L’après-Covid-19… n’est pas pour demain, le 20 avril 2020 – Retranscription

Retranscription de L’après-Covid-19… n’est pas pour demain, le 20 avril 2020.

Bonjour, 20 avril 2020. Ma petite causerie s’intitulera « L’après-Covid n’est pas pour demain ».

Le 20 avril, ça signifie aussi pour moi que demain j’interviewe l’homme d’État belge Paul Magnette. Ce sera dans l’après-midi et vous le verrez, vous, à 18 h. Ça risque d’être intéressant. C’est une personnalité en Belgique, vous le savez, de premier plan, qui est apparue dans l’actualité internationale essentiellement pour l’opposition de la Wallonie dont il était Ministre-Président à cette époque-là au CETA, au traité commercial avec le Canada, entre l’Europe et le Canada, l’Europe qui fait partie de l’Union européenne. Le discours qui a été prononcé par Paul Magnette est un discours absolument remarquable, qui a fait d’ailleurs le tour du monde. Maintenant, il est à la tête du Parti socialiste belge, également bourgmestre, c’est-à-dire en français de France maire de Charleroi.

Mais donc, ce n’est pas de ça que je vais vous parler maintenant. Je voudrais vous parler de cette notion d’après-Covid. On a eu l’amabilité de me demander à La Catho de Lille, l’Université catholique de Lille, de faire un cycle de conférences comme j’en avais fait un en 2018-2019 qui s’appelait « Faut-il déclarer l’état d’urgence pour le genre humain ? » et dont les leçons ont été co-rédigées, additionnées, complétées par la réflexion de Vincent Burnand-Galpin et ça a produit ce livre que vous n’avez pas encore vu mais qu’on espère que vous pourrez voir un jour, qui s’appelle : Comment sauver le genre humain. Enfin, vous, en général, ne l’avez pas vu. Il avait commencé à circuler sous forme d’abord d’épreuves du livre et de premiers exemplaires, ce qui fait que vous pouvez en voir l’influence sur certains hommes d’Etat et femmes d’Etat mais le bouquin n’est pas facilement accessible, peut-être sous forme électronique si l’on veut.

On m’a demandé donc de refaire un cycle de conférences qui commencera à l’automne et qui sera combiné à l’invitation de spécialistes. Ce sera une double formule, un peu comme j’avais fait à l’Université néerlandophone de Bruxelles (la VUB) à l’époque où j’étais à la tête de cette chaire, de la chaire de réforme de la finance. Je ferai des leçons et il y aura des invités pour parler de certains des sujets que j’aurai couverts mais aussi pour compléter dans les domaines que je ne connais pas parce qu’il y a un certain nombre de choses que je peux couvrir moi-même mais il y a un certain nombre de domaines où je n’ai pas la compétence et, si on parle de l’Après-Covid, il faudra parler du Covid-19 et là, je n’ai pas l’intention de me situer comme expert épidémiologue, virologue. C’est des choses que je laisse aux gens qui connaissent le sujet.

Le titre de mon séminaire sera L’Après-Covid mais la question que je me pose aujourd’hui, c’est : quand y aura-t-il un après-Covid ? Parce que, plus on comprend la maladie, plus on comprend ses implications, plus il semble difficile de résoudre l’ensemble des problèmes qui se posent et c’est ça qui distingue, je dirais, les gens sérieux de ceux qui ne le sont pas.

Vous devez vous souvenir de la notoriété qui a été celle du Dr Raoult qui se fondait sur des affirmations qui présentaient tous les caractères extérieurs de la pensée complotiste, pas parce que ce monsieur se présente comme climatosceptique, encore que M. Mark Alizart, qui se trouve bien haut sur la liste des gens que nous avons l’intention d’inviter, a dit récemment que le climatosceptisme n’était pas une position à l’intérieur de la communauté scientifique, que c’était un Parti politique et ça, ça nous a secoués un petit peu parce que ça nous a fait tomber les écailles des yeux.

