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« Suis-je avant tout une personne ou un membre anonyme de l’espèce ? »
On observe dans la situation présente deux types de comportements face au fléau qu’est une pandémie. L’un est celui d’une personnalité individualiste, autocentreé, et dont le sens du danger suffit à lui faire comprendre que son intérêt est de se confiner et de limiter au strict nécessaire ses sorties, en les limitant à l’alimentation, indispensable par nécessité. L’autre comportement, stupide aux yeux de celui qui met l’accent sur sa propre préservation, consiste à vouloir « continuer à vivre comme avant », au prix d’un danger menaçant pour sa personne.
D’un point de vue individualiste autocentré, le deuxième type de comportement est irrationnel, voire suicidaire. Mais si l’on se situe au niveau de l’espèce dans son ensemble, le second type de comportement contribue plus efficacement que le premier à l’immunité « de horde » ou « collective », même si celui qui l’adopte n’en a aucune conscience, ce qui est le cas dans la quasi-totalité des cas. Échouant par son imprudence dans sa propre protection, l’insouciant qui entend « continuer à vivre comme avant », contribue en fait davantage à la sécurité de l’espèce en tant que groupe que l’individualiste autocentré, et pourrait être considéré comme un « altruiste de horde » involontaire.
Comme nous le voyons ces jours-ci, des gouvernements qui avaient dans un premier temps fait le pari du tout-immunité de horde et refusaient la mise en place du confinement (le Royaume-Uni, et peut-être la France) ont dû faire machine-arrière devant le tollé des individualistes disposés à sacrifier le « continuer à vivre comme avant » pour augmenter leur chance de survie (si leur risque de contamination à terme n’est pas réduit, l’est effectivement celui de se trouver exposé aux aléas d’un service de santé débordé et obligé d’opérer dans l’urgence des arbitrages en termes de qualité des soins).
Et ceci attire l’attention sur les difficultés de la gestion d’une pandémie au niveau politique et sanitaire, quand un gouvernement doit concilier en une politique unique et intégrée la survie, d’une part des individus un par un, et d’autre part du groupe dans son ensemble, autrement dit assurer la survie de l’espèce en tant que collection d’individus, et la survie des individus en tant qu’éléments de la collection qu’est l’espèce.
Sur un plan pratique, est-il possible pour un gouvernement de définir pour la nation des consignes qui fassent sens à la fois pour les citoyens en tant qu’individus et en tant que représentants de l’espèce ?
La même question était autrefois aisément résolue dans le cas de la vaccination puisqu’il suffisait que les autorités fassent valoir le bénéfice personnel pour que la protection collective soit assurée. La situation s’est considérablement compliquée quand la vaccination s’est montrée à ce point efficace que les individualistes ont minimisé le danger personnel et se sont montrés de plus en plus réceptifs à des rumeurs souvent superstitieuses relatives à des effets secondaires de la vaccination. Il a fallu alors faire appel au sens civique en faisant valoir le bénéfice collectif au-delà des bienfaits individuels.
Dit en d’autres termes, comment adresser un message unique aux individualistes autocentrés et prudents et aux partisans insouciants du « continuer à vivre comme avant » ? D’autant qu’en tant que personne nous ne tombons pas systématiquement dans la même des deux catégories de comportements devant toutes les sources de danger : tel qui n’hésitera pas à escalader l’Everest se conformera sagement aux consignes de confinement. Nous sommes tous et toutes pour part prudents et insouciants, individualistes autocentrés – veillant à la survie de nos personnes – et « altruistes de groupe » – veillant involontairement à la survie de l’espèce.
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