À nous de contraindre les États à faire mieux, par Vincent Burnad Galpin

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L’État ne peut pas devancer les aspirations de ses citoyens : il a toujours un temps de retard car la machine est lourde. Il ne répond à leurs demandes seulement s’il a bien entendu le message. L’État est comme un vieil homme guetté par la surdité. Cela fait des décennies qu’il a ses petites habitudes. Il a ses automatismes, ses manières de faire, ses mêmes recettes pour répondre aux problèmes qu’on lui soumet. C’est comme apprendre à ses parents ou ses grands-parents à se servir d’un ordinateur… Rien ne sert de lui donner le manuel d’utilisation de plusieurs centaines de pages : il faut lui montrer, il faut lui répéter clairement plusieurs fois avant qu’il puisse enfin s’en servir. Nous sommes aujourd’hui dans la même situation : les appareils étatiques ne peuvent pas comprendre d’eux-mêmes la portée des innombrables rapports produits par la communauté scientifique. Seuls les cris des manifestants dans la rue peuvent parvenir à ses oreilles.

C’est bien ce qu’ont compris récemment les mouvements écologistes. Seulement 4 ans après Les veilleurs du ciel, Jean-François Julliard, change de ton et publie On ne joue plus ! en 2019 au sous-titre évocateur « manuel d’action climatique et de désobéissance civile ». Il ne s’agit plus d’espérer que les initiatives locales suffisent à mener la transition écologique, il s’agit de redoubler la pression du citoyen sur les gouvernements pour les obliger à agir :

« Les engagements de chacun doivent désormais être pensés en termes d’intérêt général. Il est temps de doubler nos écogestes individuels d’engagements collectifs plus radicaux. Les dépôts de plaintes, les grèves, le boycott, la désobéissance civile sont les prochaines étapes à franchir pour que le mouvement climatique l’emporte sur les dérèglements de nos milieux et conditions de vie.

Ces actes ont en commun de rechercher l’impact le plus fort sur les structures en place. Qu’il s’agisse de remettre en cause le modèle économique néolibéral et ses excès, ou la mollesse de la réponse politique face aux exigences des industriels et des lobbies. À travers un niveau d’engagement plus audacieux, plus risqué et plus impliquant, l’idée est de contraindre les États à faire mieux. »

(On ne joue plus !, Jean-François Julliard, Le Seuil 2019)

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3 réponses à “À nous de contraindre les États à faire mieux, par Vincent Burnad Galpin”

  1. Avatar de un lecteur
    un lecteur

    Je pense que la solidarité c’est sortir de sa zone de confort, prendre conscience de son rôle dans la mécanique de notre société capitaliste, en parler avec les personnes qui dépendent de nous (hiérarchiquement ou financièrement) en donnant des explications dans un language explicite et d’offrir notre connaissance aux personnes demandeuses.
    Il n’a pas un moyen universel de transmettre le message de notre fin probable. Il doit être adapté au récepteur. Le lien entre, éliminer le capitalisme (PJ), réduire nos émissions de CO2(UNFCCC) et écouter et faire confiance à la communauté des scientifiques de l’IPCC (Greta), nous apparaît logique, nous autres les lecteurs du blog à PJ. Mais pour un ouvrier peu qualifié, complètement dépendant de son employeur et de l’état-providence en lambeaux, le message explicite serait peut-être de s’incérer au plus vite dans les communautés d’entraide.

  2. Avatar de Jacques Seignan
    Jacques Seignan

    Une question fondamentale doit être considérée si l’on parle de l’État.
    Est-il au service de tous et si ce n’est pas le cas, il est au service de qui ? Un mauvais esprit persifleur et sceptique va ici s’exprimer : âmes sensibles, ne lisez plus.
    Prenons l’actualité du jour avec le séisme près de Montélimar.
    Un article du Huffpost fait un point intéressant.
    https://www.huffingtonpost.fr/entry/apres-le-tremblement-de-terre-les-centrales-nucleaires-nauraient-pas-subi-de-degats_fr_5dc95ddae4b0fcfb7f69f40f
    En voici un extrait :
    « Le président de l’ASN avait par exemple confié ceci à propos du site du Tricastin: “en cas de séisme fort on pourrait aller vers une situation, avec quatre réacteurs simultanés en fusion, qui ressemble potentiellement à un accident de type Fukushima”.
    Au mois de juin, l’ASN a sommé EDF de réaliser “un renforcement complémentaire” de la digue protégeant la centrale qui a depuis repris du service, les travaux réalisés plus tôt ayant été jugés insuffisants. “EDF a prévu des travaux complémentaires sur cette digue afin qu’elle résiste au séisme extrême défini après l’accident de Fukushima. La décision adoptée par l’ASN le 25 juin 2019 impose la réalisation de ce renforcement au plus tard fin 2022”, prévenait le gendarme du nucléaire.
    À noter que l’évaluation de ces travaux se basait sur le plus fort séisme ressenti dans cette zone: un tremblement de terre de magnitude 4,7 survenu en 1873 (et dont l’épicentre se situait à 13 km du site). Le scénario le plus pessimiste de l’ASN prévoyait un séisme de 5,2. Or, celui ressenti aujourd’hui est de 5,4.
    À ce jour, ces travaux de “renforcement” n’ont pas été réalisés. »
    Le chiffre de 5,2 est tout simple calculé à partir de 4,7 + 0,5 comme une autre source nous l’explique. Ah oui, il y a un coeff de sécurité !
    Zut, un peu trop faible… Que la nature est vicieuse avec nous, pauvres humains !
    Bon, heureusement, il n’y a rien eu.
    La centrale de Cruas est à l’arrêt pour vérifications. Ouf !
    Circulez, bonnes gens : l’État-EdF veille sur vous.

  3. Avatar de Dambrine Pierre-Yves
    Dambrine Pierre-Yves

    A propos du sens du sacrifice, le mouvement pour la démocratie à Hong-Kong est emblématique. La tension était à son comble aujourd’hui à Hong-Kong. La police a tiré a balles réelles sur les manifestants.
    https://www.lemonde.fr/international/video/2019/11/11/tirs-a-balles-reelles-et-homme-brule-vif-journee-chaotique-a-hongkong_6018786_3210.html
    Les manifestants savent pertinemment que le rapport de forces est en leur défaveur face à la Chine ‘communiste’. mais ils tiennent bon.
    Les manifestants n’ont pas le choix, c’est donc la fuite en avant : s’ils cessent le mouvement il risquent de tout perdre, car le pouvoir central chinois reprendra sa politique au point où l’avait laissée avant les débuts du mouvement, cette politique consistant à étouffer lentement et sûrement toute velléité d’autonomie politique jusqu’à faire supprimer de fait l’existence de deux systèmes pourtant garantie par l’accord initial de la rétrocession de HK à la Chine.
    S’ils continuent, ils ont le mince espoir qu’un évènement imprévu leur vienne en aide.
    Ils peuvent penser que le régime chinois n’est pas éternel, et ils n’ont pas tout à fait tort car la Chine fait face aux même périls, économique, climatique, écologique, auxquels fait face l’Occident. Et sauf preuve du contraire la Chine ne parvient pas à relever les défis, car le régime dépend de la croissance pour obtenir le soutien de sa population.

    Concernant le climat nous en sommes au même point.

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