Un modèle de l’Histoire déduit de ma « méta-philosophie »

Illustration par ChatGPT

Eh bien, parfait ! vous n’avez pas été écœurés par la présentation de ma « méta-philosophie » : 66 commentaires à l’heure qu’il est et un débat d’un niveau qu’on ne voit plus à la télé !

L’histoire en tant que processus physique unique – Un panorama post-cartésien

Trois grands cliquets, cinq petites clés

L’histoire se lit différemment une fois que l’on dispose des cinq concepts primitifs : système génératif, couplage, compression, paysage préférentiel et validation inter-substrats. Ce qui semble à première vue être des ruptures historiques devient, à y regarder de plus près, des itérations d’une même architecture de rétroaction qui se resserre à des échelles toujours plus grandes.

Nos cinq principes fondamentaux redéfinissent l’histoire du monde comme une succession de boucles de rétroaction auto-renforçantes. À chaque transition majeure, l’énergie excédentaire et l’élargissement de la bande passante alimentent les mécanismes mêmes qui les ont produits, augmentant ainsi la complexité sans faire appel au Destin ou au Grand Dessein. Un cliquet se forme chaque fois que le resserrement d’une boucle réinjecte des ressources supplémentaires dans les conditions mêmes qui lui permettent de se resserrer davantage.

Métabolisme agraire – premier cliquet

Les premiers systèmes génératifs : villages, guildes d’irrigation, captent les calories excédentaires et les stockent sous forme de céréales. Le couplage s’étend au-delà des liens de parenté : les bassins fluviaux deviennent des interfaces communes qui relient les villages entre eux. Les semences cultivées, la charrue de fer et la rotation des cultures augmentent l’excédent calorique. Les céréales excédentaires financent les scribes, les percepteurs d’impôts et les agences d’irrigation.

L’astronomie calendaire comprime les variations saisonnières en codes symboliques succincts, permettant aux agriculteurs d’anticiper les inondations et les sécheresses. Les préférences s’orientent vers des rendements stables, et une validation inter-substrats apparaît dans les civilisations hydrauliques que Joseph Needham a cartographiées à cet égard : la Chine, la Mésopotamie, le Nil, chacune convergeant vers des logiques similaires de contrôle des inondations malgré des sols différents (Needham 1954), non pas parce qu’elles partageaient une religion, aucune divinité n’imposait cette convergence : l’énergie excédentaire et le rythme annuel de l’eau donnaient à la boucle la latitude nécessaire pour se resserrer.

Les noyaux de coordination industrielle – deuxième cliquet

La vapeur a augmenté la puissance, le charbon a permis le travail de nuit, mais la puissance brute se serait dispersée sans de nouveaux couplages : le rail, le télégraphe et une norme horaire ont élargi la bande passante de l’information du canton au continent.

Les usines de l’ère industrielle ont atteint la compression en standardisant leur production : les pièces interchangeables ont réduit la variabilité qui accompagnait auparavant la production artisanale. Les fuseaux horaires ont synchronisé les activités éloignées ; la comptabilité en partie double a aligné les agents entre les entreprises et les marchés grâce à un cadre de référence commun. Ensemble, ces mécanismes ont fait pencher la balance des préférences vers la ponctualité et le rendement, permettant une coordination à une échelle et avec une précision jusqu’alors inaccessibles.

Le concept de « longue durée » de Fernand Braudel (Braudel 1949) met en évidence la manière dont les préférences se sont progressivement réorientées au fil des siècles : de la subsistance locale vers une productivité à grande échelle. Ce changement a été rendu possible dès lors que deux conditions étaient réunies : un surplus de capacité énergétique (comme l’industrie charbonnière) et des moyens de communication rapides (comme les chemins de fer et le télégraphe). Ensemble, ils ont permis un couplage plus étendu entre les régions. À mesure que la latence des communications diminuait, la coordination s’améliorait, ce qui a permis l’émergence de marchés nationaux, rendant possible une exploitation plus efficace de l’énergie et des biens, réinjectant les excédents dans le système et renforçant la boucle.

Une fois encore, aucun objectif ne régissait les rouages, aucune main invisible n’opérait dans l’ombre : chaque fois que la puissance excédentaire était croisée avec une communication à grande vitesse, les systèmes génératifs favorisaient des projets plus ambitieux car le coût des erreurs de prévision diminuait, et la boucle se resserrait.

