Coronavirus : chaque pays trahit ses faiblesses, le 14 avril 2020 – Retranscription

Retranscription de Coronavirus : chaque pays trahit ses faiblesses, le 14 avril 2020.

Bonjour : mardi 14 avril 2020.

On est au lendemain de la 3e allocution de M. Emmanuel Macron, Président de la République française sur la situation (pour ceux qui nous verrons dans des années 😉 ) : épidémie, pardon pandémie d’un coronavirus appelé Covid-19. J’ai fait une vidéo immédiatement après donc je ne vais pas revenir là-dessus.

Une petite chose quand même. Je suis assez honteux des commentaires qui apparaissent sur mon blog et où les trois-quarts des commentaires sont consacrés à la sincérité ou non de M. Macron, et je viens de mettre une petite note en disant : « Mais on s’en fiche de la sincérité : on ne la connaît pas, la sincérité des gens ! Mais des gens s’engagent, des personnes disent des choses : elles adhèrent plus ou moins à ce qu’elles disent. Ce n’est pas la même chose de dire : ‘Je crois en Dieu’ et de dire ‘J’ai lu un livre dans lequel, à la page 14, il y avait quelqu’un qui disait que Dieu existait peut-être’. Ce n’est pas la même chose ! Quelqu’un qui dit : ‘Je crois en Dieu’, il s’engage et si vous lui dites ‘Dieu n’existe pas’, il va se fâcher ». Voilà, c’est un exemple. 

La question n’est pas la sincérité : les gens s’engagent ! Ils donnent leur parole et, alors, nous, nous sommes là, nous sommes là et nous pouvons faire quelque chose. Nous pouvons éventuellement dire à ces personnes : « Mais vous ne tenez pas parole ! » ou nous pouvons, dans une situation comme celle-là, faire, faciliter le fait que cette personne puisse s’en tenir à ce qu’elle vient de dire.

Bon, alors, ça, c’est pour la France.

Pour les autres pays, il y a un certain nombre de choses qui me frappent quand même. Pourquoi, pourquoi la Belgique a-t-elle ce nombre, ce taux de décès qui a l’air de décoller par rapport aux autres pays ? On a parlé d’abord de densité de la population. Oui, la Belgique a une population extrêmement dense par rapport à d’autres ; de calcul qui serait fait de manière différente où, par exemple, on mettrait tous les décès dans les maisons de retraite, ce qu’on appelle les Ehpad en France. Oui, peut-être mais alors un message nous dit : « Oui, mais on n’a pas encore intégré ces chiffres-là, des maisons de retraite, dans les chiffres belges ». Pourquoi ?

Pourquoi quelque chose qui décolle et qui est en passe de dépasser le taux des deux pays qui ont souffert le plus jusqu’ici, c’est-à-dire l’Italie et l’Espagne ?

Chaque pays, dans une situation de tension comme celle-là, est… Bon, j’ai quand même des mots assez aimables pour les dirigeants qui nous disent : « On est dans des circonstances exceptionnelles ». Oui, on peut tout prévoir. Oui, mais il y a des choses qui sont plus difficiles à prévoir. Il y a des choses qu’on ne peut pas stocker à l’infini pour tous les risques qui se présentent devant nous. Il y a des risques relativement faibles et une pandémie de ce type-là, c’est un risque relativement faible. On ne peut pas stocker à l’infini des choses en fonction, en prévision de dangers dont la probabilité de se réaliser est extrêmement faible.

Moi, j’ai passé des années à travailler dans les banques, à travailler sur les questions de risque, sur des questions d’assurance aussi. Il faut envisager les choses – et là, j’insiste souvent – à l’échelle où les problèmes se posent. Ça, c’est compliqué parce que notre intuition a une tendance à tout confondre : les petits évènements avec les gros, en fonction simplement de l’émotion que ça suscite chez nous. Chaque pays révèle ses fragilités, ses faiblesses et sa force aussi, d’une certaine manière, et dans des situations comme celle-là, des situations où un fléau se manifeste, il est évident que ce sont les zones de fragilité qui vont apparaître au premier plan.

