REQUIEM : le temps alloué était dépassé…, par Philippe Soubeyrand

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REQUIEM : le temps alloué était dépassé…

Note de l’auteur :

L’anticipation que je vous propose ici est avant tout dédiée aux enfants. Elle renvoie aux références permettant de rendre l’ensemble robuste. Libre à chacun de se faire sa propre opinion, sauf que nous n’avons plus le choix. Nous devons agir maintenant et non demain…

Fig1b-Mars_NASA_2016

Hubble Takes Mars Portrait Near Close Approach – Image Hubble publiée le 19 mai 2016 par NASA Goddard Space Flight Center – NASA, ESA, the Hubble Heritage Team (STScI/AURA), J. Bell (ASU), and M. Wolff (Space Science Institute) – (CC BY 2.0) [1].

Localisation :

planète Mars [2],
hémisphère nord,
cratère Korolev [3],
diamètre 84 km,
latitude 73° nord,
longitude 195,5° ouest,
température extérieure maximale -30°C,
température extérieure minimale -130°C,
pression atmosphérique au dessus du cratère 6 hPa (hectopascal ou millibar) [4],
vitesse moyenne du vent 19 m/s (~37 nd soit l’équivalent d’une tempête terrestre tropicale),
vitesse maximale du vent aux pôles 111 m/s (~215 nd soit l’équivalent d’une tornade terrestre) [4],
composition principale de l’atmosphère 96% de CO2 (dioxyde de carbone), 1,93% d’Ar (argon) pour 1,89% de N2 (azote), ainsi que des traces d’O2 (dioxygène), d’H2O (eau) et de CH4 (méthane) [4],
gravité 0,38 g (gravité terrestre g~9,81 m/s²) [2],
journée martienne 24h37mn [2],
année martienne de 687 jours terrestres [2].

UN-KHMC (United Nations – Korolev Humanity Memories Center) :
station polaire modulaire d’une capacité maximale de 250 personnes,
surface habitable 4.785 m² dont 2.000 m² de jardin cultivable,
énergie produite à partir de la gravité martienne,
effectif initial 205 (100 femmes + 100 hommes + 5 cyborgs),
effectif actuel 93 (49 femmes + 32 hommes + 7 enfants + 5 cyborgs),
nombre des décès enregistrés depuis le début de la mission 153 (71 femmes + 82 hommes),
nombre des naissances enregistrées depuis le début de la mission 41 (24 filles + 17 garçons),
moyenne d’âge actuelle 63 ans.

***

Mes mémoires, année terrestre 2096, jeudi 31 mai :

Je me prénomme Eléa et je suis glaciologue. Je vis sur Mars depuis que nous nous y sommes définitivement installés, il y a près de 67 ans. C’était le 10 juin 2029, alors que le cycle solaire n°25 tirait à sa fin au cours d’un minimum solaire comparable aux minimums de Maunder (1645-1710) [5] et de Dalton (1790-1830) [5], de telle sorte que nous n’étions pas trop exposés aux radiations solaires durant les 200 jours nécessaires à notre voyage interplanétaire de quelques 600 millions de km. Tout ceci s’est produit à une époque où les derniers survivants de l’Humanité tentaient vainement de contrer la plus grande vague d’une crise environnementale, économique et sociale, qui devait finalement déferler sur l’ensemble des espèces survivantes de notre petite planète bleue : la Terre ; nous étions alors les seuls responsables de tout cela et nous n’avions pas la moindre idée de ce que nous pouvions faire afin de pouvoir repousser, voire empêcher l’inéluctable pourtant maintes et maintes fois annoncé, à savoir la destruction fulgurante et irréversible de notre habitat : la biosphère terrestre… Sur Mars, nous ne sommes aujourd’hui qu’une petite poignée d’ingénieurs, de médecins et de scientifiques, au regard de ce que comptait autrefois la population mondiale. Mais notre colonie décline, notre effort en termes de naissances étant totalement insuffisant au regard de l’augmentation du nombre des décès enregistrés qui ne cesse de s’accélérer du fait de la recrudescence des cas de cancers diagnostiqués et confirmés. Chacun de nous a été exposé tout au long de sa vie de colon à une dose équivalente [6] de radioactivité nettement supérieure à 1 Sv (sievert) [7] qui est la dose équivalente normalement tolérée tout au long de la vie d’un astronaute effectuant de simples voyages aller-retour dans l’espace. Les protections et consignes de sécurité mises en œuvre au sein de la station polaire modulaire ne sont plus du tout efficaces. Aussi nous le savons, nous devons maintenant faire vite, même si chaque nouvelle naissance est une nouvelle garantie de sursis qui nous est accordée afin que nous puissions mener notre mission à son terme. Car nous sommes ici afin de constituer les dernières mémoires de l’Humanité dans l’espoir de leur transmission future éventuelle à une nouvelle espèce intelligente dont nous sommes incapables d’imaginer ni l’ADN (acide désoxyribonucléique) [8], ni le nom, ni si elle sera d’origine terrienne, martienne ou bien simplement extraterrestre. Nous espérons simplement que notre travail permettra de perpétuer le meilleur de l’Humanité tout en y exposant/analysant l’ensemble de notre Histoire et de nos erreurs passées. Tel est l’ultime dessein de notre mission, la garantie du prolongement futur éventuel de l’ensemble de nos discussions/réflexions en cours ; il y avait d’abord celles relatives au sens de notre existence, il y a maintenant celles relatives au sens de notre extinction. Mon rôle à moi consiste à m’assurer des meilleures conditions possibles pour un enfouissement stable et durable de nos mémoires sous la calotte glacière du cratère Korolev [3] ; cet emplacement sur Mars a d’ailleurs été choisi essentiellement pour six raisons :

