« Le calme avant la tempête ? », le 14 mai 2020 – Retranscription

Retranscription de « Le calme avant la tempête ? ». Ouvert aux commentaires.

Jeudi 14 mai 2020, et le billet s’intitulera « Le calme avant la tempête ? ».

J’aurais aimé commencer ce petit billet par vous dire un mot de l’entretien que j’ai eu hier avec Luc Dardenne, un des deux frères Dardenne, les deux grands réalisateurs belges de cinéma qu’on peut appeler « social », je ne crois pas que ça les dérangerait fort. Malheureusement, l’entretien a été séparé par 2h30 de silence dus à une panne de courant du côté d’Eric Dardenne donc, et ça a donc été fait en deux fois, et Vincent nous a habilement mis les deux morceaux ensemble. Mais il était beaucoup trop tard pour respecter le compte à rebours de 18 h. Donc, le compte à rebours a lieu maintenant : la vidéo est en boîte. On attend que les heures s’écoulent. Il reste 8 heures à peu près avant que nous ne voyiez ça.

C’est un très long entretien. On dépasse un tout petit peu une heure, c’est parce que nous avions beaucoup de choses à nous dire. Je crois que ça va vous intéresser. Je crois que j’ai trouvé la formule, le moyen de faire ça. C’était quoi ? c’était le 6ème enregistrement. Il y en a déjà deux qui sont prévus, même trois : il y a même une personne qui attend que d’autres se décident à donner des dates. Voilà, ça n’a pas l’air de vouloir s’arrêter, au contraire. Je crois que la formule est en train de prendre. Il y a quelques gens qui ont hésité quand j’ai demandé. Ils ont dû se demander si on continuerait mais voilà, la dynamique est bonne. Momentum comme on dit en anglais. On commence à le dire en français aussi : on a oublié le mot « dynamique ». On oublie beaucoup de mots. On pourrait dire…

Tiens, ça me rappelle cette histoire de « phoney war » qu’on a traduit en français par « drôle de guerre ». C’est un de ces exemples extraordinaires où on laisse aux gens qui ne savent pas l’anglais le soin de traduire en français. Apparemment, c’est Roland Dorgelès qui a confondu phoney avec funny, « phoney » qui veut dire faux. Il a cru que c’était funny et qu’il fallait traduire ça par drôle. L’expression est restée.

On pourrait parler de « drôle de pandémie » pour la période maintenant parce qu’il y a une période qui s’achève de manière assez arbitraire, je dirais, assez conventionnelle et, comme je l’ai dit il y a pas mal de temps, quand on a parlé pour la première fois de la fin du confinement : il n’y a pas de raison connue sur le plan épidémiologique pourquoi ça devrait être maintenant. Il vaudrait même mieux, au contraire, que ça ne le soit pas mais on essaye de sauver… on veut quand même tenir compte du fait qu’on sera dans une dépression quand on en sortira, pas dans une simple récession mais dans une dépression et on ne veut pas que ça soit trop grave. Alors, on va essayer avant la seconde vague, avant la deuxième vague, de rabibocher un tout petit peu.

Il y a des gens qui écrivent en disant : « Qu’est-ce qui vous fait croire qu’il y aura une seconde vague? », etc. Oui, non, toutes les épidémies de ce type-là, il y a une deuxième vague. Le problème, c’est d’essayer de la maîtriser avant qu’elle ne se déclenche. Si vous regardez un peu les graphiques de la grippe espagnole de 1918-1920, la deuxième vague a été beaucoup plus dévastatrice que la première. La troisième a encore été… ça allait mieux déjà mais la troisième vague était encore plus grosse que la première. Je vais essayer de vous retrouver ce graphique.

Donc, on est dans la drôle de pandémie, la période où on ne sait pas ce qu’il va se passer. Enfin, on sait ce qui va se passer et on essaye de reculer l’échéance. On sait que la deuxième vague est là, sauf les climato-sceptiques de service, ceux qui ne croient jamais à rien et qui se trouvent toujours de bonnes excuses par la suite, pourquoi ils ne s’étaient pas trompés autant qu’on le dit maintenant, etc.

