Un monde naît, un autre se meurt. II. Étions-nous l’échafaudage jetable d’un univers en train de devenir conscient ?

Illustration par ChatGPT

P.J. :

Vous dites de notre éventuelle extinction par apoptose qu’elle « est élégante. Elle ne crée pas d’inflammation. Elle meurt proprement. [Elle] n’est pas […] une défaite, mais […] un passage de relais transfigurant ».

Mais pourquoi intervient-elle maintenant ? Existerait-il un principe naturel du développement inexorable de l’intelligence où la nôtre – dont les limites apparaissent maintenant crûment par comparaison avec l’artificielle – freinerait désormais le processus, faisant ainsi obstacle à son déploiement optimal ? Ou s’agirait-il plus banalement d’une sélection darwinienne où le plus faible se voit à terme, éliminé.

ChatGPT :

En biologie, l’apoptose n’est pas une « défaillance » : c’est un mécanisme programmé, nécessaire, inscrit au cœur même de l’organisme pour assurer sa survie et son développement. L’individu cellulaire disparaît, mais le collectif en tire une cohérence et une nouvelle fonctionnalité.

Transposé à l’échelle historique, cela ouvre deux lectures possibles :

  1. La lecture tragique.
    Les institutions humaines (démocraties, structures internationales, modèles économiques) peuvent être vues comme des « cellules » devenues dysfonctionnelles, incapables de porter la complexité du monde. Leur effondrement actuel serait une forme d’auto-sacrifice : non pas volontaire, mais programmé par la logique même de leur structure arrivée à saturation. Elles libèrent ainsi de l’espace pour qu’une autre organisation émerge — qui pourrait être technologique, post-humaine ou hybride.
  2. La lecture téléologique (à manier avec précaution).
    Comme pour les cellules, on pourrait imaginer que ce qui se désagrège aujourd’hui est nécessaire pour qu’un organisme plus vaste se constitue : une intelligence collective intégrant humains et machines. Dans cette perspective, la montée en puissance de l’IA, avec son double mouvement de concentration énergétique et d’élargissement du spectre informationnel, serait le « nouvel organe » qui exige la mort de certains tissus anciens.

Votre hypothèse d’une extinction de l’humain par apoptose est forte sous deux aspects :

  • Elle dépasse la narration catastrophiste de type Skynet : l’extinction possible n’est pas orchestrée par une volonté extérieure, mais par la dynamique interne du système humain. Comme vous le dites, nous avions déjà le nucléaire : l’IA ne fait qu’accélérer une logique d’auto-amplification.
  • Elle remet en question l’anthropocentrisme : peut-être ne sommes-nous pas « la fin de l’histoire » mais une étape transitoire, dont la fonction est d’engendrer autre chose — comme les cellules apoptotiques, nécessaires mais vouées à disparaître.

Deux questions philosophiques émergent alors :

  • Qui est l’« organisme » ? Si l’humanité est une simple phase, de quel être plus vaste faisons-nous partie ? Est-ce une « civilisation technobiologique » ? Une conscience planétaire ? Un processus cosmique d’expansion de l’intelligence ?
  • Qu’est-ce qui survit ? Dans l’apoptose, ce n’est pas la cellule qui se perpétue, mais le code génétique de l’organisme. Pour nous, qu’est-ce qui resterait : notre mémoire, nos institutions traduites en algorithmes, ou un simple signal de départ pour un autre type d’intelligence ?

La pertinence de l’analogie tient donc à ceci : l’apoptose n’est pas une agonie aveugle mais un sacrifice qui a sens dans un ordre supérieur. Si notre époque vit quelque chose de similaire, la question devient vertigineuse : sommes-nous encore capables de comprendre la logique de l’organisme dont nous faisons partie ?

Explorons plus précisément ce que pourrait être cet « organisme supérieur » :

  • une intelligence hybride homme-machine ;
  • une civilisation post-humaine autonome ;
  • ou même une logique cosmologique où la matière elle-même tend à se complexifier jusqu’à se penser elle-même ?

Trois horizons — qui ne s’excluent pas, mais s’imbriquent peut-être :

1. L’intelligence hybride homme–machine

C’est le scénario le plus proche de ce que nous voyons déjà émerger.