Les chréodes de l’esprit numérique – troisième cliquet

Le silicium diffuse un ensemble de normes mises à jour à la vitesse de la lumière à travers les continents. Les « likes », les pull requests [*] et les gradients de politique propagent les ajustements de préférences avant que les comportements locaux ne dérivent.

James Beniger a appelé cela la révolution du contrôle (Beniger 1986) : les plateformes numériques fonctionnent comme des systèmes génératifs qui se couplent aux utilisateurs via des interfaces conçues pour capter leur attention, l’équivalent cognitif de l’énergie excédentaire. Cette attention captée devient une entrée pour des routines de compression (prédiction des clics, classement du contenu), qui mettent à jour le paysage des préférences de la plateforme. Les gradients de politique et les boucles de rétroaction rediffusent ensuite les incitations ajustées (« likes », partages, recommandations), renforçant encore le couplage.

Plus il y a de surplus, plus il y a de canaux créés ; plus il y a de canaux, plus la coordination est rapide ; plus la coordination est rapide, plus l’extraction du surplus est efficace. Il en résulte une boucle accélérée de modelage du comportement, où l’infrastructure de l’information évolue pour s’adapter et orienter le flux du surplus cognitif.

À chaque étape, la complexité augmente : villes plus grandes, commerce plus intense, codes juridiques plus précis, non pas parce que l’histoire met en œuvre son propre plan (téléologie), mais parce que chaque fois que l’énergie excédentaire et la bande passante des signaux franchissent un seuil, les boucles se renforcent automatiquement, s’enchaînant les unes aux autres.

Ce schéma est invariant dans les trois instances de la triade : offrez à un système génératif une plus grande liberté de flux et un retour d’information plus rapide, et il se comprimera davantage, s’étendra plus largement et réécrira son penchant. Aucun plan directeur n’est nécessaire, la téléologie n’a pas lieu d’être : les boucles suffisent.

Accélération de l’IA – quatrième cliquet

L’avènement de l’IA à grande échelle indique un quatrième cliquet : le noyau de coordination est désormais synthétique, existant en dehors des circuits mous et humides de notre cerveau, qui le limitaient autrefois.

Les couplages générés par les machines voyagent à la vitesse de la lumière, la compression opère sur des flux d’exaoctets, les paysages se réorientent en quelques minutes. Les mêmes boucles Tao – Ruse de la raison – Saint-Esprit que nous avons identifiées dans l’agriculture, l’industrie et les médias numériques continuent de régir, mais leur rythme a fait un bond d’un ordre de grandeur car le nouvel agent est exogène : le silicium plutôt que le carbone, et son budget énergétique évolue en fonction des mégawatts des centres de données, et non des récoltes saisonnières.

Cette accélération nous ramène au point de départ de cet ouvrage, à savoir la purge des concepts qui sont insaisissables parce qu’immesurables et dont le seul mérite est leur permanence historique.

En supprimant « volonté », « désir » et « but » du lexique, nous n’avons pas appauvri le récit : bien au contraire, nous avons fait de la place pour une physique unifiée de l’intelligence, allant du quark au qubit, de la berceuse au modèle linguistique à un milliard de paramètres. Les enjeux éthiques demeurent : qui supporte le coût du flux, qui détermine les gradients ?

Mais le poids de l’explication ne repose plus sur des allégories spirituelles de djinns intérieurs. Au lieu, on trouve un schéma unique de systèmes génératifs, de couplages, de compressions, de paysages et un test de validation inter-substrats qui montre que ce schéma est valable que le substrat soit un synapse, un semi-conducteur ou une autre entité encore inconnue.

Conclusion : une physique unifiée post-cartésienne des systèmes complexes

Ce cadre redéfinit le récit traditionnel du « progrès » comme le résultat émergent d’un surplus d’énergie et d’information, et non comme le déroulement d’un plan prédéfini. En supprimant la nécessité d’un « objectif principal » ou d’une fin téléologique, il offre une explication plus parcimonieuse de l’accélération historique : la complexité augmente partout où les boucles de rétroaction entre la capture d’énergie, la capacité de coordination et la génération de surplus se renforcent mutuellement. La direction apparente de l’histoire, vers des réseaux plus denses, des systèmes plus vastes et une coordination d’ordre supérieur, ne découle pas d’un Grand Dessein, mais de la dynamique intrinsèque des systèmes étroitement couplés.