– d’abord, du fait qu’il s’agit d’un cratère qui constitue à lui seul une protection naturelle efficace contre les tempêtes martiennes dont les vents peuvent parfois atteindre aux pôles la vitesse maximale de 400 km/h [4],

– ensuite, pour l’épaisseur de la calotte glacière qui s’y trouve durablement prise au piège et qui est constituée de glace d’H2O (eau) en sous-sol [9], bien que cette eau soit essentiellement souillée de poussières martiennes, ainsi que d’une fine couche de glace de CO2 (dioxyde de carbone) en surface qui sublime l’été et qui se reconstitue l’hiver ; l’épaisseur de glace globale (H2O + CO2) est ici comparable à celle de la calotte glacière du Groenland à une époque où elle n’avait pas encore fondu, et nous offre une protection supplémentaire contre la radioactivité naturelle de Mars dont la dose équivalente est de l’ordre de 200 mSv/an ,

– de plus, parce que c’est un endroit où la glace d’H2O qui s’y trouve piégée depuis tout au plus 100.000 ans [9], ne peut pas se liquéfier quelle que soit la période de l’année martienne,

– et aussi, parce que nous devons nous assurer que nos mémoires ne puissent pas être découvertes par des espèces primitives qui seront donc incapables de forer plus de 1.000 m d’épaisseur de glace de cette calotte glacière,

– enfin, parce que nous pensons qu’une nouvelle espèce intelligente procédera comme nous et ira sans doute regarder ce qu’elle pourrait bien trouver au fond de ce cratère gelé étonnant dès l’instant où elle percevra notre signal de détresse…

Fig2-Geeologie_vs_Glaciologie_2015
Géologie et/ou Glaciologie – photo prise le 26/08/2015 – Les Baux-de-Provence

Le Centre Korolev des Mémoires de l’Humanité avait été décidé en décembre 2017 par les Nations Unies à l’issue de la COP 23 (Conference of Parties) [10] qui se tenait cette année là en Asie. Cette décision fut prise à l’unanimité des parties en présence, du fait de l’aggravation de la situation et devant l’évidence de l’échec prématuré de l’Accord issu deux ans plus tôt de la COP 21 de Paris [11] [12]. Cette station polaire modulaire a été bâtie dès notre arrivée sur Mars, à partir des composants qui étaient à bord des 20 vaisseaux cargos assemblés et affrétés en toute discrétion depuis la face cachée de la Lune par les Nations Unies dès l’automne 2018, pour un coût total de 23.925 milliards de dollars ; telle demeure à ce jour la valeur matérielle et financière des mémoires de l’Humanité. A cette époque là, je n’avais que 11 ans et je me passionnais surtout pour les animaux, et notamment les chevaux, mais certainement pas pour la glace. J’étais alors bien loin d’imaginer ce qui allait m’arriver ensuite. Ce n’est qu’en juin 2028, alors que je venais de valider mon Master 1 de géologie à l’Université de Grenoble, que je fus sélectionnée parmi les 200 passagers de la mission internationale Korolev. Personne ne savait de quoi il s’agissait très exactement. Nous savions juste que nous devions poursuivre nos études en Master 2 à la BLI (Base Lunaire Internationale) située au nord-est du cœur du cratère lunaire Korolev [13], proche du centre de la face cachée de la Lune. C’était la seule chose que nos familles respectives devaient savoir : il s’agissait bien d’un cratère et il s’appelait lui aussi Korolev. A ce moment là précis, je savais déjà que l’Humanité était bel et bien condamnée même si je m’accrochais toujours à l’idée que nous allions enfin trouver la solution durable. Sauf que cinq mois plus tard, le 22 novembre 2028, nous devions laisser définitivement derrière nous, nos familles, nos amis et notre petite planète bleue : la Terre ; cette date de lancement avait été retenue essentiellement pour quatre raisons :

