LE TEMPS QU’IL FAIT LE 2 FÉVRIER 2018 – Retranscription

Retranscription de Le temps qu’il fait le 2 février 2018. Merci à Marianne Oppitz et Catherine Cappuyns.

Bonjour, nous sommes le vendredi 2 février 2018 et je ne sais pas si c’est la même chose chez vous, mais ici en Bretagne, à Vannes, eh bien, il a gelé cette nuit. Alors, un beau démenti à la face des gens qui vous parlent de réchauffement climatique puisqu’il a gelé dans la région du Morbihan cette nuit.

Bon, je sais que je ne devrais pas faire ce genre de plaisanterie parce qu’il y a des gens qui tombent sur la vidéo pour la première fois, qui vont prendre ça au sérieux (rires), qui vont m’écrire des mails enflammés. Ce fut le cas quand j’ai dit aux gens : « Arrangez-vous pour surtout ne pas avoir de retraite ». Il y a quelqu’un qui m’a dit : « Comment osez-vous dire ça ? ». Heureusement, dans l’autre sens, il y a quelqu’un qui a dit : « N’encouragez pas les gens à votre imprudence ! », en roulant de gros yeux et en m’envoyant de nombreux mails à ce sujet.

Vous avez dû voir ce chiffre : Monsieur Trump a retiré 72 % du budget consacré aux énergies renouvelables. Et, par conséquent, on va mettre le paquet, aux États-Unis, sur le pétrole et probablement également sur le charbon qui est une ressource naturelle et qui n’exige pas que les Chinois s’en mêlent. Alors, on est bien parti !

Et puisqu’on parle de la Chine, une puissance qui monte, petit à petit, depuis, voilà, 1945, avec pas mal d’à-coups, pas mal de drames mais qui refait son chemin. Et, en face de ça, on a une puissance internationale qui tombe en vrille sous les coups de son président démocratiquement élu. Ils vont se croiser bientôt. La Chine va bientôt devenir, bien entendu, la première puissance économique dans un contexte comme celui-là. Ah ! Non, j’oubliais ! J’allais encore faire une plaisanterie (rires). J’allais dire : j’oubliais que Monsieur Trump permet aux entreprises d’accélérer la concentration de la richesse en baissant leurs impôts. Ça va participer bien entendu à ce mouvement… vous verrez dans un article que je publie la semaine prochaine dans Trends… Ah, ben non, ça a dû paraître… ça a dû paraître hier, en fait. Enfin bon ! On verra, je donne les chiffres de la richesse aux États-Unis et, c’est abominable : il ne reste pratiquement plus rien à la moitié la plus pauvre des États-Unis. Les 40 % des moins riches aux États-Unis, ne possèdent rien, comme patrimoine. Pourquoi ? Parce que dans les 40 %, il y en a beaucoup qui doivent de l’argent à quelqu’un d’autre. Et dans l’ensemble, les 40 % les moins riches n’ont absolument rien de la richesse nationale. Quand on monte à 50, alors on grappille quelques pourcents [P.J. même pas : 1,1%]. [1,1%] pour la moitié la moins riche des États-Unis et, Monsieur Trump met un coup d’accélérateur dans ce sens là. Çà va être joli ! Sans parler de tout le reste : le détricotage de tout ce qu’on peut faire pour essayer de sauver la planète. Si vous êtes Américains et, vous le savez, j’ai des Américains dans ma famille, excusez-moi : réveillez-vous ! Il y a un monsieur qui essaye de lancer un impeachment contre votre président. Il y a des choses qui suivent leur cours, je sais bien, mais ce type fait du dégât tous les jours. Si vous êtes Américains, faites quelque chose !

Faites quelque chose, voilà, dans les minutes qui suivent le moment où vous m’avez vu. Tout ça est très, très grave. Ce n’est pas que j’aie de l’antipathie pour la Chine, mais quand elles se croiseront à une telle vitesse, la Chine à monter et les États-Unis à descendre, alors que les États-Unis sont encore une grande puissance militaire, la plus grande puissance militaire, tout ça peut faire d’énormes dégâts. Il y a quelqu’un qui m’écrivait hier pour me rappeler ça, il se reconnaîtra au passage. Oui, bien entendu ! Oui, bien entendu !

