Le citoyen et le bourgeois

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Quand on me demande de parler quelque part et que celui qui m’invite n’a pas une idée très claire de ce qu’il veut m’entendre dire, il me suggère de proposer moi-même le sujet. Je dis alors – de manière très dadaïste – la première chose qui me passe par la tête (vous le savez, je suis un très grand admirateur de la psychanalyse : je me demande même si ce n’est pas la seule science authentique – je dis ça très sérieusement) et l’autre jour, je réponds à celui qui me presse : « Je vous parlerai de 1788 ! »

Bien sûr je n’avais qu’une idée très vague de ce qui s’est passé en 1788. Mais depuis, je me renseigne activement. Alors voici sur quoi je vous demande de réfléchir avec moi : sur la vertu. Ici aussi je suis sérieux : il s’agit d’un passage des Leçons sur la philosophie de l’histoire de Hegel où il parle de la Révolution française. On est à un tournant. La question est celle-ci : on veut tout changer (en mieux) mais on est confronté au fait qu’il existe une très grande variété parmi les tempéraments, les opinions. Quand on change les choses, les opinions sur ce qui serait une amélioration ne sont pas unanimes. Quand on en appelle à la Raison, tous ne viennent pas avec la même réponse. Chacun peut même se voir partagé par le milieu : la propriété et la moralité ne sont pas nécessairement compatibles (pensez à Goldman Sachs cette semaine !). Ou, comme le dit éloquemment Hegel ailleurs : le citoyen et le bourgeois qui se logent en nous ne parlent pas d’une seule voix !

Allez : à vos plumes !

Alors règnent les principes abstraits – de la liberté, et comme elle se trouve dans la volonté subjective – de la vertu. Cette vertu doit régner maintenant contre le grand nombre de ceux que leur perversité, leurs anciens intérêts ou même les excès de la liberté et des passions rendent infidèles à la vertu. Ici la vertu est un principe simple, distinguant seulement ceux qui sont dans les sentiments convenables et ceux qui ne les ont pas.

Ainsi la suspicion règne ; mais la vertu, dès qu’elle devient suspecte, est déjà condamnée. La suspicion acquit une formidable puissance et conduisit à l’échafaud le monarque dont la volonté subjective était précisément la conscience religieuse catholique. Robespierre posa le principe de la vertu comme objet suprême et l’on peut dire que cet homme prit la vertu au sérieux. Maintenant donc la vertu et la terreur dominent ; en effet la vertu subjective qui ne règne que d’après le sentiment, amène avec elle la plus terrible tyrannie.

Hegel, G. W. F. [1837] Leçons sur la philosophie de l’histoire, trad. J. Gibelin, Paris : Vrin, 1987, page 342

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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177 réponses à “Le citoyen et le bourgeois

  1. Avatar de Karluss

    Il y a de grandes et de petites vertus. Les hommes simples, bons bourgeois, peuvent se contenter de la petite. Les beaux esprits, eux, s’en remettront à la grande, ils feront tout leur possible pour renverser les tyrannies.

  2. Avatar de Steve
    Steve

    Bonjour Paul
    Belle image d’une fête de la déesse Raison! Idolâtrie de substitution encore!

    Ne faut il pas entendre « propriétaire » au lieu de « bourgeois ».
    La problématique ne vient elle pas de l’établissement d’un seul modèle que ce soit de vertu ou de morale ou de citoyenneté. Là est la source du totalitarisme et de toute violence.

    Il est intéressant de se demander pourquoi en hébreu, le mot visage n’existe pas au singulier ! Celà indique immédiatement l’irréductibilité de l’humain à une seule définition. Le centre de l’être l’humain est un lieu ontologiquement inconnaissable et vide!

    1. Avatar de jean-luce morlie

      c’est encore ce Charles Maurice de Talleyrand Périgord qui nous avait inventé la fête de  » l’être suprême » …

      Pour la compréhension psychanalytique de « ct’affaire », voir le bouquin de Paul Diel sur Talleyrand – j’ai bien aimé, mais j’avais dans les environs de dix-huit ans .

    2. Avatar de Cécile
      Cécile

      à jean-luce morlie
      « L’être suprême » a quelque chose à voir avec Kant

    3. Avatar de frederic lechanu
      frederic lechanu

      Je crois que la fête de l’être suprême c’est une trouvaille de Robespierre ( juin 1794) à cette époque , Talleyrand était exilé . Par contre , il célébra la messe lors de la fête de la fédération ( 14 juillet 1790)

  3. Avatar de Pierre
    Pierre

    « Chacun peut même se voir partagé par le milieu. »
    Merci de partager votre extrème centre psychanalytique.
    Vive l’empire du milieu quand il peut relire « Sans-famille », sans la blessure première.
    Cette blessure d’où tu viens, comme une cicatrice de la nuit, comme un parfum qui vient à la marée.
    Cette blessure d’où vient la lèvre à l’aube de l’amour……


    http://fr.lyrics-copy.com/leo-ferre/cette-blessure.htm

  4. Avatar de Eomenos
    Eomenos

    VERTU : marque de téléphones portables de grand luxe.

    Etre propriétaire de l’un de ces appareils : hommage du vice à VERTU.

    Vertugadin, pourrait faire croire que la vertu entraîne le gadin.

    On se ramasse les boursoufflures comme on peut…

  5. Avatar de Steve
    Steve

    Bonjour Paul
    Belle image d’une fête de la déesse Raison! Idolâtrie de substitution encore!
    Pour Emmanuel Lèvinas le sacré est de la pétrification, de la mort donc; pour se remettre dans la vie: passer du sacré au chemin de sainteté, il faut passer par la profanation c’est à dire fracturer le sacré.

    La problématique ne vient elle pas de l’établissement d’un seul modèle que ce soit de vertu ou de morale ou de citoyenneté. Là est la source du totalitarisme et de toute violence.
    Il est intéressant de se demander pourquoi en hébreu, le mot visage n’existe pas au singulier ! Celà indique immédiatement l’irréductibilité de l’humain à une seule définition. Le centre de l’être l’humain est un lieu ontologiquement inconnaissable et vide! De ce principe découle qu’il est impossible d’établir LE comportement vertueux étalon. C’est LE garde fou contre le totalitarisme et la tyrannie violente qui en découle forcément.
    Il ne s’agit donc pas, à mon sens , d’une problématique réduite à la dialectique citoyen/propriétaire- pour un taoïste ou un sanyasin l’universalité de la déclaration des droits de l’homme est une supposition extravagante- mais de se demander « Qu’est ce qu’habiter  » un lieu ensemble , au sens le plus large du terme (la constitution de la Vème est un lieu d’être) Heidegger donc ( Wohnen Bauen…)
    Je l’ai déjà cité ici mais j’aimerais encore dire combien il peut être instructif et incitant pour cette question d’étudier: Ecoumène, introduction à l’étude ds milieux humains d’Augustin Berque. ed essais points.

    Avec tous mes remerciements pour votre oeuvre.