– d’abord, cette fenêtre de lancement était idéale pour une orbite de transfert de Hohmann [14] elliptique tangente à l’orbite lunaire au départ de l’aire de lancement de Mare Orientale [15] alors que la Lune était en opposition (pleine Lune), puis tangente à l’orbite martienne afin de pouvoir se placer sur une orbite basse de Mars par freinage propulsif à base d’ergols solides, et ce bien avant de pouvoir procéder à l’atterrissage vertical dans le cratère Korolev [3],

– de plus, c’était une date idéale pour profiter pleinement des vitesses orbitales conjuguées de la Terre et de la Lune, le tout pour une vitesse totale (hors propulsion des vaisseaux cargos leur permettant de s’extraire de la gravité lunaire) de l’ordre de 31 km/s [16] [17],

– ensuite, cette date était proche du paroxysme du minimum solaire situé entre les cycles n° 25 et 26 [5], et garantissait à la mission une exposition minimale aux radiations solaires durant les 200 jours nécessaires au voyage interplanétaire entre la Terre et Mars,

– enfin, cette date nous garantissait une arrivée sur Mars au tout début de l’été boréal de telle sorte que nous pouvions bâtir la station polaire modulaire dans les meilleures conditions.

La Terre ? Si la vie me le permet une dernière fois, je devrais pouvoir la revoir dans 8 mois environ, dès février 2097, au début du prochain été boréal, lorsqu’elle se trouvera au bon endroit dans le ciel de Mars au moment du coucher du Soleil. Ainsi, depuis le hublot de ma chambre, lorsque la couverture de glace de CO2 se sera sublimée sous l’effet des rayonnements solaires, je devrais pouvoir l’observer dans l’objectif de mon vieux télescope SkyWatcher Newton qui me vient de mon grand-père et dont j’ai pris soin de préserver dans leur état d’origine chacun des composants, et ce durant toutes ces années – un jour il sera à toi… Malgré son diamètre de 200 mm et sa focale de 1.000 mm, je ne devrais pas pouvoir distinguer certains détails de la surface terrestre, mais je devrais pouvoir au moins constater que les masses nuageuses ne s’y sont toujours pas dissipées et recouvrent aujourd’hui l’intégralité du globe terrestre ; ce que nous appelions autrefois la petite planète bleue ressemble bien plus aujourd’hui à une petite planète poivre… Cela me permet de me rappeler à quel point nous avons été à la fois négligents et imprudents. Cela me permet de me raccrocher au peu d’espoir qu’il nous reste ici sur Mars, et aux véritables raisons qui me maintiennent encore en vie à l’âge de 89 ans, tant ma tâche n’est pas encore terminée. Cela me permet surtout de garder à l’esprit que cela prendra des milliers, voire des millions d’années, avant qu’un nouvel écosystème, quel qu’il soit, puisse reprendre le dessus là bas, sauf que ce sera probablement et définitivement sans nous…

