Le protectionnisme

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Comme vous avez pu le voir, on me somme de me prononcer plus clairement sur le protectionnisme. Certains ont cessé de se satisfaire de mon laconique « je ne suis pas pour » et voudraient bien que j’en dise davantage. D’autant que pratiquement tous ceux qui défendent des positions proches des miennes, Gréau, Lordon, Todd, se prononcent pour une certaine forme de protectionnisme.

Mon manque d’enthousiasme pour le protectionnisme est de la même nature que mon manque d’enthousiasme pour la fiscalité progressive : ce sont des mesures correctrices post hoc. Comme on n’a pas pu empêcher qu’un problème sérieux se pose, on arrive après la bataille et on s’efforce alors de minimiser ses conséquences négatives. C’est, de manière très typique, ce que j’appellerais « traiter les problèmes en aval ».

Pourquoi est-ce que vous ne m’avez jamais vu émettre la moindre opinion sur la taxe Tobin ou sur toute taxe sur les opérations financières ? Parce ce qu’il s’agit là aussi d’une mesure en aval et que dans ce cas-ci, j’ai proposé une mesure « en amont », l’interdiction des paris sur les fluctuations de prix, qui règle les problèmes avant même qu’ils ne se posent : avec cette interdiction, les produits financiers qu’une taxe de type Tobin vise à décourager n’existent plus et ceux qui existent toujours sont bénéfiques et il n’y a aucune raison de les décourager, bien au contraire.

Oui, je sais, il y en aura toujours un pour dire « interdiction = Staline », j’ai lu ça ici parmi vos commentaires, et je suis sûr que quand Moïse est descendu du Mont tenant les tables d’airain, il y en a eu au moins un parmi la foule des adorateurs du Veau d’Or pour s’écrier : « Staline ! » ou l’équivalent de l’époque. Tout système moral contient des interdits et à ceux qui défendent l’idée que la finance, voire l’économie en général, sont « amorales » et n’ont que faire de la morale, j’ai déjà eu l’occasion de répondre que cette extraterritorialité par rapport à la morale n’a que beaucoup trop duré et que l’homo oeconomicus est un dangereux sociopathe qu’il convient de mettre hors d’état de nuire sans tarder.

Je ne sais pas quelle mesure en amont préviendrait les effets que le protectionnisme s’efforce de corriger après la bataille, et je demande au cerveau collectif de se pencher sur la question ; je le lui demande poliment : je ne le « somme » pas.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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194 réponses à “Le protectionnisme

  1. Avatar de Un chomeur
    Un chomeur

    Il faut protéger le travail contre les délocalisations, par Maurice Allais, prix Nobel d’économie
    16 janvier 2010

    « Tout libéraliser amène les pires désordres », constate le prix Nobel d’économie Maurice Allais, qui se définit comme « libéral et socialiste », préoccupé à la fois par « l’efficacité de la production » et de « l’équité de la redistribution des richesses ». Il est « fou d’avoir supprimé les protections douanières aux frontières », tonne-t-il, car le commerce international est un moyen et non une fin en soi : le « chômage résulte des délocalisations, elles-mêmes dues aux trop grandes différences de salaires… À partir de ce constat, ce qu’il faut entreprendre en devient tellement évident ! Il est indispensable de rétablir une légitime protection. » Déplorant la quasi unanimité en faveur de la mondialisation qui prévalait avant la crise, Maurice Allais dénonce « un pourrissement du débat et de l’intelligence, par le fait d’intérêts particuliers souvent liés à l’argent », et rappelle que malgré ses demandes répétées, les médias ont toujours refusé de donner la parole au seul Nobel d’économie français.

    La suite sur contreinfo

    http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2956

    Tout est dit sur la cause du chômage et les solutions à mette en place

    Un chômeur

  2. Avatar de Laurent S
    Laurent S

    Je partage les idées énoncé plus haut concernant le commerce mondial rendu possible par le pétrole bon marché. Que la compétition est déséquilibré à cause des externalités et des lois sociales, environnementales qui ne sont pas les mêmes pour tous. Que l’on nous fait croire que le protectionnisme est une xénophobie économique ou une lâche sénilité.

    Un pays est une communauté qui érige ses lois et en vertu du droit des peuples de disposer d’eux-mêmes, on doit pouvoir légiférer librement sur les entrées de marchandises issues d’autres pays et qui peuvent mettre en péril la cohésion de la communauté.

    Puisque le défi que nous lance Paul Jorion est de trouver une mesure en amont, sans aller jusqu’à fonder un nouveau régime, ou un homme nouveau, alors plutôt que de taxer des cargos et des camions de marchandises qui se pressent à nos frontières, érigeons des normes. Interdisons l’entrée sur le territoire de produits contenant des substances nocives, comme du DDT, du veau aux hormones, des déchets chimiques ou radioactifs, de la drogue, des produits fabriqués par des employés qui n’ont pas de protection sociale ou de droits syndicaux, de produits fabriqués par des processus très polluants et non recyclables, des produits qui ont des prises de courant américaines ou de dimensions exprimées en pouces.

    Mais il est vrai que l’OMC a une vision très multinationalo-centrée du protectionnisme et que les normes, les lois et mêmes les services publiques sont déjà considérés par celle-ci comme des entraves criminelles à l’enrichissement de l’extrême minorité des déjà richissimes.

    Je retourne donc la question à Paul Jorion. S’il considère le protectionnisme que comme des quotas ou des tarifs douaniers, alors effectivement le protectionnisme corrige les conséquences et ne prévient pas des causes. Mais une législation sanitaire, sociale, environnementale que l’on impose à nos partenaires commerciaux comme on se l’impose à nous-mêmes, est-ce encore une mesure d’aval et est-ce encore du protectionnisme ?

  3. Avatar de Marc Peltier
    Marc Peltier

    Bonjour à tous,

    Je persiste dans ma présentation du protectionnisme comme essentiellement le moyen de protéger de plus faibles que nous-mêmes, le bénéfice que nous avons à en tirer étant la préservation de la diversité humaine et la prévention de tensions migratoires destructrices des deux cotés de la migration.

    Je persiste aussi à ne pas comprendre en quoi le protectionnisme, vu ainsi, serait « en aval » d’un mécanisme économique plus profond, qu’il serait donc plus pertinent d’atteindre directement. Je ne vois pas lequel. Quand un mélange s’avère explosif ou toxique, il n’existe pas de mécanisme plus « en amont » que de séparer les composants…

    Tout à fait dans cet esprit, l’agronome Marc Dufumier argumente ici sur la protection nécessaire de l’agriculture des pays du Sud. On mesure à quel point ces préconisations sont radicalement inverses des efforts continus de l’OMC depuis des décades, et donc à quel point on fait fausse route depuis ce temps :

  4. Avatar de L'indépedant
    L’indépedant

    Le libre-échange intégral, par la concurrence étrangère et les délocalisations d’entreprises qu’il entraîne, détruit notre économie et nos emplois. Or il est évident qu’une économie forte est une économie diversifiée, donc qui se protège. Ce sont justement les pays qui ont une protection douanière réelle, réussissent le mieux au niveau économique. Le protectionnisme, c’est le réalisme, et il n’empêche nullement les échanges commerciaux.

  5. […] económico” para obligar a EADS a comprar Airbus en vez de Boeings), Lordon, Paul Jorion y otros, en su guerra particular contra el euro, el libre comercio y la iniciativa privada, […]

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