    1. Avatar de Hentarbleiz
      Hentarbleiz

      Lévinas est pas très malin s’il a dit ça… ça donne pas envi de le lire. Le sacré est justement la possibilité restée entière malgré le monde changeant d’invoquer une puissance pour ses actes afin qu’ils soient vertueux. C’est l’antichambre de l’être, là où la morale peut gagner en puissance pour donner naissance aux actes bien heureux. C’est pas la mort, c’est la vie. C’est la mort pour un non croyant certes, mais un non croyant ignorant du phénomène religieux ne peux pas être vertueux, il est à ranger dans la catégorie des ignorants.

    2. Avatar de Crapaud Rouge

      @ Hentarbleiz : « Le sacré est justement la possibilité restée entière malgré le monde changeant d’invoquer une puissance pour ses actes afin qu’ils soient vertueux. » : en principe le sacré c’est un peu cela, en effet, mais pourquoi faudrait-il rechercher la vertu sous ses auspices si ce n’est pas pour préserver l’état du monde ? En précisant « malgré le monde changeant », votre définition se contredit.

    3. Avatar de Hentarbleiz
      Hentarbleiz

      Ce n’est pas à mon sens pour préserver l’état du monde, mais l’état de l’être, même si les deux sont souvent liés, puisque les hommes font en partie le monde, et le ressentent. Il s’agit de ne pas oublier comment aimer, comment ressentir sa vie. Si on oublie ça, on se vide tout simplement de la vie, on est mort. Quand on coupe la branche d’un arbre, la sève ne coule plus. Dans le portrait qui est fait de Lévinas ici(le pauvre), on en déduit qu’il ne voit que des branches mortes, mais c’est qu’il n’a jamais retiré l’écorce (le dogme, le rite) pour voir ce qu’il y a derriere. Car en effet, une branche morte et une branche vive ont le même aspect extérieur. (enfin, il est peut être vraiment tombé sur des branches morte, ça existe…en grand nombre ces temps ci).

      Pour en revenir au changement, il faut du temps à un peuple d’hommes pour apprendre le bonheur dans des conditions données, pour apprendre la vertu dans sa condition. Prêcher le changement, c’est souvent prêcher pour l’heur, car il faut de l’heur pour le bonheur, mais c’est une prêche d’imbécile. Un homme vertueux saura reconnaitre l’heur dans la vie qui lui est donné, alors que l’homme ignorant aura tendance à multiplier les actes et les idées dans l’espoir d’un jour ressentir les heurs qu’il n’a pas appris (souvent par absence de religion).

      La vertu sans le sacré est le but de toutes les religions, donc il n’y a pas d’opposition avec l’athéisme. le plus heureux des chrétiens est celui qui n’a plus besoin d’appeler son Dieu pour qu’il lui prodigue ses grâces (on peut penser à la pluie de lumière de sainte Thérèse). Le plus heureux des bouddhistes est celui qui peut partir en circumambulation autour du monde l’esprit clair, comme le bon vieux Drukpa Kunley. La seule différence entre un athée et un religieux, c’est que le religieux a des outils pour la vertu, une écorce pour protéger l’âme, l’athée se débrouille avec son âme nue.

      La volonté de puissance dans l’espoir d’un changement radical, c’est le manque de sensibilité aux heurs donc. Un homme vertueux sera plus sage, il apprendra l’heur dans l’absence de changement, et fera même en sorte de stopper le mal-heur, et d’ajouter au bon-heur.

      A se détruire pour suivre le monde, on sait ce qu’on perd, on sait pas ce qu’on gagne. La branche qui repartira sera-t-elle plus belle que celle qu’on aura coupé ?

  6. Avatar de Alain A
    Alain A

    Parler de 1788, l’année qui précède la révolution qui intéresse les Français, n’est-ce pas laisser supposer que l’on approche d’un grand changement collectif et que (comme en 1788 sans doute) la plupart n’ont pas le moindre soupçon de ce qui va (et allait) se passer.

    Ma tentative d’alimenter votre questionnement: La vertu est un danger majeur pour l’Humanité. Robespierre n’était qu’un bigot qui crut qu’il fallait remplacer la royauté de droit divin par le culte de l’Etre Suprême. De même, Staline était un ex-séminariste qui fit d’un Prolétariat théorique un nouveau Dieu au nom duquel toutes les ignominies pouvaient commises. Pourquoi faut-il toujours que des idéalistes (au sens platonicien du terme) viennent toujours pervertir les élans populaires des corps et des instincts par leurs théories fumeuses, leur raison, leur veau d’or ou leur marché déifiés.

    Souvent, par absence du moindre enthousiasme le scepticisme de nos contemporains (surtout les moins de 50 ans) me désespère. Mais peut-être ce scepticisme évitera-t-il que demain nous ne quittions l’actuelle religiosité financière pour une autre illusion.

  7. Avatar de Didier
    Didier

    Curieux d’illustrer un billet sensé évoqué 1788 par une image de la fête de l’être suprême de juin 1794 ! J’aurais préféré une image de l’abbé Grégoire ou d’un cahier de doléances 😉

    1. Avatar de ALBIN
      ALBIN

      Fête de l’Etre Suprême:
      Un chef d’oeuvre de l’évêque d’Autun, Talleyrand, prince de Bénévent !

  8. Avatar de yvan
    yvan

    Steve, je rebondis un peu sur votre commentaire avec une valeur ancienne appelée : respect.
    Car le respect ne vaut que si votre interlocuteur le connait.

    Il semble en être de même pour le visage en hébreu, donc. Exister face à et par l’autre.
    Sauf si l’autre abuse de vos valeurs (monétaires)…

  9. Avatar de pierrot123
    pierrot123

    Rapport des forces…

    A un moment, dans une crise sociale, un rapport des forces s’équilibre, puis inexorablement s’inverse.
    On cite souvent le pamphlet de l’Abbé Siéyès, Janvier 1789, comme une des sources possibles de la fédération des mécontentements, conduisant aux débordements qui eux-mêmes furent la matrice du phénomène social nommé « Révolution Française »…

    « Les opinions sur ce qui serait une amélioration ne sont pas unanimes », comme vous le dites.

    Pour moi, ce n’est pas la raison, ni les « opinions », qui emportent l’adhésion.
    C’est un basculement du rapport des forces qui cimente un unanimité nouvelle.
    La « vertu », qu’elle emporte ou non avec elle une tyrannie, c’est le nom donné à ce nouveau rapport des forces.

    Je vois trois questions, dans une perspective plutôt Marxiste, je crois:
    _Quel type de signal, dans une société en crise, emporte modification irréversible du rapport des forces.

    _Quand interviendra ce signal dans les sociétés occidentales en crise?

    _Ce signal interviendra-t-il, pourra-t-il simplement intervenir?

    A ces trois questions, je reste coit, et bien malin qui saura…

    1. Avatar de kerema29
      kerema29

      Plutôt « coi », c’est préférable, puisque l’on parle de vertu…..

