Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Freud a réfléchi à la question du bonheur de l’homme à la lumière de ce qu’est son psychisme : celui d’un mammifère social doté de conscience de soi et de la capacité de parler. La première constatation de Freud, c’est que l’insertion de l’espèce humaine au sein du monde naturel ne la dispose pas a priori à s’y trouver heureuse. L’homme et la femme aimeraient jouir sans entraves mais le monde qui nous est offert ne s’y prête pas : « … tout l’ordre de l’univers s’y oppose ; on serait tenté de dire qu’il n’est point entré dans le plan de la « Création » que l’homme soit « heureux » », écrit-il dans Malaise dans la civilisation (Freud [1929] 1970 : 20).
La vie de l’être humain est limitée dans le temps, sa mort est toujours brutale et souvent précédée de la déchéance. Dans L’avenir d’une illusion, Freud parlait de : « … l’énigme douloureuse de la mort, de la mort à laquelle aucun remède n’a jusqu’ici été trouvé et ne le sera sans doute jamais. Avec ces forces, ajoutait-il, la nature se dresse contre nous, sublime, cruelle, inexorable ; ainsi elle nous rappelle notre faiblesse, notre détresse, auxquelles nous espérions nous soustraire grâce au labeur de notre civilisation. C’est un des rares spectacles nobles et exaltants que les hommes puissent offrir que de les voir, en présence d’une catastrophe due aux éléments, oublier leurs dissensions, les querelles et animosités qui les divisent pour se souvenir de leur grande tâche commune : le maintien de l’humanité face aux forces supérieures de la nature » (Freud [1927] 1971 : 22).
La douleur nous prévient des dangers mais la souffrance nous tourmente sans cesse, on serait tenté de dire « pour une raison ou pour une autre » : « La souffrance nous menace de trois côtés : dans notre propre corps qui, destiné à la déchéance et à la dissolution, ne peut même se passer de ces signaux d’alarme que constituent la douleur et l’angoisse ; du côté du monde extérieur, lequel dispose de forces invisibles et inexorables pour s’acharner contre nous et nous anéantir ; la troisième menace enfin provient de nos rapports avec les autres êtres humains » (Freud [1929] 1970 : 20). Enfin, l’instinct de survie de l’espèce tel qu’il se manifeste chez l’individu par le désir de copuler éloigne dans la plupart des circonstances l’homme et la femme du comportement qui serait le plus avantageux pour eux. L’être humain cherche alors à ses tourments des diversions par l’usage des drogues, la production d’illusions collectives rassurantes comme la religion (« une déformation chimérique de la réalité » générant des « délires collectifs » [ibid. 25]) et, de façon plus positive, par la sublimation qu’autorisent l’expression artistique ou intellectuelle.
Sur le plan social, l’homme est condamné à choisir entre la jouissance la plus libre dans des conditions pénibles d’isolement, où le souci de sa sécurité doit primer sur tous les autres, et le sacrifice de sa liberté chérie pour s’assurer le niveau de sécurité qui lui évitera de vivre dans une anxiété permanente. Freud fait remarquer que l’homme le plus libre est nécessairement aussi celui dont la vie moyenne est la plus courte : « … l’homme primitif avait en fait la part belle puisqu’il ne connaissait aucune restriction à ses instincts. En revanche, sa certitude de jouir longtemps d’un tel bonheur était très minime. L’homme civilisé a fait l’échange d’une part de bonheur possible contre une part de sécurité » (ibid. 53). Dans ce cadre, et même si l’on mettait entre parenthèses les obstacles au bonheur que sont la mortalité et la douleur, le bonheur est hors d’atteinte en raison de la contradiction entre liberté et sécurité puisque, d’un côté, la jouissance qu’autorise la liberté absolue implique un manque de sécurité insupportable, tandis que de l’autre, la sécurité absolue débouche sur un intolérable manque de liberté.
Rechercher le meilleur des systèmes politiques possibles dans la perspective d’une maximisation du bonheur de l’homme est donc selon Freud une manière de poser le problème qui ne peut déboucher que sur des conclusions désespérantes. La seule position défendable est celle qu’il attribue à un « critique » dont il ne précise pas davantage l’identité mais en qui l’on reconnaît aisément Nietzsche : « Du moins puis-je écouter sans indignation ce critique qui, après avoir considéré les buts poursuivis par la tendance civilisatrice et les moyens dont elle use, se croit obligé de conclure que tous ces efforts n’en valent pas la peine, et ne sauraient aboutir qu’à un état insupportable pour l’individu » (Freud [1929] 1970 : 79).
Faisant également allusion aux questions politiques qui étaient alors d’actualité (L’avenir d’une illusion est publié en 1927, Malaise dans la civilisation, en 1929), Freud rejette l’option communiste : « Tant que la vertu ne sera pas récompensée ici-bas, écrit-il, l’éthique, j’en suis convaincu, prêchera dans le désert. Il me semble hors de doute aussi qu’un changement réel de l’attitude des hommes à l’égard de la propriété sera ici plus efficace que n’importe quel commandement éthique ; mais cette juste vue des socialistes est troublée et dépouillée de toute valeur pratique par une nouvelle méconnaissance idéaliste de la nature humaine » (ibid. 78). Il avait expliqué auparavant en quoi cette « méconnaissance idéaliste » consiste : « En abolissant la propriété privée, on retire, certes, à l’agressivité humaine et au plaisir qu’elle procure, l’un de ses instruments, et sans doute un instrument puissant, mais non pas le plus puissant » (ibid. 52) et attiré l’attention sur le fait que l’inégalité en matière de propriété en masque aujourd’hui une autre, qui ne manquerait pas de devenir pleinement visible et d’attiser les rancœurs si celles que provoquent les inégalités fondées sur la propriété devaient passer à l’arrière-plan : « Abolirait-on le droit individuel aux biens matériels, que subsisterait le privilège sexuel, d’où émane obligatoirement la plus violente jalousie ainsi que l’hostilité la plus vive entre des êtres occupant autrement le même rang » (ibid. 52).
Dans la perspective désenchantée de Freud, à quoi auraient alors servi les transitions historiques qui firent passer d’un régime politique à un autre ? Un regard embrassant l’histoire toute entière fait apparaître un mouvement tendanciel autorisant des communautés humaines de plus en plus nombreuses à vivre ensemble. Les alternatives, qui vont du communisme au fascisme, en passant par la démocratie, ne débouchent sur ce plan seul de l’augmentation de la taille des communautés, qu’à des résultats très semblables. Les transitions d’un régime à un autre, examinées « en extériorité », d’un point de vue holiste, n’auraient pas grand-chose à voir alors avec la représentation que les hommes peuvent s’en faire, en « intériorité », en termes de quête du bonheur, et s’inscriraient plus simplement dans le destin de notre espèce en tant qu’espèce colonisatrice ayant toujours tendance à envahir davantage son environnement, la technologie inventée par les hommes leur permettant de le faire de manière sans cesse plus efficace et en multipliant du coup leur nombre. Freud écrit : « Dans l’évolution culturelle […] l’agrégation des individus isolés en unité collective est de beaucoup le principal ; le propos de les rendre heureux existe certes encore, mais il est relégué à l’arrière-plan » (ibid. 75).
Pour Freud donc, le malheur est un donné de la condition humaine, et vivre de telle ou telle manière, n’est jamais qu’une question de devoir s’accommoder de tel ou tel degré de malheur particulier. Il conclut Malaise dans la civilisation par cette réflexion désabusée : « Aussi, n’ai-je pas le courage de m’ériger en prophète devant mes frères ; et je m’incline devant le reproche de n’être à même de leur apporter aucune consolation. Car c’est bien cela qu’ils désirent tous, les révolutionnaires les plus sauvages non moins passionnément que les plus braves piétistes » (ibid. 80).