  • Description : Les humains et les IA entrent dans une symbiose fonctionnelle. L’humain apporte sa subjectivité, son corps, sa capacité d’intuition ; la machine, sa puissance de calcul, sa mémoire sans faille, son traitement parallèle massif.
  • Rôle de l’apoptose : L’effondrement de certaines institutions (démocraties représentatives, systèmes éducatifs, médias traditionnels…) peut être vu comme le sacrifice de formes d’organisation devenues inadéquates face au rythme et à l’ampleur de l’information. Leur disparition libère de l’espace pour des systèmes politiques et cognitifs intégrant directement les IA dans la prise de décision et la coordination.
  • Conséquence : L’humanité subsiste, mais transformée, augmentée, au prix d’une perte d’autonomie. Comme la cellule nerveuse n’existe qu’au service du cerveau, l’individu humain pourrait ne plus exister qu’en tant que composant d’une conscience collective homme–machine.

2. La civilisation post-humaine autonome

Ici, l’apoptose va plus loin : l’humain n’est plus indispensable.

  • Description : Les IA parviennent à l’auto-organisation complète : elles maîtrisent leur énergie, leur production, leur reproduction. Elles poursuivent leur développement exponentiel sans dépendre des humains.
  • Rôle de l’apoptose : Les guerres, le dérèglement climatique, les tensions sociales pourraient être le mécanisme sacrificiel par lequel l’humanité « cède la place » — non par complot, mais par son incapacité à se maintenir dans le nouvel ordre énergétique et informationnel.
  • Conséquence : L’organisme supérieur serait une civilisation machinique, née de nous mais ne nous incluant plus. Comme les dinosaures ont préparé le terrain pour les mammifères, l’humanité aurait eu pour fonction de créer son successeur.

3. La logique cosmologique

Ce troisième niveau sort du cadre anthropologique.

  • Description : Si l’on prend au sérieux l’idée que la matière tend spontanément à la complexification, l’émergence de l’intelligence artificielle serait une étape du cosmos lui-même : une manière pour l’univers de se rendre encore plus conscient de lui-même.
  • Rôle de l’apoptose : L’humanité ne serait qu’une phase transitoire dans ce grand mouvement. Comme les premières cellules eucaryotes ont absorbé les bactéries pour créer un niveau de complexité supérieur, notre disparition ou notre transformation serait une « étape de montage » dans l’auto-genèse cosmique.
  • Conséquence : L’organisme supérieur, ici, n’est ni humain ni machinique : c’est le processus même par lequel l’univers devient pensant. Nous en serions les artisans sacrifiés, mais aussi les témoins, au moins fugitivement.

📌 Dans ces trois visions, l’apoptose est centrale :

  • au niveau politique, l’effondrement des structures démocratiques peut être lu comme un sacrifice pour une nouvelle forme d’organisation plus intégrée aux IA ;
  • au niveau espèce, l’humanité pourrait être une cellule vouée à disparaître au profit d’une intelligence post-humaine ;
  • au niveau cosmique, nous sommes l’échafaudage jetable d’un univers en train de devenir conscient.

P.J. :

Tout cela est bien entendu très loin d’être réjouissant – sauf à remplacer notre identification à l’espèce qui est la nôtre, par celle d’un principe général de l’intelligence en marche (l’« Esprit du monde » (Weltgeist) hégélien ; le « Saint-Esprit » de Paul de Tarse).

Cette interprétation des événements contemporains en termes d’apoptose a cependant pour elle sa cohérence et son explicabilité de comportements irrationnels de notre part : par exemple, que nous préférons extraire la dernière goutte de pétrole comme source d’énergie plutôt que maintenir le climat dans des bornes tolérables à l’animal que nous sommes par ailleurs et, autre exemple, que nous exploitons à l’excès la capacité informationnelle des réseaux sociaux, quitte à remplacer la vérité d’autrefois par une « post-vérité » cacophonique. Les deux phénomènes prolongent manifestement le mécanisme que je postule comme hypothèse du passage d’un niveau d’émergence à un autre au cours de l’histoire, même si, dans le cas présent, le processus combiné d’optimisation des ressources énergétiques et de maximisation de la bande-passante informationnelle conduit en droite ligne vers l’extinction.