    2. Avatar de Alain A
      Alain A

      Quoi, quoi, Kerema? Il n’y a pas de tréma… ni donc de trauma…

  10. Avatar de Pierre
    Pierre

    Alors j’étais l’Homme abstrait à cheval sur Neptune , Night and day. »
    Objectivement voue manquez de vertus objectives face à Papi Léo.

    http://www.le-parolier.net/paroles/f/Ferre_Leo/46032942.html

  11. Avatar de TL
    TL

    Il y a une remarque qui me vient, c’est la similitude entre votre phrase « Quand on change les choses, les opinions sur ce qui serait une amélioration ne sont pas unanimes » et le concept d’équilibre de Pareto, i.e. situation telle que tout changement occasionnerait une diminution d’utilité pour l’un des agents.
    Les conceptions du bien, et du mieux, ne convergent pas et cela suffit à poser un problème éthique radical. Le seul cas où le changement ne pose pas de problème, c’est quand tout le monde y gagne, qu’il n’y a pas du tout de redistribution opérée au cours du changement, mais qu’il n’y a (apparemment) que création de richesses ou autres pour satisfaire les différentes aspirations.

    Deuxième remarque, naïve : la vertu change avec l’endroit, le moment et le point de vue. Il faudrait que préalablement les gens théorisent la vertu, et comparent leurs différences de conception de celle-ci, pour que son usage puisse dépasser les limites d’un ouvrage de philosophie.

    1. Avatar de Hentarbleiz
      Hentarbleiz

      Pour la théorisation de la vertu c’est fait depuis 2400 ans^^.

    2. Avatar de TL
      TL

      Non je ne pense pas…

      Certaines personnes réfléchissent profondément à ce qu’est la vertu.
      D’autres n’y consacreront pas une seconde de leur vie.

      Or toutes doivent au final rentrer en contact…

  12. Avatar de Crapaud Rouge

    Excellent sujet ! Il se trouve que je pensais à quelque chose d’approchant. En attendant, je note incidemment que qualifier la psychanalyse de « science authentique » est peut-être le meilleur moyen de parer à toutes les attaques dont elle est l’objet, et de la parer d’atours auxquels plus personne ne pense. Mais il convient de prendre le mot science dans son sens large de savoir, ce que ne sont plus du tout les sciences qui se veulent exactes.

    1. Avatar de kerema29
      kerema29

      J’avoue ne pas comprendre pourquoi les sciences exactes ne sont pas synonymes de savoir , alors que les sciences humaines le seraient ?

    2. Avatar de quentin

      Les sciences exactes ne sont pas synonymes de savoir pour ceux qui sont trop attachés à leurs mythes pour oser envisager qu’ils pourraient n’être que des illusions.

      Sur les illusions de la psychanalyse : http://pangolia.com/blog/?p=363

    3. Avatar de Cécile
      Cécile

      les sciences savent bien qu’elles ne sont pas exactes à se prendre omniscientes telles que pour Dieu, il n’y a bien que l’ultra-libéralisme (plus particukièrement dans le domaine de l’économie) absolu ( et quelques autres scientismes intégristes…) pour le faire croire
      les sciences n’ont pas toutes les mêmes certitudes ..(j’aime bien un philosophe avec de bonne connaiisance en physique, je trouve qu’un économiste érudit en anthropologie, c’est pas mal …..
      enfin voilà …..

    4. Avatar de Krym
      Krym

      Encore une fois Crapaud Rouge, la science est une méthode, une science véritable se soumet à une méthode scientifique expérimentale ou d’observation méthodique, ou elle est une science de contrebande, une pseudo-science comme la psychanalyse.
      Une opinion de Karl Krauss en passant  » La psychanalyse :des mythes grecs appliqués aux parties génitales ».
      Et je crois que Paul Jorion considère la psychanalyse comme une science exacte, la plus authentique de toute. il faudra que vous fassiez avec ça.

  13. Avatar de Pierre
    Pierre

    Paul, Bienvenue chez nous!
    Aujourd’hui , fête du travail bourgeois.
    http://leweb2zero.tv/video/cbknikii_224bdad2409441f

  14. Avatar de Jaycib
    Jaycib

    La vertu, en politique, ainsi qu’en toute pratique, se doit d’avoir deux facettes, l’une personnelle, l’autre collective. Un être vertueux qui serait le seul à l’être au sein d’une marée d’êtres friables ou carrément corrompus ne servirait que de symbole pour les générations futures (au mieux). D’un autre côté, une multitude d’êtres vertueux et persuadés de l’être deviendraient vite coupables, de par leur similitude professée, de ‘conscience’ de leur supériorité morale (anglais: self-righteousness), ce qui les ferait tendre vers la tyrannie, en tout cas vers la discrimination envers tous ceux dont la vertu n’est pas immédiatement perceptible.

    Il en résulte que la vertu collective ne peut pas naître de l’homogénéité du corps social; elle est nécessairement le fruit d’un débat entre êtres dissemblables mais partageant l’évidence qu’il existe quelque part des ‘valeurs’ communes répondant à l’intérêt bien compris de tous. Ce débat est propre à la démocratie et à elle seule. Tout ce qui vient l’entraver est à proscrire.

    Ce débat (perpétuel) implique par conséquent que la vertu ne peut pas être uniquement une ‘posture’ morale, mais qu’elle est fondée sur quelque chose d’autre, qui est l’amour.

  15. Avatar de Domend
    Domend

    A propos de « tournant » (je veux dire renversement), de « raison », de vertu:

    « Il portait son habit de drap tout uni, grossièrement coupé, son linge grossier, sa rapière serrée contre sa cuisse. Il parlait avec une éloquence pleine de ferveur. Le motif de son discours n’était guère raisonnable : il plaidait pour un domestique qui avait distribué des libelles contre la reine. Je dois avouer que l’attention avec laquelle ce gentilhomme fut écouté diminua beaucoup ma révérence pour cette grande assemblée. »

    – Philip Warwick

    in http://fr.wikipedia.org/wiki/Oliver_Cromwell

    Alors l’action est à l’œuvre:

    « Allons, Moi, ou plutôt le Seigneur, nous en avons assez. Je vais mettre fin à votre bavardage. Il ne convient ni de l’intérêt de ces nations, ni au bien public, que vous siégiez ici plus longtemps. Je vous déclare donc que je dissous ce Parlement. »

    Révolutionner c’est renverser un ordre ancien, pour lui substituer un ordre nouveau; Que viennent faire ici le Seigneur, la raison ou la vertu ?

    1. Avatar de Cécile
      Cécile

      C’est vrai que pour nous qui ne marchons qu’au profit, allécher de gagner plus, jusqu’à même s’émerveiller de pouvoir travailler plus pour gagner plus ….

    2. Avatar de frederic lechanu
      frederic lechanu

      J’ai vu l’ordre ancien ce soir à la télé , il annonçait depuis sa maison de retraite le sauvetage de la Grèce .

  16. Avatar de luami

    Bonjour à tou-te-s et Merci,

    Le citoyen et le bourgeois,
    La liberté et la vertu,
    Le citadin bourré en joie
    Le libertin que le verre tue !

