : l’effondrement n’aura pas lieu et donc, il faut que nous envisagions la dissolution.
Je plaisante bien entendu. Tous les jours qui passent, malheureusement, confirment l’effondrement. On me signale ce matin un grand article dans la New York Review of Books sur la collapsologie. Ce n’est pas étonnant qu’on y pense de plus en plus.
Pourquoi est-ce que je dis à une date tenue secrète dans un endroit tenu secret ? Parce que vous savez, les gouvernements s’énervent. Ils placent Extinction rébellion aux côtés des djihadistes et autres terroristes d’extrême-droite extrêmement dangereux.
Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça ne veut pas dire que les gens d’Extinction rébellion soient dangereux. C’est le baromètre de la peur des gouvernements. Ils savent qu’ils n’en font pas assez sur le plan de nous sauver et que, du coup, voilà, comme ils savent qu’eux ne vont pas faire grand-chose, ils considèrent à juste titre que les gens vont s’énerver de plus en plus et que, donc, il faut considérer les gens qui se préoccupent de la survie de l’humanité comme étant de dangereux terroristes. C’est ça qui explique pourquoi on utilise maintenant des armes de guerre contre les manifestants. On n’a pas encore supprimé entièrement le droit de manifester dans les lois, encore qu’on essaye de le faire de manière subreptice mais on essaye de décourager les gens d’aller manifester en leur disant : « Si vous allez manifester, sachez qu’en face, on tirera sur vous et que, donc, c’est vraiment dangereux. Il vaut mieux ne pas le faire ».
Donc, la démocratie déjà n’est pas en très grande forme. On s’est coincés dans des situations, j’en ai déjà parlé longuement, où des régimes de type ultralibéral s’arrangent pour n’avoir en face qu’une opposition ridicule, complotiste, ne présentant que des idées qui ne tiennent pas debout ou alors des choses qui rappellent de manière tellement flagrante l’ancien nazisme, le fascisme, le fascisme italien et compagnie que ça décourage quand même un nombre considérable de gens de s’y rallier.
Un autre élément, je vois ça devant moi. Le Parisien, le journal qui nous dit : « Pas d’affolement ! Coronavirus. C’est pas le moment de s’affoler, etc. ». Quand des journaux vous disent que c’est pas le moment de s’affoler, c’est que là aussi, bien entendu, il y a une inquiétude et que l’inquiétude est probablement fondée sinon, on n’en parlerait même pas.
C’est une chose dont on parle, Vincent Burnand-Galpin et moi, dans le livre qui va paraître : « Comment sauver le genre humain ». On parle des épidémies qui peuvent revenir. C’est des choses contre lesquelles on peut être désarmés. C’est le cas en ce moment en Chine et dans le reste du monde, parce que ça se répand assez rapidement, devant ce Coronavirus, cette nouvelle épidémie extrêmement dangereuse. C’est une pneumonie et il y a déjà un certain nombre de gens qui sont morts. Nous imaginons que nous savons exactement ce qu’il faut faire dans des cas comme ceux-là et non. En fait, non. Quand c’est quelque chose de tout neuf et quand c’est un virus pour lequel on n’a pas de remède, on est désarmés.
Vous allez voir dans quelques jours. On est le 26, ça paraît le 1er février. Ça fait partie des chroniques que je fais dans le magasine Quinzaines. Ce sera intitulé : « C’est la nature, qui rend les coups ». C’est une citation d’une pièce d’un dramaturge américain fort oublié aujourd’hui, Robert E. Sherwood, qui s’appelait : « La forêt pétrifiée ». C’était une pièce à l’origine. Lui, c’est un dramaturge. On a fait des films de certains des scénarios, des choses qu’il a écrites et, en particulier, il y a eu un film splendide avec Bette Davis, Leslie Howard, Humphrey Bogart dans un de ses premiers rôles, à partir de cette pièce. Et dans cette pièce, il y a un intellectuel qui est plus ou moins suicidaire. Il traverse le désert à pied. Il est clair qu’il veut mettre fin à ses jours d’une manière ou d’une autre. Il attend un accident pour cela et l’accident, c’est qu’il sera tué par Humphrey Bogart, un gangster en fuite, mais il sera tué à la demande, à sa propre demande.