Oui, il y a des positions qui ne sont pas des positions à situer à l’intérieur – sur l’éventail des opinions possibles à l’intérieur du discours scientifique – mais qui se situent en-dehors. Et là, dans les déclarations initiales du Dr Raoult, il y avait bien entendu à la fois : « Ce n’est pas sérieux, c’est une grippette » et « Je connais les moyens de nous sauver tous de cette horreur ! » et j’avais souligné ça en disant ou bien c’est une grippette, ou bien c’est une horreur mais ce n’est pas les deux. Et j’avais fait le rapprochement avec un article que j’avais dû lire, si j’ai bon souvenir, dans le Guardian, qui s’intéressait à cette chose tout à fait curieuse qui était que les personnes interrogées à propos de la mort de la Princesse Diana, « Lady Di », c’étaient les mêmes personnes qui considéraient que la princesse, en réalité, n’était pas morte et qu’il ne s’agissait pas d’un accident mais d’un meurtre. Alors, la question se posait bien entendu. Comment une personne toujours en vie peut-elle être victime d’un meurtre ? Ou alors, il faut que ce soit une tentative qui n’ait pas réussi.

Et alors là, le fondement même, c’était la chose suivante. C’était que la pensée complotiste a pour principe de dire le contraire de ce que les gens en place, les gens bien-pensants, les « zélites » pensent et que des contraires, comme Aristote l’avait déjà bien souligné, il y en a des millions. On peut dire des tas de choses qui sont « le contraire ». Un kangourou n’est pas un dinosaure. Donc on peut dire qu’un dinosaure est « le contraire » du kangourou mais on peut aussi bien dire qu’un kangourou n’est pas une pâquerette ou un tournesol et on peut faire la liste à l’infini.

Et là, dans ce cas-ci, puisque la pensée bien-pensante disait : « C’est une épidémie qui s’annonce bien dangereuse et nous ne connaissons pas les moyens de la traiter », on pouvait dire deux choses : « Ce n’est pas dangereux » et « On connaît les moyens de la traiter ».

Alors, la pensée complotiste tombe dans le piège de dire des choses contradictoires. C’était d’ailleurs… Il y avait un anthropologue ou quelqu’un qui s’affirmait « anthropologue » en tout cas, qui semble plutôt être un spécialiste du chamanisme mais plutôt comme un pratiquant du chamanisme que comme un analyste du chamanisme, avait repris les mêmes thèses.

Ce que nous savons maintenant, c’est que ce n’est pas une grippette : c’est une saloperie ! Et plus on comprend ce que c’est, plus on comprend que ce n’est pas simplement une grippe importante : c’est en fait une pneumonie et cette pneumonie a des ramifications non seulement, bien entendu, dans les dommages que cela peut créer sur les poumons mais aussi sur le système cardiaque. On parle des reins. On parle de la peau, etc.

C’est vraiment un truc pas sympathique, c’est-à-dire qu’il va falloir trouver un vaccin et un remède. Il va falloir trouver les deux. Quand on aura un vaccin, il faudra encore savoir quelle est l’efficacité de ce vaccin. On s’aperçoit déjà maintenant que les gens qui récupèrent, qui vont mieux, ne sont pas nécessairement immunisés, n’ont pas l’air d’être immunisés de manière suffisante qu’on ne craigne pas des rechutes ou des réinfections s’ils contactent à nouveau les personnes qui sont en train de répandre le virus autour d’eux.

C’est une saloperie et le fait est qu’on n’a pas encore le vaccin, on n’a pas encore de remède. Des remèdes sont testés. La chloroquine ne paraît pas particulièrement prometteuse de ce point de vue-là, d’après ce qu’on voit, quand il y a des études statistiques sérieuses qui sont faites. On parle d’antiviraux qu’on connaîtrait déjà mais rien jusqu’ici n’est convaincant et il faut regarder ce qui se passe. Donc, vous le savez, on considère qu’il faut encore au moins 3 semaines – 1 mois pour avoir des résultats de traitements possibles et quand vous interviewez des grands spécialistes du vaccin et j’écoutais un professeur, un professeur, une « professeuse » américaine tout à fait enthousiaste en disant : « Ça ira beaucoup beaucoup plus vite qu’on ne le croyait ! On est allé très vite en fait. Pourquoi ? Parce qu’on était prêt, on sait ce que c’est un virus. On avait fait des sortes de répétitions générales et maintenant, voilà, c’est formidable, on peut aller beaucoup plus vite que ce qu’on imagine ! ». Et alors, quand le reporter dit : « Vous parlez de quand ? », elle dit : « Eh bien , le printemps, voilà, le printemps 2021 ».

