Trends-Tendances – Du danger de ne pas être fort en maths !, le 12 août 2021

Du danger de ne pas être fort en maths !

Les gens ne sont pas forts en maths. Certains et certaines sont nés comme cela !

Ce qui est plus surprenant c’est que beaucoup de scientifiques ne le sont pas non plus. Ainsi, un article consacré aux erreurs commises dans les publications pharmacologiques évaluant l’efficacité de nouvelles molécules montrait que 40% environ de ces publications contiennent des erreurs graves dans l’analyse statistique.

Le Dr. Raoult est bien connu en France pour sa contestation des opinions communément admises en matière de Covid-19. Sa conviction qu’une certaine substance constituait un remède miracle reposait sur l’étude d’un échantillon de 26 patients. Il en tirait des conclusions générales alors que la première leçon d’un cours de probabilités et de statistiques précise qu’avec moins de 50 cas il est injustifiable d’extrapoler en termes de pourcentages. Pourquoi ? Parce qu’un pourcentage suggère que les chiffres valent pour l’ensemble d’une population, qu’ils sont « représentatifs », une implication de la « loi des grands nombres » affirmant qu’une fréquence observée sur un nombre suffisant de cas offre une bonne approximation de la probabilité d’occurrence future. Mais un échantillon de 26 observations est trop sensible aux variations individuelles pour révéler quoi que ce soit sur une population dans son ensemble. 

Pire encore, le Dr. Raoult s’était permis des remplacements dans son échantillon déjà beaucoup trop petit : ayant perdu la trace de deux patients, il les avait remplacés par d’autres. 

Pourquoi cela invalide-t-il une étude ? Disons qu’elle se déroule du 1er juin au 31 juillet. Je perds de vue l’un des vingt-six patients le 20 juin et je le remplace par un autre. Il y a là un double défaut qui fausse l’analyse. Il se pourrait d’abord que celui qui a disparu soit mort entre le 20 juin et le 31 juillet et nous n’en saurons rien alors que nous aurions dû le compter dans les décès. Pire encore : celui que nous intégrons le 21 juin pour remplacer le patient perdu de vue, c’est un patient en vie : nous ne prenons en considération aucun de ceux qui sont morts entre le 1er et le 20 juin et qui auraient pu être retenus dans l’échantillon initial. Ce qui veut dire que nous pourrions nous arranger dans un échantillon avec remplacement pour que personne ne meure jamais dans une étude.

Pourquoi rappeler tout cela ? Parce que quand a lieu une inondation « millénaire » (qui n’arrive qu’une fois tous les mille ans), on entend encore des scientifiques pas forts en maths déclarer qu’« il est impossible de relier un événement isolé au réchauffement climatique ». Mais qui parle d’« événement isolé » si de tels événements dits « millénaires » ont lieu en l’espace de quelques jours en Belgique et en Allemagne, mais aussi en Chine ?

Comment oser parler chaque fois d’« événements isolés » quand les incendies catastrophiques sur la côte Ouest des États-Unis sont remontés en une dizaine d’années de Santa Rosa au nord de San Francisco jusqu’à l’Oregon, avant de ravager celui-ci tout entier, puis l’état de Washington, avant d’atteindre cette année la Colombie britannique au Canada ?

C’est le même raisonnement en termes d’« événement isolé » qui minimise involontairement les risques liés aux centrales nucléaires. Comment est-il possible que nous ayons observé un accident majeur tous les quinze ans environ alors que les réacteurs sont conçus pour être sûrs pendant 5.000 ans ? Parce que, quand il y a comme aujourd’hui 441 réacteurs en service, cela représente une probabilité de 8,48 % d’un accident majeur par an à la surface du globe, un niveau très loin d’être négligeable.

Aussi longtemps que nous ne serons pas forts en maths, nous minimiserons dangereusement hélas les dangers qui nous guettent !

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10 réponses à “Trends-Tendances – Du danger de ne pas être fort en maths !, le 12 août 2021”

    1. Avatar de Toulet Alexis
      Toulet Alexis

      Oui, mais seulement à condition de redéfinir l’opération « + » dans votre équation. Et cette opération ne sera même plus commutative.

      Cela dit, j’ai bien compris que c’était une plaisanterie. Il est dommage que des erreurs à peine moins graves par des personnes pourtant haut placées ne soient… pas des plaisanteries.

      Ainsi cette séquence où un ministre de l’Agriculture sur un plateau télé s’avère incapable de compter 100 x 100 et de découvrir que ça fait 10 000, comme le nombre de mètres carrés dans un hectare. Le dit ministre de l’Agriculture est diplômé de l’Ecole Nationale d’Administration… il est dommage qu’en maths il n’ait pas le niveau du certificat d’études.

      Mais que l’on se rassure ! C’est maintenant notre ministre… des Finances.

      https://www.youtube.com/watch?v=E3jF9tpmZ9Y&t=99s

  1. Avatar de Manuel
    Manuel

    « Piqure de rappel »

    Quelle est la probabilité durant une année quelconque qu’il y ait un accident nucléaire majeur, connaissant la probabilité d’accident majeur par réacteur et le nombre de réacteurs en service ?