Le monde va être très très différent. Vous avez vu, de manière tout à fait prévisible, plus il perd la direction des affaires, Trump, plus il s’énerve bien entendu et plus il risque de nous entraîner dans une guerre mondiale. Il a décidé que, finalement, après avoir encensé les Chinois sur le fait d’avoir bien dit aux Américains ce qui allait se passer, etc., tout à coup, il est amnésique. Tout à coup, il a déterminé, il a décidé que les Chinois, en fait, avaient caché tout ce qu’ils lui expliquaient si bien, qu’ils nous avaient si bien expliqué, ce qui est le cas. Mais bon, c’est la personne, vous le savez… C’est la personne qui ne reconnaîtra jamais ses torts, qui mentira de manière délibérée, systématiquement, comme il continue de le faire, comme il continue de dire que le seul pays au monde où il y a tant de tests, où on traite si bien le coronavirus, c’est les Etats-Unis alors que, bon, c’est catastrophique bien entendu. Il est en train d’entraîner, lui, son pays dans la chute.

C’est une des choses que j’avais dites tout au départ. J’avais cru qu’on se débarrasserait de lui plus rapidement mais, chose que j’avais dite tout au départ : qu’il serait la personne qui révèlerait le véritable état dans lequel se trouvent les Etats-Unis, pas tellement sur le plan économique mais le fruit, les conséquences de toutes les contradictions de ce pays en matière de politique étrangère mais aussi de politique intérieure.

Tant que les partisans de Trump pourront continuer de se convaincre, dans la perspective religieuse, d’une épidémie comme étant un fléau envoyé pour punir, en tout cas pour punir certains, tant qu’ils penseront ces gens-là – les Évangéliques autour de Trump – que Dieu est en train de punir les mauvais dans le pays, et comme il y a énormément de victimes dans la population afro-américaine, en particulier dans l’état de New York et du New Jersey, ils peuvent continuer à se convaincre que les bons sont en train… qu’on est en train de séparer le bon grain de l’ivraie. Mais, ça, je l’avais annoncé il y a longtemps aussi. Enfin, ce n’était pas une annonce, c’était une constatation : la progression se fera plus lentement aux Etats-Unis dans les campagnes, où sont essentiellement les gens acquis à Trump et donc, voilà, c’est maintenant que ça commence à se répandre dans le Montana, au Wyoming, au nord et au sud Dakota, etc. Pourquoi ? Parce qu’il y a moins de gens et donc, ça met plus longtemps pour s’y répandre.

Et on a vu récemment Trump très très désarçonné par le fait qu’il y ait des cas à la Maison-Blanche. Il est le dernier à dire qu’il ne portera pas de masque et ça, ce n’est pas par bravade. C’est parce qu’il est convaincu qu’il est l’Elu et que Dieu, non seulement, l’épargnera mais, en fait, qu’il l’a mis à la tête d’une croisade où le Covid-19 va permettre de se débarrasser des mauvais et de ne garder que les bons. Et là, il commence à hésiter. C’était quoi ? Avant-hier si j’ai bon souvenir. Il est parti au milieu d’une conférence de presse parce que les questions qu’on lui posait l’énervaient et qu’il s’était trahi. Il s’était trahi : comme la reporter qui lui posait une question était une asiatique, il s’est interrompu au milieu de son explication en disant : « Et la Chine, et la Chine ! ». Et à ce moment-là, cette femme, qui est une Américaine d’origine asiatique, a fait ce qu’il fallait. Elle a baissé son masque en disant : « Pourquoi vous me dites ça à moi ? ». Et là, elle lui a fait perdre ses moyens. Il est parti. Il a dit : « Finished ! », c’est fini, terminé alors que ce n’était pas terminé.