Alors, le printemps 2021, c’est dans un an. Ces gens-là réfléchissent en termes de ce qu’ils pensaient au départ, qui était probablement de l’ordre de 2 ans ou de 18 mois, et donc, ils sont d’un enthousiasme extraordinaire à l’idée que ça pourrait être seulement un an. Pour nous qui devrons attendre un an, et en particulier pour ceux qui, soit, ont déjà des « conditions préexistantes » comme on dit, soit atteignent un âge où ils entrent dans la catégorie, de toute manière, de gens qui sont affaiblis pour une raison ou pour une autre, parce que leur système est entré en voie de sénescence, de déliquescence plus ou moins rapide, nous sommes, nous faisons partie, de fait, sans avoir de condition préalable, sans avoir le diabète, le cancer, conditions cardiaques, etc., pulmonaires, sans même ça, nous sommes déjà des gens qui sont relativement usés par rapport aux autres et donc plus exposés.

Alors, ce Covid, cet Après-Covid, quand est-ce qu’il aura lieu ? Il y aura probablement une longue, très longue période qu’on ne pourra pas encore appeler Après-Covid.

L’Après-Covid, comme je le dis dans mon titre, ce n’est pas pour demain. Pourra-t-on même un jour utiliser l’expression ? Je n’en sais rien. Je ne vais pas refuser pour autant de faire ce séminaire et donner ces leçons, parce que c’est enthousiasmant. D’abord, ça me fait plaisir qu’on me demande de le faire et ensuite, on pourra inviter des gens intéressants et on pourra discuter de tous les problèmes qui se posent.

Mais pour des questions comme, par exemple, « Quand pourra-t-on lever les restrictions actuelles sur les libertés individuelles ? », il est évident que, pour des raisons de sécurité, justifiées ou injustifiées, justifiées aussi, on continuera de nous dire pendant un certain temps que c’est peut-être, que vu la segmentation qu’on est obligés de faire, qui est une hiérarchisation de fait dans la population par rapport aux possibilités de sortie du confinement, que nous ne serons pas traités de la même manière, que la restriction des libertés individuelles peut, pour des raisons… simplement aussi parce que ce sera bien pratique, parce qu’il est difficile, quand quelque chose qui apparaît sous un certain aspect comme un progrès, de le retirer en disant : « Oui, mais enfin bon, ça empiétait à ce point sur nos libertés individuelles ! ». On le fait très très rarement. On fait très très rarement ce genre de choses donc il faudra se méfier.

Alors, ce qui est en train de se passer aussi : il y a des débats au sein des pays. Il y a des thèmes souverainistes qui sont évoqués par le président de la République en France, M. Emmanuel Macron : un repli sur soi-même. On s’aperçoit que ce que moi j’ai appelé depuis des années – je ne sais pas si c’est une dizaine d’années à peu près – la « bangladeshisation » du monde, c’est-à-dire que toute chose qui peut être construite, fabriquée, à un prix inférieur quelque part dans le monde, c’est là que l’usine est allée se mettre. Alors là, on est en train de le remettre en question parce qu’on s’aperçoit qu’il y a des choses qu’il vaut mieux que l’on puisse réquisitionner, qu’on puisse mobiliser : l’industrie à produire du gel hydroalcoolique, à produire des masques, à produire des respirateurs, etc. C’est des choses dont on peut avoir besoin du jour au lendemain.

Pour toutes ces choses qu’on ne peut régler, qu’on ne peut pas gérer en fait avec du flux tendu en disant : « Voilà, pour avoir un nouvel exemplaire demain, on dépend simplement d’un avion qui viendra, je ne sais pas, des Philippines, du Kamtchatka, etc. », il suffit que… justement, quand il n’y a plus de pilote dans l’avion – parce qu’il vaut mieux que le pilote reste à la maison – la chose devient beaucoup plus compliquée.