Il est difficile d’objecter quoi que ce soit à cette analyse de la condition humaine par Freud, si ce n’est attirer l’attention sur le fait que le problème ne se situe peut-être pas là où lui le voit. Freud s’est laissé abuser par une formulation classique de la question : qu’il s’agit pour les hommes de situer le sens de leur vie par rapport à la quantité de bonheur à laquelle ils peuvent accéder, alors que la question pour eux est autre : c’est celle de la quantité de malheur qu’ils peuvent supporter et pas seulement dans leur vie propre mais aussi dans celle de ceux qui les entourent, les liens familiaux, l’amitié et la sympathie spontanée se chargeant d’étendre en réseau pour chacun ce qu’il considère comme l’univers de son moi-propre.
Les hommes ne se mobilisent en effet pas pour un changement de société – avec les risques que cela implique pour eux et pour ceux qui leur sont proches – en comparant leur bonheur actuel avec celui que conférerait un autre type de société dont le modèle reste toujours plus ou moins abstrait. Ils le font en raison d’une révolte : du fait du sentiment présent que la situation existant sous leur yeux et dont ils sont du fait même, l’un des composants, leur est désormais intolérable. C’est ce qui explique pourquoi il n’est pas contradictoire chez Camus d’être à la fois convaincu de l’absurdité du monde et révolté, la représentation du monde et le sentiment se situant sur des plans distincts. L’homme ou la femme révoltés passent non seulement du désespoir résigné au désespoir indigné de Kant, mais aussi, de là, à l’indignation porteuse d’espoir. Comme le note Miguel Abensour, commentateur de Saint-Just : « On n’a pas assez écouté le rire des révolutionnaires – éclat de liberté, moment de fragile bonheur et de grâce – avant que le masque du sérieux ne vienne à nouveau pétrifier leur visage et qu’ils ne basculent, peut-être, du côté des « grands de l’histoire » » (Abensour 2004 : 22).
(… à suivre)
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Abensour, Miguel, « Lire Saint-Just », in Saint-Just, Antoine-Louis, Å’uvres complètes, édition établie et présentée par Anne Kupiec et Miguel Abensour, Paris : Gallimard, 2004
Freud, Sigmund, [1927] L’avenir d’une illusion, traduit de l’allemand par Marie Bonaparte, Paris : PUF, 1971
Freud, Sigmund, [1929] Malaise dans la civilisation, traduction de Ch. et I. Odier, Revue Française de Psychanalyse, Tome XXXIV, janvier 1970, PUF : 9-80
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
220 réponses à “La transition (II) – Freud et le bonheur”
Ce qu’il faut avant tout c’est ne pas tomber dans une autre « isme ». L’erreur commune est de vouloir tout subordonner a « UN » seul système. Penser que la solution est le capitalisme, ou le libéralisme ou le communisme, ou l’anarchisme etc… a l’exclusion des autres …
Alors que tous peuvent convenir : a des gens différents, a des moments différents de même personnes, a des lieux différents. Ils peuvent en plus se combiner plus ou moins librement.
Une chose est sur les notions de nations au sens territorial du terme sont de plus en plus obsolètes. Elles sont concurrencées par les entreprises multi-nationales et les « idéologies » (courant de pensées) non moins multi-nationales.
C’est le sens de l’histoire, ne luttons pas contre. Définissons une nouvelle notion de « nation », peut-être plus affinité de coeurs que par proximité géographique ou linguistique.
Je ne sais pas. J’observe que les humains ont besoins de différentes règles selon les « communautés » auquelles ils appartiennent. Les instances internationales ne devraient pas élargir leur mandat au dela d’un socle commun a l’humanité : ne pas tuer, piller, violer, voler. Pour le reste, chacun devrait pouvoir établir ses propres règles locales selon un schéma fractal : plus on en vient au petit, plus c’est spécifique.
Le glocal en somme.
Nous avons besoin d’une véritable révolution de la pensée. Nous avons besoin d’aller au dela des anciens maitres à penser, tels que Freud ou d’autres. Ils ont eu leurs temps. Le notre est d’oser. Quitte à se tromper. Il nous faut dépasser le cadre actuel, sinon, nous sombrerons dans le malheur.
Ils nous faut oser aller au delà du « rationnel », ré-investir les émotions, et la pensée magique http://fr.wikipedia.org/wiki/Pens%C3%A9e_magique#Pathologie et même au dela. Pour ceux qui le peuvent.
Il est temps pour l’humanité de grandir à elle même, et de cesser de croire que son mental rationnel est l’outil suprême pour appréhender la réalité.
Le salut est à ce prix.
Le règne du rationnel est sous nos yeux et voila les fruits que nous en retirons. Alors… rendez vous dans les forêts pour écouter les arbres nous dire comment résoudre la crise ? lol
Rétractation, retraite, régression.
ybabel,
Cela marchait jusqu’au moment où vous entonniez la valse à un temps, celle de l’unité linguistique.
Cela ne marche plus aujourd’hui.
Vous vous retranchez derrière des murs virtuels.
La France pour ceux qui parlent français.
Je connais très l’unilinguisme français. (encore un mot en -isme)
Non si le monde s’est rétréci par l’intermédiaire d’Internet, ce n’est plus le moment de sortir sa baguette sous le bras et son béret sur la tête.
Vigneron,
D’accord avec vous.
🙂
Allez vite acheter « Le temps des utopies » paru dans la collection « Manière de voir » du Monde diplomatique.
🙂
Bonjour YBabel,
quel plaisir de vous retrouver…
Je partage absolument votre sensibilité quant au ‘saut’ que nous avons à faire…
Manifestement, la percolation a encore du boulot et nous aussi 😉
Nous allons vers le règne de l’intuition, une toute autre approche du monde mais tellement plus fine, plus riche et satisfaisante…
@ Ybabel et Laurence,
Je me joins à vous deux concernant l’avenir…
Il est difficile d’exprimer par des mots ce que l’on commence tout juste à percevoir, mais il faut en effet aller ou retourner, car l’histoire de l’humanité est un éternel recommencement, loin derrière pour pouvoir voir loin devant.
Bonne soirée,
« Alors… rendez vous dans les forêts pour écouter les arbres nous dire comment résoudre la crise ? lol »
Et dans les alpages en été pour apprécier les fleurs éphémères puis nous retrouver cet automne dans la forêt ou les vignobles parés de leurs ors. Que faire cet hiver ? Bosser.
Ybabel
Oui il faut aller au-delà des maitres à penser, au delà de tout ce qui a été dit, expérimenté, vécu, expliqué, théorisé, écrit, au delà de tout ce qui a finalement échoué, et qui nous pousse tous là, ici, ou nous sommes, au tournant, qui s’avère incroyablement NEUF! Tellement neuf que peu d’entre nous semble capable d’en saisir réellement la portée! Car certaines croyances ont la vie dure, très dure!
@L’enfoiré
heu, désolé, mais je n’ai rien compris a votre réponse. Pouvez vous expliciter un peu ? qu’est-ce qui marcherait au juste ? et qu’est-ce qui ne marcherait pas ?
Je n’ai rien proposé comme solution, sauf de cesser d’en chercher UNE seule a appliquer partout pour tous les hommes.