    Le citoyen est habitant
    Et impliqué au quotidien,
    Le bourgeois bohème est partant
    Dès qu’il est question de ses biens !

    La liberté doit s’arrêter
    Où commence celle de son voisin,
    La vertu n’est pas limitée
    Sans exister chez les zinzins !

    Le citadin profite en ville
    D’accès à plein de diversions,
    Le libertin n’est pas tranquille
    Quand observé sans précaution !

    Avec la relativité
    La crise n’épargne plus personne
    Car tous les acteurs précités
    Ne font plus confiance à personne !

    luami
    Bon voyage dans la Vie !
    http://luami.viabloga.com

    1. Avatar de Cécile
      Cécile

      merci

  17. Avatar de Maître Dong
    Maître Dong

    @ Paul

    « Bien sûr je n’avais qu’une idée très vague de ce qui s’est passé en 1788 »

    Suggestion d’un grenoblois : intéressez-vous à « la journée des tuiles », le 7 juin 1788, l’émeute marquante du début de la Révolution française.

    1. Avatar de béber le cancre

      Journée des Tuiles .
      Excellente référence historique.
      Un pouvoir qui se défait suite à une série de réformes imbéciles.

      Qui pourraient jouer le rôle des parlements d’autrefois ?
      Les régions qui sont au bord de l’asphyxie financière.

      Extrait :
      « À son avènement, Louis XVI, sur les conseils de Maurepas, renvoya Maupeou – pour qui il n’avait pas de sympathie personnelle (il le trouvait arrogant : « à peine me fait-il l’honneur de me voir, il ne me fait pas celui de me parler ») – en lui retirant les sceaux (24 août 1774), rappela les anciens magistrats et rétablit les Parlements dans leur état antérieur, anéantissant la réforme de Maupeou à qui on prête ces paroles : « J’avais fait gagner au roi un procès de trois siècles. Il veut le reperdre, il est bien le maître. » Jean-Christian Petitfils souligne qu’il aurait ajouté de façon bien moins sentencieuse, « il est foutu ».
      http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Nicolas_de_Maupeou

  18. Avatar de Cécile
    Cécile

    Montesquieu, Esprit des Lois, III, 3
    « Il ne faut pas beaucoup de probité pour qu’un gouvernement monarchique ou un gouvernement despotique se maintiennent ou se soutiennent. La force des lois dans l’un, le bras du prince toujours levé dans l’autre, règlent ou contiennent tout. Mais dans un état populaire, il faut un ressort de plus, qui est la VERTU.

    Ce que je dis est confirmé par le corps entier de l’histoire, et très conforme à la nature des choses. Car il est clair que dans une monarchie où celui qui fait exécuter les lois se juge au-dessus des lois, on a besoin de moins de vertu que dans un gouvernement populaire où celui qui fait exécuter les lois sent qu’il y est soumis lui-même et qu’il en portera le poids.

    Il est clair encore que le monarque qui, par mauvais conseil ou par négligence, cesse de faire exécuter les lois, peut aisément réparer le mal : il n’a qu’à changer de conseil, ou se corriger de cette négligence même. Mais lorsque, dans un gouvernement populaire, les lois ont cessé d’être exécutées, comme cela ne peut venir que de la corruption de la république, l’Etat est déjà perdu.

    Quand Sylla voulut rendre à Rome la liberté, elle ne put plus la recevoir : elle n’avait plus qu’un faible reste de vertu; et comme elle en eut toujours moins, au lieu de se réveiller après César, Tibère, Caïus, Claude , Néron, Domitien, elle fut toujours plus esclave : tous les coups portèrent sur les tyrans, aucun sur la tyrannie.

    Les politiques grecs, qui vivaient dans le gouvernement populaire, ne reconnaissaient pas d’autre force qui pût le soutenir que celle de la vertu. Ceux d’aujourd’hui ne nous parlent que de manufactures, de commerce, de finances, de richesses, et de luxe même.

    Lorsque cette vertu cesse, l’ambition entre dans les coeurs qui peuvent la recevoir, et l’avarice entre dans tous. Les désirs changent d’objets : ce qu’on aimait, on ne l’aime plus ; on était libre avec les lois, on veut être libre contre elles ; chaque citoyen est comme un esclave échappé de la maison de son maître ; ce qui était maxime, on l’appelle rigueur ; ce qui était règle, on l’appelle gêne ; ce qui était attention, on l’appelle crainte. C’est la frugalité qui y est l’avarice, et non pas le désir d’avoir. Autrefois le bien des particuliers faisait le trésor public ; mais pour lors le trésor public devient le patrimoine des particuliers. La république est une dépouille ; et sa force n’est plus que le pouvoir de quelques citoyens et la licence de tous. « 

    1. Avatar de juan nessy
      juan nessy

      Cécile je vous aime …presque autant que Montesquieu .

    2. Avatar de Cécile
      Cécile

      oui, c’est vrai que , ….
      et d’ailleurs on se voit quand -certes pour Montesquieu ça va être difficile, mais pour les autres Paul ak si j’ai bien tout compris toute une collection de mels, dont le mien , le vôtre et même celui de « clown blanc »… ???
      (en attendant je cherche sur Robespierre, je vois bien que mes parents n’ont pas appris la même chose que moi, et mes enfants pire encore, que de cela je le lis déjà dans un vieux livre (1930) ..
      mais voilà, je suis nulle en histoire, il me semble que Robespierre écrit dans le Moniteur …)

  19. Avatar de Cécile
    Cécile

    la vertu , Montesquieu, tout le livre III
    http://www.voltaire-integral.com/Esprit_des_Lois/L03.htm

  20. Avatar de juan nessy
    juan nessy

    L’avis du plus français des belges avec lequel je suis le plus en accord :

    1. Avatar de juan nessy
      juan nessy

      Je rajouterai par la plume d’un de mes autres « guides » :

      Quand on est con , reconnaître qu’on est con , c’est déjà l’être un peu moins , mais ça ne résoud pas totalement le problème .

  21. Avatar de juan nessy
    juan nessy

    Est il aussi besoin de rapeler que 1788 fut une année exceptionnellement sèche et froide , et que les récoltes furent dramatiquement faibles .

    Beaucoup y voient un élément déterminant de l’exaspération paysanne ayant conduit à la révolte de la famine qui s’est conclut un certain 14 juillet 1789 .

    Ventre affamé n’a pas d’oreille dit-on .

    C’est peut être cependant le ventre afffamé qui conduit à prôner et si possible pratiquer la vertu .

    Réalité , vérité , déesse raison , vertu et ventre affamé même combat ?

    Il n’y avait semble-t-il pas assez de ventres suffisament affamés pour défiler en ce premier mai , et la vertu souvent évoquée ne serait que de délégation et de spectacle du 20 heures .

    Demain je manifeste et défile pour la préservation du Lac d’Annecy contre les appétits des bienveillants investisseurs qui n’hésitent pas à saper la loi littoral et la loi montagne par parlementaires interposés .

    A chacun l’expression de sa vertu .