De quoi voulais-je vous parler d’autre? Hier, j’étais à Brest, aux Géopolitiques de Brest. Nous étions trois à parler dans l’après-midi. J’étais le premier à parler et je voudrais encore remercier la personne qui m’a présenté parce que ça fait plaisir quand on est présenté avec de l’information correcte. Le fait que ce soit très flatteur n’est pas gênant, mais surtout qu’on explique bien qui vous êtes et qu’on souligne les avantages que ça a, comme accès à la connaissance, d’être un franc tireur, ce que l’on mettra encore sur mon prochain bouquin « Qui étions-nous ? ».

De quoi j’ai parlé ? De quoi les autres parlaient aussi ? Eh bien, c’était le bilan après 10 ans de la crise, le 10e anniversaire de la crise de 2008. Est-ce qu’on a fait quelque chose ? Est-ce qu’on n’a pas fait grand-chose ? Eh bien, vous savez ce que j’ai dû dire : incompétence, biais idéologique, science économique dans un piètre état et qui nous dit pas mal de fadaises. Madame Jézabel Couppey-Soubeyran qui m’a suivi, en fait, a répété à peu près la même chose, dans une perspective peut-être un peu plus, je dirais, aimable envers les autorités, mais en tout cas, pour ce qui était des faits, elle n’a pas pu dire autre chose que ce que j’ai pu rapporter.

Vous étiez très nombreux. Vous étiez 400 à cela, l’auditoire était plein. Il y avait des gens sur les escaliers mais, il faudrait quand même ajouter qu’un certain nombre d’entre vous, des personnes qui étaient là, hier, étaient des personnes qui étaient obligées pour un examen – ceci, cela – d’être là. Et, là, à un moment donné, au moment où j’allais partir, Madeleine était assise au fond, et elle a quand même attiré mon attention sur le fait que beaucoup d’étudiants qui étaient là à prendre des notes de manière compulsive (rires) sur ce qui était dit – ce n’était pas mon exposé, je vous rassure, c’était un exposé suivant – faisaient vraiment tout autre chose qu’écouter ceux qui étaient là, ce qui se passait là. Et ça, vous le savez, on vient maintenant au cours avec un ordinateur, ce qui vous permet de faire des tas de choses en même temps, qui sont différentes du cours.

Et, on a bavardé un peu de ça – Madeleine a été professeur de lycée – et, moi, je me pose la question, moi qui n’ai pas été professeur de lycée mais professeur de l’enseignement supérieur – comme on dit – et qui donne encore un cours, en ce moment, d’éthique financière à l’Université Catholique de Lille, est-ce qu’il est encore nécessaire de rassembler dans un auditoire, des gens, en leur disant qu’ils vont écouter le nec plus ultra sur une question quelconque, parce qu’il se fait que leurs professeurs d’université ou de lycée, savent de quoi il retourne ? Tout le monde sait – enfin, on le savait déjà, on s’en doutait déjà à mon époque, mais il était plus difficile d’avoir accès aux textes proprement dit – ou sous forme audio, ou sous forme vidéo – qu’il est quand même très rare, maintenant – c’est exceptionnel – que vous soyez dans un auditoire et que la personne qui vous parle d’un sujet soit la personne la plus autorisée au monde et où la connaissance est la mieux exprimée. Est-ce que cette forme d’enseignement, est-ce qu’elle a encore un sens aujourd’hui ? Alors, vous allez me taper dessus si vous êtes enseignant, parce que vous ferez comme tout le monde dans un monde où le travail se raréfie : vous essayerez de justifier le fait que vous ne soyez pas remplacé par un robot. Mais, permettez-moi, quand même, de poser la question.

Il y a un truc dont on a parlé il y a quelques années, on en parle encore, ce sont les MOOC – Massive Open Online Course – si j’ai bon souvenir. Un cours massif ouvert en ligne, voilà ! Et, il y a beaucoup de gens qui m’ont parlé de ça, autour de moi, dans les endroits où j’enseigne, en disant : « On va faire ça ! On sera comme les autres, on aura un grand cours en ligne. »

Et puis, bien entendu, les étudiants ou les gens qui veulent apprendre quelque chose ne sont pas stupides ! Qu’est-ce qu’ils font ? Eh bien ils vont au cours qui parle le mieux du sujet. Ce qui veut dire qu’on est, là aussi, comme dans le reste de l’économie maintenant, dans une perspective de « The Winner Takes All », le vainqueur remporte tout. C’est-à-dire qu’il y a des cours – des MOOC – où tout le monde vient écouter, tout le monde vient voir comment ça marche, parce qu’ils sont bien faits et puis il y en a d’autres – tous ceux qui sont faits par le tout-venant – eh bien, ils ne sont pas de la meilleure qualité et comme c’est ouvert et comme la compétition, la concurrence, joue pleinement, eh bien il n’y a que quelques vainqueurs qui emportent toute la mise. Mais ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas essayer.