    R = risque d’accident majeur durant une année x
    p = probabilité d’accident sur une année pour un réacteur
    n = nombre de réacteurs

    R(n) = 1 – (1-p)^n

    Si le risque pour un réacteur est d’un accident majeur tous les cinq mille ans (type TMI, Tchernobyl ou Fukushima), alors p = 1 divisé 5000. Donc, s’il n’y avait qu’un réacteur sur Terre, le risque d’un accident majeur pour une année x serait de 0,02 %. On retrouve le résultat en appliquant la formule ci-dessous :
    R(1) = 1 – (1 – 0.0002)^1 = 0.0002 ou 0.02 %

    Si on considère 443 réacteurs en service dans le monde, le risque d’un accident majeur sur une année est de 8.5 %. On peut le lire comme évènement tous les 10 à 15 ans plutôt que comme 443 dans 5000 ans.
    R(443) = 1 – (1 – 0.0002)^443 = 8.48 %

    Peut-être faudrait-il mettre à disposition des scientifiques et des autres, une boite à outil mathématique élémentaire ?

    1. Avatar de Le Bitoux Jean François
      Le Bitoux Jean François

      Merci de ce rappel. Statistiques et probabilités font bon ménage….
      On fait des statistiques « brutes de décoffrage » quand on n’a pas la moindre idée des mécanismes intermédiaires, bref en toute ignorance de cause. Cela sert à faire de nouvelles hypothèses de travail. Affirmer que les mortalités ne sont pas tant dues au virus qu’au dysfonctionnement tissulaire induit paraît capillotracté. Pourtant c’est après avoir observé la chute de la charge virale que DiDier Raoult a cru avoir maîtrisé le problème comme c’est le cas dans d’autres mauvaises grippes.
      Mais le virus enclenche un chaos cytokinique lourd de conséquences selon les faiblesses de chacun dont la biochimie semble dépasser l’interprétation « scientifique ». D’où la recommandation de « bon sens » de tenter de les prévenir et non pas d’attendre chez soi que ça empire ! L’étape « inflammation » est commune à beaucoup de pathogénie et elle peut déboucher sur un emballement septique. C’est connu dans beaucoup de situation non spécifique : c’est ce qu’il faut traiter (https://fr.wikipedia.org/wiki/Sepsis ).
      Quand on constate selon les terrains et les comorbidités que ces risques (probabilités) sont sérieux, ne pas les prendre en compte dès le premier jour – PCR positive – est une faute professionnelle majeure.
      Ne pas instaurer des PCR dès le premier jour fut une faute administrative majeure au plan national dont on retrouvera la signature par la suite.

      Pour autant tout le monde scientifique aura pris une grande claque et on n’a pas fini d’en parler car cela participe à l’effondrement. Nous allons d’étrange défaite en étrange défaite mais je ne saurais dire si nous y allons plus vite que les états voisins ou pas.
      La biologie n’est pas faite de pièces de Lego; pathologie et thérapie encore moins. Les PCR peuvent être plus ou moins sensibles et correctement réalisées. Difficile de retrouver ses petits et des statistiques fiables : il faut creuser dans les protocoles. Dr Raoult produit des statistiques de patients testés positifs chez lui. Les autres chiffres sont-ils comparables ? Attendre l’aggravation des symptômes est indigne d’un médecin. Antiinflammatoire et antibiotique sont recommandés le plus tôt possible.

    2. Avatar de Le Bitoux Jean François
      Le Bitoux Jean François

      J’ai oublié une recommandation utile la vie de Semmelweis ! https://www.franceculture.fr/emissions/grande-traversee-docteur-semmelweis/5-la-verite

    3. Avatar de Kaisser Florent
      Kaisser Florent

      Pour continuer à vulgariser, il faut imaginer que tous les 1er de l’an on prend deux dés à six faces, si on obtient autre chose que deux 1 alors pas de catastrophe. Si on obtient deux 1, tous aux abris un réacteur nucléaire a un accident majeur.

      Ça donne une idée d’un jeu de l’effondrement : l’espèce va-t’elle survivre ?

    4. Avatar de 2Casa
      2Casa

      Comme on dit, « répétition est mère de pédagogie »…

      (Je vais aller me relire Alain Minc, moi 😉 )

    5. Avatar de Robin Denis
      Robin Denis

      Merci pour la démonstration pour un non doué.
      Et cette démonstration pour nul en math me convient

  2. Avatar de Tout me hérisse
    Tout me hérisse

    Il ne serait pas inutile de relire ce que le grand mathématicien français, Henri Poincaré, écrivait en son temps ; consultable sur le site de la BnF : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2071994#

    1. Avatar de Paul Jorion

      Quelqu’un que j’ai soigneusement lu (le maître de mon maître Guilbaud).

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