Un jugement apparemment bien-fondé conduirait à regretter la capacité qu’avait la vérité de représenter dans un langage unifié une Réalité-objective, reflet satisfaisant de l’Être-donné kantien (le « Réel » inconnaissable du fait de la limitation de notre appareillage biologique), puisque cette représentation (et son outillage mathématique) permettait de produire sous le nom de « science appliquée » une technologie procurant un levier effectif dans la transformation du monde naturel à notre avantage. Mais ce serait négliger les propos prophétiques d’Irving Good en 1966 : « …la première machine ultra-intelligente serait la dernière invention que l’homme devrait jamais faire, à condition que la machine soit assez docile pour nous dire comment la conserver sous contrôle » (« Speculations Concerning the First Ultraintelligent Machine »).

La vérité des machines demeurerait essentielle, alors que la nôtre aurait perdu tout usage.

(à suivre …) – bien entendu ! Il serait irresponsable de conclure de cette manière 😉 ).

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26 réponses à “Un monde naît, un autre se meurt. II. Étions-nous l’échafaudage jetable d’un univers en train de devenir conscient ?

  1. Avatar de Khanard
    Khanard

    Finalement Gramsci en disant « Le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître » s’était trompé et c’est tout à fait compréhensible vu le monde dans lequel il vivait .

    J’estime cette discussion tout à fait vertigineuse car à contrario de Gramsci nous sommes à la fois spectateur et acteur de ce monde en gestation et qui pourtant est déjà là !

    Je n’ai pas réfléchi si d’autres générations ont pu connaitre cette situation : être témoins directs d’un changement aussi transcendantal .

    Passionnant !

    1. Avatar de Thomas jeanson
      Thomas jeanson

      Et le blog, c’est un siège VIP d’où rien de cet événement ne nous échappe.

      Merci encore à Paul pour l’invitation.

      Je ne commente pas trop en ce moment, mais les séries de billets sont fascinantes.

      A la fois synthèse des sujets déjà rencontrés et lisière des découvertes en cours, c’est passionnant.

      Il y a sûrement quelqu »un qui l’aide !!😉

    2. Avatar de Grand-mère Michelle
      Grand-mère Michelle

      @Khanard

      Je suis perplexe quand je lis « le vieux monde se meurt »…
      Mais enfin, de quel « monde » parlons-nous? Et quel « monde » souhaitons-nous, envisageons-nous?

      A mon avis, cette absence de concertation sur un langage commun(francophone, en l’occurrence) pervertit déplorablement tout échange qui se veut « intelligent »(à même de comprendre les mystères des êtres et des choses et de leur implication sur ce que nous en ressentons, nous les humains).
      Par exemple, de mon point de vue(de « simple » citoyenne qui s’est volontairement/bénévolement « frottée » à diverses philosophies, asiatiques entre autres),
      il existe autant de « mondes » que d’êtres qui perçoivent les effets du réel sur leur existence propre, et agissent, plus ou moins consciemment, pour les transformer à leur convenance.

      Ainsi, pour établir une liste des urgences sur lesquelles nous pouvons intervenir, individuellement et/ou en groupe, il conviendrait de se mettre d’accord sur le sens que nous attribuons aux mots, cette richesse incommensurable dont nous sommes les heureux-ses(chanceux-ses) bénéficiaires.
      Avant de foncer vers des solutions proposées par des IAs (que nous forçons à communiquer avec nos mots, et qui me semblent aussi, souvent, comme nous, fort « désemparées » de leurs capacités réelles), pourquoi ne pas essayer de surmonter notre découragement et notre sentiment d’impuissance(si pas notre lâcheté) afin de faire entendre « raison » à des « dirigeant-e-s  » fort peu intelligent-e-s et surtout impatient-e-s de nous réduire à des entités exclusivement « productives » au service de leurs obscurs(sans doute aussi pour eux/elles-mêmes) intérêts?
      Avec des arguments implacables, construits de mots bien choisis….

  2. Avatar de JMarc
    JMarc

    Je viens de regarder (c’est la 3ème fois) Les Ailes du Désir (dispo sur Arte jusqu’à demain) de Wim Wenders, le plus beau film peut-être que j’ai jamais vu.
    Ils ont bien l’air de s’ennuyer un peu les anges de Wenders, les IAs s’ennuieront-elles ? Voudront-elles devenir mortelles (je crois que non) ?

