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Deutschlandfunk, dimanche 9 mai de 9h30 à 10h00 – Blog de Paul Jorion

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48 réponses à “Deutschlandfunk, dimanche 9 mai de 9h30 à 10h00”

  1. Avatar de Jaycib
    Jaycib

    Hélas! je n’y entends que le haut-allemand (comme disait Rabelais)…

    1. Avatar de louise
      louise

      itou

  2. Avatar de Jean-Luc Muller
    Jean-Luc Muller

    J’ai découvert le post à 10h. allumé la radio en vitesse pour écouter au moins la 2e partie.
    Surprise, c’était le culte évangélique. Vous rendrait-on déjà un culte en Allemagne, Paul ?

    1. Avatar de Germanicus
      Germanicus

      A chaque dimanche, le culte commence à 10 heures (Deutschlandfunk). Les émissions sont diffusées entre 9:30 et 10:00h

  3. Avatar de Johannes Finckh
    Johannes Finckh

    je vous le traduis en français, c’est excellent, à +

    1. Avatar de Paul Jorion

      Merci mille fois !

    2. Avatar de JIEL
      JIEL

      @ Paul
      C’est effectivement excellent !
      Merci de laisser le texte en allemand après traduction pour pouvoir le faire lire à des amis allemands.

  4. Avatar de Papyjo
    Papyjo

    Surement très intéressant. Mais… là… On parle de la barrière de la langue, c’est la ligne Siegfried.

    1. Avatar de Piotr
      Piotr

      « On ira pendr’ notre linge sur la ligne Siegfried
      Pour laver le linge, voici le moment
      On ira pendr’ notre linge sur la ligne Siegfried
      A nous le beau linge blanc.
      Les napp’s à fleurs et les ch’mis’s à Papa
      En famille on lavera tout ça
      On ira pendr’ notre linge sur la ligne Siegfried
      Si on la trouve encore là. « 

  5. Avatar de juan nessy
    juan nessy

    « Es ist eine Art Todeskampf.. » Voilà des accents très Wagnérien et dignes du crépuscule des dieux , qui devraient « parler » aux allemands qui votent aujourd’hui .

    Je préfère Heinriche Heine :

    « Wenn ich ein vöglein wäre , so flöge ich zum dir , mein liebchen… »

    C’est ce que j’avais retenu de mes années d’allemand 2 ème langue au lycée , pour baratiner les jeunes allemandes dans les dunes des Saintes Marie , il y a bien longtemps ; ça marchait pas mal . Je m’en souviens encore . Les moustiques aussi .

    Je crois avoir compris le principal qui a l’avantage de l’expression allemande . C’est carré .

    Mais je vais cependant attendre la traduction de Johannes Finckh pour vérifier si je n’ai pas fait trop de faux- et non- sens.

  6. Avatar de galapiat
    galapiat

    mes 5 ans d’allemand n’y suffisent pas ^^
    en attendant la traduction de Finckh merci

  7. Avatar de PAD
    PAD

    C’est apprécié outre-Rhein d’après mes premiers échos …

  8. Avatar de Lou
    Lou

    Bonjour monsieur Jorion,

    C’est une grande révision d’allemand d’écouter et de lire la traduction en même temps.

    Il faudra retenir que CDS se traduit « Kreditausfallversicherungen »,
    Kredit : crédit
    Ausfall : Échec
    Versicherungen : Assurance

    Peut-être entendrons-nous Madame Merkel en parler ?

    à écouter cet entretien, je me demande si dans un media français, on laisse autant de temps aux invités lors d’intervious , pour développer leur argumentation ?

    1. Avatar de arnaud
      arnaud

      Celà dépend,
      Quand on voit la bêtise insondable de la question de Olivier Duhamel lors du dernier passage de Paul sur France Culture, on pleure (où alors c’était de l’humour et j’avais pas le coeur à rire).

    2. Avatar de Etienne
      Etienne

      Bien sûr que non, question de culture sans doute, et surtout de grammaire (l’oeuf et la poule, quoi) le verbe en fin de phrase obligeant l’auditeur à écouterle locuteur jusqu’au bout. En français, une fois le verbe prononcé, on prépare déjà la contre attaque, et on n’écoute plus!

  9. Avatar de juan nessy
    juan nessy

    Selon un sondage « sortie des urnes  » , relayé par France 24 , Angela Merkel a perdu le land de Nordrhein-Westphalen , et donc sa majorité au budesrat .

  10. Avatar de Alain V
    Alain V

    Excellente synthèse, Paul.
    Merci!
    Voici le lien complet de l’enregistrement mp3 :
    http://ondemand-mp3.dradio.de/file/dradio/2010/05/09/dlf_20100509_0930_cd75f79e.mp3

  11. Avatar de fnur
    fnur

    Sehr gut.

    Je vais aussi le traduire avec ma prof d’allemand, Fr

  12. Avatar de fnur
    fnur

    Meine Deutsche Lehrerin a un doctorat d’allemand, ça devrait aider.

  13. Avatar de fnur
    fnur

    J’ai envoyé le texte à un pote de longue date qui travaille à la bourse de francfort dans le domaine de l’énergie, je vais voir sa réaction.

    1. Avatar de fleurbleue
      fleurbleue

      difficile de faire plus clair et plus court, tout y est!
      j’envoye ça à mes amis en Allemagne qui n’ont pas la chance de pouvoir lire vos livres ni votre blog. merci!!

  14. Avatar de Dr. Harald Wozniewski

    Sehr gut erkannt!

    Lesen Sie dazu einmal die Seiten über den modernen Feudalismus (= Meudalismus)
    http://www.meudalismus.dr-wo.de/index.htm !

  15. Avatar de Germanicus
    Germanicus

    Excellente performance de Paul Jorion. Cette radio – Deutschlandfunk à Cologne – produit et diffuse des émissions de très bonne qualité.

  16. Avatar de timiota
    timiota

    En attendant Finckh, le début …

    L’argent destructeur
    Leçon de l’hypercrise, 2eme partie : entretien avec le chroniqueur économique Paul Jorion.

    De Stefan Fuchs

    La crise qui sévit depuis l’automne 2008 semble culminer en une crise du capitalisme globalisé. Car la libéralisation sans frein du marché et l’extension de la division internationale du travail n’ont pas pu assurer les promesses de bien-être et de croissance géante.

    Dans la deuxième partie de la série d’interviews « Leçons de l’hypercrise », Stefan Fuchs s’entretient avec Paul Jorion sur le pouvoir destructeur de l’argent. Jorion est chroniqueur économique au quotidien français « Le Monde ». En tant qu’économiste structuraliste, il critique l’assimilation de l’argent et du crédit qui revient à un aveuglement idéologique. Ce qui fait que le capitalisme entame dans ce monde de crise sa danse macabre.

    Stefan Fuchs : M. Jorion, vous avez été parmi les premiers à avoir prédit la crise américaine des « subprimes ». Vous-mêmes avez travaillé aux USA dans le secteur du crédit et déjà en 2004 vous aviez prédit un dire crise de ce capitalisme financier étasunien. A l’œuvre dans l’hypercrise se trouve, suivant votre analyse, un mécanisme interne de l’économie globale telle qu’elle s’est développée dans le dernier tiers du 20eme siècle, qui a induit la concentration de l’argent dans un nombre de mains toujours plus petit. Comment décrivez vous ce mécanisme, qui a presque conduit à une stagnation des flux financiers, et qui a contribué à cette crise extrême, crise qui maintenant affecte l’économie réelle.
    Paul Jorion : Si on compare la crise de 1929, qui a commencé aux USA et est par la suite devenue une crise de l’économie mondiale, à la crise à laquelle nous avons à faire depuis 2007, il y a des similarités qui sautent aux yeux : la concentration de la richesse économique dans les mains d’une infime minorité. Derrière cela se tient un mécanisme économique très simple. Si l’argent ne se trouve pas là où l’on en a effectivement besoin, par exemple, dans une entreprise pour produire quelque chose, que ce soit dans un budget privé, pour se fournir en équipements, ou parce que les salaires ne suffisent pas au niveau de vue, parce que les salaires réels stagnent ou même s’enfoncent, on a recours au crédit pour se procurer cet argent. Mais pour le crédit, on doit verser des intérêts. Ces intérêts vont dans vers les détenteurs de capitaux. C’est une loi d’airain mais aussi une loi logique : la concentration de la richesse est un processus auto-amplificateur. Quand l’argent n’est pas partagé uniformément dans un système économique, cela forme encore plus d’inégalité au cours du temps. C’est précisément cela que nous vivons. L’argent manque pratiquement complètement là où on en a besoin, que ce soit dans la production industrielle ou dans la consommation privée. On doit toujours se le fournir à crédit. L’argent et son prix ont acquis aujourd’hui un rôle dominateur, et qui va s’accroissant. Le système financier a quasiment pris la place d’une divinité omniprésente, et prélève son profit sur chaque acte économique. Le résultat est tout bonnement que dans le prix de tous les produits et tous les services, une part croissante est dédiée aux intérêts.

    Stefan Fuchs : Si l’on prend cette baisse des salaires réels, que vous posez comme responsable du processus de concentration, qu’est-ce qui en est à son tour responsable ? Est-ce un rapport de force politique qui se tient en toile de fond, ou y a-t-il plutôt un mécanisme économique ? Qu’y a-t-il là derrière ?