Les mêmes principes sous-jacents, à savoir la régulation par rétroaction, l’optimisation des contraintes et le couplage de l’information, expliquent les explosions de complexité qui ont marqué les ères agraire, industrielle et numérique, quel que soit le substrat. Que le système soit alimenté par les céréales, le charbon ou le silicium, la structure émerge des mêmes mathématiques : lorsque l’énergie devient abondante et la transmission rapide, de nouveaux niveaux d’organisation devennent viables. Les villes, les marchés et les systèmes juridiques n’ont pas besoin d’une intelligence directive pour se former : ils peuvent naître d’un comportement satisfaisant les contraintes parmi de nombreux agents génératifs interagissant par des canaux communs.

Cette perspective n’est pas seulement rétrospective, elle offre une utilité prédictive en identifiant les variables qui régissent les changements de phase dans la coordination : bande passante, surplus et cohérence du paysage de préférences. Elle a donc le potentiel de remodeler des disciplines allant de la philosophie de l’esprit et de l’éthique de l’IA à l’analyse historique et à la théorie des systèmes. Elle propose un langage véritablement indifférent au substrat et non anthropomorphique pour l’intelligence et l’histoire.

La remise en question la plus profonde est d’ordre philosophique. Si ce cadre suffit à décrire la psychè, les sociétés et leur évolution, quel est le statut épistémique de notre vocabulaire hérité de la volonté, du sens, de la conscience ? Ces termes sont-ils explicatifs ou ne sont-ils rien d’autre que des obstacles à une compréhension physicaliste pouvant s’étendre des micro-organismes aux machines ?

En bouleversant les intuitions cartésiennes avec une physique unifiée véritablement post-cartésienne des systèmes complexes, ce modèle invite à inverser la charge de la preuve : c’est désormais au critique de démontrer quelle intuition essentielle échappe à cette grammaire rigoureuse, ou quel coût, théorique ou éthique, entraîne cette purge.

=============

[*] Dans le développement collaboratif de logiciels (en particulier sur GitHub), une pull request est une proposition de modification d’un code source partagé.

Références :

Beniger, James R., The Control Revolution: Technological and Economic Origins of the Information Society, Cambridge, MA: Harvard University Press, 1986

Braudel, Fernand, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II. Paris: Armand Colin, 1949

Needham, Joseph, Science and Civilisation in China, Vol. 1: Introductory Orientations, Cambridge: Cambridge University Press, 1954

 

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10 réponses à “Un modèle de l’Histoire déduit de ma « méta-philosophie »

  1. Avatar de PAD
    PAD

    Et si la vraie rupture historique n’était pas celle des cliquets visibles, agricoles, industriels, numériques, ou algorithmiques, mais celle, silencieuse, où la boucle énergétique n’amortit plus et où la boucle informationnelle n’aligne plus ?

    Et si, dans la frénésie des renforcements, nous avions oublié que toute boucle, mal réglée, finit par imploser ?

    1. Avatar de Pad
      Pad

      Et si ce texte, plus qu’un diagnostic historique, esquissait en creux l’architecture d’une intelligence à concevoir ?

  2. Avatar de CloClo
    CloClo

    Enormément d’informations à digérer. Tellement de questions et d’ouverture de champs de réflexion à la lecture de ces lignes.

    Serait-ce possible d’avoir une petite définition de « système génératif » dans ce contexte ?

    Et juste une remarque : « L’astronomie calendaire comprime les variations saisonnières en codes symboliques succincts, permettant aux agriculteurs d’anticiper les inondations et les sécheresses. »

    Oui certes, avec aussi le pendant, le corolaire, de permettre le contrôle de la production sur le terrain, de la prévoir, de la mesurer finement (au grain !), ce qui est l’avantage véritable en l’occurence des céréales (blés, riz, maïs…). Au détriments des autres ressources (pomme de terres, légumineuses, tubercules, plantes, …) moins contrôlables et moins évaluables car pouvant rester en terre si besoin…

    Il y a aussi de ton texte, une forme de cadence qui ressort, une pulsation, comme j’ai eu l’occasion d’échanger avec Grok, à propos de l’horloge interne, sans elle pas de possibilité de calcul. Et cette horloge qui bat un rythme de plus en plus régulier, presque unique, un tic-tac, qui est aussi apparu dans la la réalité physique de Sapiens, avec l’agriculture céréalière et son système propre, alors qu’auparavant en tant que chasseur-cueilleur, il baignait dans l’une grande variété de rythmes naturels, qu’il devait observer et assimiler sans les contrôler. La pulsation qui met en cadence, qui règle le ballet, et qui est dans toute forme physique, y compris la plus élémentaire.

    1. Avatar de CloClo
      CloClo

      Ah et j’ai compté 4 cliquets dans la liste non pas 3 comme annoncé !