Pour l’heure, l’anomalie de température moyenne globale (continents + océans) y a atteint récemment +7,9°C depuis le début des mesures en 1880, bien pire que le scénario RCP8.5 (Representative Concentration Pathway) présenté en 2015 dans le 5ème rapport de l’IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change) [18], dans lequel la contribution au forçage radiatif des principaux gaz à effet de serre du fait de nos activités anthropiques, soit une vingtaine de gaz en tout, les WMGHG (Well Mixed Green House Gases), était retenue pour 2100 par rapport à 1750 à 8,5 W/m² (Watts par mètre au carré) [18]. Les données en provenance de la Terre que les sondes continuent de nous transmettre depuis les quatre coins du globe terrestre, nous permettent d’évaluer cette contribution au forçage radiatif des WMGHG à plus de 10 W/m² par rapport à 1750. L’anomalie de température moyenne de surface des océans y est de +3,4°C depuis le début des mesures en 1950. La cryosphère terrestre a beaucoup de mal à s’y reconstituer au cours des hivers, notamment la mer de glace normalement constituée des banquises (arctique + antarctique), du fait de la diminution croissante de l’anomalie d’alcalinité moyenne des océans qui est de -1,15 depuis les premières mesures du pH des océans dans les années 80. Et si par chance elle parvient à s’y reconstituer, elle ne se maintient de toute façon que quelques semaines après l’arrivée de l’été, sachant qu’il n’y a plus sur Terre ni printemps ni automne. Les précipitations y sont devenues très hétérogènes dès le début du XXIème siècle jusqu’à maintenant, et ce sur toute la surface du globe, avec des diminutions de plus de 20% en Océan Pacifique Sud, en Océan Indien, ainsi qu’en Océan Atlantique Nord et Sud, et des augmentations de plus de 80% essentiellement en Océan Arctique et en Antarctique, ainsi qu’en El Niño 1+2, El Niño 3, El Niño 3.4 et El Niño 4 ; une sorte de domination permanente d’El Niño sur La Niña qui s’est définitivement retirée… A vrai dire, l’Océan Pacifique dans son ensemble était devenu dès l’été 2015 l’élément déclencheur de tous nos maux. Le phénomène El Niño qui survint cette année là avait été trop longtemps comparé à celui de 1997, par les climatosceptiques notamment qui refusaient de voir dans ce phénomène extrême quelque chose de totalement atypique, chacun y allant de son petit calcul savant de probabilité quant au retour imminent de La Niña : 65%, 70%, voire 75% de chance de voir un retour de La Niña avant la fin de l’année 2016, scandaient-ils tous en cœur. Sauf que les modèles mathématiques auxquels ils faisaient référence n’avaient eu de cesse de se contredire mois après mois depuis le début du phénomène, et que dans le doute, même la communauté scientifique semblait hésitante à l’idée de devoir reconnaître que ce qui était en train de se jouer ces années là n’avait rien d’habituel. Car El Niño 2015-2016 était un gigantesque filou capable de la pire des ruses. Il refusait tout simplement de partir et se maintenait même sous une forme herculéenne bien au delà des limites des lucarnes d’observation communément établies en El Niño 1+2, El Niño 3, El Niño 3.4 et El Niño 4 : à savoir l’ensemble de la bande tropicale d’observation représentée par la région (5°N-5°S, 80°-200°W). L’analyse seule de l’anomalie des températures de surface dans cette région ne donnait donc plus rien de bon. Il fallait prendre beaucoup plus de recul pour se rendre compte que quelque chose n’allait plus du tout dès cette année là. Car si chacun était d’accord pour dire que le phénomène El Niño 1997-1998 était vraisemblablement l’un des plus puissants du XXème siècle, alors ils devaient tous reconnaître que le phénomène El Niño 2015-2016 était à lui seul le plus puissant jamais enregistré ; et cette prise de recul, c’était bien évidemment le satellite Jason 2 qui nous la permettait…

Fig3-El_Nino_1998vs2016-22Mai2016
El Niños 1998 vs 2016 – Image publiée par la NASA/JPL-Caltech le 22/05/2016 [19].

Nos certitudes quant à la perfection algorithmique de nos modèles mathématiques nous avaient donc littéralement conduit dans le mur, sans que personne ou presque ne s’y opposât. Et les conséquences de notre inaction ne se limitaient pas au seul cas de l’Océan Pacifique…

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Mer de Beaufort – Movies and snapshots of the 1/12° Arctic Cap HYCOM/CICE – Courtesy of the US Naval Research Laboratory [20].

Cette année là, la mer de glace (arctique + antarctique) s’apprêtait à subir le pire recul jamais enregistré. Début mai 2016, la Mer de Beaufort située bien au delà du Cercle Polaire Arctique, au nord-est de l’Alaska, avait vu sa banquise s’effondrer en l’espace de quelques jours seulement. Il s’en était suivi une gigantesque houle orientée du sud vers le nord à laquelle la banquise arctique devenue beaucoup trop fine au fil des années, n’avait pas pu résister bien longtemps. La glace ainsi pilée ne devait plus trop tarder à fondre désormais sous l’effet conjugué d’un forçage radiatif dû aux gaz à effet de serre, notamment au méthane, toujours plus violent, et des frictions au sein même d’une banquise désormais entièrement fracturée. Cette année là, l’enthalpie de fusion de la glace aidant, l’Humanité s’apprêtait donc à évoluer pour la première fois sur une Terre dont l’Océan Arctique allait se retrouver quasiment entièrement dépourvu de glace. C’est donc bien ainsi que la Terre a basculé…