    Paul Jorion : Dis le plus simplement, il y a dans notre société trois groupes. Ainsi l’a-t-on conçu aux 18e et 19e siècles. Il y a les entrepreneurs, qui ont une idée et qui veulent mettre en route quelque chose. S’ils y parviennent avec succès, ils peuvent laisser d’autres, qui vendent leur force de travail, travailler pour eux. Ce sont les travailleurs ou les employés dépendants. Et parce que le capital n’est pas toujours là où se trouve un entrepreneur, il doit s’en procurer par le crédit. Il y a encore le 3eme groupe, celui des détenteurs de capitaux. Quand le bénéfice tiré de la production [et de la vente ] est partagé, il est partagé entre ces trois groupes. Tout d’abord, les détenteurs de capitaux vont prélever les intérêts échus. Il y a un antagonisme naturel entre détenteur du capital et entrepreneur, un jeu de pouvoir, qui se joue via la hauteur des intérêts consentis. Quand l’économie carbure fort, l’entrepreneur est prêts à laisser davantage d’intérêt au capitaliste ou davantage de dividendes à l’actionnaire, moins quand elle va mal. Ce qui lui reste au final, il doit le partager avec ses travailleurs. Là aussi se déploie encore un antagonisme. L’entrepreneur n’est pas enclin à laisser davantage à ses travailleurs davantage que le strict nécessaire. Si ces derniers sont toutefois organisés dans des syndicats, ils peuvent faire jouer la concurrence entre employeurs et gagner en force dans le bras de fer.
    Depuis le milieu des années 1970, il y a toutefois un facteur qui au moins pour les gros entrepreneurs a complètement et fondamentalement bouleversé ce rapport de force. C’est le système des « stock options » . La société de conseil McKinsey a mis en place dans ces années des stratégies pour gérer les antagonismes entre entrepreneurs et détenteurs de capital et faire en sorte qu’ils deviennent des alliés inconditionnels. Résultat : il faut tenir compte à la fois des intérêts des managers et des investisseurs. Pour bien fonctionner, on rétribue le manager en actions de sa propre entreprise. Un PDG (CEO) peut prendre exercer ses options à un terme choisi à sa guise. Naturellement, il ne sera tenté de le faire que lorsque les actions auront atteint un cours élevé. Il va déployer toute son énergie pour faire monter le cours de ses actions, même si cela n’est possible que dans une perspective de court terme ou si cela nuit aux intérêts à long terme de son entreprise. Les « stock options » marquent le début d’une nouvelle forme de capitalisme avec un déplacement de la force relative des groupes dans la société. Depuis ce moment, le capitaliste et l’entrepreneur sont alliés. En face d’eux il n’y a qu’un seul groupe, celui des salariés. Le rapport de force n’était déjà pas brillant pour eux, leur nouvelle position se trouve donc décisivement affaiblie.
    Dans le même temps commence à dominer la dimension financière de l’économie. Le cours des actions devient plus important que la production propre. Un bon exemple du changement de paradigme est la firme étasunienne faillie, Enron. A partir d’un point précis dans le temps, le produit même de cette entreprise n’est devenu rien d’autre que son action elle-même. A l’aide d’une « méthode » de tenue de compte dite de « bootstrapping » [réinjection ?], le succès de la firme s’est trouvé directement assujetti au cours des actions. Quand l’action atteignait une certaine valeur seuil, l’apport allait grossir le bénéfice inscrit dans les livres comptables d’Enron. Autrement dit, la production était devenue 100 pourcent immatérielle. C’est cela que le système des options d’action a permis ! Et par le même coup une stagnation, voire une baisse du salaire réel (du pouvoir d’achat), qui s’est déconnecté du taux d’augmentation de la productivité.

    1. Avatar de hema
      hema

      Merci, j’ai essayé avec le traducteur automatique, mais c’est vraiment illisible.

      Cordialement

    2. Avatar de bqlou
      bqlou

      Superbe, un vrai cours d’économie… Merci ! impatient de lire le reste.

    3. Avatar de fnur
      fnur

      Une astuce pour la traduction, pour ceux qui lisent l’anglais, c’est de coller le texte allemand dans le traducteur Google : http://translate.google.fr/

      et de demander la traduction en anglais, là le texte est compréhensible.

      Une seconde astuce de finition pour l’allemand, Google ne comprend pas parfois des mots agrégés comme : « Wohlstandsversprechen », le couper en  » Wohlstand versprechen  » en sortant le « s » possessif, qui donne « Promise prosperity »

      Soit le premier paragraphe, par exemple :

      « The ongoing financial crisis since the fall of 2008 has also pointed to a crisis of global capitalism. For an unbridled liberalization of markets and the expansion of the international division of labor, the giant growth and prosperity do not promise to redeem. »

      En revanche, la même manip, coller sur Google le texte anglais, issu de la manip précédente, et le traduire en français donne un résultat nettement moins bon.

      Qu’en pensez vous ?

    4. Avatar de hema
      hema

      @fnur
      J’en pense que c’est très compliqué pour une large diffusion, mais merci quand même je vais essayer d’essayer..

      Cordialement

  17. Avatar de timiota
    timiota

    En attendant Finckh, encore un bon bout, j’en suis à 45%, mais je vais m’arrêter …

    L’argent destructeur
    Leçon de l’hypercrise, 2eme partie : entretien avec le chroniqueur économique Paul Jorion.
    De Stefan Fuchs

    La crise qui sévit depuis l’automne 2008 semble culminer en une crise du capitalisme globalisé. Car il la libéralisation sans frein du marché et l’extension de la division internationale du travail n’ont pas pu assurer les promesses de bien-être et de croissance géante.
    Dans la deuxième partie de la série d’interview « Leçon de l’hypercrise », Stefan Fuchs s’entretient avec Paul Jorion sur le pouvoir destructeur de l’argent. Jorion est chroniqueur économique au quotidien français Le Monde. En tant qu’économiste structuraliste, il critique l’assimilation de l’argent et du crédit et qui revient à un aveuglement idéologique. Le capitalisme entame dans ce monde de crise sa danse macabre.

    Stefan Fuchs: M. Jorion, vous avez été parmi les premiers à avoir prédit la crise américaine des « subprimes ». Vous-mêmes avez travaillé aux USA dans le secteur du crédit et déjà en 2004 vous aviez prédit un dire crise de ce capitalisme financier étasunien. A l’œuvre dans l’hypercrise se trouve, suivant votre analyse, un mécanisme interne de l’économie globale telle qu’elle s’est développée dans le dernier tiers du 20eme siècle, qui a induit la concentration de l’argent dans un nombre de mains toujours plus petit. Comment décrivez vous ce mécanisme, qui a presque conduit à une stagnation des flux financiers, et qui a contribué à cette crise extrême, crise qui maintenant affecte l’économie réelle.
    Paul Jorion: Si on compare la crise de 1929, qui a commencé aux USA et est par la suite devenue une crise de l’économie mondiale, à la crise à laquelle nous avons à faire depuis 2007, il y a des similarités qui sautent aux yeux : la concentration de la richesse économique dans les mains d’une infime minorité. Derrière cela se tient un mécanisme économique très simple. Si l’argent ne se trouve pas là où l’on en a effectivement besoin, par exemple, dans une entreprise pour produire quelque chose, que ce soit dans un budget privé, pour se fournir en équipements, ou parce que les salaires ne suffisent pas au niveau de vue, parce que les salaires réels stagnent ou même s’enfoncent, on a recours au crédit pour se procurer cet argent. Mais pour le crédit, on doit verser des intérêts. Ces intérêts vont dans vers les détenteurs de capitaux. C’est une loi d’airain mais aussi une loi logique : la concentration de la richesse est un processus auto-amplificateur. Quand l’argent n’est pas partagé uniformément dans un système économique, cela forme encore plus d’inégalité au cours du temps. C’est précisément cela que nous vivons. L’argent manque pratiquement complètement là où on en a besoin, que ce soit dans la production industrielle ou dans la consommation privée. On doit toujours se le fournir à crédit. L’argent et son prix ont acquis aujourd’hui un rôle dominateur, et qui va s’accroissant. Le système financier a quasiment pris la place d’une divinité omniprésente, et prélève son profit sur chaque acte économique. Le résultat est tout bonnement que dans le prix de tous les produits et tous les services, une part croissante est dédiée aux intérêts.

    Fuchs: Si l’on prend cette baisse des salaires réels, que vous posez comme responsable du processus de concentration, qu’est-ce qui en est à son tour responsable ? Est-ce un rapport de force politique qui se tient en toile de fond, ou y a-t-il plutôt un mécanisme économique ? Qu’y a-t-il là derrière ?