Vous suggérez donc qu’il faut au contraire continuer sur la voie qui nous mène dans l’abime, c’est à dire, vouloir UNE solution, une pensée unique, une seule manière de voir, concevoir et vivre le monde ? Une seule loi (étalée sur quelques centaines de milliers de pages) pour tous ? Une seule monnaie ? un seul bloc économique ? etc…
car c’est ce qui est mis en place actuellement par le gouvernement supranationnal, a coup d’ACTA, de SWIFT, de codex alimentarius, d’OMC, d’ONU, etc…
Je le répète, en dehors de quelques principes communs évidents, je ne vois pourquoi (par exemple) tout le monde devrait se plier aux même lois concernant l’avortement ou l’euthanasie. Chacun selon sa religion, sa sensibilité, devrait pouvoir choisir son cadre (juridique, économique, etc…) au lieu d’avoir une loi avec 1000000000 exceptions (bon c’est sur ca fait tourner le business). Je prends volontaire des sujets sensibles. Je le redis encore : qu’on soit d’accord pour « ne pas tuer, violer, piller, voler », ok (liste non exhaustive) mais pour le reste …
Il y a au moins un philosophe contemporain qui a tenté de réfléchir au bonheur de façon assez pratique, c’est Robert Misrahi:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Misrahi
http://www.liberation.fr/societe/06011732-robert-misrahi-je-suis-heureux-sans-vergogne
Il ne demande pas à la politique de fournir le bonheur mais de travailler à fournir un cadre qui le permette. Il insiste sur l’importance de l’éducation et en particulier de la philosophie de la vie, de la joie. Une piste simple qui ne conduit à aucun isme.
@ybabel
J’aime beaucoup ce que vous dites.
« Nous avons besoin d’une véritable révolution de la pensée. Nous avons besoin d’aller au dela des anciens maitres à penser, tels que Freud ou d’autres. Ils ont eu leurs temps. Le notre est d’oser. »
Je pense que pour aller au delà des anciens » maître à penser »,il nous faut transformer, pour cela digérer, absorber et oublier. Oublier dans le sens de désapprendre , pour s’approprier, faire sien. Afin de ne pas se contenter de répéter, de reproduire et d’appliquer une formulation. Chercher la moelle , l’intégrer à la sienne, afin que la pensée et la lettre qui la formule demeure vivante et génératrice de vie.
« Ils nous faut oser aller au delà du « rationnel », ré-investir les émotions, et la pensée magique et même au dela. Pour ceux qui le peuvent. »
Tout à fait d’accord. L’imagination permet la transformation et la création par la respiration de la pensée entre le rationnel et l’irrationnel. La raison faisant la part des choses ,à condition d’user de raison de façon « raisonnable ».
Mes premiers livre de sagesse furent les contes de fée.
« Riquet à la houppe », « la Bergère et le Ramoneur », « Rose Rouge et Rose blanche », « La malle magique », »Le petit Poucet », »Le petit Soldat de Plomb », »Les Habits Neufs de l’Empereur », »la petite fille au Allumettes »………et tant d’autres. Les contes chinois, du continent africain……
Mon favoris est « Le Rossignol et l’Empereur »,il évoque fort justement ce dont vous parlez.
Les illustrations étaient rares, mais donnaient par la grâce du trait un support suffisant, un complément dans les courbes et le trait ,à la lecture, l’imagination faisait le reste.
Pour aller au delà:
La religion, comme point de départ, comme matrice première de la pensée spirituelle. Point de départ d’une mise en route vers d’autres pensée religieuses,afin toujours de chercher la moelle.
En quête de vérité, on finit par la trouver, entre les lignes. Elle est universelle dans l’Esprit et singulière et multiples dans la formulation de chacun. Pour conquérir la Dimension qui n’en est plus une mais qui englobe toutes les autres. La dimension spirituelle,elle même est la Vérité,en tant que dimension contenant des vérités. Un espace qui n’en est pas un, un temps qui n’en est pas un . Indéfinissable,mais pleins de définis. Régénératrice.
La religion,n’enseigne aucune vérité dans ses principes,mais pose des repères,balisant l’espace temps,donnant quelques clef. Sa vérité n’est pas dans ce qu’elle énonce,elle n’est pas dans la lettre mais dans l’esprit de la lettre.Chacun se construit vérité parmi d’autres dans la Vérité Vivante Universelle des êtres et des choses.
C’est pourquoi je pense que nous sommes tous des vérités qui devons apprendre à ne pas nous porter ombrage. J’aime l’image de l’arbre. Comme un arbre,la pensée magique,spirituelle,
intellectuelle fait l’ »Homme ».
Afin de ne pas s’égarer dans le délire, elle doit s’enraciner dans la matière comme l’arbre dans la terre. L’esprit s’humilie dans la terre pour mieux s »élever,pour grandir il faut descendre, pour aller vers il faut aller au dedans.
D’en bas la pensée s’élance,chacun à sa hauteur, chercher la lumière,l’espace, déployant sa ramure, allant respirer,chercher l’inspiration.
L’Humilité à souvent été mal comprise, et confondue avec humiliation, devant s’exprimer par la pauvreté. L’Humilité est d’abord ce qui permet de laisser la place aux autres de partager l’espace-temps de la Création permettant à la vie de foisonner et de croitre en milliers de singularités,toutes distinctes et pourtant Une.La cohésion de l’ensemble c’est l »‘Amour »,l’ »Amitié »
Ainsi qu’il est dit par les aborigènes australiens, » au commencement était le temps du rêve ». Au commencement de chaque chose, il y a un rêve.
La Raison, par l’art de la Justice répartit les poids et les mesures dans l’établissement de la structure. L’imagination de la même façon habille la structure. Ce qui est juste est sain est beau,même et surtout grâce à ses imperfections. L’imperfection crée la surprise, le mouvement,qui est le propre de la Vie.
Les adeptes du nombre d’or sont tombés dans le piège qui consiste à confondre la fin et les moyens. Le culte de la perfection, scelle la mort et la fin de l’enchantement, en figeant une oeuvre dans le temps et l’espace, pour la postérité. L’oeuvre est adulée et l’Art disparaît au profit d’une oeuvre morte.C’est la fin de toute création. » Le Roi Midas » ou la mauvaise compréhension de l’Or.
Quand j’étais en dépression mon fils m’a offert la trilogie du « Seigneur des Anneaux », cette lecture entre autres,m’a fait me sentir comme une plante que l’on sortait de son pot et que l’on mettait en pleine terre enrichit de terreau.
J’y ai ramassé un truc, « briser une chose pour savoir ce qu’elle contient n’est pas la voie de la sagesse ». J’en ferais sûrement quelque chose, on verra bien.
Les contes,les légendes,les mythes, sont autant d’oeuvres au sein desquelles on chemine, le long des phrases, de l’écriture,des ponctuations, de la musique des mots. Immobilisée dans ma jeunesse par des soucis de santé, tout me servait de support pour partir en vagabondage les mains dans les poches a la rencontre de moi même des autres, du tout autre, de Nous,du Monde. J’y allait de paysage luxuriant, en terres hostiles, traversant des marécages, des désert, débouchant sur des plaines……..etc. Je m’y perdais tantôt , puis je retrouvais ma route. Grâce aux autres voyageurs, ceux qui m’accompagnaient, les » miens »,ma « tribu ». Et tous ceux que j’ai croisé en route.
Dans une histoire chacun y trouve quelque chose selon sa capacité de « compréhension, son entendement, son ‘imagination.