Donc, un après-Covid qui va se dessiner et qui sera insidieux dans la manière dont il va apparaître et qui rendra difficile aux gens qui diront, comme on a pu le faire en 2009 : « Maintenant, on est dans l’après-crise des subprimes. Maintenant, il faudra faire ceci ou cela ! ». D’abord, ça n’a rien donné du tout mais maintenant, on pourra dire : « Nous sommes prévenus, et le jour de l’après-Covid, on sera là sur les barricades ! » . Oui, mais le jour de L’Après-Covid, on ne pourra pas le déterminer facilement et, en tout cas, ce n’est pas pour tout de suite.

Donc, il faut qu’on se mettre à discuter maintenant, qu’on voie ce qu’il faut changer, etc.

Cela dit, la remise en place d’un véritable Etat-providence, là, on ne va pas pouvoir dire : « Oui, mais on est déjà presque sortis du Covid d’une certaine manière donc on arrête ». Non, ou alors, il y a tellement de gens qui se seront remis au travail que, oui, peut-être, là, il faudra être vigilant mais, comme je vous le dis, on va avoir une période intermédiaire qui pourrait bien être éternelle d’une certaine manière parce que, de la manière dont nous détruisons l’environnement autour de nous, les épidémies comme ça seront de plus en plus nombreuses alors on pourra bien dire, comme cette « professeuse » : « Oui, on sera toujours davantage bien prêts ! ».

Oui, mais si on a une succession d’épidémies comme ça, rapidement, s’il y a des confinements qui coïncident avec des périodes de canicule, etc. on risque d’entrer, plutôt que d’avoir un Après-Covid qui sera « Le lendemains qui chantent », « Les jours heureux », on risque d’avoir ce que j’ai désigné, moi, et je ne suis pas le seul, comme les premiers stades, en fait, de l’effondrement. D’autant qu’on va se trouver dans un monde où, d’un point de vue géopolitique, les choses vont changer de manière dramatique.

La Chine, même s’il y a une seconde vague, la Chine sait comment il faut faire. C’est au prix, justement, d’un traitement des citoyens qu’en Europe occidentale, aux Etats-Unis, on n’est pas prêt à accepter, en tout cas pas facilement. Il faudrait qu’il y ait vraiment beaucoup de morts avant qu’on l’accepte. Mais, du coup, la Chine va pouvoir remettre son appareil industriel, etc. en marche assez rapidement. Il n’y a pas eu de secousses financières en Chine. Elle ne dépend pas des marchés internationaux autant que les autres pays. On l’a déjà vu, la Chine, quand il y a des problèmes à la bourse, on ferme la bourse et on attend que ça passe, etc. C’est un capitalisme qui est un supplément.

En Chine, le capitalisme est un supplément. J’ai déjà raconté ça : j’ai des collègues, il y a déjà 10 ans, des collègues anthropologues qui sont allés en Chine : « Ah oui, le capitalisme est partout. C’est irréversible, etc. ». Je leur ai dit non. D’abord, c’est la Chine : c’est-à-dire ,c’est autre chose et puis, c’est dirigé par un Parti communiste et ce Parti communiste distille, ici et là, des acceptations partielles du système capitaliste mais le système capitaliste n’est pas entré véritablement à l’intérieur du système.

Si, il y a des gens qui font des choses, il y a des gens qui les vendent, il y a des marchands et des choses comme ça. Il y a une économie de marché. On en parle assez à propos des marchés où on vend des animaux sauvages un peu risqués pour nous mais ce n’est pas un système qui s’est engagé entièrement, par exemple comme les Etats-Unis, dans le capitalisme, et je lisais cette pensée, je l’ai reproduite sur le blog. Je retombais, à cause du cours d’anthropologie, sur cette pensée de Lewis Morgan en 1877 : « Le stade ultime de la civilisation est atteint quand les personnes mettent le souci de la propriété privée au-dessus de tout et comme représentation d’un amas, d’une accumulation de richesses en fonction de temps dits difficiles ». Ça, c’est le stade ultime de la civilisation pour cet Américain en 1877. C’est l’écureuil fou de L’âge de glace, le fameux dessin animé.