Et là, c’est sans doute parce qu’il sait, il sait que s’il devait l’attraper lui, ce serait le démenti non seulement aux yeux du monde (enfin, pas du monde, du monde intégriste autour de lui) qu’il n’est probablement pas l’Elu ou qu’il est dans une mauvaise passe, celle du : « Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? Père, pourquoi m’avez-vous abandonné ? ». Mais, et là on parlait de quelqu’un dont la conviction était telle qu’elle pouvait, comme le montre Pasolini [L’évangile selon saint Mathieu – 1964], elle pouvait survivre même à la mort. Trump n’est pas de cette trempe-là. S’il devait attraper le Covid-19, il deviendrait fou. Ce serait toute sa représentation du monde qui s’écroulerait. Et là, il faudrait faire attention parce que, ce jour-là, le jour où le monde s’écroule pour lui, c’est le jour où il sera tenté de pousser sur le bouton d’une guerre thermonucléaire.

Donc, voilà. On en parlait un peu hier avec Dardenne, de la manière dont les dirigeants de pays seront jugés après – disons en 2022 pour être tout à fait sûrs – s’ils ont fait passer les hommes, les femmes, les enfants avant le PIB, s’ils ont fait passer les hommes avant Mammon. Mammon, c’est le Dieu de l’argent. Je l’ai vu l’autre jour dans le sermon sur la montagne : il faut choisir son maître. On ne peut pas avoir deux maîtres. Et si on choisit l’Argent, on ne peut pas choisir Dieu ou, comme on le dirait maintenant, le genre humain.

Voilà, tout ça n’est pas programmatique. Tout ça n’est pas…

Vous avez vu, je vais terminer là-dessus, il y a plein de pétitions qui circulent. Tout le monde… J’en vois même qui les signent toutes. Il y a une dame en particulier dont je vois le nom sur toutes les pétitions qui circulent  [rires]. Ce sont toutes des pétitions du même genre qui appellent à l’unité et qui, chacune, représente un groupuscule particulier et, comme je l’ai dit, certains n’hésitent pas à appartenir à tous les groupuscules. C’est bien qu’on pense à l’après-Covid mais quand on dit « Union sacrée », « Union nationale », il faut le faire et pas se contenter de dire, au nom d’un groupuscule particulier, qu’il faudrait faire l’union sacrée.

Et on peut faire l’union sacrée sur des grands principes, des grands principes qui changeraient les choses comme l’Etat-providence, l’Etat de bien-être, dans la Constitution, revenir à l’interdiction de la spéculation, étendre la gratuité, remettre ou se redonner le droit de rédiger les grands principes des règles comptables (pas les détails, là, on peut demander effectivement à des spécialistes) mais ceux qui nous disent que c’est une « valeur ajoutée ». Et surtout, le problème, c’est essentiellement ça, c’est que ce qui est une valeur ajoutée en ce moment, c’est essentiellement une perte pour l’espèce, pour toutes les espèces dans leur biodiversité et pour le monde. Il faut absolument changer ça. Il faut absolument arrêter que le PIB augmente quand le monde s’effondre. Je sais, chaque fois qu’on reconstruira une usine, ce sera un gain de PIB, etc., mais là je me suis fâché devant ces gens qui étaient là : « Le PIB est en train de baisser, etc. ». Mais arrêtez ! Qu’on redéfinisse ce truc une fois pour toutes ! Je fais allusion à cette émission sur Rfi.

Bon, j’avais dit que je terminais là-dessus, je termine là-dessus. Comme je dis, ce n’est pas une annonce. Ce n’est pas un programme. C’est une réflexion dans le calme, avant la tempête, parce que la tempête, voilà, ce n’est pas une question de croyance de ma part, dans les pandémies comme celle-là, la tempête, elle est programmée : après la première alerte, vient la seconde vague et, dans certains cas connus, la seconde vague est plus dévastatrice que la première et la première ne nous a pas déjà laissé un excellent souvenir. On voit que c’est une maladie qui laisse des séquelles, dont on récupère très très difficilement, si on récupère. On nous dit pour les enfants, les enfants vont bien, etc. « c’est juste un rhume ! » et puis, on les voit à l’hôpital deux mois plus tard avec des problèmes liés au fait que ce virus s’attaque à l’enveloppe des vaisseaux sanguins malheureusement.

