NOUS, L’OPINION PUBLIQUE

Un rapport du Sénat américain rédigé sous la direction des sénateurs Carl Levin du côté démocrate et John McCain du côté républicain, et divulgué à Washington hier 20 mai, en vue d’une audition de dirigeants de la firme Apple aujourd’hui 21 mai, met en évidence les techniques d’« optimisation fiscale » utilisées par le géant de l’électronique.

Les montages sont expliqués de manière détaillée dans ce document de 40 pages. On y lit par exemple que l’un des départements de la firme, Apple Operations International, n’a payé aucune taxe dans aucun pays de 2009 à 2012 malgré un revenu net de 30 milliards de dollars ; un autre, Apple Sales International, a versé en 2011, 10 millions de dollars en impôts sur un montant de recettes s’élevant à 22 milliards de dollars, soit un taux d’imposition effectif de 0,045%.

C’est l’Irlande, en sa qualité de « centre financier international » (l’appellation méliorative des havres fiscaux), qui a permis à Apple un tel degré d’« optimisation », allant jusqu’à accorder à la firme des conditions d’imposition privilégiées : abaissant dans certains cas l’imposition des 12% officiels exigés des compagnies non-résidentes à un taux privilégié de 2%, voire même moins. On se souviendra que lorsque l’Irlande fut tirée d’affaire par les autres pays de la zone euro en 2010, une des conditions posées initialement pour son sauvetage était la fin de son statut de havre fiscal. On apprit rapidement, mais sans réelle surprise, que cette pré-condition pour l’aide qui lui était accordée était abandonnée.

Le rapport du Sénat américain souligne que l’« optimisation fiscale » n’est pas illégale : « C’est cela la définition même d’une entourloupe fiscale, a déclaré le sénateur Levin, une pratique qui sur le plan purement technique est légale, mais qui contrevient à l’esprit de la loi ».

En d’autres temps, le fait que l’« optimisation fiscale » n’est pas illégale aurait assuré à Apple une indifférence bienveillante des États à l’égard des techniques auxquelles la compagnie recourt. Les temps ont changé : ce ne sont pas seulement les États-Unis, mais également le Royaume-Uni, l’Australie et l’Union européenne qui poussent ces jours-ci l’« optimisation fiscale » dans ses derniers retranchements. Restons cependant vigilants et attentifs au fait qu’il n’est pas dans la nature même des gouvernements de ces pays d’opérer un tel revirement « hostile au milieu des affaires » (pour employer l’expression consacrée) parce que ce changement d’attitude n’a en réalité qu’une seule origine : l’exaspération croissante que nous manifestons envers l’« optimisation fiscale » de compagnies telle Apple, nous, l’opinion publique.

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