Et là, lui, il a une réflexion extrêmement, comment dire, cynique sur le rôle qu’auraient pu jouer les intellectuels, qu’ils n’ont pas joué, les illusions qu’ils se sont faites sur la guerre que l’homme mènerait contre la nature. Et, à un moment donné, il dit : « La nature rend les coups ».
Et le fait est là. Les nouvelles épidémies, la température qui monte comme on le voit en Australie et où, malheureusement, comme on le voit, il y a des tentatives justement des pouvoirs ultralibéraux de nier, un déni absolu de ce qui est là et qui est pourtant flagrant et qui provoque la destruction de l’environnement, un milliard d’animaux sauvages tués, des êtres humains bien entendu tués aussi et on voit ces quartiers entiers qui partent en flammes, comme on l’avait déjà vu dans le nord de la Californie il y a 2 ans.
La nature rend les coups. Les hommes ne sont pas préparés à ça du tout. J’étais sur l’autoroute l’autre jour. Ça doit vous arriver aussi. Et quand je vois ces files ininterrompues de poids-lourds, l’idée qu’on va pouvoir arrêter ça du jour au lendemain, oui, d’accord, et on fait comment à partir de là ?
Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas proposer des remèdes comme on le fait, comme ça va être le cas dans ce livre que Vincent et moi, nous avons écrit, mais il faut aussi se préparer à des plans B, des plans C, des plans D : ça pourrait ne pas marcher avec l’opposition absolue des milieux d’affaires, avec l’opposition absolue des gouvernements ultralibéraux, avec les gouvernements populistes qui disent absolument n’importe quoi et, donc, ils sont très loin de proposer de véritables remèdes. Il faut vraiment réfléchir. C’est ce que nous avons essayé de faire. On va continuer de le faire mais il faut réfléchir absolument à tout.
On parle beaucoup ces jours-ci, je n’ai pas encore eu l’occasion d’y jeter un coup d’œil, du livre de Todd, Emmanuel Todd, dont vous savez tout le bien que je pense. Quelqu’un me rappelait récemment l’invitation que je lui avais faite de venir parler à Bruxelles, à la chaire dont je disposais à la VUB à Bruxelles.
Sur le point qui est central à la réflexion de Todd sur l’économie, la finance, je ne suis pas d’accord, je ne suis pas d’accord. Ça fait longtemps qu’un certain nombre d’amis à lui, il les réunit… On a discuté, c’était quoi, il y a une dizaine d’années. Il avait rassemblé un grand nombre de gens autour de l’idée de refermer les frontières : le protectionnisme. Pour moi, ce n’est pas une solution. C’est une solution du XVIIIe siècle. Regardez quand Trump l’applique ce que ça donne. C’est fondé sur une mauvaise analyse. Comme je le dis, déjà, à l’époque de Ricardo en 1810, ça ne pouvait plus s’appliquer comme un principe.
Pour le protectionnisme, l’économie est devenue beaucoup trop compliquée. Elle est de fait globalisée avec les marchés financiers. Alors, vous le savez, ça ne veut pas dire que moi je dise qu’il ne faut rien faire sur la finance. Vous connaissez les mesures que je propose :
- revenir à l’interdiction de la spéculation qui était interdite par les lois dans nos pays et dans deux articles simplement. C’est très facile à remettre en place.
- La taxe Sismondi, comme je l’appelle. « Taxe-robot » pour dégager de la richesse pour la communauté dans son ensemble à partir de la richesse créée par les machines qui remplacent les êtres humains,
- Une véritable constitution pour l’économie, un certain nombre de mesures…
- Le Bancor, l’avènement d’une monnaie internationale.