    Jorion: Dit le plus simplement, il y a dans notre société trois groupes. Ainsi l’a-t-on conçu aux 18e et 19e siècles. Il y a les entrepreneurs, qui ont une idée et qui veulent mettre en route quelque chose. S’ils y parviennent avec succès, ils peuvent laisser d’autres, qui vendent leur force de travail, travailler pour eux. Ce sont les travailleurs ou les employés dépendants. Et parce que le capital n’est pas toujours là où se trouve un entrepreneur, il doit s’en procurer par le crédit. Il y a encore le 3eme groupe, celui des détenteurs de capitaux. Quand le bénéfice tiré de la production [et de la vente ] est partagé, il est partagé entre ces trois groupes. Tout d’abord, les détenteurs de capitaux vont prélever les intérêts échus. Il y a un antagonisme naturel entre détenteur du capital et entrepreneur, un jeu de pouvoir, qui se joue via la hauteur des intérêts consentis. Quand l’économie carbure fort, l’entrepreneur est prêts à laisser davantage d’intérêt au capitaliste ou davantage de dividendes à l’actionnaire, moins quand elle va mal. Ce qui lui reste au final, il doit le partager avec ses travailleurs. Là aussi se déploie encore un antagonisme. L’entrepreneur n’est pas enclin à laisser davantage à ses travailleurs davantage que le strict nécessaire. Si ces derniers sont toutefois organisés dans des syndicats, ils peuvent faire jouer la concurrence entre employeurs et gagner en force dans le bras de fer.
    Depuis le milieu des années 1970, il y a toutefois un facteur qui au moins pour les gros entrepreneurs a complètement et fondamentalement bouleversé ce rapport de force. C’est le système des « stock options » . La société de conseil McKinsey a mis en place dans ces années des stratégies pour gérer les antagonismes entre entrepreneurs et détenteurs de capital et faire en sorte qu’ils deviennent des alliés inconditionnels. Résultat : il faut tenir compte à la fois des intérêts des managers et des investisseurs. Pour bien fonctionner, on rétribue le manager en actions de sa propre entreprise. Un PDG (CEO) peut prendre exercer ses options à un terme choisi à sa guise. Naturellement, il ne sera tenté de le faire que lorsque les actions auront atteint un cours élevé. Il va déployer toute son énergie pour faire monter le cours de ses actions, même si cela n’est possible que dans une perspective de court terme ou si cela nuit aux intérêts à long terme de son entreprise. Les « stock options » marquent le début d’une nouvelle forme de capitalisme avec un déplacement de la force relative des groupes dans la société. Depuis ce moment, le capitaliste et l’entrepreneur sont alliés. En face d’eux il n’y a qu’un seul groupe, celui des salariés. Le rapport de force n’était déjà pas brillant pour eux, leur nouvelle position se trouve donc décisivement affaiblie.
    Dans le même temps commence à dominer la dimension financière de l’économie. Le cours des actions devient plus important que la production propre. Un bon exemple du changement de paradigme est la firme étasunienne faillie, Enron. A partir d’un point précis dans le temps, le produit même de cette entreprise n’est devenu rien d’autre que son action elle-même. A l’aide d’une « méthode » de tenue de compte dite de « bootstrapping » [réinjection ?], le succès de la firme s’est trouvé directement assujetti au cours des actions. Quand l’action atteignait une certaine valeur seuil, l’apport allait grossir le bénéfice inscrit dans les livres comptables d’Enron. Autrement dit, la production était devenue 100 pourcent immatérielle. C’est cela que le système des options d’action a permis ! Et par le même coup une stagnation, voire une baisse du salaire réel (du pouvoir d’achat), qui s’est déconnecté du taux d’augmentation de la productivité.
    Dans cette situation, le crédit est devenu, surtout aux Etats Unies une sorte de salaire supplémentaire, qui protège contre la perte du niveau de vie, mais aussi, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, doit empêcher effondrement de la demande. Mais pour le crédit il faut payer des intérêts. 5 pourcents semble d’abord peu, mais quand on doit rembourser un crédit immobilier sur 30 ans à 5,3 pourcents, comme cela est courant aux USA, on a payé à la fin deux fois le prix du bien immobilier. En même temps, la spéculation a tiré les prix de l’immobilier vers le haut. Aujourd’hui, la valeur d’une maison familiale se monte à trente ans de revenus moyen annuel. C’est u prix franchement astronomique.
    Derrière cela se tiennent les théories de l’ordolibéralisme économique, qui croient dur comme fer à une auto-régulation des marchés, et ne veut consentir qu’une emprise minimale des états dans la régulation des marchés. Dans la pratique, cela est devenu, comme nous devons le reconnaître maintenant dans la crise contemporaine, un procédé par essai et erreur, quasiment une expérience de laboratoire avec l’économie mondiale. On dérégule tout et on regarde ce qui se passe. Les effets se produisent avec un certain retard, mais il est alors trop tard. Il n’y a pas que dans la catastrophe climatique mais aussi dans la sphère économique que beaucoup de choses sont simplement irréversibles.
    Ce qu’on n’a pas clarifié dans les années 80, quand on mis ces théories en pratique, c’est qu’un système économique construit sur le crédit multiple les risques. Dans un système économique financé par le crédit se construisent des chaînes de débiteurs/créanciers, A doit à B qui doit à C et ainsi de suite. Si un crédit fait défaut, l’ensemble de la chaîne tombe comme une rangée de dominos. Contre ces risques, l’industrie de la finance avec son inépuisable capacité d’invention a développé de nouveaux instruments, les notoirement célèbres Credit Default Swap (CDS), assurance de défaut de crédits. Mais au lieu de procurer une prise sur ces risques, ces instruments ont à leur tour engendré de nouveaux risques. ON peu en effet les utiliser par pur jeu, on peu parier par exemple que les obligations d’états grecques ne seront pas honorées. Celui qui perd à ce jeu, c’est un gros malchanceux. C’est par exemple le cas du consortium d’assurance étasunien AIG. C’est une ardoise de 182 milliards de dollars que le contribuable américain a du payer pour son sauvetage et encore cette somme ne comprend t-elle pas les actions de sauvetage suivantes pour Fannie Mae et Freddie Mac.

    Fuchs: Je voudrais encore une fois revenir sur la perspective pour la majorité de la population. Elle doit dans cette situation payer deux fois, une fois pour le surcroit de prix lié à la plus grosse part des intérêts prélevés par la sphère financière [dans toute production] et une autre fois encore pour le crédit qu’elle doit elles-même contracter pour compenser le manque à gagner de salaire, c’est un double passage à la caisse.

    Jorion: effectivement et c’est à peu près au même moment, vers 1975, avec l’arrivée des technologies de l’information, qui permet justement une explosion de la productivité. Mais les employés et travailleurs dépendants seront spoliés de cet accroissement. Leur salaire restera de plus en plus en deçà de la croissance économique. En partie, la productivité gagné sera convertie en « rationalisation », vocable qui dit clairement signifie que les gens perdent leur poste de travail. En même temps les prix augmentent, tirés par les intérêts et la spéculation. Rien que dans le prix [les fluctuations du prix ?]de l’essence et du Diesel, se met un tiers des gains de nature spéculative. La majorité des américains doit en raison de cela compléter ses revenus avec du crédit, pendant que l’industrie de la finance fait montre de gains faramineux : les gains de productivité vont dans leur poche, et avec eux les intérêts. C’est ce qui confère ce côté absurde aux discussions sur les bonus que s’octroient les banquiers. Les politiciens veut les limiter et vend ces limites comme des régulations décisives du secteur bancaire. C’est un pur cosmétique. Ces bonus ne sont que quelques maigres pourcents du gain réel de l’industrie financière, tous aspects économiques compris. Si des millions sont empochés par les traders, c’est que des milliards ont été gagnés par les banques. Pourquoi les banques gagnent-elles des sommes aussi colossales ? Tout simplement parce que ces sommes ne sont plus partagées avec la masse des salariés.

    Fuchs: Vous appartenez aux experts économiques structuralistes, qui critiquent l’assimilation de l’argent au crédit comme étant hautement idéologiques, et responsables en réalité de la dissimulation de ces processus de concentration de la richesse, dont nous venons juste de parler. Où se trouve donc l’erreur quand on dit que l’argent liquide et l’argent scriptural sont des choses identiques.[ici scriptural = Buchgeld, revient au crédit ?]

    Jorion: On parle de l’amas monétaire et de la création monétaire par les banques. Dans la comptabilité globale usuelle,on ajoute les sommes en espèces, et ce que les gens ont sur leurs comptes en banques et leurs livrets d’épargne. On tient pour solidement acquis, que cela croisse toujours, que la richesse s’accroît en permanence. Ce faisant, on oublie que les espèces et l’argent scriptural ont des différences fondamentales. Prenons par exemple trois personnes, qui ont chacun 10 euros dans la poche. Elles prêtent cet argent à trois autres. Si on compte l’amas monétaire de cette manière [scripturale], on a multiplié la somme par trois. Car chacun des trois créanciers a une reconnaissance de dette dans sa poche, et les trois emprunteurs compte le liquide qu’ils ont [et qui vient s’ajouter donc]. Ce n’est pas une erreur de compte, c’est bien la méthode valide de compte [ das hat durchaus Methode ?]. On parle d’amas M1 M2 etc. Le théoricien de l’économie Schumpeter a très bien expliqué, pourquoi on doit compter les richesses positives et négatives, c’est-à-dire les dettes, ensemble. Tout d’abord en temps de crise, la distinction va se manifester. La valeur d’un billet de 10 euros est 10 euros. Son pouvoir d’achat peut baisser, si les prix montent, mais la valeur reste fondamentalement la même. Il en va tout autrement pour une dette inscrite en compte. Elle sera pondérée par le risque, par la vraisemblance que le remboursement ait bien lieu. En ce qui concerne les [lots de] crédits hypothécaires souscrits, qui ont déclenché la crise des subprimes aux USA, leur valeur est tombée à zéro. Soudain les agrégats monétaires M1M2 se sont mis à fondre comme neige au soleil. Ou l’argent est-il resté. Le liquide est encore là, mais tout l’argent à crédit, les reconnaissances de dettes etc. est parti. Les économies nationales n’ont certes pas mis en place ces méthodes de compte des agrégats rendre service au secteur bancaire. Objectivement ces méthodes ont rempli de grand besoin de l’industrie financière. Mais les économistes se sont trompés, on ne peut pas ajouter les deux. L’un est un compte réel, l’autre est un compte virtuel.

    1. Avatar de hema
      hema

      « Si on compte l’amas monétaire de cette manière [scripturale], on a multiplié la somme par trois »

      Par 3 ou par 2 ???

      Re-merci pour la traduction

  18. Avatar de Peter Hoopman

    L’argent vient d’un trou noir, vers un trou noir? 😉

  19. Avatar de Dalio
    Dalio

    @ Timiota
    Ah mille merci!!