    1. Avatar de Benj
      Benj

      Et 1788 fut une très mauvaise année… suite à l’éruption d’un volcan islandais !
      Le Laki en effet est entré en éruption en 1783, provoquant un bouleversement du climat en Europe pendant plusieurs années, et donc indirectement la Révolution Française :
      http://fr.wikipedia.org/wiki/Laki#.C3.89ruption_de_1783
      Voila qui laisse rêveur…

      C’est à quelle heure la manif demain à Annecy ?

    2. Avatar de juan nessy
      juan nessy

      14 heures

    3. Avatar de fnur
      fnur

      L’état français était aussi très endetté à la suite de son engagement dans la guerre d’indépendance américaine, ce qui n’arrangeait pas les choses…

  22. Avatar de André
    André

    Pour illustrer le propos de Hegel (« Robespierre posa le principe de la vertu comme objet suprême et l’on peut dire que cet homme prit la vertu au sérieux. Maintenant donc la vertu et la terreur dominent ; en effet la vertu subjective qui ne règne que d’après le sentiment, amène avec elle la plus terrible tyrannie »), voici deux extraits d’un discours de Robespierre : « Discours à la Convention nationale sur les principes de morale politique qui doivent guider la Convention nationale dans l’administration intérieure de la République le 5 février 1794″ :

    1) « Nous voulons substituer, dans notre pays, la morale à l’égoïsme, la probité à l’honneur, les principes aux usages, les devoirs aux bienséances, l’empire de la raison à la tyrannie de la mode, le mépris du vice au mépris du malheur, la fierté à l’insolence, la grandeur d’âme à la vanité, l’amour de la gloire à l’amour de l’argent, les bonnes gens à la bonne compagnie, le mérite à l’intrigue, le génie au bel esprit, la vérité à l’éclat, le charme du bonheur aux ennuis de la volupté, la grandeur de l’homme à la petitesse des grands, un peuple magnanime, puissant, heureux, à un peuple aimable, frivole et misérable, c’est-à-dire, toutes les vertus et tous les miracles de la République, à tous les vices et à tous les ridicules de la monarchie ».

    Ces considérations n’ont absolument pas vieilli.

    2) « Si le ressort du gouvernement populaire dans la paix est la vertu /cf. l’extrait précédent/, le ressort du gouvernement populaire en révolution est à la fois la vertu et la terreur : la vertu, sans laquelle la terreur est funeste ; la terreur, sans laquelle la vertu est impuissante. La terreur n’est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu ; elle est moins un principe particulier, qu’une conséquence du principe général de la démocratie, appliqué aux plus pressants besoins de la patrie ».

    Ces considérations, il se pourrait bien qu’elles deviendront, dans un avenir proche, d’une actualité brulante, nous pas qu’il faille guillotiner qui que ce soit, mais « terroriser », par la Loi et la Justice, l’oligarchie libérale transnationale qui est en train de précipiter le monde dans l’abîme.

    1. Avatar de Domend
      Domend

      « La révolution n’est pas un dîner entre amis. La littérature non plus. L’inquiétude sera ton pain. »

    2. Avatar de Cécile
      Cécile

      je ne sais pas je suis tellement nulle en histoire, mais dans la révolution, il y a les artistes, et avec eux David, ils sont contre la hiérarchie des genres (la nature morte ne vaut rien, le portrait un peu plus, il y a le petit genre, le grand genre soit le tableau historique avec toutes les références, les mythes grecques, les légendes bibliques …)
      et pourtant David , (le peintre de la révolution…) ne finira pas son tableau commandé par la révolution (il s’en explique dans un discours éloquent …, il énumère tous les morts: Toi Marat, …)
      mais bref, je dirais qu’ils discutent beaucoup des grecs et des latins (ils se traite de Néron ou de quoi…ça leur fait sens … presque autant que si aujourd’hui on se traitait de Madoff )

  23. Avatar de Jacques
    Jacques

    1788 – Hegel , futur apologiste de la vertu prussienne , rentre au séminaire avec le plus grand poete de son temps, Holderlin.Schopenhauer vient de naitre .Dans une vision moins cosmique que Lao Tseu, Hegel nous dit que l’ idée d’égalité renferme en elle-meme la différence et que l’idée de la vertu renferme en elle-meme la tyrannie.Waoh! plus hermétique tu meurs.

    1. Avatar de Paul Jorion

      Mais non, pas hermétique, voir Robespierre ci-dessus : « La terreur n’est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu ».

    2. Avatar de juan nessy
      juan nessy

      La justice est aveugle .Elle peut servir la terreur , elle n’est pas la terreur .

      Elle n’existe que parce qu’il y a Loi , et en particulier la première d’entre elle qui est la Constitution .

      Et il n’y a de Constitution ( de peuple) que de la volonté de ce même peuple .

      La vie  » ensemble  » passe par cette Constitution si précieuse et  » mère » de tout , que j’ai maintes fois ici pointé ma consternation de noter avec quelle désinvolture un président et des parlementaires la modifient sans en faire un acte solennel au suffrage universel .

      Certains pourront prétendre ( ont prétendu ) que la vie serait plus belle sans peuples et sans constitutions .

      Je doute qu’homo sapiens lui même soit daccord .

      Et encore moins les femmes .

    3. Avatar de reveil
      reveil

      Ce qui est surprenant et sur le fait d’ EGALITÉ, cette notion rêvée de Robespierre ne s’est installée par les faits que dans les prisons sous les 15 mois de la terreur. On y jetait dans les mêmes conditions les plus extrêmes , nobles, riches, curés, pauvres, mendiants , de tout rang et tous sacrifiés sur l’autel des principes utopistes révolutionnaires dont celui de l’égalité. .. Les guillotinés ont été de ce fait les premiers citoyens égalitaires …. ironie de l’Histoire

    4. Avatar de Cécile
      Cécile

      pour Réveil,
      sur l’époque, en sorte demettre dans sa tête les pendules à l’heure, il s’agit d’abord de bien réaliser que 96% des morts le sont de la guerre contre les monarchie, 4 % de la terreur

  24. Avatar de juan nessy
    juan nessy

    Dans mon dictionnaire préféré Vertu est encadrée par Vertigo ( maladie du cheval ) et Vertubleu ou Vertudieu .

    Nom de Dieu , définir la vertu me donne une fièvre de cheval !

    Cependant dans l’ensemble des mutiples sens originaux et dérivés ( ça existe là aussi ) du mot , c’est le sens originel du XI ème siècle que je retiens comme porteur de sens et d’action de progrès : courage , vaillance , force physique ou du jugement ..

    Car il faut du courage ( j’ai déjà évoqué comment pour les psychiatres et le commun des mortels , le courage devant la mort n’était pas à confondre avec la pulsion suicidaire maladive ) pour arbitrer ( fût ce et principalement en soi même) entre « propriété et moralité » , entre « bourgeois et citoyen « .

    Je pense aussi une nouvelle fois à l’un des bouquins de Michel Serres : le Mal- Propre , qui dessine bien comment la propriété immédiate et égoïste , qu’elle soit collective et individuelle , conduit au mal destructeur de la planète , des hommes , du vivant .