Ramassant ici et là de quoi me sustenter, mettant dans ma besace toutes sortes de choses, constituant un trésor de bric à brac. Plus ou moins utiles et précieuses, certaines dévoilant leur valeur des années plus loin. Ma besace c’est comme le sac de Mary Poppins ,on y trouve de tout, mais pas Tout.
Je rentre difficilement dans un texte plus rigoureux, c’est là un désavantage,j e m’y ennuie. Il suffit que la même pensée se formule dans une parabole ou un image pour que j’y retrouve ma route.
Une forme de paresse intellectuelle, ma limite.
Je n’affirme ici rien de moins, n’y de plus que ma petite vérité, ma petite science,mon petit art, ma petite oeuvre personnelle. Elle s’arrête ou commence toutes les autres. Les vôtres à Tous.
Une vérité partant à la rencontre des autres se perpétuant et continuant de croitre dans l’échange.
Merci
Amitié.
http://www.youtube.com/watch?v=PUh1JHVYpZY
« Telle qu’elle nous est imposée, notre vie est trop lourde, elle nous inflige trop de peines, de déceptions, de tâches insolubles. Pour la supporter, nous ne pouvons nous passer de sédatifs… Ils sont peut-être de trois espèces: d’abord de fortes diversions, qui nous permettent de considérer notre misère comme peu de chose, puis des satisfactions substitutives qui l’amoindrissent; enfin de stupéfiants qui nous y rendent insensibles. L’un ou l’autre de ces moyens nous est indispensable. » (Sigmund Freud)
Néanmoins j’ai une objection sur la définition du bonheur, votre honneur: en lointain cousin des vieux chinois, il me semble que le plaisir (jouissance) et le déplaisir (souffrance) sont intimement liés.
En neurobiologie, Jean-Didier Vincent a remarquablement démontré avec « les processus opposants » que le centre du plaisir et celui de la souffrance étaient proches et que la stimulation de l’un amenait invariablement celle de l’autre par effet « rebond » (pour faire bref).
Or nous parlons du bonheur, ce qui me semble assez éloigné. Le bonheur, me semble-t-il, est la suppression (ou très forte diminution, qui peut prétendre au bonheur absolu?) de cette alternance incessante plaisir/déplaisir qui caractérise notre fonctionnement.
La jouissance sans entraves n’empêche en rien de connaître le « post coïtum triste », et chacun a pu faire l’expérience de l’arrivée d’une certaine tristesse en « descente » d’un plaisir d’une intensité hors du commun.
Quant à la création d’une société plus intelligente qui aurait le bon sens de récompenser l’éthique, c’est une évidence qui devrait sauter aux yeux de toute personne un peu sensible à l’état des lieux.
Et merci, Ô facétieux tavernier, de terminer le paragraphe « questions essentielles » avec ce rire révolutionnaire!
Solutions : ataraxie, nirvana, contemplation béate, Prozac, bromure.
Commentaire très intéressant.
Merci de votre remarque sur Jean-Didier Vincent qui apporte de l’eau à mon moulin, travaillant actuellement sur une conférence : « Psychanalyse et musique ».
Votre commentaire sur la notion de plaisir/déplaisir m’interpelle. Non seulement parce que c’est l’une des caractéristiques majeures du fonctionnement de l’inconscient selon Freud, mais aussi parce qu’il trouve son prolongement en musique avec celui de tension/détente dont la présence est quasi-universelle.
Schopenhauer en parle aussi, d’une certaine façon quand il écrit que la vie oscille, tel un pendule, entre le désir et l’ennui.
Si véritablement, ce mouvement oscillatoire est un constituant fondamental de la vie, je crains que personne ne puisse y échapper, et encore moins que le bonheur puisse être une conséquence de sa diminution. Bien au contraire, le bonheur réside, peut-être, justement dans cet entre-deux, entre le désir (amour, amitié, désir de partage) et sa réalisation. Bloquer ce mouvement aboutit au contraire à créer des névroses selon Freud ou des frustrations dont l’accumulation rendrait malheureux.
Quant à la qualité et la longévité de ce bonheur, de cet entre-deux, ils reposent sur l’objet du désir. Il est souvent très fugace quand il repose uniquement sur des désirs matériels, il peut prendre une plus grande consistance quand il recherche l’amour, l’amitié désintéressée, la connaissance intellectuelle ou spirituelle. Je ne sais pas si, comme le prétend Boukovski (voir plus bas), « le bonheur n’est jamais quelque chose que l’on veut » et que « la volonté n’a aucune prise directe sur lui », je pense néanmoins qu’il nécessite un minimum d’effort pour y parvenir, un effort de volonté qui ne doit pas porter sur la recherche du bonheur à tout prix, mais sur l’éducation de nos désirs.
Taotaquin,
D’accord pour l’éthique.
Regardez-vous les étiquettes collées sur ce que vous achetez, plutôt que le prix?
Je me rappelle notre magazine des consommateurs « Test achat » qui s’est trouvé entre deux chaises quand ils ont sorti un article sur l’éthique des produits et qui dès les pages qui suivaient, ne s’intéressaient plus qu’au prix.
Vigneron,
Vous connaissez le viasac?
C’est un médicament terrible. On ne bande plus, mais on s’en fout.
🙂
@ Jean-Luc D.
« La vie oscille, comme une pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui. » (Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation)
@l’enfoiré
Rions un peu. Petite gausserie disgressive sur les pepsychologues…
– « Je suis allée voir un nouveau psy avec mon fils de 15 ans qui fait toujours pipi au lit. 10 séances chacun séparément.
– Et alors? Quel résultat?
– Fôôrmidââble, ma chérie!
– Super! Il fait plus pipi au lit?
– Si, si! Mais autant lui que moi, on s’en fout totalement! »
Merci Loïc d’avoir rétabli la citation exacte. Je l’avais écrite de mémoire.
Quoi qu’il en soit, même si j’ai remplacé la souffrance par le désir (je devais à ce moment-là penser à Platon), Schopenhauer lie la souffrance au désir, si ma mémoire ne me fait pas encore défaut.
@ Jean-Luc D.
De Jean-Didier Vincent, le Buster Keaton de la neurobiologie 🙂 , si vous ne les connaissez déjà, je vous conseille « Biologie des passions » et « La chair et le diable », mes favoris.
L’humour est partout présent, ironie glacée et ellipses garanties !
@ L’enfoiré:
Je ne mange pratiquement que des fruits et légumes et je cherche ceux qui ont le moins voyagé mais ce n’est pas toujours facile, (surtout en ce qui concerne les olives 🙂 ) dont je raffole.
@ vigneron:
Savez-vous qu’avec quelques exercices respiratoires simples ont atteint un degré de plénitude assez étonnant ? Et pourquoi la contemplation vous semble-t-elle tellement stupide ?
La religion est probablement l’opium du peuple (de tous ceux qui se prosternent en général) mais le clin d’oeil philosophique (je ne m’intéresse pas à une philosophie qui ne renvoie au sourire, à l’ironie) c’est tout de même d’un autre ordre que le bromure, ne pensez-vous pas ?
@taotaquin
Mes trois premières inspirations nicotinées de la journée illusionnent mon âme, je vous assure, d’une intense plénitude béate, à proportion du goudron dont elles tapissent mes poumons. Mais je doute que ce sentiment intense participe en quoi que ce soit au bonheur universel, si ce n’est que, taxé à quatre-vingt %, il contribue grandement au bien public. 🙂
Vigneron
C’est dur le cynisme!