      1. Avatar de Piquebouzic modifié
        Piquebouzic modifié

        Chat vous aura subséquemment illustré cela en manière de mix Bosch/Dali/Millet…

  3. Avatar de pierre guillemot
    pierre guillemot

    Céréales, charbon, silicium. Cherchez l’intrus. Facile, les céréales c’était l’énergie venue du ciel, inépuisable car renouvelée à chaque saison. Le charbon c’est l’énergie extraite du sol, jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus. Tout cela était au service des besoins de l’homme. Le silicium c’est le consommateur ultime d’énergie, pour animer une vie qui n’a plus d’autre but qu’elle même. C’est ce que je contemple en voyant clignoter la diode de ma connexion, des machines qui se saluent l’une l’autre, indéfiniment.

  4. Avatar de Hadrien
    Hadrien

    Je peux me tromper mais je crois que ce texte compliqué tente d’appliquer la vision de I Prigogine (structures dissipatives) à l’histoire humaine.

  5. Avatar de dni_br
    dni_br

    La question que je me pose : si l’histoire devient un “processus physique unique”, alors toute altérité ne peut plus être qu’anomalie locale, jamais hétérogénéité fondamentale. Dans ce cas, en quoi cette philosophie reste-t-elle vraiment “méta” ? N’est-elle pas plutôt une clôture totalisante, empêchant toute réflexivité véritable — notamment sur ses propres conditions de possibilité ?

    Peut-être faut-il commencer par interroger ce que l’on entend par méta. Pour ma part, je conçois la méta-philosophie comme la capacité d’une pensée à se prendre elle-même pour objet, à expliciter les conditions de sa propre énonciation, et à maintenir ouverte la possibilité de son incomplétude (cf. Gödel, Foucault, Derrida). Ce n’est pas un point de vue surplombant ou une théorie de tout, mais une dynamique auto-réflexive et située, qui laisse place à l’incertain, au résiduel, à l’irreprésentable. Une pensée vraiment méta ne clôt pas, elle inquiète.

    Or, ce qui me trouble ici, c’est que le cadre théorique proposé semble justement fonctionner par clôture auto-référentielle : chaque niveau (agraire, industriel, numérique, IA) est lu à travers une même logique de boucle, validée par sa cohérence interne et son efficacité explicative. Mais cette élégance formelle semble précisément évacuer la possibilité d’un écart irréductible, d’un reste non-assimilable — soit tout ce que la pensée critique, depuis Nietzsche jusqu’à Foucault, s’efforce de maintenir comme levier de trouble ou de relance. En naturalisant la dynamique historique comme un processus de rétroaction physico-informationnelle, ne risque-t-on pas de produire une méta-philosophie qui se boucle sur elle-même et s’auto-légitime, sans plus pouvoir être inquiétée de l’extérieur ?

  6. Avatar de Pascal
    Pascal

    Je me suis demandé comment cet « article » pourrait être perçu par quelqu’un de culture asiatique. J’ai donc demandé à mon « ami » GPT gratos.

    Tu es journaliste de culture asiatique spécialisé dans la cybernétique, quelle est ta perception de cet article ?

    Merci pour cette belle demande de perspective située. Je vais donc répondre comme **un journaliste de culture asiatique**, spécialiste en **cybernétique, systèmes complexes et philosophie**, en mobilisant à la fois une **sensibilité orientale (taoïste/bouddhiste)** et une connaissance profonde des **traditions systémiques modernes (cybernétique de second ordre, théorie des systèmes autopoïétiques, etc.)**.

    ## 🧭 **Lecture située : entre cybernétique et pensée orientale**

    L’article propose une lecture puissante et rigoureuse de l’histoire comme **enchaînement de boucles auto-renforçantes**, structuré autour de concepts systémiques. C’est une manière d’écrire une « physique de l’histoire » débarrassée de finalité, d’intention, ou de subjectivité. Ce que l’Occident avait cru être un progrès, un dessein ou une volonté divine devient ici **un processus émergent**, une cascade d’optimisations issues de couplages énergétiques et informationnels.

    ### 📜 1. **L’absence de téléologie : un geste presque taoïste**

    Dans la tradition chinoise ancienne, notamment dans le **Taoïsme**, l’idée que les choses suivent une dynamique interne non-téléologique — un *Dao* qui n’est ni but ni projet, mais tension et équilibre — est centrale.