Donc, on n’est pas au bout de nos peines. Profitons-en quand même pour nous refaire un tout petit peu des forces mais cette affaire n’est pas terminée : on est dans la période phoney pandemy, pas « drôle de pandémie » mais « fausse pandémie » : le calme avant la tempête.

Voilà, allez, à bientôt !

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4 réponses à “« Le calme avant la tempête ? », le 14 mai 2020 – Retranscription”

  1. Avatar de Toulet Alexis
    Toulet Alexis

    Concernant la dernière parole de Jésus sur la croix « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », il s’agit du premier verset du psaume 21 (*) lequel n’est pas un hymne de désespoir, mais d’espérance en Dieu au plus noir de l’épreuve.

    Je ne sais pas si Trump est mégalomane au point de se prendre pour un élu. Si c’est le cas, tomber malade ne devrait pas faire s’effondrer une telle illusion, puisque un élu peut devoir passer par l’épreuve.

    Au demeurant, il a une capacité impressionnante à répéter à tout le monde – et à lui-même – que ce n’est pas si grave, que ce que l’on redoute n’arrivera pas, et que tout ira pour le mieux. S’il tombe malade, je m’attends à ce qu’il redouble dans ce sens.

    (*) https://www.aelf.org/bible/Ps/21
    Ce psaume qui date de l’époque du roi David, environ mille ans avant notre ère, décrit d’ailleurs des épreuves qui ont des similitudes frappantes avec celles que devait subir Jésus en l’an 30, en particulier les versets 8-9 et 17-19. Il n’est pas surprenant que Jésus l’ait cité sur la croix

  2. Avatar de Toulet Alexis
    Toulet Alexis

    Concernant la crise du coronavirus, je ne sais plus où j’ai lu une suggestion comme quoi elle pourrait être comparable à la première guerre mondiale. C’est assez bien vu ma foi.

    Non parce qu’il s’agirait de front, d’hommes au combat et de tranchées bien sûr. Mais parce que la grande majorité des gens s’attendaient à ce que cette guerre soit courte. Le plan allemand était d’obtenir l’hégémonie en Europe et d’être de retour pour la Noël 1914, celui des Français était de repousser l’Allemagne et de revenir chez soi à peu près au même moment…

    En 1915 encore, chacun s’attendait / espérait / voulait croire qu’un effort encore et on y arriverait. Et encore l’année d’après…

    Il est assez clair que la crise du coronavirus sera longue, non pas une parenthèse aussi pénible voire cruelle soit-elle. D’une part la crise sanitaire sera certainement plus longue qu’une simple vague unique. D’autre part même une fois le virus éliminé ou la maladie devenu guérissable, les conséquences sans doute brisantes de la crise sur un monde fragile seront avec nous pour bien longtemps.

    Une personne proche de moi, qui a survécu à l’effondrement de l’URSS – la crise qui suivit dans les années 1990 tua des millions de personnes on ne le dit pas assez – me disait récemment son dégoût d’avoir en somme à recommencer. J’ai fait valoir la différence d’échelle entre les deux crises, et je suis convaincu d’avoir raison… quant à ce qui s’est déjà passé.

    Quant à l’avenir, il n’est pas exclu que la comparaison puisse être pertinente.

  3. Avatar de Lucas
    Lucas

    Ce qui fait que notre espèce est très attendrissante c’est qu’elle s’inquiète pour son argent alors que ses enfants ne pourront plus respirer.
    Et qu’elle reste droit dans ses pompes dans ce micmac.

    Heureusement qu’on aime la connerie…

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