    @ PAul Jorion
    Cette chronologie apporte un éclairage opportun sur la construction des rapports de force sociaux. Pourquoi les « élites », et les partis qu’elles animent, ont-elle cédé aux propriétaires de capitaux.

    Cela nous permet de comprendre pourquoi il est si difficile de recomposer un pacte politique indépendant de intérêts des plus riches: comment se débrouille sous nos yeux le Royaume Uni , sinon par une alliance improbable dont la solidité est douteuse et surtout pas souhaitable?

    La vertu de l’effondrement du crédit est quand même de mettre à nu cette convergence d’intérêts entre les catégories d’acteurs les mieux dotés ( le discernement de Paul jorion fait merveille ) : leur force est tirée aussi de l’ignorance des classes moyennes qui comprennent qu’elles ont placé leur confiance au mauvais endroit.

    Ce blog participe beaucoup d’ailleurs à la pédagogie de la crise!

    Une fois que l »isolement des travailleurs, et la mise en danger qui va avec, sont assimilés, la peur du conflit demeure: éviter le conflit ou laisser libre cours à la colère, les classes moyennes hésitent.

    L’abstention des électeurs nous le confirme: ils ne savent même plus pour qui voter. Si bien que la majorité des électeurs des pays démocratiques ne s’expriment pas, comme les travailleurs des pays émergents qui pour la plupart n’ont pas de droits politiques véritables!!

    (L’abstention des salariés de la catégorie des cadres dans les élections professionnelles en France est forte, celle des non cadres aussi: reconnaître où se situe son propre intérêt est devenu impossible pour beaucoup, et l’argument d’une offre syndicale inadaptée n’explique pas une si forte abstention.)

    Moi je continue de voter mais je n’ai plus d’argument pour convaincre les abstentionnistes, sauf la mémoire des combattants de tous les temps morts pour le droit de vote (et avant eux celui qui a compris que la terre est ronde et a permis d’élever la liberté de penser au rang suprême).

    Une part croissante des travailleurs espèrent profiter de la position du passager clandestin: profiter des résultats des luttes collectives sans en supporter les coûts.

    La Grèce est à l’avant- garde européenne du processus: un gouvernement socialiste a été élu, un déficit public « imprévu » a été mis à jour et des mesures de restrictions sont prises dans la distribution de revenus. Les créanciers sont rassurés. trois morts.

    Quel projet la société grecque va t’elle être capable de se donner? Ya t’il un grec dans ce blog?

    Mais les allemands qui ont marché sur les pieds d’Angela m’intéressent aussi!

    Bon repos à toutes et tous.

    et merci pour la prochaine traduction de la fin l’entretien

    Dalio

  20. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    Puisse Dany Cohn-Bendit vous lire.

    Il sent bien les choses en ce moment, il a des mots justes, notamment lorsqu’il a eu des mots forts au parlement européen pour dénoncer l’inanité du traitement que l’on fait subir à la Grèce et par ricochet à tous les peuples européens dont les gouvernants se sont convertis à la rigueur, rigueur qui s’ajoute aux inégalités qui étaient pourtant déjà criantes.

    Il manque seulement à Dany des éléments de compréhension basiques et idéologiquement opérationnels de l’économie en tant que fait social. Les rapports de force entretenus ou pouvant être déjoués dans la triade : entrepreneurs – investisseurs – salariés. Ce nouveau bagage intellectuel en main, il pourrait devant ses auditeurs tenir un discours bien plus percutant.
    L’approche de l’économie par Paul se trouve à la jonction de l’économie, du social et du politique. Jorion démystifie ainsi l’économie et rend leur liberté aux citoyens enchaînés intellectuellement par des décennies de raisonnements à courte vue.

    Peut-être aussi qu’à la lecture du texte en allemand, un déclic pourrait se produire dans l’esprit du plus connu des européens de culture franco-allemande. Entre parenthèses, je serais curieux de savoir s’il s’informe et réfléchit sur les questions dites économiques, plutôt en français ou plutôt en allemand. Ce texte et d’autres ,tout aussi pédagogiques, est aussi une invite à un retour à ses études de sociologie, discipline qu’il étudiait en mai en 1968 ! AInsi la boucle serait bouclée ! Avec tout son acquis de stratège politique en plus.

    Paul expose des raisonnements simples, que tout le monde peut comprendre, et qui pourtant sont une explication pertinente de l’apparente complexité de l’économie si l’on s’en tient à sa seule technicité, laquelle est bien réelle. Paul trouve des schémas d’explication plus simples que ceux parcellaires auxquels font appel les économistes et de ce fait même sont peu mobilisateurs, voire tétanisent les volontés.
    Ces schémas d’emblée se situent dans un cadre d’analyse beaucoup plus global, à la fois sociologique et historique puisqu’il explique le capitalisme selon une perspective évolutive.

    1. Avatar de la menuise
      la menuise

      J’ai trouvé çà:

      daniel.cohn-bendit@europarl.europa.eu

      D’une pierre deux coups.
      Vous lui posez votre question et … vous risquez de lui faire découvrir Paul Jorion.

      Merci pour tous vos commentaires sur ce blog.

    2. Avatar de Pierre-Yves D.
      Pierre-Yves D.

      la menuise,

      Merci, c’est fait !

  21. Avatar de fnur
    fnur

    Bon ma méthode de traduction à bas cout n’intéresse personne…

    1. Avatar de la menuise
      la menuise

      Si, mais l’Azerbaidjan, c’est trop loin!
      Mille excuses, ce doit être nerveux.

    2. Avatar de fnur
      fnur

      Bakou ? Ca parle pas allemand là.

  22. Avatar de timiota
    timiota

    et deux répliques, deux…

    Fuchs: La ligne de défense du secteur bancaire est que l’argent public qu’on a du dépenser pour leur sauvetage, n’est fondamentalement que des garanties, et que l’argent en réalité n’est pas du tout perdu, qu’il pourra être remboursé à une certaine échéance ; que doit-on retenir de ce discours ?

    Jorion: Prenons par exemple un « mortgage based security », un papier (bon) commercial assuré sur une hypothèque. La dedans on a mis ensemble les crédits hypothécaires de 3000 propriétaires de maisons. Chaque fois que vous payez votre mensualité, de l’argent va dans la poche de l’actionnaire. Si le papier a été émis en 2007 et quelques uns des débiteurs ont déjà cessé leur remboursement [fait défaut], il vaut peut être 83 cent pour un dollar. Les banquiers disent maintenant, si les débiteurs restant payent bien leur du, il n’y a pas de raison de le dégrader, il suffit qu’il atteigne la maturité. Mais c’est risible car il n’y a pas l’ombre d’une raison pour cette croyance, pour que la situation s’améliore l’an prochain ou celui d’après. Derrière cette argumentation se tient le le schéma de fixation du prix dit « mark to model ». Ce que les banquiers cachent, c’est que ces « modèles » sont tirés d’un modèle-idéal, qui ignore et laisse de côté l’état actuel de difficulté [du monde]. Le taux de chômage, par exemple, ne change pas de façon fulgurante d’une semaine à l’autre. C’est là que les cycles longs jouent un rôle. On s’est ainsi réjoui aux USA du fait qu’en mars, 162 000 nouveaux emplois avaient été créés. En y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’un tiers est du à l’embauche conjoncturelle pour le recensement en cours, un autre tiers découle des fluctuation naturelles des créations d’entreprise dans les USA. Donc seules 50 000 de ces postes sont de véritables créations. Mais on sait apr ailleurs que pour se retrouver dans un état sain, l’es EU ont besoin de créer 250 000 nouveaux emplois par mois, et ce pour les 5 prochaines années. Bien sûr il n’est pas interdit d’être un incorrigible optimiste, et de croire que demain après le réveil, tout sera comme avant la crise. Dans tous les autres cas, on doit établir les comptes avec des instruments professionnels qu’on a à sa disposition.

    Fuchs: C’est-à-dire que ces « Bad Banks » de sinistre réputation, sont une « tombe à sous » (un puits sans fond), où l’argent sera effectivement enterré ?

    Jorion: La vraisemblance de la reprise est aussi évidente qu’elle peut l’être dans un cimetière. Il y a des détails historiques intéressants. En mars 2008, le ministre des finances US (secrétaire du trésor ?) Henry « Hank » Paulson organisa le rachat de Bear Sterns au travers de JP Morgan. Par la suite il expliqua souvent, et publiquement, que ce sauvetage serait le seul de son genre, qu’il n’y aurait pas de seconde chance possible. Il répéta cela aussi six mois plus tard, quand la faillite de Lehman-Brothers survint. On avait enseveli les ordures financières toxiques de Bear Sterns dans plusieurs « bad banks » et mis un couvercle la dessus, comme si c’était un deuxième Tchernobyl. Personne ne devait en parler, personne ne devait savoir, ce qui se cachait là dedans. Sous la pression des médias d’abord, de Bloomberg et de Fox News, cela a été mis en lumière, on a soulevé le couvercle et lancé un regard à l’intérieur, et ce qui était là dedans, ne valait absolument plus rien.

    1. Avatar de hema
      hema

      @timiota,
      Vous avez gagné toute mon estime, c’est peu, mais, en ces temps difficiles, sait on jamais…..
      De plus, si vous habitez la région bordelaise, vous avez d’ores et déjà gagné une entrecôte du même nom (avant qu’on supprime la viande rouge pour cause de réchauffement climatique) mais pitié, arrangez vous avec Johannes, mais ne nous laissez pas en plan.