@Cœur
Le cynisme…Si ça n’était que dur au cœur, on en userait pas tant. C’est aussi doux et tiède à l’âme qu’une fourrure à un corps nu en Sibérie.
Non non !
Le cynisme n’est ni dur , ni tiède , ni doux : il est mou .
On s’y enfonce comme dans des sables mouvants .
Le « post coitum triste » n’est pas une fatalité. Les taoistes et les tantriques ont appris à l’éliminer « physiologiquement ». Donc il doit bien y avoir moyen de ne pas y être soumis « économiquement » aussi.
@juan
Vous n’y êtes pas resté englué pour en parler ainsi! Et en sortîtes tout propre. Sans doute aviez vous des raquettes aux pieds… Ou y trempâtes-vous un orteil circonspect, fermement accroché, d’une main rassurante,à un piton de confiance? 😉
Vigneron
Effectivement vous savez ce que c’est, vous y êtes jusqu’au cou! Sortez de là et voyez ce qu’il y a autour, peut-être aurez-vous envie de participer!
@Cœur
Désolé mon p’tit Cœur, mais je n’ai jamais Rien appris par cœur, et n’ai aucune envie de commencer à m’y mettre aujourd’hui.
Deux petits extraits de Diogène Laërce: Vies, doctrines et sentences des
philosophes illustres. Sur un autre cynique Livre VI Diogène:
http://fr.wikisource.org/wiki/Vies,_doctrines_et_sentences_des_philosophes_illustres/6/Diog%C3%A8ne#cite_note-3
@Jean-Luc D.
Que pensez vous du livre du Docteur Jacques Vigne « Méditation et psychologie » Albin Michel.1996
« Psychiatre français vivant en Inde, auteur de « Eléments de psychologie spirituelle » et « Le Maître et le Thérapeute »,le Dr Jacques Vigne » propose ici une synthèse magistrale sur les avancées de la recherche psychologique internationale, conduite autour de ce que l’on appelle « la biochimie de la croyance » et sur les études concernant les réels effets psychosomatique des diverses formes de méditation. «
@ Coeur :
Vous ne pouvez pas lutter contre Diogène ! Il n’y a d’ailleurs rien à discuter avec Diogène .
Juste lui balancer un scud de La Rochefoucault , un autre pas si cynique que ça :
» l’hypocrisise est un hommage que le vice rend à la vertu . »
Et pas si misogyne non plus qu’on pourrait le croire , lui qui a écrit sur l’amour , cette définition que je vous soumets , Coeur :
» Il est difficile de définir l’amour . Ce qu’on peut en dire est que , dans l’âme , c’est une passion de règner; dans les esprits , c’est une sympathie , et dans le corps , ce n’est qu’une envie cachée et délicate de possèder ce que l’on aime après beaucoup de mystères . »
Si Freud veut aussi répondre , il est bienvenu .
Où je m’appuie ,non pas sur des raquettes pour sortir des sables mouvants , mais sur les sables mouvants pour planter un piton :
http://www.climat2050.fr/articles.php?lng=fr&pg=107
Juan… Tout ce beau développement de professeur émérite sur la fin du néolithique mâtiné de Goya, de fin du politique et de « biogée » pour finir par appeler de ses vœux une république des sciences… Comme si on y était pas depuis deux siècles. J’aurais préféré, à la rigueur, des philosophes ou des sages, Platon aussi.
C’est de plus en plus Michel Serre à rien. Ou Michel Serre-tête peut-être, pour arranger un peu les coiffures en désordre.
Ne tirez pas trop sur ce piton, j’ai bien peur qu’il lâche traitreusement.
PS: Ah si, j’oubliais, il restera dans l’histoire de la pensée (histoire oulipienne s’entend) comme un des rarissimes « philosophes » palindromes. Mais bon, j’ai pas cherché longtemps, c’est peut-être, aussi, très commun!
Quelques beaux exemplaires de palindromes connus:
« Tu l’as trop écrasé, César, ce Port-Salut ! » (alexandrin attribué à Victor Hugo)
« La mariée ira mal. » (Auteur inconnu)
« La mère Gide digère mal. » (Louis Scutenaire)
« Élu par cette crapule. » (Auteur inconnu)
@ Saule
J’aimerais bien en penser quelque chose, mais ne connaissant pas cet ouvrage, j’aurais beaucoup de mal à vous en donner un avis (à chacun ses limites). Mais de votre côté qu’en pensez-vous? et surtout quels sont les liens entre cet ouvrage et mon propos? Les infirment-ils ou les confirment-ils?
Le bonheur n’est-il pas dans la puissance d’agir, la recherche de l’éthique, et donc en fait dans l’adaptation ?
Yves Citton reprenant les propos de Spinoza :
« L’éthique c’est développer une intelligence de ce qui nous convient. »
http://www.mediapart.fr/club/blog/bout-de-souffle/240510/yves-citton-traverse-par-huit-fois-spinoza
Car Spinoza avait différencier morale et ethique
source
http://www.webdeleuze.com/php/texte.php?cle=11&groupe=Spinoza&langue=1
Extrait : « ….sur cette ligne mélodique de la variation continue
constituée par l’affect, Spinoza va assigner deux pôles, joie-tristesse, qui seront pour lui les passions fondamentales, et la tristesse ce sera toute passion, n’importe quelle passion enveloppant une diminution de ma puissance d’agir, et joie sera toute passion enveloppant une augmentation
de ma puissance d’agir.
Ce qui permettra à Spinoza de s’ouvrir par exemple sur un problème moral et politique très fondamental, qui sera sa manière à lui de poser le problème politique: comment se fait-il que les gens qui ont le pouvoir, dans n’importe quel domaine, ont besoin de nous affecter d’une manière triste? Les passions tristes comme nécessaires. Inspirer des passions tristes est nécessaire à l’exercice du pouvoir. Et Spinoza dit, dans le Traité théologico-politique, que c’est cela le lien profond entre
le despote et le prêtre, ils ont besoin de la tristesse de leurs sujets.
Là, vous comprenez bien qu’il ne prend pas tristesse dans un sens vague, il prend tristesse au sens rigoureux qu’il a su lui donner: la tristesse c’est l’affect en tant qu’il enveloppe la diminution de la puissance d’agir. »
« …Il y a une différence fondamentale entre éthique et morale. Spinoza ne fait pas de la morale, pour une raison toute simple: jamais il ne se demande ce que nous devons, il se demande tout le temps de quoi nous sommes capables, qu’est-ce qui est en notre puissance ; l’éthique c’est un problème de puissance, c’est jamais un problème de devoir. En ce sens Spinoza est profondément immoral. Le problème moral, le bien et le mal, il a une heureuse nature parce qu’il ne comprend même pas ce que ça veut
dire. Ce qu’il comprend, c’est les bonnes rencontres, les mauvaises rencontres, les augmentations et les diminutions de puissance. Là, il fait une éthique et pas du tout une morale. C’est pourquoi il a tant marqué Nietzsche. «
Remarquable travail de funambule.