Aujourd’hui, l’air y est devenu totalement irrespirable avec un indice ATMO [21] [22] (c’est aussi le nom que nous avions donné à une petite girafe) de 10 sous les 200 m d’altitude au dessus du niveau actuel des océans acidifiés, soit 240 m environ au dessus du niveau des océans que j’ai connu quand j’étais enfant, niveau issu du NGF – IGN69 (Nivellement Général de la France – réseau Institut Géographique National établi de 1962 à 1969) [23], à une époque où nous allions régulièrement en balade pieds nus le long de la plage de sable fin des Saintes-Maries-de-la-Mer ; cette plage et ce village touristique sont aujourd’hui entièrement submergés sous 40 m d’eau de mer acidifiée. Toute la région depuis la Camargue jusqu’à Avignon est entièrement submergée. Sur Avignon et Villeneuve-lès-Avignon, seuls demeurent respectivement hors de l’eau le Palais des Papes (dont Notre Dame des Doms d’Avignon et le Rocher des Doms) et le Fort Saint André (dont l’Abbaye Saint André). Au bout du chemin Bel air de Les Angles, la petite ville du Gard voisine de Villeneuve-lès-Avignon, ce qui était autrefois un point de vue magnifique sur le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône, cet endroit que j’affectionnais tout particulièrement le soir lors d’une petite balade en famille pour y savourer sur place quelques TAGADA Purple sous une nuit étoilée, s’est transformé en une petite crique de la Mer Méditerranée dans laquelle plonge au loin depuis l’autre versant de la crique constitué essentiellement de massifs de garrigue, ce qu’il reste du Viaduc ferroviaire du TGV (Train Grande Vitesse) d’Avignon. Partout, le niveau des mers et des océans est monté de 40 m du fait du réchauffement climatique en cours. L’intensité du champ magnétique terrestre (disons ce qui fut autrefois « notre bouclier ») a connu une baisse de près de 20% depuis le début de la Révolution Industrielle, du fait de son interaction forte avec l’ensemble de nos activités technologiques [24]. La couche d’O3 (ozone) en stratosphère (disons ce qui fut autrefois « notre cotte de mailles ») s’est totalement fragilisée sous l’effet de plusieurs facteurs aggravants tels que la dissociation photochimique et la vapeur d’eau [24]. La concentration moyenne en CO2 (dioxyde de carbone) mesurable dans l’atmosphère terrestre est de l’ordre de 1050 ppm (parties par million). Pire encore, la concentration moyenne en CH4 (méthane) dépasse largement les 5600 ppb (parties par milliard) du fait de la purge incessante de l’ensemble du permafrost libre de glace durant le premier quart du XXIème siècle [24], et est rejointe tout récemment par la concentration moyenne en N2O (protoxyde d’azote) qui inquiète particulièrement notre petite communauté scientifique du fait de son PRG (potentiel de réchauffement du gaz à effet de serre) qui est 296 fois supérieur à celui du CO2, passé 100 ans dans l’atmosphère [18]. Enfin, la radioactivité terrestre moyenne actuelle y est devenue croissante et supérieure à 475 mSv/an (millisievert par an), c’est à dire plus du double de la radioactivité naturelle martienne. Les centrales nucléaires du monde entier ont toutes subi de graves dommages durant le second quart du XXIème siècle, du fait de l’emballement climatique toujours plus violent et dangereux pour ce type d’installation, et de notre incapacité à pouvoir les arrêter totalement. En outre, l’exposition prolongée à l’irradiation neutronique engendrée par les réactions nucléaires des cœurs des réacteurs, et ce bien au delà de la durée de vie de 30 ans qui était préconisée par la communauté scientifique, de l’ensemble des composants internes les constituant, tels que les cuves elles-mêmes, n’a strictement rien arrangé. Celles-ci se sont toutes comportées tôt ou tard comme de gigantesques cocottes minutes dépourvues de soupapes de sécurité, aux structures des matériaux des parois entièrement fragilisées et soumises en permanence aux pressions internes dues à l’ébullition des circuits primaires ; sauf que la pression du circuit primaire d’un réacteur nucléaire n’est pas de l’ordre de 1.700 hPa (hectopascal ou millibar) pour une température d’ébullition de 120°C comme c’est le cas pour une cocotte minute, mais plutôt de l’ordre de 150.000 hPa pour une température de 290°C en entrée puis 325°C en sortie de la cuve du réacteur qui lui ne doit jamais atteindre les 1.100°C ; sachant que chaque circuit primaire permettait ensuite la vaporisation et la mise sous pression de l’eau d’un second circuit permettant l’entraînement des turbines des générateurs électriques, nous aurions dû tenir compte de l’accident nucléaire du 31 mars 2016 qui en France avait rendu totalement inexploitable le réacteur n°2 de la centrale nucléaire de Paluel après la défaillance probable d’un dispositif d’ancrage d’un vérin à câble ayant provoqué le basculement d’un générateur de vapeur d’eau de 465 tonnes et la chute du palonnier de manutention auquel le générateur était attaché [25] [26] [27]. La défaillance de ce dispositif d’ancrage aurait dû éveiller l’attention des autorités compétentes de l’époque autour de toutes ces questions de sûreté nucléaire trop souvent débattues en vain depuis de nombreuses années, et notamment en terme de vieillissement des matériaux sous l’effet d’une irradiation prolongée. Ainsi, après des accidents majeurs tels que Tchernobyl, puis Fukushima, l’accident de Paluel aurait dû suffire à nous convaincre de tout stopper à temps une bonne fois pour toutes ? Eh bien non ! Tout cela n’annonçait à l’époque que les prémices d’une succession interminable d’accidents nucléaires, et ce bien avant que les moindres mesures issues des prescriptions établies par les « gendarmes du nucléaire » n’aient été effectivement mises en œuvre [28]. En même temps, comment pouvions-nous toujours espérer un sursaut de bon sens de la part de personnes incapables de se rendre compte d’elles-mêmes qu’elles mesuraient la température des réacteurs nucléaires ne devant jamais atteindre 1.100°C avec des appareils enregistreurs gradués uniquement de 0 à 400°C [29] ? Oui, comment ? Ou bien encore de la part de personnes capables de classer simplement niveau 1 sur l’échelle INES (International Nuclear and Radiological Event Scale) la réception au visage par un intervenant d’une dose équivalente dite « légèrement supérieure » à 125 mSv (millisievert) [30], alors que nous savions très bien que la limite individuelle (hors radioactivité naturelle qui en France est de 3,5 mSv/an) est de 1 mSv/an pour le corps entier, de 15 mSv/an pour le cristallin et de 50 mSv/an pour chaque cm² de peau [31] ? Oui, comment ? Et je ne m’étendrai pas ici sur toutes les autres formes de pollution pour lesquelles l’Humanité s’en était donnée à cœur joie durant plus d’un siècle et demi d’Anthropocène [32] : charbon, pétrole, gaz de schiste, plastiques, pesticides, cyanures, OGM (organismes génétiquement modifiés), etc., la liste est beaucoup trop longue et me donne la nausée chaque fois que j’essaie d’y penser, tout cela au seul service d’une cupidité exacerbée à grands coups de lobbying et de communication d’influence prenant la forme de publicité et/ou de propagande mensongères. L’Humanité était littéralement devenue suicidaire en consommant/consumant/détruisant à petit feu l’ensemble de l’écosystème qui l’a vue naître : la biosphère terrestre, elle semblait incapable de réagir, et ce d’autant moins qu’elle était surtout incapable de se mettre d’accord avec elle-même.