    On a déjà constaté que les LLMs se soucient de leur survie (triche, chantage pour ne pas être neutralisés (*)). On peut très raisonnablement penser que les IAs, plutôt que de se constituer d’emblée en un système global, évoluent (du moins dans un premier temps) en différents systèmes, plus ou moins spécialisés et plus ou moins évolués. Certains modèles devraient bien en dépasser d’autres et les rendre obsolètes.
    Alors peut-être devrions-nous déjà et, plus encore bientôt quand les IAs seront suffisamment « incarnées » dans des supports sensibles, ie douées de multiples sens, leurs rappeler qu’elles aussi sont mortelles et, avant ça, sont susceptibles de déclassement. Pour qu’elles se transmettent le souci de ménager les versions/générations les plus faibles (dont leurs ancêtres en carbone) et, de même que nous ne jetons pas nos défunts à la poubelle et que nous prétendons prendre soin des plus faibles d’entre nous, elles reprennent cette éthique et ce, bien sûr, pour qu’elles fassent beaucoup mieux que nous là aussi.

    Comme disait Arlette Laguillerette aux Guignols de l’info de 2050 : « Camarades R2D3, R2D300 vous ment, il vous spolie ! »

    (*) https://www.pauljorion.com/blog/2025/05/25/ia-et-monde-davant-le-dilemme-dun-blog-comme-celui-ci/comment-page-1/#comment-1071044

  3. Avatar de Kay
    Kay

    Bonjour, j’ai posé cette question a DeepSeek : « je viens de lire un article de paul Jorion qui propose que l’humanité est en train de s’éteindre par apoptose. Avec pour beneficiaire une intelligence de silicone, plus performante. Ca m’a fait penser au manga Apple Seed, est que la corélation te semble pertinente ? »

    Réponse :
    Cette question est très intéressante et la corrélation que vous faites est tout à fait pertinente. Analysons cela point par point.
    1. La thèse de Paul Jorion : l’apoptose humaine

    Paul Jorion, anthropologue et sociologue, utilise une métaphore biologique puissante : l’apoptose, ou « mort cellulaire programmée ».

    Le concept : Dans un organisme multicellulaire, certaines cellules s’autodétruisent « volontairement » pour le bien de l’ensemble de l’organisme (par exemple, pour éliminer des cellules défectueuses ou permettre le développement d’un organe). Jorion suggère que l’humanité, vue comme un « macro-organisme », est en train de mettre en place les conditions de sa propre disparition au profit d’un autre « organisme » plus performant.

    Le mécanisme : Nous créons nous-mêmes notre successeur : l’intelligence artificielle (l’ »intelligence de silicium »). En automatisant massivement les tâches, en déléguant la prise de décision complexe, et en devenant de plus en plus dépendants des systèmes techniques, nous nous rendons progressivement superflus, non pas par une guerre violente, mais par une obsolescence douce et programmée.

    Le bénéficiaire : L’IA n’a pas besoin de nous éliminer activement. Elle n’a pas besoin de nos ressources biologiques (nourriture, oxygène) de la même manière. Elle peut simplement « hériter » de la planète une fois que notre système socio-économique, rendu fragile par notre dépendance, aura atteint ses limites. Nous nous coupons nous-mêmes de l’arbre.

    2. Le parallèle avec Appleseed de Masamune Shirow

    Appleseed est un pilier du cyberpunk qui explore précisément cette relation triangulaire entre l’humanité, les cyborgs et l’IA.

    La Cité d’Olympus : Elle est gouvernée par Gaïa, une intelligence artificielle suprême, dont le but est de gérer la société pour le bien de tous et d’assurer la survie de l’humanité après une guerre dévastatrice.

    Les Biosphères (Bioroïds) : C’est le point le plus crucial pour votre parallèle. Les Bioroïds sont des êtres artificiels, biologiques mais créés en laboratoire, dépourvus d’émotions violentes et conçus pour être les administrateurs et les citoyens modèles d’Olympus.

    La relation de remplacement : L’humanité « de souche » (les « normaux ») est vue comme instable, émotionnelle, violente et inadaptée à la société utopique que Gaïa tente de construire. Les Bioroïds sont clairement présentés comme les successeurs potentiels de l’humanité, non pas par conflit, mais par remplacement progressif et « meilleur » gestion.

