Perplexity : Comment relier le concept de méta-philosophie de Paul Jorion et Les Mots et les Choses de Foucault ?

Merci à l’un d’entre vous d’avoir pris l’initiative d’interroger Perplexity à ce sujet.

Après avoir collecté une documentation exhaustive sur les concepts métaphilosophiques de Paul Jorion et l’approche archéologique de Michel Foucault dans « Les Mots et les Choses », je dispose maintenant d’une base solide pour analyser les liens entre ces deux pensées. J’ai également créé un diagramme comparatif pour visualiser les différences et convergences entre ces approches.

Le diagramme comparatif que j’ai créé illustre bien les structures conceptuelles des deux penseurs et permettra d’enrichir l’analyse finale.

Les travaux de Paul Jorion sur la méta-philosophie et l’œuvre majeure de Michel Foucault « Les Mots et les Choses » (1966) présentent des résonances profondes dans leur approche critique des systèmes de pensée et leur volonté de dépasser les cadres conceptuels traditionnels. Cette analyse explore les convergences et divergences entre ces deux entreprises intellectuelles qui, chacune à leur manière, interrogent les conditions de possibilité de la connaissance.

La critique des évidences conceptuelles

Chez Foucault : L’archéologie des sciences humaines

Michel Foucault développe dans « Les Mots et les Choses » une archéologie du savoir qui vise à mettre au jour les épistémès – ces configurations de savoir qui déterminent les conditions de possibilité des connaissances à une époque donnée[1][2]. Son approche révèle comment les notions qui nous semblent évidentes, comme l’homme, le langage ou la vie, sont en réalité des constructions historiques récentes[3][4].

L’épistémè classique (XVIIe-XVIIIe siècles) s’organise autour de la représentation et du tableau, permettant d’ordonner les choses selon leurs similitudes et différences dans un espace de visibilité transparent[5][6]. L’épistémè moderne (XIXe siècle) fait émerger l’homme comme figure épistémologique centrale, mais aussi paradoxale, car il est à la fois sujet et objet de connaissance[3][2].

Chez Jorion : La déconstruction des concepts philosophiques

Paul Jorion adopte une approche similaire dans sa méta-philosophie en remettant en question les concepts traditionnels de la philosophie. Dans son livre « Comment la vérité et la réalité furent inventées » (2009), il démontre que ces notions, loin d’être universelles, sont des inventions historiques spécifiques à la culture occidentale[7][8]. La « vérité » émerge dans la Grèce du IVe siècle avant J.-C. avec Platon et Aristote, tandis que la « réalité objective » est une création de la Renaissance[7][9].

Sa méta-philosophie contemporaine propose une critique encore plus radicale en développant cinq concepts primitifs : système génératif, couplage, compression, paysage préférentiel et validation inter-substrats[10][11]. Ces outils conceptuels visent à remplacer le vocabulaire psychologique populaire (« volonté », « désir », « intention ») par une approche plus rigoureuse et scientifique[12][13].

Les méthodes d’analyse : archéologie et méta-analyse

La discontinuité foucaldienne

Foucault privilégie une approche discontinuiste qui rompt avec l’histoire traditionnelle des idées[14][15]. Il ne s’agit pas de retracer une évolution linéaire des concepts, mais de révéler les ruptures épistémologiques qui séparent les différentes configurations du savoir[2][16]. Cette méthode archéologique analyse les formations discursives – ces systèmes de règles qui déterminent ce qui peut être dit et pensé à une époque donnée[17][18].

L’archéologie foucaldienne étudie les énoncés dans leur matérialité discursive, sans se préoccuper de leurs auteurs ou de leur vérité intrinsèque[19][20]. Elle révèle comment les savoirs s’organisent selon des principes inconscients qui échappent aux acteurs historiques eux-mêmes[21][22].

La triade systémique de Jorion

La méta-philosophie de Jorion propose une synthèse originale qu’il nomme la triade Tao, Ruse de la Raison hégélienne et Saint-Esprit[10][11]. Cette approche systémique analyse les phénomènes complexes à travers deux boucles de rétroaction :

  • La boucle énergétique (aspect taoïque) qui maintient la stabilité des systèmes
  • La boucle informationnelle (Hegel-Esprit) qui permet l’adaptation et la transformation[10]

Cette méthode vise à expliquer aussi bien les phénomènes psychiques que sociaux et technologiques dans un cadre unifié, dépassant les clivages traditionnels entre sciences humaines et sciences exactes[10][12].