Aucune ironie dans mon commentaire.
bonjour,
il est intéressant de constater à quel point cet homme destiné de par son métier à régler les malheurs individuels de l’être humain ait un jugement aussi négatif sur les résultats de son activité.
cette phrase, » l’homme le plus libre est nécessairement aussi celui dont la vie moyenne est la plus courte », accouplée avec cette autre « L’homme civilisé a fait l’échange d’une part de bonheur possible contre une part de sécurité », met en lumière le choix fondamental qui s’impose à l’homme, comme le résultat de son libre-arbitre. il peut décider de prendre le risque d’être libre, en faisant le pari de tenir le plus longtemps possible, ou celui de s’assurer une vie plus stricte (sécurité), en espérant ne pas être déçu.
le premier va de l’avant, le second freine des deux pieds. mais même s’il semble qu’aujourd’hui la « civilisation » impose de préférer la sécurité à la liberté, il n’en a pas toujours été ainsi. mais une chose ne change évidemment pas, c’est l’inéluctable fin. et ce n’est qu’une fois acceptée l’idée de la mort, que le bonheur peut être total. accepter cette idée, c’est être prêt à mourir demain, ou dans dix ans, et apprécier chaque moment comme une goutte de bonheur offerte par la nature.
malheureusement, notre société ne sait plus mourir, et craint de vivre par peur de mourir. elle préfère la sécurité à la liberté, et je le déplore. car je considère que l’homme est fait pour le bonheur. autrement, la « Création », comme dit Freud, n’aurait pas fait les hommes capables de jugement.
Oui !!!
Caleb Irri je vous rejoins dans la défense de la liberté en priorité !
il me semble que le mimétisme de girard est un principe holoniste qui explique simplement le tout
est,la philosophie boudhiste,la voie.yoda
Pour une autre réflexion, d’un point de vue marxiste en économie politique, s’efforçant d’intégrer crise mondiale du capitalisme + peak oil + réchauffement climatique + effondrement de l’Empire, voir le point de vue surprenant et intéressant d’un chinois de Tien-an-men, devenu pourtant et après coup marxiste et professeur aux USA, Minqi Li:
http://www.scribd.com/doc/20988850/Minqi-Li-The-Rise-of-China-the-Demise-of-the-Capitalist-World-Economy
« Le règne du rationnel est sous nos yeux et voila les fruits que nous en retirons. »
Je ne vois pas bien en quoi notre époque et les fruits retirés ont quoi que ce soit à voir avec la rationalité, mis à part quelques tournevis techniques qu’on s’est vite empressé de mettre en œuvre de façon discutable. Est ce que le principe de main invisible de l’économie est rationnel ?
Probablement pas, c’est pourtant elle qu’on nous a tant vantée.
Quant à Spinoza ou Deleuze, bof. Des effets de manche, sans plus.
Freud est clair à lire et il fallait, sans doute, qu’il s’exprimât ainsi.
Mais ceci dit, il est absolument lugubre. Nous voyons là sa projection et son « désir ». Il me fait penser, c’est déjà loin, aux bonshommes des dessins de Chaval aux figures sinistres (vraiment freudiennes) mais des figures sinistres qui construisaient (sûrement à leur corps défendant) des situations désopilantes.
Avec Lacan, on commence à rigoler un peu. En effet, on peut être sérieux sans se prendre au sérieux. Voilà l’essentiel.
Entre autres Freud écrit, rapporté ici:
« »du côté du monde extérieur, lequel dispose de forces invisibles et inexorables pour s’acharner contre nous et nous anéantir ; la troisième menace enfin provient de nos rapports avec les autres êtres humains » (Freud [1929] 1970 : 20) » »
et il écrit:
« »(….) la production d’illusions collectives rassurantes comme la religion (« une déformation chimérique de la réalité » générant des « délires collectifs » [ibid. 25])
Franchement, enrichir constamment un pays et se retrouver écrasés de dettes de durée éternelles et impayables, donc dépouillés, et le comble, dépouillés par d’autres hommes bien tranquilles qui se sont mis la « loi » dans la poche. Soit disant s’enrichir et la majorité des producteurs se retrouver sous la menace de la précarité et de l’exclusion, plus un chômage massif à l’époque de l’automatisme galopant sans que le progrès ultra-moderne d’accomplissement des tâches de servitude puisse arranger grand’chose dans le destin de ceux qui ont perdu leurs très maigres revenus car remplacés par des machines appartenant aux seigneurs, plutôt aux saigneurs et maîtres, et ceci, même sous la démocratie politique d’une république libérale… En plus cette « république » écrase d’imôts ceux qui n’ont pas les moyens de les payer, tandis que des mêmes « citoyens » de cette même république, mais citoyens très riches, eux, ont les moyens de ne pas payer d’impôts, etc, etc, etc, que quelques financiers, Madoff et cie, détournent des sommes que mettraient des siècles et des millénaires de travail effectué sous la shlag le menu fretin du monde du travail, etc, etc, ce n’est pas du délire tout ça?? Il pourrait y avoir là tout un livre non exhautif. La religion est de tout repos à côté de ça!
Je crois que ce qu’écrit Freud se rapporte à la notion qui lui est très antérieure, celle du péché originel, la chute eschatologique. Si l’on arrive à avoir une idée assez claire de ce qu’est, en physique, le deuxième principe de la thermodynamique, et bien c’est un effet, en physique, du péché originel ou chute originelle. Ça me paraît cohérent. En effet, ne pas pouvoir, jusqu’à plus ample informé, accéder au mouvement perpétuel relève de cet état des choses. Car toutes les choses, en principe, se répondent les unes les autres visiblement et invisiblement.
Je trouve Freud remarquable parce qu’il est confondant de perspicacité et de profondeur. Il ne convient pas à tout le monde, notamment aux « optimistes », comme ils se définissent eux-mêmes. Il est « lugubre », c’est sa personnalité. Il s’intéresse surtout au côté « malade » de la personnalité. Mais, quelle puissance révélatrice des maux qui nous rongent ! Et, par ailleurs, n’illustrez-vous pas vous-même un constat négatif du monde qui nous entoure. Alors, lugubre mais plutôt vrai quand même. Pour voir les choses de manière plus positive, devons-nous nous persuader que les choses pourraient en fait encore aller plus mal ? Quels sont les éléments positifs et agréables dont parlait Lacan ?
(Senec dit :
3 août 2010 à 18:59)
Réponse Rumbo
Je ne dis pas que Freud ne dit pas de choses vraies, mais il a un côté docteur Knock (Louis Jouvet en moins). Personnellement je trouve interessantes les sciences PSY, seulement elles se sont développées surtout à partir de la pathologie humaine laquelle fut à l’origine de leurs champs d’investigations. Cela me rappelle une discussion il y a longtemps à la TV (alors en noir et blanc, c’était au début de la conquête spaciale) où plusieurs médecins parlaient des conditions physiques que devaient avoir les astronautes, l’un d’entre eux dit alors que, dans le fond, les médecins n’avaient pas de références précises sur la « bonne santé » humaine, et ceci m’interpela. Sûrement que la bonne santé du corps physique est, d’abord, l’absence de signaux et d’effets de pathologie. En principe, il en est de même du corps psychique (à la structure du corps physique correspond, normalement, une autre structure invisible, mais omniprésente, c’est le « corps » psychique et sa structure qui nous est propre à chacun, mais structure quand-même. Nous en somme au tout début de la connaissance du psychisme humain et de ses potentialités. Mais pour ça il faut les reconnaître et le champ pathologique ne « fonctionne », sauf erreur et par définition, que par « défaut ». Le psychisme est encore le parent pauvre, très pauvre, des connaissances humaines.
Quant à Lacan, son apport par rapport à Freud, c’est l’implication du langage. On pourrait résumer les investigations du Dr Lacan par ceci: Nous sommes « parlés » par le langage tout autant que nous parlons par le langage; il y a là plein de téléscopages féconds à plus d’un titre. C’est un peu plus réactivant et allègre que les sermons broyant du noir du Dr Knock, pardon du Dr Freud.