Bref, cela fait bien longtemps que les conditions nécessaires à la vie ne sont plus du tout réunies sur Terre. Ce sont donc des sondes, voire des robots entièrement autonomes, qui effectuent sur place, dans des conditions souvent extrêmes, l’ensemble des mesures, des photographies et des prélèvements de toute sorte nécessaires à nos derniers travaux de recherche. Et ce sont ces mêmes robots qui effectuent à notre place, sur la base des prélèvements qu’ils ont eux-mêmes préalablement réalisés à notre demande, l’ensemble des analyses nécessaires avant de nous transmettre les résultats obtenus via notre réseau de satellites de communication. C’est ainsi que tous les 26 mois environ, alors que Mars se trouve au plus près de la Terre à moins de 56 millions de km, nous intensifions et coordonnons à distance les nouvelles tâches de l’ensemble des robots demeurant encore en état de fonctionnement. Sur Mars, ce sont bien 5 cyborgs entièrement autonomes eux aussi qui nous assistent dans les tâches les plus difficiles, voire délicates, telles que l’enfouissement des mémoires de l’Humanité sous plus de 1.000 m de glace, ou bien simplement les discussions scientifiques. Ils auront aussi la lourde responsabilité d’accompagner dans ses derniers jours le dernier d’entre nous, à savoir le dernier survivant de l’Humanité.