      Cordialement

  23. Avatar de timiota
    timiota

    Fuchs: Si je vous ai bien suivi, vous voyez une sorte de perversion de la nature de l’argent, un fétichisme de l’argent, qui forme pour ainsi dire un arrière-fond historico-culturel pour les choses extrêmes que nous vivons [Vérifier]. ON a aussi fait un instrument de circulation, donc, on a fait un instrument de circulation, un instrument d’accumulation de la valeur. Dans quelle mesure est-ce un mésusage de l’argent, car après tout, pour nous, depuis la renaissance, l’intérêt est liée à la représentation de l’usage de l’argent [Fuchs dit littéralement « la représentation de l’intérêt est liée à l’usage de l’argent»]
    Jorion: ON peut dire que l’argent est un instrument neutre et il a comme tel autant une valeur positive que négative. C’est un substitut simple pour l’échange. Un bien, qui aurait été conçu spécialement pour le négoce. Historiquement, uen image tout autre émerge. A l’origine, les sociétés féodales étaient régies par des castes de guerriers, pour qui les revendications de propriété foncière étaient couplées avec le pouvoir. Elles étaient ce que Hegel a appelé les « seigneurs ». Face à eux la majorité du peuple est en position de « valet ». Les uns travaillent, les autres règnent. Pour que les produits qui naissent dans cette division du travail puissent circuler, il faut des négociants(commerçants). Ils passent de pays en pays, vendent leurs articles et vivent de la valeur ajoutée. Pour ces marchands, l’argent répond bien au besoin d’un instrument de circulation. Au Moyen Age et surtout à la Renaissance, les régnants font progressivement une découverte surprenante. Ils n’ont plus besoin de leur puissance [guerrière] comme fondation de leur domination. L’argent rend le même service. Avec lui on peut d’une autre façon, faire travailler pour autrui. A cela la révolution française non plus n’a pas changé la nouvelle division du pouvoir. Les aristocrates ont vite compris qu’ils pouvaient renoncer à leurs privilèges féodaux [nobiliaires], s’ils possédaient suffisamment d’argent. On n’a pas plus besoin d’une épée ni d’un sabre, on peut s’en arranger avec de l’argent. Aristote a reconnu cet aspect de l’argent comme une descendance du pouvoir de la société. C’est-à-dire que l’instrument en soi neutre des échanges économiques se transforme dans la société construite sur la domination. L’argent forme la relation de dominance et remplace les instruments [antérieurs] du pouvoir.

    Fuchs: Que devrait-on faire pour neutraliser, affaiblir ou peut être même rendre caduques [abroger] ces effets de l’argent antidémocratiques et renforçateurs de la domination ?

    Jorion: on l’a fait en 1929 et répété en 2007 : on attend si longtemps, jusqu’à ce qu’une telle concentration de la richesse de la société soit atteinte, que l’ensemble du système s’écroule sur lui-même collectivement. C’est alors qu’on repense à la redistribution. Dans les années 30, il y a eu les instruments que Keynes a développé en Angleterre, qui ont tracé un chemin de sortie de la crise, et qui furent aussi mis en œuvre aux Etats-Unis. Pour Keynes, le plein emploi était au premier plan. Il faut se rappeler que les fascistes et les communistes se faisaient face en Angleterre. L’enjeu était gros. La démocratie était menacée des deux côtés par des systèmes totalitaires. Keynes combattit les effets de concentration avec des moyens fiscaux. L’argent doit être partagé. Pour que les gens consomment à nouveau, pour qu’ils puissent acheter les biens qu’ils produisent eux-mêmes, on doit avant tout leur donner du travail et les payer dans la mesure correspondante.
    L’impôt comme instrument de la redistribution, tel qu’il a servi de base à l’édification de l’état social kéynésien, est malheureusement aujourd’hui un outil émoussé. On a en effet permis aux entreprise de l’économie réelle de devenir quasi virtuelles. Quand votre chaine de création de valeur se répartit sur plusieurs pays, vous pouvez par la concurrence mondialisée entre état-nations profiter des derniers lieux de travail restant [les moins chers]. Cela n’est rien d’autre que de dire qu’on permet à la richesse produite dans une société de se retrouver dans un espace virtuel quasi transnational. L’influence de l’argent sur la politique est d’une force inouïe. Il est plus facile, pour être élu à un poste politique de responsabilité, d’appartenir à un parti qui est soutenu par l’industrie de la finance. Aux USA, cela a conduit à un système, qui s’approche beaucoup de l’ancien suffrage censitaire. La cour constitutionnelle des Etats Unis a abrogé toute restriction aux dépenses politiques de la part des entreprises. Et cela en se référant au principe de la liberté d’expression des opinions. Bien sûr, les entreprises ont des moyens financiers sans commune mesure avec ceux des individus moyens. Avec l’argent on peut acheter l’influence dans la société. On n’a plus besoin d’un coup d’état, on n’a pas de troupe à envoyer, l’argent parvient à rendre le même service.

    Fuchs: Il y a une autre proposition de Keynes, que vous avez reprise, c’est cette monnaie mondiale artificielle, qu’il avait nommée le « bancor », proposition sur laquelle il avait insisté à Bretton Woods, et qui ne fut pas retenue. Dans quelle mesure cette proposition pourrait nous aider dans notre situation du moment ?
    Jorion: Encore faut-il vérifier que le Bancor représente bien une solution. Dans son principe, il ressemble aux dénommés « Droits de Tirage Spéciaux » (DTS) , comme le FMI les a institué. Le cas grec et l’Eurocrise montrent au-delà de tout doute qu’une monnaie doit correspondre à un espace économique qui suivent une politique économique unifiée. Les Etats-Unis ont ancré dans leur constitution la solidarité entre leurs états fédéraux. La Californie doit, avec son solde commercial excédentaire, se porter garante de la pauvre Géorgie [l’état américain]. Sinon ça ne marche pas. On ne peut pas d’un côté exiger que toutes les parties d’un espace monétaire unifié n’aient pas de risque de devises pour leurs propres industries d’exportation, et en même temps d’un autre côté décliner toute responsabilité pour les déséquilibres économiques. Cela concerne le champion du monde des exportations, l’Allemagne et sur le même plan de l’économie mondialisée la Chine. On ne peut pas reprocher aux autres économies politiques qui se sont spécialisées dans les exportations qu’elles exportent beaucoup elles aussi [vérifier]. Où devront-elles alors exporter ? Aussi lontemps que [ ??] on passe pas de décret sur Mars al Drittmarkt [Allusion au protectionnisme] ??] ça ne marche pas. Le commentateur en chef du Finacial times, Martin Wolf, l’a très bien décrit. Les allemands ne veulent plus reconnaître le dicton de leur philosophe Emmanuel Kant : un principe doit toujours avoir validité pour tous, il doit être universel. Mais tous ne peuvent pas devenir ensemble champion du monde des exportations.
    Keynes a reconnu ce problème. Il cherchait un système qui aurait eu la capacité de corriger les déséquilibre des balances des paiements. Le cœur de sont Plan-Bancor, consistait à constituter une unité de compte monétaire qui sanctionne autant les déficits que les excédents des bilans commerciaux nationaux. Malheureuseement, il n’a pas été entendu à Bretton Woods. Du reste ce n’est pas sa trouvaille. IL l’a reprise de Hjalmar Schacht, qui fut le président de la banque du Riech et aussi ministre de l’économie de Hitler. Schacht fut inculpé après la guerre de complicité [des atrocités nazies] à Nürnberg. Il fut acquitté, et de ce fait Keynes ne pouvait plus avouer que ce concept avait vu le jour dans l’Allemagne vaincue. Cela enleva à cette idée toute chance de mise en place dans l’après-guerre. On n’en a plus discuté une seule fois.

    1. Avatar de Otto di Dacte
      Otto di Dacte

      Merci Timiota 😉

  24. Avatar de timiota
    timiota

    La der

    @modérateur (Alexandre) : j’ai le fichier word global « à votre service », je peux le poster pour que vous le preniez via un lien type ftp d’un collègue à l’université… IL faudrait encore le faire viser, il reste trois ou quatre mystères et qqs coquilles…

    Fuchs: Dans le mainstream économique, on a décidé que la crise était déjà en train de se terminer : des signes positifs à l’horizon, le pire est derrière non. Vous êtes vous beaucoup plus pessimiste, vous croyez au « double trou », à cette crise à deux coups en forme de W, dans laquelle le deuxième creux sera beaucoup plus dramatique que le premier, et cette deuxième étape, dans quel champ se déploie-t-elle ? Y aura-t-il une crise de la dette publique ? Y aura-t-il une crise de la demande déclenchée par l’épargne ? et une crise de déflation, donc, où cela va-t-il se jouer ?

    Jorion: Je me permets de poser en premier la question de où se situe le Mainstream dont vous parlez ? Ce sont quelques journaux, quelques chaînes de télévision, sürement pas la majorité ! En avril il y a eu un sondage en France. On a demandé aux gens s’ils voyaient la fin de la crise. 75 pourcent ont répondu non.
    Ce qui nous attend vraisemblablement, c’est la maladie japonaise : une période qui s’étire de stagnation durable et de déflation. Pour Keynes, la déflation était le plus gros danger. Personne ne dépense son argent car demain, on pourra encore tout avoir pour moins cher. L’économie s’approche alors d’un point d’arrêt, le chômage croît abruptement, une spirale d’appauvrissement élargit son emprise sur le peuple [vérifier].
    La récession va se produire, les état nations y inclinent clairement [vérifier]. On ne pourra plus retarder cela. Le sauvetage du secteur bancaire a utilisé les dernières réserves, les états ont donné davantage que ce qu’ils avaient. Dans leur majorité, ils sont insolvables comme l’est la Grèce. La tentation est grande d’alléger le poids de la dette par l’inflation. Mais l’inflation est comme un feu de broussaille, elle ne se laisse qu’à peine contrôler.
    On me pose souvent la question de savoir si nous vivons la crise finale du capitalisme. Je pense que c’est le cas. C’est une espèce de danse macabre qui se déroule ici. Il ne mourra peut être pas des causes que Marx avait prédites. Mais cela ne change rien. Marx a pu se tromper et le système néanmoins se retrouver mortellement atteint.
    On doit finalement prendre les choses en main (agir) , on doit empêcher l’industrie de la finance de faire des siennes, d’amplifier ses dégâts. Je plaide depuis trois ans pour que les paris sur les prix soient interdits. Mais rien ne bouge. Des sommes énormes sont retirées de l’économie avec ces espèces de « va-tout » [Zocken : on met tous les enjeux sur la table au poker p ex, m’a dit un allemand, à moins que cela veuille dire que des sommes gigantesques sont retirées du tapis de jeu ?]. C’est quelque chose de très, très dangereux.