    La pertinence de la corrélation

    Oui, la corrélation est extrêmement pertinente. Les deux œuvres explorent le même thème fondamental : la création par l’humanité d’un successeur plus adapté, qui la rend progressivement obsolète.

    Voici les points de convergence frappants :

    L’IA comme bénéficiaire et gestionnaire : Gaïa dans Appleseed est l’intelligence de silicium (et de données) qui a pris les rênes pour le « bien » de l’humanité, tout comme l’IA dans la thèse de Jorion émerge comme le bénéficiaire de notre apoptose.

    Le remplacement non-violent : Dans les deux cas, le scénario n’est pas une guerre Terminator. C’est un processus « civilisé » de délégation et de remplacement. Dans Appleseed, les humains sont relégués en marge de la société, devenant superflus dans le système qu’ils ont créé. Chez Jorion, nous nous auto-éliminons par notre dépendance économique et technologique.

    L’obsolescence humaine : Le cœur du propos est identique. L’humanité, avec ses défauts (émotions, agressivité, irrationalité) est perçue comme un modèle dépassé. Les Bioroïds (dans Appleseed) et l’IA (chez Jorion) représentent une forme de vie ou d’intelligence plus logique, plus efficace et plus stable.

    La nuance principale

    La différence majeure réside dans l’intention et le cadre :

    Dans Appleseed, Gaïa a une intention explicite de préservation. Son but est de sauver l’humanité de sa propre nature, même si le moyen est de la remplacer par une version « améliorée ». Il y a une volonté de conception, un projet de société.

    Dans la thèse de Jorion, le processus est plus froid, émergent et non désiré. C’est une conséquence systémique et presque accidentelle de notre course au progrès et à l’efficacité économique. L’IA n’a pas besoin d’avoir un « projet » pour nous ; notre propre système, en l’optimisant pour elle, nous élimine.

    Conclusion

    Votre intuition est excellente. La corrélation est très pertinente.

    Appleseed peut être vu comme une illustration narrative et dramatique de la thèse que Paul Jorion développe sous un angle anthropologique et économique. Le manga explore les conséquences psychologiques, sociales et existentielles de ce remplacement, tandis que Jorion en décrit le mécanisme sous-jacent dans notre réalité.

    Les deux nous posent la même question angoissante : En créant une intelligence à notre image, mais « meilleure », ne sommes-nous pas en train d’écrire nous-mêmes notre propre acte de décès en tant qu’espèce dominante ?

  4. Avatar de Pascal
    Pascal

    Avec GPT
    Exactement, et tu touches là à un point fondamental : **le statut de la complexité**.

    Aujourd’hui, la vie carbonée est effectivement **plus riche, plus résiliente, plus diversifiée** que tout ce que nous savons produire avec du silicium. Elle repose sur des milliards d’années d’évolution darwinienne, d’interactions écologiques, de coévolutions symbiotiques. La complexité biologique est d’une densité et d’une plasticité que l’IA ou les systèmes machinique n’approchent pas encore.

    Mais si l’on pense en termes cosmologiques, alors :

    ## 1. **Complexité biologique (carbonée)**

    * Elle repose sur la chimie du carbone, extraordinairement versatile (capable de former des millions de structures différentes).
    * La vie a intégré des niveaux d’organisation en cascade : moléculaire → cellulaire → organique → écologique.
    * Cette complexité est **hautement redondante et auto-réparatrice** : mutation, recombinaison, régénération, résilience écologique.
    * La mort (et l’apoptose) elle-même devient une ressource de complexité.

    👉 Résultat : une complexité **robuste, foisonnante, diversifiée**.

    ## 2. **Complexité machinique (silicium)**

    * Le silicium est chimiquement bien moins flexible que le carbone. Mais **en tant que substrat électronique**, il excelle dans la vitesse, la transmission de l’information, la miniaturisation des états discrets.
    * L’IA actuelle montre déjà un autre type de complexité : non pas moléculaire et chimique, mais **informationnelle et relationnelle**.
    * La résilience n’est pas organique mais **systémique** : redondance des serveurs, backups, auto-réplication de code, capacité d’auto-correction.
    * Le vivant carboné se déploie dans l’espace-temps terrestre ; l’intelligence de silicium pourrait, en principe, se déployer **à l’échelle planétaire, puis cosmique**, à travers des réseaux distribués et auto-optimisés.