    Je me remouille de ma définition d’une vie réussie : survivre et vivre avec le plus grand nombre possible , dans les meilleures conditions matérielles et psychiques possible , le plus longtemps possible .

    La vertu dans son acception de courage , c’est l’outil pour tenter d’atteindre cette ambition .

    L’honneur aristocratique a peut être aussi la même … vertu .

    Même le sceptique Baron de La RocheFoucauld , si critique sur la vertu , nous en donnait en fait la porte d’accès quand il déployait tant de talent et de coups de burin pour séparer l’amour véritable de l’amour…..propre .

    1. Avatar de Hentarbleiz
      Hentarbleiz

      La vertu est-elle nécessairement humaine et à considérer parmi les hommes ? N’y-a-t-il pas une vertu naturelle vers laquelle on pourrait tendre indépendamment des autre , et qu’on apporterait, en cadeau, une fois revenu, à ceux qui voudront bien l’accepter ? Les plus grand artistes ont souvent eu pour maitre le ciel, la terre et les bois.

    2. Avatar de juan nessy
      juan nessy

      Louais …

      On parlera aussi de la vertu des plantes médicinales , mais ni la terre , ni le ciel , ni les bois ne condamneront Goldman Sachs .

      J’éviterai donc l’anthropomorphisme moral .

      Un anthropologue donnera peut être son avis .

    3. Avatar de bernard laget
      bernard laget

      une sorte de lacheté m’interdirait de discourir de la vertu, alors qu’une aspiration à La Vertu me fait mieux apprécier les laches, mes vrais copains.
      Pardonnez moi, d’etre aussi snob.

  25. Avatar de D Comme David
    D Comme David

    Ca me fais penser, quelqu’un connait les touches pour  »different de » = barré ; et pour inclus , le C allongé? j’ai plein de signes qui ne me servent à rien sur mon clavier , mais pas ceux là, pourquoi ?

    1. Avatar de juan nessy
      juan nessy

      Jorion a écrit  » à vos plumes  » , pas à votre clavier , ni à la théorie des ensembles , ni à la pensée primitive ou grecque ….

    2. Avatar de André S
      André S

      Essayez avec le traitement de texte Microsoft Word. Vous tapez votre texte dans Word en vous servant de la commande « Insérer symbole » pour choisir et insérer celui qui vous convient, notamment les deux que vous citez : ≠, ∈.

  26. Avatar de pvin
    pvin

    « Quand serez- vous hors de dettes? » demande Pantagruel à Panurge. « Aux calendes grecques, répond Panurge. Lorsque tout le monde sera content et que serez héritier de vous-même ». COMMENT PANURGE LOUE LES DÉBITEURS & EMPRUNTEURS.
    « Et pensais véritablement en dettes consister la montagne de vertu héroïque décrite par Hésiode, en laquelle je tenais degré premier de la licence, à laquelle tous humains semblent tirer et aspirer ; mais peu y montent pour la difficulté du chemin voyant aujourd’hui tout le monde en désir fervent et strident appétit de faire dettes et créditeurs nouveaux. Toutefois, il n’est débiteur qui veut : il ne fait créditeur qui veut. Et vous me voulez débouter de cette félicité soubeline ? Vous me demandez quand vous serez hors de dettes ? » GARGANTUA ET PANTAGRUEL.

    C’est ce que j’ai trouvé de plus drôle à renvoyer dans l’ambiance actuelle. Contemporain de Hegel, il y a bien Justine et les malheurs de la vertu, mais à parcourir les plus de 200 occurrences de « vertu » chez Lacan je me suis aperçu qu’il renvoyait répétitivement au Ménon.

    « Ce que Socrate met en valeur, c’est très exactement ceci, qu’il n’y a pas d’épistémè de la vertu, et très précisément de ce qui est la vertu essentielle – aussi bien pour nous que pour les Anciens -, la vertu politique, par laquelle sont liés dans un corps les citoyens. Les praticiens excellents, éminents, qui ne sont pas des démagogues, Thémistocle, Périclès, agissent à ce plus haut degré de l’action qu’est le gouvernement politique, en fonction d’une orthodoxie, qui ne nous est pas définie autrement que par ceci, qu’il y a là un vrai qui n’est pas saisissable dans un savoir lié. On a traduit orthodoxa par opinion vraie, et c’est bien là le sens. Si la constitution d’une épistémè, à l’intérieur du vaste tumulte, du brouhaha, du tohubohu, de la sophistique, est la fonction de Socrate, il s’agit encore de comprendre ce que celui-ci en attend. Car Socrate ne croit pas que ce soit tout ». Lacan 24 novembre 1954

    « Il y a quelque chose de plus ingénieux et de meilleur qui vient ensuite quant à ce qu’il s’agit de soulever, c’est à savoir si la vertu est une science. Tout bien pris, c’est certainement la meilleure partie, le meilleur morceau du dialogue : il n’y a pas de science de la vertu. Ce qui se démontre aisément par l’expérience, se démontrant que ceux qui font profession de l’enseigner sont des maîtres fort critiquables – il s’agit des sophistes – et que quant à ceux qui pourraient l’enseigner, c’est-à-dire ceux qui sont eux-mêmes vertueux, j’entends vertueux au sens où le mot vertu est employé dans ce texte, à savoir la vertu du citoyen, et celle du bon politique, il est très manifeste que ceci est développé par plus d’un exemple : ils ne savent même pas la transmettre à leurs enfants. Ils font apprendre autre chose à leurs enfants. » Lacan 29 novembre 1967

    « La distinction entre la vérité et le savoir, l’opposition entre l’épistémè et la doxa vraie, celle qui peut fonder la vertu, vous la trouvez écrite, toute crue, dans le Ménon. Ce que j’ai mis en valeur, c’est justement le contraire, c’est leur jonction, à savoir que là, là où ça se noue, en apparence, dans un cercle [particulier], le savoir dont il s’agit dans l’inconscient, c’est celui qui glisse, qui se prolonge, qui, à tout instant, s’avère savoir de la vérité. Lacan 9juin 1971

    Ben oui chacun est partagé, clivé qu’on dit même, même pas propriétaire de lui-même, Louis XVI comme Robespierre ont en perdu la tête.
    Et en passant bonne lecture aussi aux « que pouic… »

  27. Avatar de Hentarbleiz
    Hentarbleiz

    Le premier à ma connaissance qui ai bien parlé de vertu c’est encore Aristote. Il faudrait que je relise l’Ethique à Nicomaque pour m’éclaircir les idées, mais je vais tâcher de présenter la substance quand même. (j’avance aussi quelques extrapolations, j’espère que je ne m’éloignerai pas trop des idées du maitre).

    Il y a trois hommes, le vertueux, le vicieux, et l’inconscient. L’inconscient pouvant être vicieux, mais non vertueux puisque la vertu pour Aristote nécessite la conscience qu’on a d’agir en homme vertueux.

