Le monde en décomposition que nous transmettons à nos enfants, le 16 février 2020 – Retranscription

Retranscription de Le monde en décomposition que nous transmettons à nos enfants, le 16 février 2020.

Bonjour, nous sommes le dimanche 16 février 2020 et tout à l’heure je vais passer l’après-midi à enregistrer plusieurs vidéos dont j’espère que vous aurez l’occasion de les voir dans pas trop longtemps.

De quoi je voudrais vous parler aujourd’hui ? Je voudrais vous parler du monde que nous transmettons à nos jeunes. Ma génération, nous avons le sentiment de nous être débattus pour créer un monde meilleur pour ceux qui viendraient après nous.

Le problème a peut-être été celui de la masse critique : du nombre trop élevé de ceux d’entre nous qui se sont montrés indifférents à la voie sur laquelle s’engageait le monde.

Je viens de mettre en ligne un petit papier qui est extrait d’un long entretien qui a eu lieu récemment : nous avons fait pas mal de choses, mais une petite minorité seulement, qui n’a pas pu mener le monde dans la bonne direction.

Une chose que, sans doute, nous nous sommes tous et toutes dits [dans notre petit groupe], c’est que nous avions fait notre part qui était bien davantage qu’une « part de colibri » et que nous transmettions aux plus jeunes un outil qui leur permettrait de continuer dans la même direction [la même après-midi, un jeune, faisant allusion à ce que je disais là, m’en a remercié avec une solennité qui, je dois bien le dire, m’a troublé].

Or, ce qui est en train de s’esquisser, ou même de se manifester violemment, c’est que ce que nous transmettons aux jeunes, c’est en réalité un monde en décomposition. Nous ne leur offrons pas une belle usine toute neuve clé en main en leur disant : « Voilà, vous pouvez reprendre ça » mais nous sommes en train déjà de leur transmettre, de fait, un truc passablement déglingué. Et alors, petite cerise sur le gâteau, nous inventons des termes de type médical pour qualifier l’indignation des jeunes, leur inquiétude, voire leur panique devant ce que nous leur léguons. Nous disons : « C’est une maladie, il y a un terme pour ça. Et ces malheureux, nous allons au moins faire ce que nous pouvons pour les traiter devant cette anxiété sans justification ».

Qui est-ce qui nous dit ça ? Ce sont les gouvernements évidemment qui ne font pas grand-chose pour changer les choses, ou alors à un train d’escargot avec des mesures qui entreront en vigueur en 2050, en 2070, etc.

Et là, notre responsabilité est importante en ce moment. Il faut au moins que nous assurions la transition vers quelque chose de gérable.

Quels sont les moyens à utiliser ? Ils sont nombreux. Malheureusement, contre nous, ceux qui essayons de changer les choses, nous avons encore, je dirais, cette masse énorme de gens qui votent pour des imbéciles absolus et qui les mènent au pouvoir dans les structures qui sont les nôtres.

Je parle suffisamment de ce qui se passe aux Etats-Unis, pays qui est parti tout à fait dans la mauvaise direction en élisant un très dangereux personnage. Les choses s’aggravent encore de jour en jour. Voilà qu’il s’immisce dans l’exercice de la justice de son pays parce que les sénateurs Républicains, avides d’être réélus sénateurs, lui ont donné une sorte de carte blanche. Maintenant, il ne se sent absolument plus.

Sur un tout autre plan, la Chine rencontre les difficultés d’un pays surpeuplé depuis 2 000 ans et où un mode de gestion de l’opinion extrêmement autoritaire montre tous ses défauts en ce moment même.

Par ailleurs, dans nos pays à nous, nous voyons en particulier l’incurie dans les dangers qui se préparent de l’ultralibéralisme qui est au pouvoir depuis les années 1970 et qui continue dans sa voie en invoquant la « main invisible » d’Adam Smith qui devait s’occuper de tout alors que, comme je vous le souligne souvent, cette « main invisible » a pu fonctionner effectivement dans un univers qui apparaissait encore avec des ressources infinies parce que nous étions peu nombreux à la surface de la Terre mais une attitude qui n’a aucun sens dans un monde dont les limitations nous apparaissent, dont la capacité de charge de l’environnement par rapport à notre espèce est enfoncée tous les jours de tous les côtés.

Alors, qu’est-ce qu’il faut faire ? Il faut changer de cap. Dans le livre que Vincent Burnand-Galpin et moi avons écrit et qui paraît dans quelques semaines, « Comment sauver le genre humain », nous réhabilitons des choses comme la planification, mettre en place une économie de guerre quand c’est nécessaire, des nationalisations éventuelles pour essayer d’harmoniser à nouveau comment les choses marchent.

Et un texte que je lisais ces jours derniers justement, sur les nationalisations *, montre le danger de situations comme celle-ci. En France en particulier, dans la suite des préconisations du Conseil national de la résistance, s’étaient mises en place des structures tripartites pour gérer l’économie avec des représentants de l’État, des représentants des dirigeants d’entreprises et des représentants des travailleurs, qui dirigeaient de fait, par la consultation, la manière dont évoluaient les choses.

Et qu’est-ce qui s’est passé alors ? Pourquoi est-ce que cela a été mis entre parenthèses ? Cette remarque est très importante. C’est parce qu’il est apparu, il apparaissait dans ce contexte de Guerre froide, de partage du monde entre deux blocs, le bloc soviétique et le bloc sous l’influence américaine, il est apparu dans nos pays que les représentants des travailleurs étaient assimilés à une cinquième colonne, à des agents de l’étranger, en particulier du fait de la sympathie d’une partie importante des représentants des travailleurs pour l’Union soviétique.

Et là, donc, on a mis ça entre parenthèses alors que c’était bien entendu de ce que côté-là qu’on pouvait trouver les solutions pour une unité nationale en vue de minimiser le ressentiment.

On a considéré qu’une part importante des représentants des travailleurs dans les entreprises étaient en fait des agents de l’étranger. Et dans une situation comme celle où nous sommes maintenant, où les choses se dégradent de plus en plus, où on voit de fait, par exemple aux États-Unis, une influence considérable non pas de la Russie mais d’un certain type de dirigeants pour la Russie, comme elle les a en ce moment, on voit comment les choses peuvent se compliquer de manière extraordinaire et où on peut considérer comme relevant de l’espionnage, de l’activité de l’étranger, d’ingérence étrangère, des choses qui devraient faire partie du fonctionnement normal des institutions.

Voilà une petite réflexion un dimanche matin sur l’état du monde et, en particulier, dans quel état nous le laissons à nos descendants.

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* Pascal Gauchon, Le modèle français depuis 1945, Que sais-je ? Presses Universitaires de France, 2019

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