La mélancolie à haute dose ne peut sans doute pas être un but ou une norme en soi, à moins qu’ « algébriquement », cela produise une décharge d’humour aussi salubre que libératrice.
Article qui m’a particulièrement passionné, merci Paul. A propos de ce qui déclenche la révolution, ça me faisait penser à une question que je me posais il y a peu : pour « déclencher » la bascule de la foule, faut-il que celle ci se sente menacée dans sa survie, ou faut-il que celle ci constate simplement un écart suffisamment grand entre ce qu’elle pense être « une vie normale » et sa vie ? Je pensais longtemps que la réponse était la première hypothèse, je penche maintenant pour la seconde…
Il y a de fortes probabilités pour qu’il faille les deux motivations pour parvenir à enclancher le levier de vitesses .
« Les peuples n’ont jamais que le degré de liberté que leur audace conquiert sur la peur ! » ( STENDHAL )
Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »
Benjamin Franklin
Jacques Prévert : « Quand la vérité n’est pas libre, la liberté n’est pas vraie. »
« Le prix de la Liberté, c’est la vigilance éternelle » (Gabriel Garcia Marquez)
et encore:
Celui qui est venu sur terre pour ne rien troubler ne mérite ni estime ni respect
René Char (de mémoire, à quelque chose près…)
Révolte. Intolérable.
On en vient au sentiment d’injustice, ou au sentiment de justice dans son opposé, en tant qu’absence, partiellement ou non.
Pour Aristote, « (…) ce sont les actions conformes à la vertu qui sont en elles-mêmes les vrais plaisirs de l’homme. Elles ne sont pas seulement agréables ; elles sont en outre bonnes et belles (…) ». [Ethique à Nicomaque].
Or, pour le stagirite, la justice est une vertu spécifique car « complète » (par « rapport à autrui », non pas seulement pour soit).
Le bonheur est donc la possibilité, pour l’homme qui sait en juger, de constater que ses actions sont ‘justes’ et inversement, le malheur est l’impossibilité d’en juger ou de constater qu’elles ne sont pas justes (ou que les actions d’autrui qu’il juge justes ou injustes lui procurent du bonheur ou du malheur).
L’absence de justice ou l’injustice est donc un des ‘malheurs’ les plus ‘complets’ de l’homme.
Aristote a trouvé d’ailleurs l’outil permettant d’exercer ce bonheur :
Et « (…) le but de la politique, telle que nous la concevions, est le plus élevé de tous ; et son soin principal, c’est de former l’âme des citoyens et de leur apprendre en les améliorant , la pratique de toute les vertus. Nous ne pourrons donc appeler heureux, ni un cheval, ni un boeuf, ni aucun autre animal quel qu’il soit ; car aucun d’eux n’est capable de la noble activité que nous assignions à l’homme ».
Par la politique, l’homme peut donc exercer ses vertus et la première d’entre elles, la justice.
Par la politique, l’homme peut aussi réaliser des actions conformes à ces vertus, qui lui procureront le plaisir, le bonheur.
On comprend mieux ainsi l’article 1er de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1793 :
« Le but de la société est le bonheur commun. »
Bonheur dont la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis de 1776 reprend sous cette forme : « Tous les hommes sont créés égaux; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur.
Le propos de rendre heureux les hommes n’a donc pas toujours été relégué au second plan. Et en tout cas, bien avant les révolutionnaires, Aristote avait déjà trouvé une clef.
Article superbe. Je n’avais plus ressenti cela depuis ma découverte de la grande philosophie à l’adolescence.
Merci pour la danse des canards, merci, je vais en avoir pour toute la semaine, c’est malin.
Jouir sans entraves… Pléonasme? N’est-ce pas l’absence d’entraves qui fait la jouissance?
Le plaisir dans le contrôle, la jouissance dans l’abandon. L’abandon impliquant le risque…de mourir?
Je suis bien incapable d’étayer et peut-être dis-je des bêtises, mais Lacan ne dit pas quelque chose là-dessus?
De ce point de vue, le bonheur est-il automatiquement dans la jouissance?
N’est-ce pas plutôt le malheur qui s’y trouve engagé?
N’y a-t-il pas de la souffrance à jouir?
Les témoignages d’addiction sexuelle disent la souffrance à jouir, l’absence de plaisir véritable.
L’addiction aux jeux d’argent est liée aussi à la libido me semble-t-il.
Alors et le boursicotage? Turgescence de la bulle financière, vertige, prise de risque gigantesque
et…éclatement de la bulle…pertes…malheurs insupportables en conséquence pour les populations.
Déni de responsabilité de la part de la finance qui réclame même que l’Etat (nous) éponge, assume les risques pris, et pire, nourrisse et cautionne ce jusqu’auboutisme jouisseur tout puissant (et l’Etat le fait ! Nous acceptons!!!) Sans plaisir et jusqu’à l’agonie dont il se nourrit désormais à l’os, comme un toxicomane ne jouissant plus de ses shoots et en en ayant pourtant un besoin mortifiant et mortifère pour les sociétés.
Le citoyen agressé par un toxico. Mais le citoyen responsable de cet état de fait. Responsable du point de vue du modèle qu’il a promu lui aussi, responsable du point de vue de ses démissions-compromissions, responsable du point de vue des changements à conduire, jusque et y compris dans son ambivalence de citoyen-consommateur , supposé roi, avide de satisfactions immédiates et satisfaites? dans une surenchère de promesses d’hédonismes, au prix du malheur des autres, des siens, de lui-même, réduit à être l’objet de sa propre souffrance-jouissance.
Oh la, qu’il est tard.
Pardonnez ma surenchère discursive.
Je poste quand même, merci de modérer
des fois que l’heure tardive m’ait fait perdre la raison.
(oui, on se trouve les excuses qu’on peut)
Je pars 4/5 jours dans une zone des oubliés de l’ADSL.
Bon courage.
Gueule d’atmosphère,
(j’adore votre pseudo)
Il n’y a pas longtemps j’ai visité une exposition à l’ULB de Bruxelles qui avait pour titre « Pas ce soir chéri ». La sexualité au cours des deux derniers siècles. Sans complexes, aucun, aujourd’hui?
Pas sûr. C’est à voir. Ca dépend pourquoi.
🙂
freud procède d’une interprétation de la Réalité qui lui est toute personnelle, il ne peut en être autrement étant donné qu’il est impossible de percevoir la Réalité dans sa totalité.
le bonheur me semble être plus abordable par le ressenti que par l’intellect. mais là où je le rejoins c’est sur la question de la promiscuité engendrée par deux siècles de natalité galopante: quand nous nous confrontons de plus en plus souvent à d’autres ‘ressentis’.
… le bonheur est hors d’atteinte en raison de la contradiction entre liberté et sécurité puisque, d’un côté, la jouissance qu’autorise la liberté absolue implique un manque de sécurité insupportable, tandis que de l’autre, la sécurité absolue débouche sur un intolérable manque de liberté.
je ne suis pas sûr que le bonheur soit dans la plénitude, mais ce qui me parait clair c’est qu’actuellement ce ‘contrat’ est caduque, l’homme désirant vivre libre (et pas longtemps donc) ne peut plus échapper à l’hypertrophie sécuritaire. et loin de protéger la Liberté dans son aspect naturel, nous renforçons traçage et vidéosurveillance.
la Liberté souffre mal le relativisme et la discution, c’est la première des trois valeurs républicaine et ce n’est peut-être pas pour rien. c’est quelque-chose de simple et émancipateur, à quoi il faut savoir accorder la priorité sans autre forme de considération.
correction:
jusqu’à l’agonie d’un système dont il se nourrit à l’os
Bonjour ,je rejoins TAOTAQUIN,l’un n’est pas sans l’autre :point de bonheur sans malheur ,point de vie sans mort .Sans la souffrance le bien etre, qui nous contente, ne serait apparent.