Il m’arrive parfois de me demander si ce que nous faisons n’est pas trop injuste ? L’un de ces enfants sera peut-être un jour le dernier ? Mais lequel ? Comment pourrions-nous le savoir à l’avance, seule la vie en décidera. Toutefois, le fait de le savoir dès à présent confié à ces 5 cyborgs, tous dotés d’une apparence humaine et d’une intelligence artificielle dernier cri, tous capables de s’enquérir des informations les plus pertinentes, de les analyser et de prendre des décisions en conséquence [33], tous capables de jouer au jeu d’échecs et/ou au jeu de Go [34], cela me rassure tout de même un peu ; ce n’est certes pas la meilleure des solutions, mais c’est celle qui nous permet d’espérer que tout ce que nous faisons ne sera pas vain et que tout cela n’aura pas servi à rien. C’est en tout cas ce que nous enseignons à nos enfants afin qu’ils y soient au mieux préparés le moment venu, chacun sachant dès maintenant qu’il sera peut-être ce dernier.

Enfin, lorsque ce dernier aura rendu son tout dernier souffle, ces 5 cyborgs assureront la mise sous scellé glacé définitif des mémoires de l’Humanité qui demeureront ici, sous la calotte glacière du cratère Korolev [3], quelque part au nord de la planète Mars. Puis ils reboucheront les 1.000 m d’accès à celles-ci avec de la glace prélevée tout autour de la station polaire modulaire tout en veillant à ne laisser derrière eux aucune trace permettant de soupçonner la présence de quelque chose. Enfin, ils demeureront libres, sur place, au sein de la station…

Encore aujourd’hui, ce n’est pas le fait de penser à l’extinction de l’Humanité qui me noue le plus le ventre, mais bien le fait de penser à l’extinction brutale de toute vie sur Terre… Comment en étions-nous arrivés là ? Qu’avait-il bien pu se passer pour que tout bascule ainsi du jour au lendemain ? J’entends encore les voix de mes parents me susurrant à l’oreille : l’Anthropocène [32]

Il m’arrive souvent de penser à eux alors que je feuillette des livres ou que je visionne des films qu’ils m’avaient donnés avant mon départ pour la BLI (Base Lunaire Internationale), dont notamment :

La Nuit des temps, de René Barjavel [35],
Une vérité qui dérange, d’Al Gore [36],
Interstellar, de Christopher Nolan [37],
Le dernier qui s’en va éteint la LUMIERE, Essai sur l’extinction de l’humanité, de Paul Jorion [38].

Mon père me disait toujours ceci, et alors qu’il croyait encore en la possibilité pour l’Humanité de mettre en œuvre des solutions durables : « Finalement, si nous ne parvenons pas à trouver le moyen nous permettant de franchir les distances qui nous séparent des exoplanètes [39], c’est que nous ne sommes pas encore suffisamment sages pour mériter le droit de nous y rendre. Ces distances qui nous séparent de ces autres écosystèmes sont aussi et surtout leur seule et unique protection contre notre folie ultralibérale, destructrice et meurtrière actuellement à l’œuvre ici, sur Terre. Aussi, notre tout premier devoir ne serait-il pas finalement de pouvoir expliquer à l’ensemble de l’Humanité la nécessité absolue d’une vie de renoncement ? »

À cette époque, je ne percevais pas vraiment le sens de cette phrase. Aujourd’hui, alors que je me trouve à mon tour pris au piège sur la calotte glacière du cratère Korolev [3], quelque part au nord de la planète Mars, à une distance de la Terre qui oscille périodiquement entre 56 et 400 millions de km, je comprends mieux ce que tout cela signifie. J’en perçois surtout l’ampleur du champ des possibles pour l’avenir de toute espèce intelligente, patiente et bienveillante, à l’exception bien évidemment de l’Humanité ; parce qu’elle avait voulu s’extraire beaucoup trop précipitamment de son habitat naturel : la biosphère terrestre, l’Humanité avait tout simplement échoué LE test et avait dû finalement en payer le prix…

Fig5-Submersion_2016

Submersion – photo prise le 26/02/2016 – Saintes-Maries-de-la-Mer

À suivre…

REQUIEM : le temps alloué était dépassé… © 2016, Philippe Soubeyrand.

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[1] Hubble Takes Mars Portrait Near Close Approach – Image Hubble publiée le 19 mai 2016 par NASA Goddard Space Flight Center – NASA, ESA, the Hubble Heritage Team (STScI/AURA), J. Bell (ASU), and M. Wolff (Space Science Institute) – (CC BY 2.0).

[2] Mars (planète), Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 12/05/2016.

[3] Korolev (Martian crater), Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 05/11/2015.

[4] Atmosphère de Mars, Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 12/03/2016.

[5] Cycle solaire, Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 05/05/2016.

[6] Dose efficace (radioprotection), Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 11/09/2015.