Alors, je vais faire mon cours. Je vais continuer en interviewant Jacques Attali, en interviewant Julliard, le président de Greenpeace et Paul Magnette et encore d’autres personnes qui ont déjà accepté comme M. Xavier Bertrand et d’autres à qui j’ai envoyé des invitations hier. Nous allons continuer le débat. Nous allons essayer, sur un plan politique, de conseiller les gens sur ce qu’il faudrait faire par la suite.

Et, de la même manière – je vais terminer là-dessus – de la même manière que j’ai commencé mon cycle de conférences en 2018, à l’automne 2018, en faisant le compte-rendu d’un certain nombre de films qui parlaient justement d’état d’urgence : j’ai parlé du « Dernier rivage » sur l’urgence d’une guerre nucléaire qui supprime toute population à la surface de la Terre, du film « Elysium », du film « Interstellar », du film « Terminator ». J’avais commencé comme cela le cycle. Et là, mon cycle sur l’Après-Covid-19, moi, je vais le terminer par des films. Au lieu de parler de dystopies, on parlera d’utopies.

On parlera d’utopies et j’ai regardé d’ailleurs… Je l’avais vu à l’époque, sans doute. Je l’avais vu, « L’An 01 », et j’ai regardé à nouveau « L’An 01 » parce qu’il fera partie de mes films d’utopie dont je parlerai. Il n’y a pas vraiment – si vous ne l’avez pas vu depuis longtemps – il n’y a pas vraiment un projet de société à part le thème bien connu de la chanson d’Henri Salvador « Faut rigoler ! » mais, à part ça, à part ça, il n’y a pas un projet de société.

J’en aurai d’autres. J’aurai « La belle verte » de Coline Serreau, que j’ai présenté et on va essayer d’inviter Jacques Doillon. On va essayer d’inviter Coline Serreau, à venir parler de leur propre film. Je parlerai aussi de « Zardoz » qui est sans doute l’utopie la plus curieuse qu’on n’ait jamais faite dans l’histoire du cinéma mais de la part de John Boorman, qui nous a fait des choses très curieuses par ailleurs, on ne pouvait pas attendre autre chose mais il faudra en parler. Il faut parler de « Zardoz ». Si vous ne l’avez jamais vu, je ne dirai pas que c’est un grand film mais c’est une curiosité dans l’histoire du cinéma.

Je n’ai pas vu la série qui a été faite sur ce qu’on appelle en français Les enfants d’Icare de Arthur C. Clarke, qui s’appelait à l’origine… c’est un roman qui s’appelle Childhood’s End, la fin de l’enfance. En français, on a traduit ça par Les enfants d’Icare et il y a une série qui a été faite. Je ne l’ai pas vue. J’ai commandé les DVD pour la regarder : on parlera de ça aussi.

On parlera des utopies : on parlera du monde qu’il faut mettre à la place. C’est un thème moins couru. Pourquoi moins couru ? Probablement parce que certains grands philosophes, certains grands penseurs ont été extrêmement sceptiques. Je parlerai à cette occasion, parler des utopies, je parlerai de Sigmund Freud qui nous a parlé des religions : de L’avenir d’une illusion, qui sont à la fois des illusions selon lui et qui sont à la fois indispensables pour tenir ensemble les sociétés d’une certaine manière. Et aussi, surtout, Malaise dans la culture = Malaise dans la civilisation, son pamphlet, je dirais, sur l’impossibilité pour l’être humain d’être véritablement heureux, de l’impossibilité d’éliminer la rivalité, la compétition, la concurrence dans un grand nombre de domaines. Il faudrait commencer par le faire effectivement en économie mais sur le fait que, comme disait-il, il y aura toujours des gens qui se battront pour une femme qu’ils aimeront tous les deux et toujours des femmes qui se battront toutes les deux pour un homme qui leur plaît. Et ça, on ne voit pas, disait Freud… Il répondait à l’esprit de l’époque – il écrivait à la fin des années 30 – ce n’est pas le socialisme ni le communisme qui vont nous régler cette affaire-là qui est bien plus profonde et qui est liée au fait que, voilà, nous sommes des êtres humains : nous nous reproduisons et nous éprouvons un certain plaisir à le faire.