Et moi j’y réfléchissais parce que quand même : si j’ai la chance que quand je fais un exposé sur la finance, les gens écoutent, c’est parce qu’en général, ils entendent là dire une chose pour la première fois, parce qu’il n’y a pas tellement d’endroits – il n’y a pas tellement d’endroits au monde – à part mes cours et mes vidéos, où l’on puisse entendre une critique de la finance comme je la fais.

Je peux peut-être dire un petit mot là : si ça vous intéresserait qu’on fasse un cours en français ou en anglais ou les deux, sur la finance, comment ça marche vraiment, contactez-moi. Vous savez comment me contacter – sinon c’est indiqué là sur le blog – d’une manière ou d’une autre, comment me contacter si ça vous intéresse vraiment. Parce que moi, je trouverais ça pas mal : un cours critique de finance. Parce que vous le savez, quand on pose la question : « Qu’est-ce qui a changé depuis dix ans dans les choses qui ont un rapport avec la crise, dans les cours de finance ? » À ma connaissance, je n’ai rien vu qui change, on continue. On continue à dire que la courbe à terme des taux, c’est une prédiction qui va sans doute se réaliser sur les taux qui vont avoir lieu. Ça n’a aucun sens d’un point de vue scientifique. Ça ne tient absolument pas debout, ça a été réfuté par un million de théories scientifiques, en physique en particulier. Pourquoi est-ce qu’on continue à répéter ça, alors que c’était déjà très dangereux en 2008, et que ça l’est toujours ? Enfin bon, c’est un exemple.

Ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas intéressant de se réunir parfois. Comme quand Bruno Colmant et moi, il y a quelques semaines, on s’est retrouvés à l’Université catholique de Lille. Le cours lui-même, le débat qu’on a eu devant les étudiants en master d’économie et finance n’a pas été filmé mais vous avez peut-être vu, il y a une petite vidéo où on était interviewés par Didier Van Peteghem qui est le doyen de cette faculté d’économie et gestion-finance. Et là bon, on a eu une discussion et évidemment, je dirais, ça mérite d’être vu. Parce que ça se complète quand même pas mal. On ne dit pas la même chose, sinon à quoi ça sert ? on pourrait aussi bien inviter l’un des deux. On n’est pas d’accord souvent sur les implications politiques de ce qu’on dit, qui est la même analyse parce qu’on a en tout cas la conviction l’un et l’autre que l’autre ne fait pas d’erreurs techniques, mais voilà, ça étend un peu plus la manière d’envisager les choses puisqu’on étire un petit peu d’un bord ou d’un autre. Et, on m’a dit que hier, sur un site, en ligne en tout cas, du magazine belge Le Vif, on parle de nos opinions à l’un et à l’autre sur une certaine décadence, dégénérescence, effondrement de notre société, qui pose la question de savoir – bon on en a discuté, Bruno Colmant et moi, ce n’est pas un secret d’État – « Est-ce qu’il ne faudrait pas faire quelque chose, davantage, au niveau politique classique, en Belgique ? ». Pourquoi en Belgique ? Parce qu’on a un passeport belge tous les deux et donc ce serait l’endroit où le faire. Je vais essayer de vous trouver aujourd’hui l’article qui a paru en ligne parce qu’il est réservé aux abonnés du Vif et je vais vous montrer ça. Je vais découvrir moi-même ce que Monsieur Mouton, le reporter, journaliste, aura fait de nos propos qui ont été pris séparément.

Qu’est-ce qu’on peut faire ? Est-ce qu’il faut se contenter, voilà, d’annoncer les choses, comme je le fais en disant : « casse-cou, encore une connerie, etc. » ou bien est-ce qu’il faut quand même, quand même mettre la main à la pâte dans la réalité quotidienne, la politique, en sachant que ça ne donne pas grand-chose. En sachant qu’il y a beaucoup de choses verrouillées autour de nous, où on nous interdit tout simplement les retours en arrière parce que ces braves gens de droite qui font les choses, ils sont très intelligents et ils s’arrangent d’une manière ou d’une autre pour qu’on ne puisse pas renverser les décisions qu’ils prennent.