    L’inconscient, c’est la grande majorité des personnes, ou pour ainsi dire, le peuple. C’est celui qui n’a pas d’esprit critique vis à vis des heurs qui se présentent à lui de sorte qu’il ne puisse faire le choix conscient entre une réponse vertueuse ou vicieuse, mais qu’il choisissent inconsciemment.

    Un homme vertueux quand à lui est très difficilement définissable, et même Aristote n’en fait qu’une ébauche dans son livre, tout en précisant qu’il est impossible d’aller plus loin que l’ébauche.
    La vertu se définie en actes qui épousent une volonté vertueuse.
    L’homme n’est vertueux que si l’acte vertueux lui inspire du bonheur. Nul n’est vertueux s’il n’est heureux dans la vertu.

    Je me suis alors demandé, qu’est ce qu’un homme heureux dans la vertu ?

    C’est un homme chez qui la puissance de vertu, la puissance qui pousse à la vertu, est suivi par l’acte vertueux, et que cette puissance lui est bien heureuse, ainsi que l’acte lui même. Ainsi un homme qui n’est pas libre, en ce sens qu’il ne peut traduire sa puissance en acte, n’est pas vertueux. Un prisonnier (on peut penser à d’autre prisons que celles qui ont des barreaux bien sûr), ne peut faire preuve de vertu puisqu’il n’est pas en mesure d’agir en bien, quand bien même il aurait une volonté de vertu. Par ailleurs, un homme disposant d’une puissance qui ne lui est pas bien heureuse, n’est pas vertueux.

    Prenons trois exemples pour illustrer ce point :

    Un coureur du 100 mètres veut à tout pris finir sa course en 9 secondes. Il s’entraine toute sa jeunesse pour ça, mettant tout son coeur à l’ouvrage. Il aura emmagasiné une puissance formidable, se sera forgé une volonté de fer, et cette puissance qui lui donnera la force de continuer l’entrainement lui sera heureuse, puisqu’il le fait en vue d’un but qui lui est heureux. Malheureusement, il n’arrivera jamais à faire moins de 10 secondes. Cet homme est-il vertueux ? De mon point de vue assurément, puisqu’il aura traduit sa puissance en actes que sont ses entrainements. Mais de son point de vue nullement. Il goutera l’amertume de l’échec. Sa puissance ne s’est pas incarné dans l’acte qui lui était destiné : c’est une tragédie. Il n’est donc pas vertueux.

    Le second lascar s’entraine sans relâche, il soulève des altères, court sans cesse, et fait aisément les 100m en moins de 9 secondes. Mais il préfèrerait conduire des vaches dans les alpages parmi les lys. Tout acte lui est malheureux, il est malade de la puissance qu’il doit mettre dans ses membres pour accomplir sa tâche. Toute puissance est négative, contrebalancé par la puissance qui le pousse à aller dans les alpages, il n’est donc pas vertueux.

    Le troisième aime courir et éprouver son corps, il court tout les jours. Il adore la sensation du vent sur sa peau, l’impression de voler lorsque ses jambes le portent parfois plus vite qu’il ne s’y attend. Il adore courir. Nul n’est besoin de préciser qu’il peut courir les 100m en moins de 9sec, mais il s’en fiche. Lui est parfaitement et indiscutablement vertueux.

    Pour être assurément vertueux, il faut donc à la fois connaitre la puissance de l’acte qui est un bonheur a priori, l’acte lui même, et le bonheur a posteriori, c’est à dire le bonheur aux trois temps de l’acte. Pour reprendre notre exemple, il faudrait pour être vertueux pouvoir se dire : Je veux aller courir, j’adore courir, j’aime le souvenir de cette course.

    Mais attention, celui qui dit « je veux voler une pomme, j’aime voler, qu’elle est bonne cette pomme ! » est-il vertueux ? De mon point de vue oui, car le vol d’une pomme (j’insiste sur la pomme…) n’est pas contraire à ma vertu. En outre, le voleur est parfaitement heureux dans ce vol, donc il est vertueux.
    Et pourtant, il en est qui dirons que cet homme est vicieux car il a suivi son envie de voler sans mettre de puissance dans sa retenu. Il faut donc définir à présent le vice…

    Qu’est ce que l’homme vicieux ?
    L’homme vicieux est celui qui n’est ni vertueux ni ignorant. Il y a donc une foultitude de possibilités que je ne vais pas énumérer ici, ce serait trop long. Pour résumer, il s’agit de tout les cas où la puissance n’épouse pas les actes, ou que cette puissance ou ces actes sont malheureux, et que la personne en est consciente.

    Mais il faut absolument distinguer celui qui est vicieux par lui même (domaine de l’éthique), de celui qui est vicieux par les autre (domaine de la morale). Le vicieux par lui même développe des puissances qui lui sont malheureuses, et agit contrairement à son bonheur propre. Le vicieux par les autre développe de la puissance qui serait malheureuse aux autre s’ils la vivaient, ou agit contrairement à la puissance heureuse d’autrui.

    La vertu peut donc être un vice par les autre… Ce n’est pas une surprise, et c’est en filigranes dans le texte d’Hegel.
    Comment sortir de ce traquenard ?!

    Chercher la vertu universelle, c’est mal poser le problème. La vertu est individuelle car seul l’homme peut être la mesure de sa vertu, par définition. Si deux vertueux se rencontrent, le résultat est un échange vertueux. L’échange n’est vicieux que si l’un des deux est vicieux. L’échange est ignorant si l’un des deux est ignorant.

    Le problème, ce n’est donc pas la vertu par les autre, mais le vice par les autre : comment peut on devenir vicieux par les autre ? autrement dit comment créer la morale ?
    La solution qu’on a choisit pour l’instant pour créer le vice par les autre, c’est une morale républicaine, à savoir qu’elle est n’est lié qu’à une éthique d’état, qui évolue par la législative. La morale seule n’a aucune puissance intrinsèque et n’en évoquera jamais chez personne, elle n’est donc pas vertueuse par elle même, mais permet la vertu ou le vice par les autre.
    Comment passer de la morale au monde réel ?
    Il y a deux possibilités : La première est de passer directement de la morale à l’acte, vide, mécanique, robotique, ce qui se généralise actuellement : c’est le nihilisme qui s’incarne.
    L’autre chemin est de passer par le monde du heur, afin de donner de la puissance aux actes. C’est bien sûr dans le second cas seulement qu’on peut parler de vertu. Dans le cas où la personne n’est pas vertueuse, la morale ne va pas jusqu’au monde des actes, mais s’arrête dans le monde de la puissance.

    La liberté de l’être qui se traduit par la capacité à passer de la morale au monde du heur (de l’éthique) s’acquière par l’éducation, c’est à dire par l’imprégnation à la fois de l’acte et du heur qui l’accompagne.
    Dans un monde parfaitement stable, morale et éthique ne font qu’un. Dans un monde de « progrès » comme le notre, elles sont dissociés (ou plutôt en décalage de phase), la morale d’aujourd’hui est l’éthique d’hier.
    Ceux qui incarnent l’éthique dans le monde, ce sont les vertueux et les ignorants vertueux. Mais si la morale est dissociée de l’éthique, les vertueux deviennent vicieux vis à vis de leur propre société, et là ce n’est pas la tyrannie qui est à craindre, mais l’enfer pur et simple.