Et, par ailleurs – et ça, il y en a d’autres qui le soulignent – nous mangeons des tas de choses autour de nous, comme les choses autour de nous mangent des tas de choses. La preuve : les virus ! Nous mangeons des tas de choses et nous sommes dans un rapport d’hostilité de fait avec la nature autour de nous. On peut dire : « Oui, oui, il faut changer ça, etc. ». Oui, c’est gentil mais nous exerçons, de fait, une activité de prédation sur le monde autour de nous, même si c’est des salades qu’on fait pousser gentiment dans son jardin : on va quand même finir par les manger. C’est quand même pas gentil vis-à-vis de la salade. Mais ça, tout ça, je ne vais pas dire que je ne serai pas enthousiaste pour les utopies dont je vous parlerai mais, on verra ! Là aussi, il faut garder un peu son esprit critique.

Voilà une petite réflexion sur L’après-Covid. Malheureusement, ce n’est probablement pas pour demain.

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Une réponse à “L’après-Covid-19… n’est pas pour demain, le 20 avril 2020 – Retranscription”

  1. Avatar de Toulet Alexis
    Toulet Alexis

    Il y a au moins deux sens à l’expression « après-Covid 19 » :

    – D’une part le sens le plus direct possible, qui est « ce qui arrive après Covid-19 ». Et dans ce sens, naturellement l’après-Covid 19 a déjà commencé, il a commencé dès l’apparition du virus, ou dans une acception légèrement différente il commence pour chaque pays à partir du moment où le virus s’y répand. Donc, l’après-Covid 19, nous sommes déjà dedans

    – D’autre part un sens un peu moins direct, mais qui est ce que beaucoup sans doute espèrent, c’est-à-dire « le moment où on pourra enfin oublier ce fichu virus ». Le moment où on pourra recommencer notre vie d’avant. Comme si ce virus n’avait été en fait qu’une « parenthèse ». Un moment désagréable, voire même angoissant et dangereux, mais enfin il y aura bien un moment où notre bonne vie d’avant reprendra. Non ?

    Eh bien, dit comme ça… La réponse pourrait être : Non.

    Certes l’histoire de la médecine et de la biologie du dernier siècle est celle d’une conquête extraordinaire, celle d’une victoire de l’humanité sur ses pathogènes. Victoire dont on pourrait sans doute discuter quelques détails, comme le SIDA dont après tout nous sommes obligés de continuer à nous garder car on ne sait pas le guérir même après plus de trente ans de recherche – cependant on sait beaucoup mieux le soigner – ou comme Ebola ou le MERS qui sont toujours sans remède – cependant on sait les contenir si bien que les épidémies n’affectent que de tout petits groupes pas des pays sans parler du monde entier. Mais victoire qui a quand même abouti à ce que pour la première fois de l’Histoire on puisse vivre sans craindre telle ou telle épidémie effrayante comme la peste et d’autres. Du moins dans les pays les plus développés.

    Les moyens scientifiques sont aujourd’hui plus puissants qu’ils ne l’ont jamais été, il est donc permis d’être optimiste pour une victoire à court terme – un ou deux ans – sur le nouveau coronavirus.

    Oui, mais l’optimisme n’est pas obligé. On peut rappeler que cet autre coronavirus qu’est le MERS n’a toujours pas de remède ni de vaccin après dix ans. Que le Sida ne peut toujours pas être guéri, même si les traitements améliorent beaucoup le sort des malades et allongent leur survie. S’agissant d’ailleurs de concevoir Covid-19 comme une « parenthèse » à refermer, une autre parenthèse s’est ouverte dans les années 1980 lorsque a pris fin la possibilité ouverte par la contraception chimique pour les hommes et les femmes d’avoir des aventures sans utiliser de préservatif. Cette parenthèse-là, ouverte par l’épidémie de Sida, s’est-elle depuis refermée ? Non. En un sens, nous ne sommes toujours pas dans l’ « après-Sida », après plus de trente ans.