    1. Avatar de hema
      hema

      @timiota
      Merci

    2. Avatar de timiota
      timiota

      1) A J a le fichier de ma traduc, ca sortira peut être quand l’interview sera imprimée dans le journal allemand (ces jours-ci). Si A J connait un endroit de postage anonyme utilisable en respectant les droits de Ppté intellectuelle (de PJ)…

      2) @ Hema.
      Vous êtes à l’ouest, et sans doute plus près de bataves dans le Périgord que d’allemands autour de vous.
      Merci de votre gratitude.

      3) et ça m’a permis de réapprendre de l’allemand (avec des trous)

      4) La substance est assez proche du « temps qu’il fait » de PJ d’aujourd’hui 14 mai, et du texte associé.

      Bonsoir

  25. Avatar de fleurbleue
    fleurbleue

    @ timiota: ce soir je m’étais décidée de participer et de traduire la dernière partie, quand j’ai vu que vous l’aviez déjà fait. je me suis donc permis de juste retoucher quelques passages ambiguës.

    L’argent destructeur
    Leçon de l’hypercrise, 2eme partie : entretien avec le chroniqueur économique Paul Jorion.
    De Stefan Fuchs
    La crise qui sévit depuis l’automne 2008 semble culminer en une crise du capitalisme globalisé. Car il la libéralisation sans frein du marché et l’extension de la division internationale du travail n’ont pas pu assurer les promesses de bien-être et de croissance géante.
    Dans la deuxième partie de la série d’interview « Leçon de l’hypercrise », Stefan Fuchs s’entretient avec Paul Jorion sur le pouvoir destructeur de l’argent. Jorion est chroniqueur économique au quotidien français Le Monde. En tant qu’économiste structuraliste, il critique l’assimilation de l’argent et du crédit et qui revient à un aveuglement idéologique. Le capitalisme dans ce monde se trouverait en agonie.
    Stefan Fuchs: M. Jorion, vous avez été parmi les premiers à avoir prédit la crise américaine des « subprimes ». Vous-mêmes avez travaillé aux USA dans le secteur du crédit et déjà en 2004 vous aviez prédit un dire crise de ce capitalisme financier étasunien. A l’œuvre dans l’hypercrise se trouve, suivant votre analyse, un mécanisme interne de l’économie globale telle qu’elle s’est développée dans le dernier tiers du 20eme siècle, qui a induit la concentration de l’argent dans un nombre de mains toujours plus petit. Comment décrivez vous ce mécanisme, qui a presque conduit à une stagnation des flux financiers, et qui a contribué à cette crise extrême, crise qui maintenant affecte l’économie réelle.
    Paul Jorion: Si on compare la crise de 1929, qui a commencé aux USA et est par la suite devenue une crise de l’économie mondiale, à la crise à laquelle nous avons à faire depuis 2007, il y a des similarités étonnantes: la concentration de la richesse économique dans les mains d’une infime minorité. Derrière cela se tient un mécanisme économique très simple. Si l’argent ne se trouve pas là où l’on en a effectivement besoin, par exemple, dans une entreprise pour produire quelque chose, que ce soit dans un budget privé, pour se fournir en équipements, ou parce que les salaires ne suffisent pas pour vivre, parce que les salaires réels stagnent ou même s’enfoncent, on doit avoir recours au crédit pour se procurer cet argent. Mais pour le crédit, on doit verser des intérêts. Ces intérêts vont vers les détenteurs de capitaux. C’est une loi d’airain mais aussi une loi logique : la concentration de la richesse est un processus auto-amplificateur. Quand l’argent n’est pas partagé uniformément dans un système économique, cela forme encore plus d’inégalité au cours du temps. C’est précisément cela que nous vivons. L’argent manque n’est pratiquement jamais là où on en a besoin, que ce soit dans la production industrielle ou dans la consommation privée. On doit toujours se le fournir à crédit. L’argent et son prix ont acquis aujourd’hui un rôle dominateur, et qui va s’accroissant. Le système financier a quasiment pris la place d’une divinité omniprésente, et prélève son profit sur chaque acte économique. Le résultat est tout bonnement que dans le prix de tous les produits et tous les services, une part croissante est dédiée aux intérêts.