Un pays qui nous apparaissait extrêmement solide, les Etats-Unis, souffre en ce moment d’avoir à sa tête un président qui est un personnage absolument hors-norme. Là aussi, ça révèle quelque chose, le fait même qu’un personnage comme celui-là, même soutenu de l’étranger, arrive cependant, par un discours purement démagogique, un discours qui s’adresse aux plus démunis en leur disant : « Il y a des gens pires que vous et on va se débarrasser d’eux ! », qui mène en ce moment une politique qui est infléchie manifestement, d’une certaine manière, par le fait que ce sont les minorités noire et hispanique qui souffrent le plus dans son pays et qui en profite d’une certaine manière. M. Trump, vous n’avez pas encore noté la chose suivante : que les gens les plus favorisés dans votre pays, vous avez l’air de croire automatiquement que ce sont les blancs. Ce n’est pas vrai. Les gens les plus riches, les gens qui sont dans le plus grand confort en ce moment aux Etats-Unis sont des gens d’origine asiatique. Voilà, vous ne le savez peut-être pas encore mais voilà, c’est ça. Les plus riches aux Etats-Unis, ce n’est plus les blancs. Ce sont les gens qui viennent d’Extrême-Orient et d’Inde et qui se trouvent là, d’Asie de manière générale : je pense aussi aux Iraniens.

Ces gens-là sont l’élite [de votre pays] qui est en train de… elle ne prend pas le pouvoir parce qu’il n’y a pas de coordination [entre eux] mais qui, de fait, va apparaître dominante dans les années qui viennent. Alors, ne croyez pas automatiquement que ce sont les blancs. Il y a beaucoup de blancs qui font partie maintenant des délaissés aussi et qui souffrent au premier rang quand vous essayez d’atteindre, vous, de manière prioritaire, les Amérindiens qu’on appelle « Hispaniques » chez vous, parce qu’ils viennent en général… [ils ne sont]  pas les descendants des Amérindiens qui étaient dans votre pays parce que, ceux-là, vous les avez bien consciencieusement éliminés mais qui viennent d’Amérique centrale et la population qui souffre toujours de ce que j’appelle moi le fait qu’on n’ait jamais encore véritablement terminé la Guerre de sécession dans votre pays.

Alors, M. Trump, ça fait un moment que vous dites n’importe quoi mais maintenant, vous pétez absolument les plombs au point que les gens rigolaient, tout à fait atterrés d’avoir vu votre dernière conférence de presse où au lieu de répondre aux questions qu’on s’apprête à vous poser sur le coronavirus, vous avez présenté une longue vidéo de propagande sur vous : « Moi ceci ! Moi cela ! », etc. etc. essayant maladroitement de justifier le fait que vous vous êtes complètement planté sur cette histoire de pandémie.

La raison, je l’ai expliquée. Je n’ai pas encore vu d’autres gens qui faisaient cette analyse-là. C’est parce que vous faites une analyse religieuse en termes d’ « élus » et de « non-élus » et que ça vous permet de dire que si, dans l’état du Wyoming, il y a très peu de victimes, c’est parce que ce sont de braves gens et que, du coup, ils sont épargnés. Et du coup, vous voulez qu’on recommence à travailler dans le Wyoming puisque ce sont des « élus » et que jamais ils ne tomberont malades.

Vous ne comprenez pas ce que c’est qu’une pandémie : si, vous l'[interprétez] dans un cadre complètement mystique, « évangélique »là , de gens qui sont punis par Dieu et d’autres qui sont récompensés. Et, manifestement, vous considérez que vous faites partie de ceux qui seront récompensés.

Vous avez parlé une fois de vous-même en disant de vous, « l’Élu » avec une majuscule et en regardant le ciel, et il y a des gens qui ont hésité en se disant : « Il ne peut quand même pas être sérieux ? ». Je ne suis pas sûr que vous n’ayez pas été sérieux. Tout à l’heure, quand vous avez dû parler du fait que les gouverneurs des états américains se sont organisés maintenant entre eux puisque vous ne vous y intéressez pas au niveau fédéral alors que c’est vous qui avez là le pouvoir d’organiser quelque chose, comment ça s’organiserait entre eux et là, vous êtes laissé pour compte, comme vos copains, comme on raconte dans l’adolescence, qui vous tournaient le dos au bout d’un moment en disant : « Ce type-là, on ne peut rien en tirer » et qui rigolaient de vous en secret, par la suite.

Votre obsession qu’on rigole de vous parce qu’en fait, vous êtes ridicule et c’est uniquement parce que vous êtes un fou furieux que vous parvenez à contenir ça ! Alors, qu’est-ce que vous avez fait pendant cette conférence de presse ? Vous avez dit : « Non, non, ils n’ont pas le droit de décider des choses : c’est moi qui décide de ça ! ».