Il y a des tas de moyens modernes pour remettre la finance au pas, pour la remettre au service de la communauté dans son ensemble, pour empêcher la prédation de sommes extraordinaires par la spéculation qui sert simplement à fragiliser le système par des grands paris entre banquiers. Il y a des choses à faire mais pas des choses primitives, je dirais, des choses qui ratent leur objectif, qui vont avoir l’air de produire quelque chose. Regardez les rodomontades de Trump.
Quand Todd a un mot aimable pour Trump parce qu’il remet en place le protectionnisme, c’est… Excusez-moi pour le point Godwin (ou les 10 points Godwin) que je vais recevoir, c’est comme de dire que, finalement, Hitler, il aimait quand même bien son chien. Ça n’a pas de… C’est tout à fait à côté de la plaque et c’est dangereux. C’est dangereux de dire un mot aimable envers Trump d’une manière ou d’une autre.
Sur le front Trump, je vais terminer par là. Vous allez voir les journaux disant : « Voyez ce qu’on avait dit qui allait se passer se passe. Les Républicains font front, etc. ». Oui, mais non, c’est pas ça qui se passe. Ce qui se passe, c’est que Trump est obligé de se défendre et que les Républicains sont obligés de le défendre et qu’ils sont obligés de sortir de leur tanière et de venir avec des arguments juridiques qui ne tiennent pas debout, etc. Et que tout le monde peut l’entendre si on veut écouter ça. Rappelez-vous, on venait de la position de Trump : chasse aux sorcières, hoax, fake news, canulars, « tout ça n’existe pas », etc. où il faisait semblant qu’il pouvait simplement ignorer ça.
Non, non, il y a un tribunal, il y a un jury et il y a des gens qui essayent de le défendre et, bien entendu, il est très difficile à défendre sur le plan constitutionnel et sur tous les plans que vous pouvez imaginer. Non, il est obligé de se défendre et ça, la défense qu’on fait en sa faveur, tout ça n’est pas brillant. Tout ça n’est pas très convaincant.
Je vous ai montré les chiffres l’autre jour. Même parmi les Républicains, il y a 69 % de gens qui s’affirment Républicain qui demandent à ce que des témoins viennent témoigner à ce procès.
Non, non, il est en très mauvaise posture. Pourquoi est-ce qu’il va rameuter les anti-avortement ? Pourquoi est-ce qu’il va rameuter les gens qui sont en faveur des armes ? Cz n’est pas un signe de force. C’est un signe de faiblesse parce qu’il sait que seulement par la sédition, il pourrait encore s’en sortir.
Alors, ces choses-là évoluent. Elles évoluent finalement quand même assez vite. On va voir ce que ça va donner mais ce n’est pas plié d’avance comme, malheureusement, vos journaux, dans une sorte de défaitisme absolu… Je crois que c’est ça qui accompagne l’effondrement. Ce n’est pas du tout, malheureusement, au niveau de certaines personnes un branlebas de combat en disant : « Voilà, on va se défendre ! ».
Sinon, de l’autre côté, au niveau des gouvernements, on raidit les positions. On constitue une espèce de Fort Chabrol autour de l’ultralibéralisme en espérant que tout ça va passer, que les gens vont se fatiguer, ou alors qu’en tirant dans le visage des manifestants, on va décourager les gens d’être fâchés. Très très mauvais calcul, très dangereux aussi à courte ou à moyenne échéance.
Donc, malheureusement, quand nous, les collapsologues, nous réunirons en secret à une date non précisée, je crois que nous n’aurons malheureusement pas assez des deux jours que nous avons prévus. L’humanité n’est pas engagée dans la bonne voie. Si, il y a des choses sympathiques. Il y a Greta Thunberg. Il y a l’élan des jeunes autour de ça mais vous savez, les jeunes ne peuvent pas voter et, donc leur voix n’apparaît pas véritablement en surface. Comme aux Etats-Unis, ce sont les vieux imbéciles plus ou moins gaga déjà qui décident des choses.
Voilà, un petit point un dimanche matin. Allez, à bientôt !

De même que j’avais proposé une version « écono-territoriale » des 30 glorieuses sur ce blog (il y a longtemps) je suggère…