    Fuchs: Si l’on prend cette baisse des salaires réels, que vous posez comme responsable du processus de concentration, qu’est-ce qui en est à son tour responsable ? Est-ce un rapport de force politique qui se tient en toile de fond, ou y a-t-il plutôt un mécanisme économique ? Qu’y a-t-il là derrière ?
    Jorion: Dit de manière simplefiée, il y a dans nos sociétés trois groupes. Ainsi l’a-t-on présdenté aux 18e et 19e siècles. Il y a les entrepreneurs, qui ont une idée et qui veulent produire quelque chose. S’ils y parviennent avec succès, ils peuvent laisser d’autres, qui vendent leur force de travail, travailler pour eux. Ce sont les travailleurs ou les employés dépendants. Et parce que le capital n’est pas toujours là où naît une entreprise, il doit s’en procurer par le crédit. Il y a doncencore un 3eme groupe, celui des détenteurs de capitaux. Quand le bénéfice tiré de la production [et de la vente ] est partagé, il est partagé entre ces trois groupes. Tout d’abord, les détenteurs de capitaux vont prélever les intérêts échus. Il y a donc un antagonisme naturel entre détenteur du capital et entrepreneur, un jeu de pouvoir, qui décide de la hauteur des intérêts consentis. Quand l’économie carbure fort, l’entrepreneur est prêt à laisser davantage d’intérêts au capitaliste ou davantage de dividendes à l’actionnaire, moins quand elle va mal. Ce qui lui reste au final, il doit le partager avec ses travailleurs. Là aussi se déploie encore un antagonisme. L’entrepreneur n’est pas enclin à laisser à ses travailleurs plus que le strict nécessaire. Si ces derniers sont toutefois organisés dans des syndicats, ils peuvent éviter la concurrence entre eux et gagner en force dans ce bras de fer.
    Depuis le milieu des années 1970, il y a toutefois un facteur qui au moins pour les gros entreprises a complètement et fondamentalement bouleversé ce rapport de force. C’est le système des « stock options » . La société de conseil McKinsey a mis en place dans ces années des stratégies pour faire cesser les antagonismes entre entrepreneurs et détenteurs de capital et faire en sorte qu’ils deviennent des alliés directs. Résultat : il faut relier les intérêts des managers et des investisseurs. Pour bien fonctionner, on rétribue le manager en actions de sa propre entreprise. Un PDG (CEO) peut réaliser ses options à un terme choisi à sa guise. Naturellement, il ne sera tenté de le faire que lorsque les actions auront atteint un cours élevé. Il va déployer toute son énergie pour faire monter le cours de ses actions, même si cela n’est possible que dans une perspective de court terme ou si cela nuit aux intérêts à long terme de son entreprise. Les « stock options » marquent le début d’une nouvelle forme de capitalisme avec un déplacement de la force relative des groupes dans la société. Depuis ce moment, le capitaliste et l’entrepreneur sont alliés. En face d’eux il n’y a qu’un seul groupe, celui des salariés. Le rapport de force n’était déjà pas brillant pour eux, leur nouvelle position se trouve donc décisivement affaiblie.
    Dans le même temps commence ainsi à dominer la dimension financière de l’économie. Le cours des actions devient plus important que la production propre. Un bon exemple du changement de paradigme est la firme étasunienne faillie, Enron. A partir d’un point précis dans le temps, le produit même de cette entreprise n’est devenu rien d’autre que son action elle-même. A l’aide d’une « méthode » de tenue de compte dite de « bootstrapping », le succès de la firme s’est trouvé directement lié au cours des actions. Quand l’action atteignait une certaine valeur seuil, l’apport allait grossir le bénéfice inscrit dans les livres comptables d’Enron. Autrement dit, la production était devenue 100 pourcent immatérielle. C’est cela que le système des options d’action a permis! Et par le même coup une stagnation, voire une baisse du salaire réel, qui s’est déconnecté du taux d’augmentation de la productivité.
    Dans cette situation, le crédit est devenu, surtout aux Etats Unies une sorte de salaire supplémentaire, qui protège contre la perte du niveau de vie, mais aussi, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, doit empêcher effondrement de la demande. Mais pour le crédit il faut payer des intérêts. 5 pourcents semble d’abord peu, mais quand on doit rembourser un crédit immobilier sur 30 ans à 5,3 pourcents, comme cela est courant aux USA, on a payé à la fin deux fois le prix du bien immobilier. En même temps, la spéculation a tiré les prix de l’immobilier vers le haut. Aujourd’hui, la valeur d’une maison familiale se monte à trente ans de revenus moyen annuel. C’est u prix franchement astronomique.
    Derrière cela se tiennent les théories de l’ordolibéralisme économique, qui croient dur comme fer à une auto-régulation des marchés, et ne veut consentir qu’une emprise minimale des Etats dans la régulation des marchés. Dans la pratique, cela est devenu, comme nous devons le reconnaître maintenant dans la crise contemporaine, un procédé par essai et erreur, quasiment une expérience de laboratoire avec l’économie mondiale. On dérégule tou, et on regarde ce qui se passe. Les effets se produisent avec un certain retard, mais il est alors trop tard. Il n’y a pas que dans la catastrophe climatique mais aussi dans la sphère économique que beaucoup de choses sont simplement irréversibles.
    Ce dont on n’était pas concsient dans les années 80, quand on a mis ces théories en pratique, c’est qu’un système économique construit sur le crédit multiple les risques. Dans un système économique financé par le crédit se construisent des chaînes de débiteurs, A doit à B qui doit à C et ainsi de suite. Si un crédit fait défaut, l’ensemble de la chaîne tombe comme une rangée de dominos. Contre ces risques, l’industrie de la finance avec son inépuisable capacité d’invention a développé de nouveaux instruments, les notoirement célèbres Credit Default Swap (CDS), assurance de défaut de crédits. Mais au lieu de procurer une prise sur ces risques, ces instruments ont à leur tour engendré de nouveaux risques. ON peu en effet les utiliser par pur jeu, on peu parier par exemple que les obligations d’Etat grecques ne seront pas honorées. Celui qui perd à ce jeu, c’est un gros malchanceux. C’est par exemple le cas du consortium d’assurance étasunien AIG. C’est une ardoise de 182 milliards de dollars que le contribuable américain a du payer pour son sauvetage et encore cette somme ne comprend t-elle pas les actions de sauvetage suivantes pour Fannie Mae et Freddie Mac.
    Fuchs: Je voudrais encore une fois revenir sur la perspective pour la majorité de la population. Elle doit dans cette situation payer deux fois, une fois pour le surcroît du prix lié à la part de plus en plus grosse des intérêts prélevés par la sphère financière [dans toute production] et une autre fois encore pour le crédit qu’elle doit elle-même contracter pour compenser le manque à gagner de salaire, c’est un double passage à la caisse.
    Jorion: effectivement et c’est à peu près au même moment, vers 1975, avec l’arrivée des technologies de l’information, qui permet justement une explosion de la productivité. Mais les employés et travailleurs dépendants seront spoliés de cet accroissement. Leur salaire restera de plus en plus en deçà de la croissance économique. En partie, la productivité gagné est due à la « rationalisation », ce qui signifie que les gens perdent leur emploi. En même temps les prix augmentent, tirés par les intérêts et la spéculation. Rien que dans le prix de l’essence et du Diesel, un tiers des gains est de nature spéculative. La majorité des américains doit en raison de cela compléter ses revenus avec du crédit, pendant que l’industrie de la finance fait montre de gains faramineux : les gains de productivité vont dans leur poche, en plus des intérêts. C’est ce qui confère ce côté absurde aux discussions sur les bonus que s’octroient les banquiers. Les politiciens veut les limiter et vend ces limites comme des régulations décisives du secteur bancaire. C’est une pure cosmétique. Ces bonus ne sont que quelques maigres pourcents du gain réel de l’industrie financière. Si des millions sont empochés par les traders, c’est que des milliards ont été gagnés par les banques. Pourquoi les banques gagnent-elles des sommes aussi colossales ? Tout simplement parce que ces sommes ne sont plus partagées avec la masse des salariés.
    Fuchs: Vous appartenez aux experts économiques structuralistes, qui critiquent l’assimilation de l’argent au crédit comme étant hautement idéologiques, et responsables en réalité de la dissimulation de ces processus de concentration de la richesse, dont nous venons juste de parler. Où se trouve donc l’erreur quand on dit que l’argent liquide et l’argent scriptural sont des choses identiques ?
    Jorion: On parle de la masse monétaire et de la création monétaire par les banques. Dans la comptabilité globale usuelle, on additionne les sommes en espèces, et ce que les gens ont sur leurs comptes en banques et leurs livrets d’épargne. Puis on constate, que cela croît toujours, que la richesse s’accroît en permanence. Ce faisant, on oublie que les espèces et l’argent scriptural sont des choses fondamentalement différentes. Prenons par exemple trois personnes, qui ont chacun 10 euros dans la poche. Elles prêtent cet argent à trois autres. Si on compte la masse monétaire de cette manière [scripturale], on a multiplié la somme par trois (ici je ne comprends pas le calcul, même ayant lu l’argent mode d’emploi : c’est pas multiplié par 2 ?). Car chacun des trois créanciers a une reconnaissance de dette dans sa poche, et les trois emprunteurs comptent le liquide qu’ils ont [et qui vient s’ajouter donc]. Ce n’est pas une erreur de compte, c’est bien là la méthode de calcul. On parle de masse M1 M2 etc. Le théoricien de l’économie Schumpeter a très bien expliqué, pourquoi on additionne les richesses positives et négatives, c’est-à-dire les dettes, ensemble. C’est seulement en temps de crise que la distinction va se manifester. La valeur d’un billet de 10 euros est 10 euros. Son pouvoir d’achat peut baisser, si les prix montent, mais la valeur reste fondamentalement la même. Il en va tout autrement pour une dette inscrite en compte. Elle sera pondérée par le risque, par la vraisemblance que le remboursement ait bien lieu. En ce qui concerne les crédits hypothécaires souscrits, qui ont déclenché la crise des subprimes aux USA, leur valeur est tombée à zéro. Soudain les agrégats monétaires M1M2 se sont mis à fondre comme neige au soleil. Ou l’argent est-il parti ? Le liquide est encore là, mais tout l’argent à crédit, les reconnaissances de dettes etc. est parti. Les économies nationales n’ont certes pas mis en place ces méthodes de compte des masses d’argent pour rendre service au secteur bancaire. Mais objectivement, ces méthodes sont très utiles à l’industrie financière. Mais les économistes se sont trompés, on ne peut pas additionner les deux. L’un est un chiffre réel, l’autre est un chiffre virtuel

    Fuchs: La ligne de défense du secteur bancaire est que l’argent public qu’on a du dépenser pour leur sauvetage, n’est fondamentalement que des garanties, et que l’argent en réalité n’est pas du tout perdu, qu’il pourra être remboursé sous certaines conditions; que doit-on penser de ce discours ?
    Jorion: Prenons par exemple un « mortgage based security », un papier (bon) commercial assuré sur une hypothèque. La dedans on a mis ensemble les crédits hypothécaires de 3000 propriétaires de maisons. Chaque fois qu’ils payent leur mensualité, de l’argent va dans la poche de l’actionnaire. Si le papier a été émis en 2007 et quelques uns des débiteurs ont déjà cessé leur remboursement [fait défaut], il vaut peut être 83 cent pour un dollar. Les banquiers disent maintenant, si les débiteurs restants payent bien leur dû, il n’y a pas de raison de le dégrader, il suffit de le garder jusqu’à ce qu’il atteigne la maturité. Mais c’est ridicule, car il n’y a pas l’ombre d’une raison pour cette croyance, pour que la situation s’améliore l’an prochain ou celui d’après. Derrière cette argumentation se tient le le schéma de fixation du prix dit « mark to model ». Ce que les banquiers cachent, c’est que ces « modèles » se réfèrent à un modèle idéal, qui ignore et laisse de côté les difficultés actuelles. Le taux de chômage, par exemple, ne change pas de façon fulgurante d’une semaine à l’autre. Ce sont des cycles longs qui y jouent un rôle. On s’est ainsi réjoui aux USA du fait qu’en mars, 162 000 nouveaux emplois avaient été créés. En y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’un tiers est du à l’embauche pour le recensement en cours, un autre tiers découle des fluctuation naturelles des créations d’entreprise dans les USA. Donc seules 50 000 de ces postes sont de véritables créations. Mais on sait par ailleurs que pour retrouver une économie saine, les USA ont besoin de créer 250 000 nouveaux emplois par mois, et ce pour les 5 prochaines années. Bien sûr il n’est pas interdit d’être un incorrigible optimiste, et de croire que demain après le réveil, tout sera comme avant la crise. Mais dans tous les autres cas, on doit établir les comptes avec des instruments professionnels qu’on a à sa disposition.
    Fuchs: C’est-à-dire que ces « Bad Banks » de sinistre réputation, sont une « tombe à sous » (un puits sans fond), où l’argent sera effectivement enterré ?
    Jorion: La probabilité de résurrection est la même que dans un cimetière. Il y a un détail historique intéressant. En mars 2008, le ministre des finances US Henry « Hank » Paulson organisa le rachat de Bear Sterns par JP Morgan. Par la suite il affirma souvent, et publiquement, que ce sauvetage serait le seul de son genre, qu’il n’y aurait pas de seconde fois possible. Il continua à répéter cela aussi six mois plus tard, quand la faillite de Lehman-Brothers survint. On avait enseveli les ordures financières toxiques de Bear Sterns dans plusieurs « bad banks » et mis un couvercle la dessus, comme si c’était un deuxième Tchernobyl. Personne ne devait en parler, personne ne devait savoir, ce qui se cachait là dedans. C’est seulement sous la pression des médias, de Bloomberg et de Fox News,que cela a été mis en lumière, on a soulevé le couvercle et regardé dedans, et ce qui était là dedans, ne valait absolument plus rien.