Bon, c’est tout à fait anti-démocratique mais vous savez, c’est très facile à faire. J’avais donné un exemple à propos de Fessenheim. Vous dites, voilà, vous écrivez dans le texte : « il faut absolument que les questions de sécurité passent avant tout ! ». Et puis vous faites un petit contrat où vous dites : « s’il y avait un problème de sécurité, il faudrait qu’on paie six milliards à telle firme » et bien entendu, le jour où on regarde, on se dit : « Eh bien, il y a le problème de sécurité mais on n’a pas les six milliards, donc que voulez-vous qu’on fasse ? Il y a un contrat en bonne et due forme ! ». C’est comme ça que nos sociétés fonctionnent maintenant.

Ce n’est pas évident de faire sauter ces cliquets parce que voilà ces gens, c’est une politique, ce sont ces Messieurs von Mises, von Hayek, conseillers à certaines époques – que ce soit la Hongrie ou que ce soit le Chili – conseillers à certaines époques de dictatures militaires, de régimes fascistes, etc. et dont nous considérons – j’ajoute Monsieur Milton Friedman, hein, qui était aussi allé donner de très bons conseils et encenser Monsieur Pinochet – nous considérons que tous ces gens-là sont de braves démocrates, que ce n’est pas du « fascisme en col blanc » comme je les appelle, que tout cela est relativement innocent, qu’on peut dire du bien de Monsieur von Hayek dans des cours universitaires en particulier et que ça ne pose pas de problème : « C’est un penseur, n’est-ce pas ? » C’est un penseur ? Non, non, non, c’est un idéologue, c’est un ami des dictateurs fascistes et autres dictatures militaires.

Non, non, tout cela, c’est du côté de Monsieur Heidegger. Monsieur Heidegger n’était pas un Nazi comme ça par hasard parce qu’il fallait bien prendre une carte de parti. Monsieur Heidegger, si vous ne le savez pas encore, ce n’est pas seulement un penseur nazi, c’est aussi le penseur du nazisme au niveau de la philosophie. Quand on a voulu faire du nazisme une philosophie, on en a fait le système de Heidegger. Et je le disais l’autre jour à quelques amis : « Il y a des gens que j’aime bien, que j’aime bien lire, dont je trouve que ce sont des penseurs intelligents : Monsieur Sartre, Monsieur Lacan, Monsieur Kojève, mais quand même ça me chipote que ce soient des gens qui à une époque de leur vie ont admiré Heidegger parce que ça montre quand même un manque de discernement assez catastrophique.

Bon, ils ont changé d’avis, heureusement, mais, qu’ils se soient laissés séduire quand même par ce machin-là : le nazisme mis sous forme de philosophie, ça m’inquiète quand même un petit peu par rapport aux choses qu’ils disent. Et je vous dis, bon, c’est des gens que j’aime bien. J’ai déjà dit tout le bien que je pensais de Lacan : de l’avoir rencontré, de ce qu’il a pu dire. Sartre, je ne l’ai pas dit autant, mais c’est vrai, et Kojève, j’ai une énorme admiration, je trouve que c’est vraiment un très très grand philosophe du XXe siècle. Il a fait comprendre Hegel aux Français – ce qui n’est déjà pas mal en soi – mais qui aussi a poussé Hegel encore plus loin dans la réflexion. Bon, par ailleurs, c’est un fonctionnaire européen qui a essayé de pousser les choses dans la bonne direction à une époque.

Alors voilà, je crois que j’ai fait le tour de ce que je voulais dire. Ce n’est pas encore l’avant-dernière mais presque de cette formule de mes causeries du vendredi. Après, je vous l’ai dit, je ferai des choses plus thématiques. Je parlerai encore, comme ça je ferai des videos, je ne sais pas à quelle fréquence, sur une idée particulière que j’aurai envie de mettre sous cette forme-là plutôt que de venir devant vous régulièrement tous les vendredis. Parce que c’est quand même une contrainte, parce que j’en ai déjà fait – quand même – plus de cinq cents sous cette forme-là et qu’il faut se renouveler. Allez, à bientôt, à la semaine prochaine !

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