    On ne peut donc exclure que ce nouveau virus ne soit encore avec nous dans dix ans. Voire dans trente. Ce qui signifierait alors la nécessité de changer ou d’adapter certains comportements, de même que l’obligation de « se protéger » lors de toute relation sexuelle – sauf couple stable ayant déjà passé des tests – s’est imposée jusqu’à devenir une norme qui s’impose à tous.

    Et il y a encore une raison pour laquelle, peut-être, la vie pourrait ne plus jamais être « comme avant ». C’est que le coronavirus a bien d’autres conséquences encore que sanitaires, il déstabilise le monde sur les plans économique, financier, bientôt sans doute géopolitique. Et cela, bien plus fort que jamais depuis la Seconde Guerre Mondiale. Bien plus fort que lors de la crise de 2008 (1)

    Or le monde « d’avant », disons le monde de la fin 2019… était tout sauf stable. A cela de multiples raisons, et ce n’est pas des lecteurs du blog de Paul Jorion qui auront besoin qu’on les leur rappelle avec trop d’insistance !

    Disons seulement pour résumer qu’une humanité déséquilibrant par son activité économique le monde vivant dont elle dépend, qui plus est basant ses activités sur des ressources notamment énergétiques limitées et non renouvelables, sans parler de ses tensions internes fouettées notamment par l’augmentation des inégalités et de l’instabilité propre à son système financier fondamentalement malhonnête… cette humanité formait un monde tout sauf stable.

    Une chiquenaude aurait-elle suffi à déstabiliser ce monde ? Nous le saurons jamais. Car le coronavirus est bien davantage qu’une chiquenaude, et l’instabilité est là – ou plutôt elle ne fait que commencer.

    Même si nous avons beaucoup de chance, les chercheurs font des miracles et vaccin et traitement contre Covid-19 sont au point dans un an, le « monde d’avant » ne reviendra pas. Le coronavirus n’est pas une parenthèse. De même par exemple que la Belle Epoque n’a jamais repris, même après la fin de la Première Guerre Mondiale. Le « monde d’avant » n’est jamais revenu, parce que les événements l’avaient trop profondément déséquilibré. Il n’était pas possible de le reconstruire.

    Ce qui est et sera possible en revanche, c’est de reconstruire… mais un peu différemment peut-être. D’abord de faire ce qu’il faudra pour limiter les dégâts, ou du moins ce que l’on pourra – et cette phase n’est pas terminée certes, de même que les déséquilibres et les effondrements ne sont sans doute pas achevés ! Ensuite, dans un monde qui aura perdu plusieurs de ses repères, où probablement certaines choses et certaines institutions se seront effondrées… eh bien reconstruire ce qu’il faudra. Et améliorer. Ce qui prendra du temps, et beaucoup d’efforts.

    Mais cela, c’est réaliste, oui. Vouloir ramener l’ancien, vouloir « refermer la parenthèse » ? Quoi qu’on en pense, et même si on pense que le monde d’avant était idéal, ce ne sera tout simplement pas possible.

    (1) Voir par exemple :
    – La part de la population employée aux Etats-Unis https://i.ibb.co/x26nSpc/US-Employed-Population-2020-03.jpg De février à mars 2020, le taux d’emploi a chuté de 61,1% à 60%, trois fois plus vite que lors du pire mois de la crise 2008-2009
    – Le bilan de la Banque Fédérale Américaine https://i.ibb.co/6wxGQ4m/US-Federal-Bank-Assets-2020-04-20.jpg L’augmentation du bilan, c’est-à-dire le rythme de la planche à billets, dans les six semaines entre le 9 mars et le 20 avril 2020 est de 2 261 milliards de dollars, soit plus du double des 974 milliards d’augmentation du bilan dans les six semaines suivant le 15 septembre 2008 (faillite de Lehmann Brothers)

    Rien que deux exemples de cette réalité d’une crise économique qui ne fait que commencer, et qui est pourtant déjà plusieurs fois plus rapide et intense que la crise de 2008-2009.

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