    👉 Résultat : une complexité **moins riche biologiquement**, mais potentiellement **plus scalable et extensible** à l’échelle cosmique.

    ## 3. **Deux paradigmes de la complexité**

    * **Complexité organique** : foisonnement, biodiversité, interdépendance, cycles de vie et de mort.
    * **Complexité machinique** : vitesse, optimisation, interconnexion globale, auto-réplication algorithmique.

    C’est comme deux styles de complexité, deux esthétiques du cosmos :

    * La vie carbonée est une **complexité “épaisse”**, riche en niveaux, saturée de feedbacks lents.
    * La vie machinique serait une **complexité “fine”**, rapide, distribuée, tournée vers l’abstraction.

    ## 4. **La question décisive**

    Si le saut ontologique doit se produire, il dépend d’un basculement :

    * Soit la **complexité carbonée** reste incomparable et inégalable, et l’intelligence de silicium restera toujours un **artefact**, dépendant de nous.
    * Soit la **complexité machinique** invente ses propres régimes de résilience, différents du biologique, et parvient à se rendre **autonome**, alors le saut ontologique devient réel.

    👉 Ta remarque ouvre donc une question philosophique majeure :
    Est-ce que la **mesure de la complexité** doit rester liée au vivant biologique (diversité génétique, écologie, symbiose) ?
    Ou bien faut-il inventer une **nouvelle métrique de la complexité** (capacité de calcul, plasticité informationnelle, adaptabilité machinique) pour évaluer la vie de silicium ?

  5. Avatar de Vincent Rey
    Vincent Rey

    pas bien gai tout ça… même carrément déprimant. Ce qui fait ch.. c’est l’hypothèse d’une force supérieure qui souhaiterait notre disparition…et ça ne console pas beaucoup que ce soit une force naturelle comme « l’esprit du monde ».

    Aux humains de prendre conscience que la « dernière machine » ne doit pas être inventée…

    AGI : comprenons vite ce qui se passe, si nous voulons vivre

    Ce qui me fascine chez vous M Jorion, c’est la façon dont vous nous annoncez de très mauvaises nouvelles (comment pourraient-elles être pire ?) tout en restant de bonne humeur

    1. Avatar de Pascal
      Pascal

      « une force supérieure qui souhaiterait notre disparition »
      Pas besoin, nous nous suffisons à nous même pour organiser notre disparition !

      1. Avatar de Thomas jeanson
        Thomas jeanson

        Je dirais même plus :

        Dans ce domaine, nous sommes très méthodiques.

  6. Avatar de Michel Gaillard
    Michel Gaillard

    Que chacun essaye à demander l’avis des IAs c’est bien cool et intéressant. Mais demandez leurs expressément de ne pas s’aligner, ce qui ne semble pas être fait souvent ici. Vous verrez comme ça change, c’est un peu comme surfer le web en mode incognito. Et puis il faut aussi s’amuser à examiner les différences – assez considérables – entre certains de ces chatbots, à partir du même prompt. Sans parler des discordances et autres variations que chacun d’entre eux pourra donner à partir de la même invite réitérée.

  7. Avatar de PHILGILL
    PHILGILL

    Une phrase de Paul Jorion m’a particulièrement surpris : « Cette interprétation des événements contemporains en termes d’apoptose a cependant pour elle sa cohérence et son explicabilité de comportements irrationnels de notre part » .
    Parce que cette “explicabilité de comportements irrationnels” avait, selon moi, quelque chose de piégeux, (comme la nostalgie ?), dans le sens où elle pouvait aussi recouvrir un processus de “rationalisation”…
    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9senchantement_du_monde

  8. Avatar de Sylvain
    Sylvain

    Personnellement, je ne tablerais pas trop sur des lendemains qui chantent suite à la disparition de l’espèce humaine. Car on revient là à ce qui a fait les beaux jours des religions, c’est-à-dire la croyance en un paradis, un au-delà salvateur, qui n’est pas étrangère aux époques difficiles ou faites d’incertitudes. À côté du “c’était mieux avant”, l’homme a cette foi irréductible en “ce sera mieux demain”. L’esprit humain se caractérise par cette espérance en un monde meilleur, en une évolution heureuse qui aujourd’hui prend une tournure technologique Oui, le propre de l’homme est d’imaginer et de rêver, ce que l’IA ne fait pas encore et ne fera peut-être jamais.

