Le commentaire d’Arnaud Castex auquel Alexis Toulet répond se trouve reproduit ci-dessous dans son entier à la suite de son texte.
Vous posez des questions importantes, et qui demandent qu’on tente de leur répondre sérieusement.
« jusqu’à quand va t’on pleurnicher sur notre croissance ? »
Nous ne « pleurnichons » pas sur notre croissance. Elle est déjà fort compromise du fait du contrecoup inévitable des sanctions économiques – dans les faits des opérations de guerre économique – que nous avons décidées contre la Russie du fait qu’elle a agressé l’Ukraine.
« en tolérant des atrocités en échange de notre confort »
Nous ne « tolérons » pas ces atrocités. La meilleure preuve étant la guerre économique que « nous » (c’est-à-dire le bloc occidental) menons contre la Russie, à tous risques pour notre propre prospérité, sans parler de celle d’autres pays. Une autre preuve le flot massif d’armes que nous livrons aux combattants ukrainiens. Encore une autre, l’accueil des réfugiés de guerre ukrainiens, sans précédent aucun à cette échelle depuis la seconde guerre mondiale.
Nous n’avons certes pas à l’esprit notre « confort ». Sinon nous n’aurions pas mis en danger notre économie – y compris la prospérité des plus fragiles parmi nous.
« (Continuer à) renâcler sur les fournitures d’armes ? »
Nous n’avons pas à l’esprit notre confort. En revanche, nous avons bien à l’esprit notre santé. Laquelle bénéficie du faible niveau de radioactivité en région parisienne. Avantage partagé par Londres, Berlin, New York, Los Angeles, Moscou, Saint-Pétersbourg… Avantage précieux. Avantage plus fragile qu’il n’y paraît.
Je rappelle la situation d’ensemble, que résumait ce professeur de sciences politiques : « Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passe lorsqu’on étrangle l’économie d’une grande puissance autocratique dotée d’armes nucléaires au milieu d’une guerre majeure ? Je suppose que nous sommes sur le point de le découvrir. Aucun précédent historique clair pour éclairer la voie. » La conséquence de l’invasion décidée par le président Poutine, de la guerre économique décidée par le bloc occidental, sans compter les mécomptes de la stratégie militaire russe jusqu’ici, c’est que la Russie se retrouve sous une pression telle que l’escalade est une vraie possibilité.
Il y a un intérêt fondamental à tous les citoyens des pays du bloc occidental comme de la Russie elle-même à éviter que cette escalade ne débouche sur le pire. Je soutiens que cet intérêt est légitime.
Parlons chiffres : le pire n’est pas les dizaines de milliers de morts que l’invasion russe de l’Ukraine a déjà causés, ni les centaines de milliers qu’elle pourrait causer en définitive. Le pire, c’est trois zéros de plus. Les centaines de millions.
Le président Zelensky accuse les Occidentaux de trop craindre les réactions de la Russie. Je ne suis pas d’accord : la circonspection est de mise, et plutôt trois fois qu’une. Il est possible qu’il existe un certain degré d’aide militaire occidentale qui pousse le pouvoir russe à l’escalade dans notre direction – bombardements sur le territoire d’un pays de l’OTAN par exemple. Le président Zelensky le souhaite peut-être, parce que l’extension de la guerre est dans l’intérêt bien compris de son pays dont les victoires défensives initiales risquent d’être sans lendemain, si les Russes corrigent leur stratégie. Moi je ne le souhaite pas. Plus important, à voir les actes – pas toujours les discours c’est vrai – il me paraît clair que les dirigeants du bloc occidental ne le souhaitent pas non plus.
C’est pourquoi il y a des limites aux livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine. Ces limites sont légitimes.
« Combien de temps allons nous faire semblant de croire que La Russie s’arrêtera au Donbass ou à la Crimée et que ce scenario criminel ne sera pas reproduit dans 3, 5, 8 ans »
Il y a en effet des raisons très concrètes – à commencer par la propagande russe « interne » – de croire que la Russie ne s’arrêtera pas à la Crimée et au Donbass. C’est l’ensemble de l’Ukraine qu’il lui faut – comme Etats croupions dépendants et/ou Etat indépendant mais fortement limité dans son armement et ses alliances (scénario « autrichien »), c’est selon, cela dépendra sans doute du cours de la guerre. Mais l’ensemble de l’Ukraine oui.
Il existe également un risque pour la Moldavie, petit pays à l’armée faible. Le facteur d’optimisme, c’est que la propagande russe interne ne s’est jamais dirigée contre la Moldavie. Le facteur de pessimisme, c’est qu’une fois l’Ukraine sous contrôle ce serait si facile.
Il n’existe pas de risque qu’un pays de l’Alliance atlantique soit attaqué sans que les autres pays fassent la guerre immédiatement. Le soutien populaire à cette guerre serait fort notamment aux Etats-Unis – c’est-à-dire le pays protecteur, pour les membres de l’OTAN qui n’ont pas leur propre dissuasion nucléaire. Le peuple américain d’une part est très réticent à toute nouvelle aventure militaire suscitée par ses va-t-en guerre et autres néocons – je les comprends parfaitement – d’autre part sait ce qu’est une alliance, sait ce qu’est un traité. Qu’ils en soient remerciés. Il est vrai que Français et Britanniques se garantissent seuls, mais Polonais, Allemands, etc. ont vraiment besoin de leur garantie.
La réalité est qu’à moins de prendre le risque d’une guerre mondiale, très possiblement nucléaire, ce qu’aucun dirigeant occidental n’est prêt à accepter, un « rideau de fer » est en train de s’installer en Europe et que les Ukrainiens quoi qu’ils en aient sont du « mauvais » côté. Le seul cas qui reste « tangent », qui pourrait évoluer dans le bon sens, est celui de la petite Moldavie. Le reste est déjà clair.
La réalité est dure, mais c’est la réalité.
Le commentaire d’Arnaud Castex, le 4 avril à 9h12 :
Oui l’armée Russe aux ordres d’un nouveau Staline, enhardi par la torpeur et l’indifférence en occident voire la complicite, le cynisme de la Chine, est bien une nuée de sauterelle qui après avoir ravagé la Tchetchenie, la Syrie, ravage et massacre un pays frère, et berceau de sa culture. La Russie qui jette comme un crachat une « provocation Ukrainienne » à la tribune de l’ONU ce matin.
Alors jusqu’à quand va t’on pleurnicher sur notre croissance en tolérant des atrocités en échange de notre confort ?
Continuer à megoter sur le nombres de morts et renacler sur les fournitures d’armes ? Ergoter sur tel ou tel nombre de victimes et de charniers ?
Combien de temps allons nous faire semblant de croire que La Russie s’arrêtera au Dombass ou à la Crimée et que ce scenario criminel ne sera pas reproduit dans 3, 5, 8 ans, quand ce sale vieux dictateur aura refait le plein et plongé son pays toujours plus loin dans la haine, la violence, le fanatisme?
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