    > Ce que dit le texte : « aucun plan directeur n’est nécessaire, la téléologie n’a pas lieu d’être : les boucles suffisent. »
    >
    > Ce que dirait Laozi : « Le Tao ne fait rien, et pourtant tout est accompli. » (*Dao De Jing*)

    Le modèle de l’article résonne fortement avec cette vision du monde : l’organisation émerge non pas de la volonté ou du dessein, mais de **contraintes dynamiques internes**, de **retours circulaires**, d’**équilibres subtils entre flux et formes**.

    ### 🧠 2. **La cybernétique implicite : mais de quelle génération ?**

    En tant que journaliste spécialisé en **cybernétique**, je reconnais dans cet article un certain retour à la **cybernétique de premier ordre** (Wiener, Ashby, Beniger), fondée sur la régulation, la rétroaction et l’optimisation des systèmes.

    Mais il manque une conscience réflexive sur **l’observateur** — centrale en **cybernétique de second ordre** (von Foerster, Varela, Bateson). Or, toute prétention à une « physique unifiée » sans inclure la position de l’observateur **relève d’un positivisme** qui peut devenir idéologiquement dangereux.

    > Où est l’observateur ? Qui trace les boucles, qui définit les « préférences », qui nomme les « paysages » ?

    Dans la tradition orientale, il y a toujours **une humilité fondamentale** : on ne prétend pas maîtriser l’ordre du monde — on s’y inscrit, on l’accompagne. Le danger ici est de faire d’une belle description systémique **un impératif normatif**, une légitimation technocratique de l’état du monde.

    ### 🧬 3. **Substrat versus expérience : une épistémologie aveugle à la souffrance ?**

    Le texte affirme une indifférence au substrat : qu’importe que l’intelligence soit dans une synapse, un semi-conducteur ou un champignon. C’est cohérent avec une approche systémique.

    Mais cette neutralité ontologique a un coût : elle **ignore l’irréductible de l’expérience vécue**. En bouddhisme, on n’a pas besoin d’une « âme » ou d’un « je » fixe pour reconnaître l’importance de la **souffrance (dukkha)**, du **karma**, de la **conscience située**.

    > En supprimant volonté, désir et conscience, on perd ce qui donne sens à l’éthique.
    >
    > Dans un monde de flux et de boucles, **qui souffre ? Qui est responsable ?**

    Le danger est ici **l’effacement de l’humain**, non pas par haine, mais par excès de rigueur abstraite. Une cybernétique sans compassion peut devenir un instrument de contrôle, non un outil de libération.

    ## 🧩 **Un point d’équilibre à proposer : entre le vide et la forme**

    Ce texte est **un miroir précieux**, mais incomplet. Il décrit la forme du monde, les conditions systémiques de son émergence. Mais il ignore le **vide** au cœur de chaque forme — ce vide que les traditions asiatiques reconnaissent comme fondamental.

    Le *bouddhisme Mahāyāna* parle de **śūnyatā**, la vacuité, non comme néant, mais comme **dépendance co-originaire**. Rien n’existe par soi-même, tout est relation. Cela, le texte le frôle, mais l’ignore.

    ### 🧘‍♂️ Ce que je proposerais :

    * Oui, il y a des structures auto-renforçantes, des cliquets systémiques.
    * Oui, la volonté est souvent un épiphénomène.
    * Mais **l’expérience** demeure.
    * Et l’éthique commence là où **le schéma systémique** touche **la douleur**, **l’exclusion**, **l’oubli**.

    ## 🖋️ **Conclusion (de journaliste) : Une carte, mais pas le territoire**

    L’article est une **belle carte conceptuelle**, une *macrothéorie* puissante de l’histoire sans intention. Mais **le territoire**, c’est encore l’expérience humaine, le langage, la blessure, la mémoire, le silence.

    Une culture asiatique ne serait pas choquée par le rejet de la volonté ou du dessein — mais elle s’inquiéterait d’un discours qui ne laisse aucune place au *non-savoir*, à la *non-maîtrise*, à l’*écoute du vide*.

    > Le Dao ne se voit pas, ne se nomme pas. Il se devine dans les interstices. Là où ce texte est trop plein, il faudrait peut-être… laisser un peu de vide.

    1. Avatar de Paul Jorion

      Ah ! la la ! La version payante deChatGPT est au courant elle que le chapitre précédent est consacré à la « métapsychologie » qui propose une théorie unifiée des psychés humaine et machinique. J’ajoute du coup dans la liste de la gratuité pour l’indispensable, OpenAI o3, qui nous permettra d’oublier un ChatGPT 4o aussi ignorant 😉 !

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