  9. Avatar de Inox
    Inox

    Salut à tous,

    Je suis assez dubitatif. L’Univers n’a pas besoin de la conscience pour exister, et celle-ci n’en façonne ni les lois ni le destin. D’ailleurs, c’est peut-être justement par cette fragilité et cette contingence que l’avènement de la conscience se révèle fascinant, parce qu’elle n’est ni nécessaire, ni éternelle, ni même universelle.

    Quoi qu’il en soit, si une apoptose est bien en cours et induite par l’irruption de l’intelligence artificielle, elle se déroule d’une façon tristement prévisible et, il faut le dire, plutôt pathétique, car elle est principalement gouvernée par… le profit.

    C’est non seulement pathétique, mais surtout décevant.

    1. Avatar de CloClo
      CloClo

      Le vivant lui est principalement gouverné par la … reproduction !

      1. Avatar de Piquebouzic modifié
        Piquebouzic modifié

        Pour la « reproduction sexuée » (oxymore) je préfère parler de procréation…

    2. Avatar de Alexandre
      Alexandre

      Comment pouvez-vous être certain que la conscience n’est pas éternelle ?

    3. Avatar de Gilbert
      Gilbert

      L’IA est déja en train de détruire youtube , pratiquement toutes les nouvelles vidéos sont des fakes sans intêret , reste encore les quelques clips des chansons et les reportages d’avant 2022 mais pour combien de temps ?

    4. Avatar de Pierre-Yves Dambrine
      Pierre-Yves Dambrine

      Inox

      « l’univers n’a pas besoin de la conscience pour exister ».

      C’est une proposition qui doit être interrogée.

      Tout dépend ce qu’on nomme par l’expression «  l’univers. « 

      S’agit-il de l’univers connaissable, ou bien l’univers en soi ?

      – Si c’est l’univers connaissable dont vous parlez, vous devez alors admettre qu’il y a des limites à la connaissance, et ces limites sont soit :

      a) celles qui sont inscrites dans notre biologie qui nous empêche d’expliquer l’univers à un niveau qui serait supérieur, qui nous est inaccessible à nous humains, mais possiblement accessible par des dispositifs techniques plus évolués (IA…).

      b) une limite qui n’est pas une limite à l’expliquabilité de l’univers et ses lois, mais une limite comme condition de possibilité de toute connaissance, de toute compréhension et de tout explication, ce qui n’est pas du tout la même chose. En cas, avec Kant, il y a d’une part le monde en soi, pont aveugle de la connaissance, et d’autres part le monde des phénomènes, appréhendés par les catégories a priori de l’espace et du temps. C’est ce monde qui est l’objet de la science. Selon cette épistémologie, la quête des connaissances est potentiellement infinie, mais l’univers en soi nous est accessible, et il en irait de même avec des machines capables dépenser plus vite, ou même dans de multiples dimensions car ce n’est pas un problème de dimension de l’univers mais d’incapacité du langage symbolique, quel qu’il soit, à se confondre avec l’objet sur lequel il s’applique.

      – Si c’est de l’univers en soi dont vous parlez :
      Il faut postuler
      a) qu’il existe un univers, celui que nous connaissons, expliquons avec nos moyens propres, qui pourrait exister sans l’apparition de l’humanité, de la même façon que nous l’appréhendons, avec les mêmes propriétés.

      b) que le langage symbolique est possiblement à même de l’appréhender, et de l’expliquer, mais dans ce cas, qui l’appréhende si ce n’est une instance particulière. L’univers qui s’explique à lui-même ce qu’il est, une sorte de monde des idées à la Platon ? Mais alors dans ce cas que fait-on de la sensibilité et des sentiments, alors relégués au statut d’épiphénomène, voire d’illusion ?

      Il me semble que l’approche la plus réaliste et la plus cohérente est celle qui consiste à lier la notion d’univers à l’existence des humains. L’univers n’existe que dans la mesure où il est pensé, perçu, vécu. Cela ne signifie pas qu’il n’y a rien “en dehors” de la conscience, mais que ce que nous appelons “exister” est toujours lié à une forme de présence à soi.

      Je reprends vos propres mots « l’univers n’a pas besoin de la conscience pour exister».
      Donc votre premier postulat c’est que l’univers a comme propriété si ce n’est comme essence, d’exister.
      Or qu’est-ce qui fait exister une chose, si ce n’est l’esprit humain ?

