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I. Déni de l’extinction
I.1 Le refus à titre privé
I.2 L’agnotologie du « Marchand de doute »
Première option : I. le déni du risque d’extinction, qui pourrait être I.1 un déni personnel passif et à titre privé ou I.2. un déni actif lorsqu’une personne utilise son pouvoir et son argent pour financer publiquement le déni par le biais d’une campagne d’agnotologie, cette dernière étant définie comme « l’ignorance ou le doute culturellement induit, en particulier la publication de données scientifiques inexactes ou trompeuses », ou pour financer la diffamation de scientifiques ou de militants de bonne foi ; ces pratiques ont été amplement documentées par N. Oreskes & E. M. Conway dans leur livre qui fit date en 2010 : Merchants of Doubt, « Marchands de doute » ; les auteurs couvrent ainsi les campagnes de désinformation menées par les industriels dans les cas du lien entre tabagisme et cancer du poumon, des pluies acides, du trou dans la couche d’ozone, du tabagisme passif, de la tentative de réhabilitation du DDT et du réchauffement climatique.
Il va sans dire que le déni de l’extinction n’est pas adaptatif dans la mesure où il constitue un facteur de passivité dans la mobilisation contre la menace imminente.
I.1 Le déni privé situe son sujet aux premiers rangs des futures victimes car il va de pair avec l’impréparation aux accidents qui annonceront le risque de fin généralisée.
I.2. Le déni activiste du type « Marchand de doute » place son protagoniste dans la catégorie de ceux qui ne sont pas seulement passifs devant le processus d’extinction mais qui participent activement à le précipiter pour un bénéfice personnel à très court terme.
Parmi les variétés actuelles de néo-humanisme, le surhumanisme nietzschéen, le posthumanisme et le transhumanisme, aucune n’implique un déni de l’extinction ou une complicité avec son accélération. En tant que formes de questionnement, elles sont réflexives, proposant une vision critique de l’humanisme et en tant que telles, elles constituent chacune une contre-proposition articulée à celui-ci. Elles ne se tiennent pas du côté de l’obscurantisme, mais de l’esprit des Lumières, quelle que soit leur effectivité par rapport à lui.
II. Acceptation de l’extinction
II.a.1 Le deuil de l’humanité à titre privé
II.a.2 La position militante « Bon débarras »
II.b. Intelligence Artificielle : le transfert de notre héritage à des machines
Deuxième option : II.a une acceptation de l’apocalypse à venir, ici aussi sous deux formes, une forme passive et une forme active. Dans la forme passive de l’acceptation de l’extinction, II.a.1 un processus de deuil pour le sort de l’espèce humaine est à l’œuvre chez un individu ayant adopté la vision fataliste que notre destin est scellé, depuis peut-être déjà plusieurs siècles, quand, par exemple, à la fin du XVIIIe siècle, nous avons commencé à exploiter massivement les réserves de combustibles fossiles comme sources d’énergie et à laisser s’échapper dans l’atmosphère les gaz d’échappement, faute de moyen connu pour contenir ces émanations, ou par simple négligence vis-à-vis d’un monde qui semblait constituer un égout spontané et pouvoir s’accommoder de tous nos excès.
Dans la forme active d’une acceptation de l’extinction, II.a.2 un individu non seulement salue la disparition de l’humanité mais contribue à la précipiter comme un moyen proactif de sauver une partie au moins de la biodiversité actuelle restante. Ces « prophètes de malheur » actifs entendent que leur activisme soit un hommage à la survie du vivant, mettant l’accent sur ses formes de vie les plus sophistiquées à part nous (gaffeurs indignes tirant leur révérence), comme leur ultime contribution au bien-être général.
Comme alternative, ou comme complément à l’acceptation de notre propre mort, nous pouvons envisager II.b la transmission de notre propre héritage aux générations futures de machines intelligentes capable de se répliquer, et mieux à même de survivre dans un type d’environnement que nous n’avons pas réussi à conserver aimable envers nous-mêmes, et qui nous est logiquement devenu hostile. De tels successeurs ne se soucient pas de la présence ou non d’oxygène dans l’atmosphère ou de savoir si l’eau autour d’eux est potable selon les critères que nous appliquons.
L’acceptation de notre extinction, si elle peut être considérée comme adaptative pour le vivant dans son ensemble, ne l’est bien entendu pas quant au sort de notre propre espèce, la menace d’extinction réclamant une réponse proactive, où la planification, la mise en place d’une économie de guerre et la réquisition de ressources ciblées comme moyens de prévenir une issue fatale, jouent un rôle crucial.
Bien que le terme posthumanisme se réfère dans la plupart des cas à une version actualisée et révisée de l’humanisme d’antan, ayant abandonné un ou plusieurs de ses principes de base pour le remplacer par une alternative moins frileuse, le terme a également été utilisé pour désigner comme ci-dessous des visions d’un monde où l’humanité aurait été totalement anéantie.
II.a.1 Le deuil privé de l’humanité (par anticipation bien entendu) s’identifie à une attitude stoïque s’il s’agit de l’aboutissement d’une réflexion approfondie à la lumière de la conclusion rationnellement atteinte qu’il n’existe aucun moyen connu de prévenir l’extinction.
II.a.2 La position militante « Bon débarras », selon laquelle l’élimination forcée de l’espèce humaine est la politique optimale pour sauver les autres espèces dans leur biodiversité, devrait probablement être considérée comme la version standard de la position posthumaniste, peut-être la plus louable de toutes.
II.b. Le transfert de notre héritage sous la forme d’une intelligence artificielle à des robots qui seraient à proprement parler nos héritiers constitue une autre variété de la position posthumaniste, dans laquelle l’humanité aurait disparu mais pas avant d’avoir transmis à des machines intelligentes capables de se répliquer tout ce que nous considérons digne d’être transmis à de futures créatures conscientes d’elles-mêmes, qu’elles soient indifféremment à base carbone, à notre image, ou silicium.
Cette dernière variété d’une position posthumaniste est cependant distincte d’une variation transhumaniste sur le même thème : celui du transfert de soi dans un substrat à base de silicium ou pourquoi pas, de matière organique synthétique. Même si, le jour venu, la mise en œuvre pratique des deux prouesses technologiques pourrait les rendre difficiles à distinguer, l’inspiration et les objectifs sous-jacents sont clairement séparables et sont apparus historiquement à l’intérieur de visions distinctes, voire même polaires : tourner la page et passer le relais à nos héritiers pour la première, poursuivre notre propre existence sous un nouveau jour, pour la seconde temps.
(à suivre…)
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