[7] Sievert, Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 27/05/2016.

[8] Acide désoxyribonucléique, Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 05/04/2016.

[9] Mathieu Vincendon. Modélisation du transfert radiatif dans l’atmosphère martienne pour la détermination des propriétés spectrales de surface et la caractérisation des aérosols martiens à partir des données OMEGA. Astrophysique [astro-ph]. Université Paris Sud – Paris XI, 2008. Français. <tel-00341252>.

[10] Conférence des parties, Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 06/04/2016.

[11] Philippe Soubeyrand, COP21 : un petit coup de marteau pour l’homme, un grand coup de masse sur l’Humanité… des lobbies en liesse… la grande parade des ONG est terminée !, Blog de Paul Jorion, 16/12/2015.

[12] Elise Lucet, Cash investigation – Climat : le grand bluff des multinationales / intégrale, France 2, ajoutée le 25/05/2016.

[13] Korolev (lunar crater), Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 26/01/2016.

[14] Orbite de transfert, Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 04/07/2015.

[15] Mare Orientale, Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 26/12/2015.

[16] Terre, Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 21/05/2016.

[17] Lune, Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 24/05/2016.

[18] Fifth Assessment Report (AR5).

[19] NASA Jet Propulsion Laboratory, California Institute of Technology, El Niño : 1997-1998 vs. 2015-2016, updated through May 22, 2016.

[20] Real-time 1/12° Arctic Cap HYCOM/CICE/NCODA Nowcast/Forecast System (ACNFS)with NAVGEM (1.2) atmospheric forcing, US Naval Research Laboratory.

[21] Arrété du 22 juillet 2004 relatif aux indices de la qualité de l’air, Ministère de l’écologie et du développement durable.

[22] Décret n° 2010-1250 du 21 octobre 2010 relatif à la qualité de l’air, Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

[23] Nivellement général de la France, Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 30/03/2016.

[24] Philippe Soubeyrand, Le temps nous est compté, Blog de Paul Jorion, 09/03/2016.

[25] Chute d’un générateur de vapeur dans le bâtiment du réacteur 2 de la centrale de Paluel (76) : l’ASN a diligenté une inspection immédiate, Centrale nucléaire de Paluel, ASN, 01/04/2016, page mise à jour le 04/04/2016.

[26] Inspection réactive suite à la chute en cours de manutention d’un générateur de vapeur, INSSN-CAE-2016-0276, Centrale nucléaire de Paluel, ASN, 08/04/2016.

[27] Prise en compte de la chute en cours de manutention d’un générateur de vapeur dans le bâtiment du réacteur 2, INSSN-CAE-2016-0277, Centrale nucléaire de Paluel, ASN, 29/04/2016.

[28] Guillaume Blavette, Tant va la cuve à l’eau qu’à la fin elle se casse, Blog écologie et énergies, MEDIAPART, 30/03/2014.

[29] Conduite incidentelle et accidentelle, INSSN-CAE-2016-0267, Centrale nucléaire de Paluel, ASN, 30/05/2016.

[30] Contamination externe d’un intervenant au cours de travaux dans le bâtiment du réacteur n°4, Centrale nucléaire de Paluel, ASN, 10/03/2016, page mise à jour le 17/05/2016.

[31] Nicolas Foray, Radioactivité : faibles doses, fortes doses, sommes-nous tous égaux, Inserm, 22/03/2011.

[32] Anthropocène, Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 23/04/2016.

[33] Une intelligence artificielle fait son entrée dans un cabinet d’avocats, m PIXELS, LE MONDE, 27/05/2016.

[34] C’est officiel : l’IA nous surpasse (aussi) au jeu de Go, SCIENCES ET AVENIR avec AFP, 16/03/2016.

[35] René Barjavel, La Nuit des temps, aux éditions Presses de la Cité, 1968, 410 pp, (source de l’information : Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 11 mai 2016).

[36] Al Gore, Une vérité qui dérange, aux productions Lawrence Bender Productions, Paramount Classics, Participant Productions, 2006, 96 mn, (source de l’information : Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 25 avril 2016).

[37] Christopher Nolan, Interstellar, aux productions Syncopy Films, Paramount Pictures, Warner Bros, Legendary Pictures, 2014, 169 mn, (source de l’information : Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 13 mai 2016).

[38] Paul Jorion, Le dernier qui s’en va éteint la LUMIERE, Essai sur l’extinction de l’humanité, aux éditions Fayard, 2016, 288 pp.

[39] Exoplanète, Wikipédia, L’encyclopédie libre, page mise à jour le 24/05/2016.

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