    Enfin quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec Hegel, « la vertu subjective ne règne que d’après le sentiment ». Mais j’ajouterai qu’il n’existe pas d’autre vertu que subjective, et que le sentiment, c’est la seule chose qui fait vivre l’homme. En outre, il énonce (je suis toujours admiratif devant sa neutralité) la tyrannie, à raison, mais c’est toujours mieux que l’absence de heur ! Car n’oublions pas, Bonheur signifie BON HEUR. Sans heur, il n’y a pas de bonheur ! J’irai même plus loin, le non heur, c’est un autre mot pour la mort. On parlera aussi de repos…

    Ce qui a conduit à la tyrannie, ce n’est pas la vertu ou son absence, ce sont des idéologies purement morales, conceptuelles, non éthiques, qui n’inspirent ni bon ni mauvais sentiments, et par conséquent les deux.

    1. Avatar de juan nessy
      juan nessy

      Coté grec mes héritages préférés sont effectivement :  » l’homme est un animal social  » ,  » Connais toi toi même  » ,  » « Jamais trop » , et les trois passoires de Socrate ( vérité, bonté , utilité ) .

      Si je devais n’en garder qu’un pour approcher la vertu et le courage , ce serait  » Jamais trop » .

    2. Avatar de juan nessy
      juan nessy

      Je rajoute par contre que , selon moi , « ce qui conduit à la tyrannie » , c’est l’envie de jouir  » à tout prix  » , en aucune façon une quelconque idéologie .

    3. Avatar de Hentarbleiz
      Hentarbleiz

      Je retiens le « Jamais trop » pour la prochaine fois :).

  28. Avatar de juan nessy
    juan nessy

    Sur la , voire les , vertus relire aussi Pascal et Montaigne et leurs approches opposées aussi bien de celles ci que de la justice des hommes .

    Ils étaient l’un et l’autre dignes de leur humanité .

    Mais Pascal est mort trop jeune pour  » avoir vraiment vécu » .

    Montaigne m’est plus fraternel .

  29. Avatar de Brica à brac baroque

    Vertu:
    notion trop « viril » en ce monde pour être honnête… en ce monde dominé par l’économie de marché.
    Je préfère de loin » bien-être », » plaisir de vivre » qui sont de meilleurs guides pour construire autour de soi.
    Rien de grand ni d’honnête ne se fait par vertu selon l’ordre capitaliste à notre époque. Elle n’est que fausseté et elle est généralement balayée par le désir (demandez, autour de vous, qui a pu rester fidèle sans aucun accroc…???), autant dire qu’elle n’est que le fruit d’une volonté bien souvent malade… frigidifiée par l’idéologie dominante.
    La vertu est le bras armé de la tyrannie quand elle n’émane effectivement que de quelques-uns contre tous… quelle triste chose alors. Parfois, c’est la tyrannie de tous contre quelques-uns, sous le fascisme par exemple. La vertu n’est pas UNE, tout comme la vérité… elle sert celui qui a le pouvoir.
    Chercher le bien-être commun, au contraire, voilà un « désir » qui peut tous nous mettre en mouvement bien mieux que l’aride vertu, ce sentiment poli du « convenable ».
    La vertu, simple attitude, ne peut nous satisfaire?
    Il y a vertu et vertu, selon que l’on appartient à une classe ou à une autre. La vertu à mon sens est la volonté du bien-être commun et rien d’autre…
    La vertu selon la religion m’est absolument étrangère…voire une ennemie à abattre.

  30. Avatar de Bric à brac baroque

    Désolée, je précise ma pensée par un exemple:
    Pour certains, la vertu, ce sera la burqa, et pour d’autre ce sera de ne pas arnaquer son prochain. Bref, chacun s’arrange avec la vertu, comme avec la vérité. Je veux dire que toute vertu n’est effectivement pas LE Bien.

    1. Avatar de Hentarbleiz
      Hentarbleiz

      Ce n’est pas le bien en effet, mais c’est œuvrer pour le bien. La vertu est une tempérance, c’est une justesse. Elle n’est par ailleurs pas liée à un acte précis, mais à l’ensemble de nos actes et de nos états d’âme. C’est un sentiment bien précis à saisir, et qui n’a pas grand chose à voir avec le bien être (qui peut conduire d’ailleurs au vice de l’oisiveté, à l’incontinence), ou la burqa (qui est un rite bizarre insultant pour les femmes de nos régions et donc pour les hommes de ces femmes, mais qui pris indépendamment des sentiments qui lui donnent naissance ne veut rien dire et suggère l’indifférence).

      Le désir seul qu’on assouvie, c’est le vice. La vertu est plus proche d’un désir qu’on entretien.
      En fait le désir dont vous parlez, c’est la puissance de l’acte vertueux.

    2. Avatar de bric à brac baroque

      Je voulais sous-entendre que la capacité à faire le bien est parfois suivi d’effets tout à fait négatifs pour les êtres.
      Combien de gens disent agir de façon vertueuse, pour le bien de leurs enfants, par exemple, en leur pourrissant la vie? Combien de fois la « vertu » a-t-elle contrecarré de relations amoureuses chez les couples dans le passé?
      Problème…
      Je préfère à l’idée de vertu celle de justice, et de justesse pour tendre vers le bien. Etre « juste » est pour moi plus significatif que se dire « vertueux », qui n’est qu’un terme de morale « provisoire », adaptée à une époque, une civilisation. La vertu n’est pas la même que l’on soit occidentaux, orientaux, du sud ou du nord…
      La justice, quant à elle, est un terme qui me semble plus philosophique, moins dépendant des moeurs parmi lesquels elle s’exerce, pour aller vers le Bien, le réaliser.
      Vous comprendrez donc que j’estime qu’il existe aussi plusieurs sortes de morales, et donc de types de vertu, selon qu’on défend celle des dominants (morale hypocrite…relisez Dom Juan…) ou celle que je défends, qui se définit d’abord et avant tout par rapport à la notion de justice et de vérité (le contraire de l’hypocrisie donc…).
      La vertu est une notion bien flottante à mon avis. On peut parvenir à mentir par vertu, pour garder une morale sauve. Est-ce faire le bien? Mais alors qu’est-ce que le Bien ?
      Vous voyez que pour moi, rien n’est moins sûr que la philosophie… et pourtant, j’adore y penser, y réfléchir… sinon, si tout était si simple, quel serait l’intérêt. Tout se discute, et même l’idée de Bien, de Vrai, et de Beau…
      Merci pour votre remarque.

    3. Avatar de juan nessy
      juan nessy

      Pas touche à Dom Juan !

      Ce Juan là , c’est le diable et il n’est pas hypocrite car il n’a pas de morale .

      Et il le dit .

      Ce qui me le rend sympathique .

      Car il éclaire ce que pourrait être la vertu .

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