Vous avez dit : « J’ai tous les pouvoirs ». Et les reporters, les journalistes autour de vous se sont regardés, consternés : « Il croit vraiment qu’il a tous les pouvoirs ? ».

Oui, oui, vous avez dit ça et vous le croyez. Pourquoi ? Parce que, jusqu’ici, on n’a pas résisté, on n’a vraiment pas résisté. Vous n’arrêtez pas de tenir ce discours avec tous les gens d’extrême-droite comme vous, de « Deep State ». Il y aurait le « Deep State » qui voudrait vous descendre et là, j’ai toujours insisté au cours des années récentes, quand vous étiez président : la preuve qu’il n’y a pas de « Deep State », c’est que vous êtes toujours là ! S’il y avait un « Deep State »… comme je l’ai dit à plusieurs reprises, c’est dommage qu’il n’y ait pas un « Deep State » parce qu’on se serait débarrassé déjà du bonhomme.

Non, il n’y a pas de « Deep State » malheureusement. C’est pour ça que vous êtes toujours là. Ce n’est pas parce que vous l’éliminez. Vous êtes trop stupide pour arriver à faire des choses, je dirais, au véritable niveau. Non, vous vous êtes débarrassé de tous les gens autour de vous. Il n’y a plus que deux personnes à qui vous confiez maintenant l’ensemble des pouvoirs : c’est à votre beau-fils, à votre gendre, M. Jared Kushner, et à votre fille Ivanka. Ce ne sont pas des imbéciles mais ils n’ont pas la stature pour être les véritables chefs de l’Etat à votre place. Bon, alors voilà, ça, c’est pour les Etats-Unis.

Je ne vais pas parler de tous les pays : j’ai  parlé de ceux qui m’ont frappé ces jours-ci. Il faudrait encore dire un mot du Royaume-Uni. M. Boris Johnson est sorti de l’hôpital. J’espère qu’il va récupérer malgré que ce ne soit pas un personnage que j’encouragerais vraiment à continuer dans la voie où il était. Ce n’est pas lui qui exerce, de fait, maintenant, parce qu’il est quand même assez malade. Ce pays est tout à fait impréparé parce qu’il est parti d’abord dans la voie de l’immunité  de « herd Immunity ». On traduit ça parfois par « horde » parce que c’est la véritable origine du mot herd. C’est le même que pour « horde » en français mais herd, ça veut dire troupeau. C’est ça le mot herd en anglais contemporain. L’immunité collective, etc.. Vous n’avez pas fait les calculs qu’il faudrait quand même plusieurs années pour qu’il y ait un nombre considérable de morts mais que la population soit immunisée.

Il semble malheureusement que ce virus qui provoque beaucoup de surinfections ne soit pas aussi facile à maitriser même par cette stratégie qui demanderait quand même beaucoup de décès pour être mise en place. Du coup, dans les jours qui viennent, on va voir apparaître le Royaume-Uni parmi les plus grandes victimes, par impréparation, par hésitation entre différents types de stratégie. Ça ne va pas être beau à voir non plus.

Les Etats-Unis s’en tirent pour le moment . Il y a énormément de cas puisqu’il y a plus d’un demi-million de cas [24/04 : 903k] mais il y a relativement peu de morts parce qu’on est bien équipé quand même aux Etats-Unis pour empêcher qu’il y ait un nombre trop grand de décès mais ça continue et ça ne va pas être beau quand même, et en particulier quand ça arrivera dans ces états délaissés où il n’y a que des gens peu cultivés qui ont tendance à être des Évangéliques ou des choses comme ça, qui croient effectivement que s’ils ont été gentils, ils vont être épargnés et là, ça va faire du dégât. Il n’y a pas énormément de monde mais il n’y a pas beaucoup d’hôpitaux surtout. Avec une population où, parfois, le gouverneur dit – comme dans le Dakota du Sud : « Je ne veux pas faire d’atteintes aux libertés individuelles donc vous allez à l’église, vous faites ce que vous voulez, etc. », ça va être joli quand ça va se répandre dans ces coins-là.

Voilà, un petit point de la situation. Je vais mettre ça au départ pour les abonnés. Ce sont ceux qui s’intéressent vraiment à ce que je pense des Etats-Unis qui vont être intéressés en priorité par ce que je dis là mais je vous reviens dès que l’actualité le justifie.

A bientôt !

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  1.  » mais de l’emboiter dans la sociologie  » Ouais on peut faire comme ça si vous voulez mais qu’est ce…

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