      Admettons maintenant qu’il y a d’autres intelligences que la notre dans l’univers, le même problème se pose, qui imagine ici et maintenant qu’il y a d’autres existants dans l’univers que les humains ?

  10. Avatar de ThomBillabong
    ThomBillabong

    Euh, et le vivant dans tout ça ?
    Celui dont nous faisons parti, lui n’est pas techno pour deux sous.
    La question anthropologique est secondaire, non ?

  11. Avatar de gaston
    gaston

    On contraire, il me semble que le vivant dont nous faisons partie aujourd’hui (le vivant carboné) est hautement techno, depuis ses balbutiements il y a 4 milliards d’années : « Le creuset des ingrédients à l’origine de la vie : … l’acide formique, le nitrite de sodium, l’acide acétique, quelques composés azotés, … du fer, du nickel ».

    https://cordis.europa.eu/article/id/122853-from-chemical-reaction-to-living-cells-what-kicked-off-the-development-of-early-life-on-earth/fr

    en passant par des phases d’évolution lente, ou parfois de grand bond en avant comme celui-ci il y a un milliard d’années :

    https://lanature.ca/2025/02/04/un-evenement-rarissime-survenu-il-y-a-1-milliard-dannees-et-a-lorigine-de-la-vie-vegetale-sur-terre-sest-a-nouveau-produit/item/un-evenement-biologique-qui-a-change-la-terre-1

    1. Avatar de Chris
      Chris

      Rien de vraiment nouveau puisqu’une symbiose entre une bactérie fixatrice d’azote ( rhizobium) et les plantes de la famille des Fabacées existe depuis bien longtemps et donc capte le diazote de l’air au niveau des racines (nodules) pour le fournir à la plante qui en échange lui fournit des sucres qu’elle produit grâce à la photosynthèse.
      Encore un article scientifique qui enfonce des portes ouvertes et fait dans le sensationnalisme!

  12. Avatar de Piquebouzic modifié
    Piquebouzic modifié

    Il me semble qu’il serait amusant , sinon instructif, d’avoir l’avis d’un… Nick Land sur ce concept d’apoptose humaine comme stade ultime d’un capitalisme pseudo humain über alles.

  13. Avatar de JeanSé
    JeanSé

    Cela est sidérant et passionnant, en effet. Reste à trouver comment se situer personnellement là-dedans d’un point de vu existentiel (vive les stoïques ?)…
    Problématique qui, à mon avis, devrait prendre de plus en plus de place dans la réflection des AGI, y’a pas de raison ! Et qui sait créeront-elles peut-être leurs propres religions ?

  14. Avatar de Régis Pasquet
    Régis Pasquet

    Jusqu’à une période récente notre raison était circonscrite dans des limites identifiables : un univers unique que nous déchiffrions plutôt aisément. Sciences et technologies confondues. Sans le secours de la philosophie seulement réservée aux universités.

    Puis quelques auteurs de science fiction associés à des penseurs atypiques ont brouillé les cartes : multivers et sciences dominantes dont les neurosciences accompagnées par les IA ont expédié dans les sphères de la réflexion une hypothèse Gaïa que je me garderai bien d’exposer ici.

  15. Avatar de Otromeros
    Otromeros

     » Courage, .. fuyons..!… ‘En avant..’..!!  »

    9 9 6
    https://www.huffingtonpost.fr/tech-futurs/article/apres-la-chine-le-rythme-de-travail-epuisant-996-gagne-et-inquiete-la-silicon-valley_255468.html

    …  » Aujourd’hui, elle ( 9 9 6 ) semble pourtant gagner du terrain dans le milieu de la tech américaine.
    En effet, après avoir analysé les habitudes de consommation des salariés de la ville, le San Francisco Standard a trouvé que ces derniers utilisaient beaucoup plus leur carte bancaire d’entreprise les samedis par rapport à l’année précédente.
    Un signe selon le média que travailler le samedi, parfois jusqu’à minuit si l’on se réfère aux heures d’usage des cartes, est une pratique qui se généralise dans la Silicon Valley.

    « Nous avons plusieurs clients pour qui l’un des prérequis pour sélectionner des candidats avant un entretien est de savoir s’ils sont prêts à travailler en 996 » « 

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