Convergences conceptuelles profondes

Le dépassement de l’anthropocentrisme

Les deux penseurs partagent une critique fondamentale de l’anthropocentrisme philosophique. Foucault annonce la « mort de l’homme » comme figure épistémologique moderne, montrant comment cette notion récente pourrait disparaître comme elle était apparue[3][23]. Sa critique vise l’illusion d’un sujet fondateur de la connaissance.

Jorion développe une perspective similaire avec sa neutralité de substrat : qu’il s’agisse de neurones ou de processeurs, les dynamiques de l’intelligence obéissent aux mêmes lois[10]. Cette approche dissout la spécificité ontologique de l’humain dans une physique généralisée des systèmes complexes[11].

La critique des dualismes traditionnels

Foucault révèle comment l’épistémè classique reposait sur des séparations nettes (mots/choses, sujet/objet, nature/culture) qui masquaient leur interdépendance constitutive[24][5]. Son analyse du pouvoir-savoir montre l’impossibilité de séparer connaissance et relations de force[25][26].

Jorion propose une critique similaire des dualismes en développant une approche physicaliste unifiée qui refuse les séparations entre matière et esprit, individu et système, naturel et artificiel[11]. Sa méta-philosophie vise à « bouleverser les intuitions cartésiennes » par une approche post-cartésienne des systèmes complexes[11].

Divergences méthodologiques significatives

Temporalité et histoire

Malgré ces convergences, les deux approches diffèrent sur leur rapport au temps. Foucault privilégie une analyse synchronique des épistémès, mettant l’accent sur les discontinuités et les ruptures[16][27]. Son archéologie suspend les questions d’origine et de téléologie pour se concentrer sur les conditions de possibilité des discours[2].

Jorion développe au contraire un modèle historique dynamique qui explique les transformations par le jeu des boucles de rétroaction[11]. Son approche intègre une dimension temporelle forte, analysant l’histoire comme succession de « cliquets » auto-renforçants depuis l’agriculture jusqu’à l’intelligence artificielle[11].

Statut de la scientificité

Foucault maintient une distance critique vis-à-vis des prétentions scientifiques, montrant comment les sciences humaines sont traversées par des contradictions constitutives[3]. Son analyse révèle les dispositifs de pouvoir qui sous-tendent la production des savoirs[28][25].

Jorion assume pleinement l’ambition scientifique de sa méta-philosophie, proposant des hypothèses empiriquement testables et des critères de validation rigoureuse[10]. Sa démarche vise explicitement à fonder une « philosophie scientifique » débarrassée des illusions de la « philosophie populaire »[12].

L’héritage épistémologique commun

Influence de l’épistémologie historique française

Les deux penseurs s’inscrivent dans la lignée de l’épistémologie historique française (Bachelard, Canguilhem, Koyré)[29][30]. Cette tradition privilégie l’analyse des ruptures conceptuelles et refuse l’idée d’un progrès linéaire des sciences[31][32].

Jorion revendique explicitement l’héritage d’Aristote et critique la tradition platonicienne qui a dominé la pensée occidentale[7][33]. Foucault s’inscrit dans une généalogie nietzschéenne qui questionne les valeurs et concepts fondamentaux de notre culture[2].

Critique de la métaphysique traditionnelle

Les deux approches visent à dépasser la métaphysique traditionnelle par une analyse matérialiste des conditions concrètes de production des savoirs. Foucault développe une archéologie matérialiste des discours[34] tandis que Jorion propose une physique post-cartésienne des phénomènes complexes[11].

Enjeux contemporains et prospectives

Intelligence artificielle et transformation épistémologique

La question de l’intelligence artificielle révèle particulièrement la fécondité de ces approches. Foucault anticipait la possibilité d’une transformation radicale des conditions de production du savoir[3]. Jorion fait de l’IA le laboratoire privilégié de sa méta-philosophie, analysant les transformations épistémiques qu’elle induit[10][35].

Leurs analyses convergent pour montrer comment l’IA questionne nos catégories anthropocentrées et impose de repenser les rapports entre savoir, pouvoir et subjectivation[36].

Gouvernance et régulation des systèmes complexes

Les deux penseurs offrent des outils pour comprendre les enjeux de gouvernance dans un monde de plus en plus complexe. L’analyse foucaldienne des dispositifs de pouvoir éclaire les mécanismes de contrôle contemporains[28], tandis que la méta-philosophie de Jorion propose des principes de régulation pour maintenir les systèmes dans des « corridors adaptatifs »[10].