    Fuchs: Si je vous ai bien compris, vous voyez le vrai arrière-fond historico-culturel pour que nous vivons en ce moment à l’extrême dans une sorte de perversion de la nature de l’argent, un fétichisme de l’argent. D’un instrument de circulation, l’argent comme instrument de circulation, on a donc fait un instrument d’accumulation de la valeur. Dans quelle mesure est-ce un mésusage de l’argent, car après tout, pour nous, depuis la renaissance, l’intérêt est liée à la représentation de l’usage de l’argent [Fuchs dit littéralement « la représentation de l’intérêt est liée à l’usage de l’argent»]
    Jorion: On peut dire que l’argent est un instrument neutre et il a comme tel ni une valeur positive ni négative. C’est un substitut simple pour l’échange. Un bien, qui a été conçu spécialement pour le négoce. Historiquement cependant une image tout autre émerge. A l’origine, les sociétés féodales étaient régies par des castes de guerriers, qui s’appropriaient la propriété foncière par la violence/force. Ils étaient ce que Hegel a appelé les « seigneurs ». Face à eux la majorité du peuple est en position de « valet ». Les uns travaillent, les autres règnent. Pour que les produits qui naissent dans cette division du travail puissent circuler, il faut des négociants(commerçants). Ils passent de pays en pays, vendent leurs articles et vivent de la valeur ajoutée. Pour ce négoce, l’argent répond bien au besoin d’un instrument de circulation. Au Moyen Age et surtout à la Renaissance, les régnants font une découverte surprenante. Ils n’ont plus besoin de leur puissance [guerrière]/violence comme fondation de leur domination. L’argent rend le même service. Avec lui on peut d’une autre façon, faire travailler pour soi. Même la révolution française avec la nouvelle répartition du pouvoir n’a pas changé cela. Les aristocrates ont vite compris qu’ils pouvaient renoncer à leurs privilèges féodaux [nobiliaires], s’ils possédaient suffisamment d’argent. On n’a pas plus besoin d’une épée ni d’un sabre, on peut s’en arranger avec de l’argent. Aristote a reconnu cet aspect de l’argent comme un héritage de la violence dans la société. C’est-à-dire que l’instrument en soi neutre des échanges économiques se transforme dans la société construite sur la domination. L’argent reflète la relation de dominance et remplace les instruments de violence.
    Fuchs: Que devrait-on faire pour neutraliser, affaiblir ou peut être même rendre caduques [abroger] ces effets de l’argent antidémocratiques et renforçateurs de la domination ?
    Jorion: on l’a fait en 1929 et répété en 2007 : on attend si longtemps, jusqu’à ce qu’une telle concentration de la richesse de la société soit atteinte, que l’ensemble du système s’écroule sur lui-même. C’est alors qu’on repense à la redistribution. Dans les années 30, ce furent les instruments que Keynes a développé en Angleterre, qui ont tracé un chemin de sortie de la crise, et qui furent aussi mis en œuvre aux Etats-Unis. Pour Keynes, le plein emploi était au premier plan. Il faut se rappeler que les fascistes et les communistes se faisaient face en Angleterre. L’enjeu était gros. La démocratie était menacée des deux côtés par des systèmes totalitaires. Keynes combattit les effets de concentration avec des moyens fiscaux. L’argent doit être redistribué. Pour que les gens consomment à nouveau, pour qu’ils puissent acheter les biens qu’ils produisent eux-mêmes, on doit avant tout leur donner du travail et les payer comme il faut. L’impôt comme instrument de la redistribution, tel qu’il a servi de base à l’édification de l’état social kéynésien, est malheureusement aujourd’hui un outil émoussé. On a en effet permis aux entreprise de l’économie réelle de devenir quasi virtuelles. Quand leur chaîne de création de valeur se répartit sur plusieurs pays, ils peuvent, de par la concurrence mondialisée entre Etats-nations profiter des derniers lieux de travail restant [les moins chers]. Cela n’est rien d’autre que de dire qu’on permet à la richesse produite dans une société de se retirer dans un espace virtuel quasi transnational. L’influence de l’argent sur la politique est d’une force inouïe. Il est plus facile, pour être élu à un poste politique de responsabilité, d’appartenir à un parti qui est soutenu par l’industrie de la finance. Aux USA, cela a conduit à un système, qui s’approche beaucoup de l’ancien suffrage censitaire. La cour constitutionnelle des Etats Unis a abrogé toute restriction aux dons politiques de la part des entreprises. Et cela en se référant au principe de la liberté d’expression des opinions. Bien sûr, les entreprises ont des moyens financiers sans commune mesure avec ceux des individus moyens. Avec l’argent on peut acheter l’influence dans la société. On n’a plus besoin d’un coup d’état, on n’a pas besoin d’envoyer de troupe, l’argent parvient à rendre le même service.
    Fuchs: Il y a une autre proposition de Keynes, que vous avez reprise, c’est cette monnaie mondiale artificielle, qu’il avait nommée le « bancor », proposition sur laquelle il avait insisté à Bretton Woods, et qui ne fut pas retenue. Dans quelle mesure cette proposition pourrait nous aider dans notre situation du moment ?
    Jorion: Il faut vérifier si le Bancor peut représenter une solution. Dans son principe, il ressemble aux dénommés « Droits de Tirage Spéciaux » (DTS) , comme le FMI les a institué. Le cas grec et l’Eurocrise montrent clairement qu’une monnaie doit correspondre à un espace économique qui suit une politique économique unifiée. Les Etats-Unis ont ancré dans leur constitution la solidarité entre leurs états fédéraux. La Californie doit, avec son solde commercial excédentaire, se porter garante de la pauvre Géorgie [l’état américain]. Sinon ça ne marche pas. On ne peut pas d’un côté profiter d’un espace monétaire unifié sans risque de devises pour ses propres industries d’exportation, et en même temps d’un autre côté décliner toute responsabilité pour les déséquilibres économiques. Cela concerne le champion du monde des exportations, l’Allemagne, et sur le plan de l’économie mondiale son concurrent, la Chine. Un pays qui s’est spécialisé dans les exportations ne peut pas reprocher aux autres pays de ne pas exporter autant. Où devraient-ils alors exporter ? tant que Mars n’existe pas comme marché d’exportation, ça ne marche pas. Le commentateur en chef du Financial times, Martin Wolf, l’a très bien décrit. Les allemands ne veulent plus reconnaître la règle de leur philosophe Emmanuel Kant : un principe doit toujours avoir validité pour tous, il doit être universel. Mais tous ne peuvent pas devenir en même temps champion du monde des exportations.
    Keynes a reconnu ce problème. Il cherchait un système qui aurait eu la capacité de corriger les déséquilibre des balances de commerce. Le cœur de sont Plan-Bancor, consistait à constituer une unité de compte monétaire qui sanctionne autant les déficits que les excédents des bilans commerciaux nationaux. Car les deux sont nocif pour une économie mondiale durable. Malheureusement, il n’a pas été entendu à Bretton Woods. Du reste ce n’est pas sa trouvaille. Il l’a reprise de Hjalmar Schacht, qui fut le président de la banque du Reich et aussi ministre de l’économie de Hitler. Schacht fut inculpé après la guerre de complicité à Nürnberg. Il fut acquitté, mais Keynes ne pouvait tout de même pas avouer que ce concept avait vu le jour dans l’Allemagne vaincue. Cela aurait enlevé à cette idée toute chance de mise en place dans l’après-guerre. On n’en aurait même pas discuté une seule fois.
    Fuchs: Dans le mainstream économique, on a décidé que la crise était déjà en train de se terminer : des signes positifs à l’horizon, le pire est derrière nous. Vous êtes, vous, beaucoup plus pessimiste, vous croyez au « double trou », à cette crise à deux coups en forme de W, dans laquelle le deuxième creux sera beaucoup plus dramatique que le premier, et cette deuxième étape, dans quel champ se déploie-t-elle ? Y aura-t-il une crise de la dette publique ? Y aura-t-il une crise de la demande déclenchée par l’épargne ? donc une crise de déflation, et où cela va-t-il se jouer ?
    Jorion: Je me permets de poser en premier la question de qui est ce Mainstream dont vous parlez ? Ce sont quelques journaux, quelques chaînes de télévision, sûrement pas la majorité ! En avril il y a eu un sondage en France. On a demandé aux gens s’ils croyaient à la fin de la crise. 75 pourcent ont répondu non.
    Ce qui nous attend vraisemblablement, c’est la maladie japonaise : une période qui s’étire de stagnation durable et de déflation. Pour Keynes, la déflation était le plus gros danger. Personne ne dépense son argent car demain, on pourra tout avoir pour encore moins cher. L’économie s’approche alors d’un point d’arrêt, le chômage croît abruptement, une spirale d’appauvrissement d’une large partie du peuple.
    La récession va continuer. Les Etats ont vidé leurs cartouches, il n’y a plus de munition. Le sauvetage du secteur bancaire a utilisé les dernières réserves, les états ont dépensé davantage que ce qu’ils avaient. Dans leur majorité, ils sont aussi insolvables que l’est la Grèce. La tentation est grande de diminuer le poids de la dette par l’inflation. Mais l’inflation est comme un feu de broussailles, elle se laisse difficilement contrôler.
    On me pose souvent la question de savoir si nous vivons la crise finale du capitalisme. Je pense que c’est le cas. C’est une espèce d’agonie qui se déroule ici. Il ne mourra peut être pas des causes que Marx avait prédites. Mais cela ne change rien. Marx a pu se tromper et le système néanmoins se retrouver mortellement atteint.
    Il faut agir, on doit empêcher l’industrie de la finance de continuer à causer des dégâts. Je plaide depuis trois ans pour que les paris sur les prix soient interdits. Mais rien ne bouge. Se sont des sommes énormes qui sont ponctionnées sur l’économie avec ces espèces de « va-tout » /bandit manchot/ casino/poker. C’est quelque chose de très, très dangereux.

    1. Avatar de Paul Jorion

      Merci à vous tous, je vais relire le tout, puis le mettre en ligne.

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