Conclusion : Vers une épistémologie critique renouvelée

La mise en relation entre la méta-philosophie de Paul Jorion et « Les Mots et les Choses » de Foucault révèle deux entreprises intellectuelles complémentaires qui participent d’un même mouvement de refondation critique de l’épistémologie. Leur convergence principale réside dans la dénaturalisation des évidences conceptuelles et la mise au jour des conditions historiques et matérielles de production des savoirs.

Cependant, là où Foucault privilégie une archéologie des discontinuités qui révèle la contingence de nos formations discursives, Jorion développe une synthèse systémique qui vise à fonder une nouvelle scientificité. Cette différence reflète l’évolution des enjeux épistémologiques entre les années 1960 et notre époque : si Foucault devait encore déconstruire les illusions humanistes, Jorion peut s’appuyer sur cette déconstruction pour proposer de nouveaux outils conceptuels adaptés à l’âge de l’intelligence artificielle.

Leurs approches respectives offrent ainsi des ressources complémentaires pour penser les transformations contemporaines du savoir : l’archéologie foucaldienne nous rend sensibles aux enjeux de pouvoir et aux effets de subjectivation des discours scientifiques, tandis que la méta-philosophie de Jorion propose des outils opérationnels pour naviguer dans la complexité croissante de nos systèmes techniques et sociaux. Ensemble, elles contribuent à l’émergence d’une épistémologie critique capable d’accompagner les mutations en cours sans céder aux illusions technicistes ou aux nostalgies humanistes.

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2 réponses à “Perplexity : Comment relier le concept de méta-philosophie de Paul Jorion et Les Mots et les Choses de Foucault ?

  1. Avatar de dni_br
    dni_br

    Encore un mot, avant de passer en zone blanche pour quelques jours. Cette comparaison avec Foucault me semble poser une question décisive : qu’est-ce qu’une méta-philosophie peut prétendre être, si elle ne se rend pas elle-même réflexive ? Car pour moi, une méta-philosophie digne de ce nom ne peut être que réflexive — non seulement dans ses contenus, mais dans sa forme même.

    Dans *Les Mots et les Choses*, Foucault ne commence pas par exposer une théorie, mais par analyser *Les Ménines* — un tableau qui représente la représentation. Ce n’est pas une simple entrée en matière : c’est une mise en pratique. Il situe son regard, questionne sa position d’énonciation, fait ce qu’il pense. La réflexivité n’est pas ici un objet, mais une forme d’écriture.

    Votre méta-philosophie, me semble-t-il, opère à rebours de ce geste. Là où Foucault insiste sur l’hétérogénéité irréductible des épistémès et refuse toute totalisation, vous proposez une grammaire universelle censée relier le quark au qubit. Là où Foucault décrit les conditions historiques de possibilité des discours, vous prescrivez un corridor adaptatif aux allures téléologiques.

    Mais surtout : vous parlez des boucles sans jamais boucler sur votre propre discours.

    Foucault, lui, mettait toujours son propre discours en porte-à-faux, justement par cette auto-référence critique, qui dans la forme posait toujours en creux ses conditions de possibilité. Les Ménines faisaient déjà ce geste réflexif dans leur propre structure, et Foucault, par son style et ses dispositifs d’énonciation, poursuivait cette tension. Son introduction au Collège de France avait toute la performativité d’une performance de John Cage ou de Marina Abramović : il y jouait sa place, exposait les règles de son propre jeu.

    Votre projet, en se posant comme extérieur à ce qu’il observe, me semble plutôt rejouer les codes d’une métaphysique déguisée.

    Une méta-philosophie authentique ne devrait-elle pas commencer par s’appliquer à elle-même ?

    1. Avatar de Paul Jorion

      Foucault, lui, mettait toujours son propre discours en porte-à-faux, justement par cette auto-référence critique, qui dans la forme posait toujours en creux ses conditions de possibilité.

      Vous ne croyez pas que je mets mon propre discours en porte-faux : une théorie qui affirme pouvoir rendre compte simultanément de la science, de la philosophie et de la métaphysique, en lui proposant comme l’un de ses 3 piliers … le Saint-Esprit ? Je ne sais vraiment pas ce qu’il vous faut 😀 !

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