A mediter aussi : Irm Kertech »je regrette le bonheur du camp de concentration. »
Amities a tous
Excusez moi l’erreur ,le prix nobel de litterature: Imre Kertesz
Merci pour cette intéressante synthèse.
« Sur le plan social, l’homme est condamné à choisir entre la jouissance la plus libre dans des conditions pénibles d’isolement, où le souci de sa sécurité doit primer sur tous les autres, et le sacrifice de sa liberté chérie pour s’assurer le niveau de sécurité qui lui évitera de vivre dans une anxiété permanente. »
C’est de vous, ou bien tiré de Freud ?
Il faudrait argumenter, car beaucoup plus de gens se sentent à la fois plus en sécurité ET plus libres lorsqu’ils sont entourés de leurs proches, de leurs amis. Il est vrai que ces liens affectifs créent des contraintes, mais ce sont des contraintes librement acceptées, et même voulues, créées, maintenues et appréciées en tant que telles. Ce sont elles qui nous permettent de vivre en tant qu’être humain – animal social doué de raison.
En passant, voici un extrait d’interview de Hayek tout à fait à propos, puisqu’il parle de Freud, de la répression des instincts, et de l’évolution des comportements sociaux dans les sociétés civilisées.
http://hayek.ufm.edu/index.php?title=Axel_Leijonhufvud
Cliquer sur « Three sources of human values » dans le menu déroulant à droite pour aller directement à la partie intéressante
Utile peut être de remettre les propos de Jacques Genereux
« La véritable émancipation c’est se libérer des liens qui étouffent en créant de nouveaux liens qui libèrent »
http://www.dailymotion.com/video/xaey9a_la-nouvelle-emancipation_news
L’individu isolé n’est rien.
Sinon nous n’aurions pas besoin du blog…(rires + applaudissements ! Merci)
La famille, le clan, la tribu, la collectivité, etc. tout cela a été combattu par la domination avec un succès certain.
L’individu, de plus en plus isolé au milieu d’un champ de marchandises qui se transforme en un champ de ruines, de plus en plus séparé de sa production et de ses semblables devient corvéable à merci.
C’est cela la réussite du capitalisme moderne : deux générations successives ont été élevées selon les lois de la marchandise et du système d’illusion que la logique de la marchandise, c’est à dire le capital, a réussi à mettre durablement en place.
Durablement, mais pour combien de temps ?
La simple existence de nos discussions montre que l’aliénation n’a pas encore vraiment gagné.
Absolument. Mais l’attribut « étouffant » ou « libérateur » d’un lien social n’est pas objectif mais subjectif.
La vidéo de Généreux est intéressante. Il distingue les contraintes naturelles et les contraintes sociales. Il conteste l’idée que nous serions déjà affranchis des contraintes du milieu naturel, et l’idée que nous sommes déjà libérés des déterminismes sociaux. Donc je ne suis pas libre parce que je ne peux pas manger sans travailler, et que je parle la même langue que mes parents. Influencé, aliéné par les contraintes matérielles et les origines sociales. Zut de zut !
Je me moque ici (gentiment) de l’idée selon laquelle toute influence de notre environnement matériel, intellectuel et spirituel serait nécessairement aliénante. On la trouve chez Freud, chez Marx, chez Rousseau, et bien d’autres. Mais il y a à prendre et à laisser dans ces contraintes. Certaines m’importent peu, et d’autres me sont insupportables. Mais ce ne seront pas forcément les mêmes que vous.
Dans son exposé, Généreux explique brillamment ce qu’il appelle le renversement socialiste. Après avoir libéré l’individu, on est arrivé au constat qu’une somme d’individus libres atomisés ne faisait pas une société. On ne construit pas la société en libérant les individus, mais au contraire on libère les individus en construisant la bonne société. On passe d’individus atomisés à une société libérée, c’est-à-dire les fameux liens qui libèrent, par opposition aux liens qui étouffent.
C’est une très belle rhétorique. Malheureusement, elle échoue à mettre tout le monde d’accord parce que nous n’avons pas tous la même idée de la bonne société. Je reviens à mon idée ci-dessus, qui est que le caractère agréable ou désagréable des liens et interactions sociales est nécessairement subjectif. Les opinions en ce domaine sont donc nombreuses et variées.
Dès lors, vouloir construire la bonne société relève de l’utopie, et ce à plusieurs titres. C’est d’abord un projet titanesque, qu’aucun architecte un peu modeste n’oserait initier. De plus, c’est un projet impossible à partir du moment où l’on cherche à construire le comportement des gens au lieu d’observer ce comportement. Au lieu de regarder ce qu’ils font et préfèrent, on tente de mouvoir les individus comme des automates, de modeler leurs préférences, dans l’espoir que tout cela forme une société harmonieuse. On n’a donc ni les informations, ni les compétences requises pour le projet prométhéen.
D’où l’intérêt de gens comme Hayek et Burke qui souligne l’importance des institutions sociales émergentes, des traditions. Les exemples typiques sont au nombre de trois : le langage, la jurisprudence, et la monnaie. Aucun architecte n’a conçu ces trois institutions. Elles évoluent et s’adaptent localement à nos préférences individuelles, et en même temps elles nous façonnent et forment notre comportement individuel. On retrouve bien la double influence, de l’individu vers la société et de la société sur l’individu.
La tentation consiste à vouloir prendre le contrôle de ces institutions afin de façonner l’individu selon nos souhaits. Dans les cas les moins graves, c’est l’échec, et l’institution continue de vivre sa vie comme si de rien n’était : le français continue d’intégrer des mots anglo-saxons, n’en déplaise à Toubon, et les pirates continuent de télécharger, malgré Hadopi. Mais dans certains cas, les apprentis-modeleurs de société provoquent des catastrophes. C’est particulièrement le cas avec la monnaie, et la crise actuelle l’illustre tout particulièrement…
Le seul intérêt de gens comme Hayek et Burke est, comme il a été dit, qu’ils offrent aux groupes de dominants auxquels ils appartiennent un discours de justification de leurs privilèges. Comme il a été dit aussi de Pareto tout à l’heure : le fait que je sois riche et que vous soyez pauvre est un optimum, c’est ce que la nature veut.
@ Paul
Pas d’accord sur Hayek (Burke je connais moins). Il est extrêmement critique à l’égard des riches et des dominants qui obtiennent leur statut social par la contrainte et les privilèges et non par la coopération volontaire. Donc oui, il est agréable à lire pour un entrepreneur brillant et riche, mais en revanche il donnera des boutons à tout pseudo-capitaliste issu d’un corps d’Etat et qui dirige une entreprise du CAC40 après être passé par un cabinet ministériel, avec une loi de privatisation au passage.
P.S. Je viens de parcourir les échanges dans le billet N° I sur Pareto et son optimum
Le défaut de ce concept, de mon point de vue, c’est qu’il s’applique à des situations et non à des actions. En économie néoclassique, on peut dire d’un état de l’économie qu’il est Pareto-optimal, par exemple. Je ne connais pas suffisamment Pareto pour dire si sa pensée est extrapolée, voire déformée, par ses successeurs. Quoi qu’il en soit, nous avons des idées différentes sur les états de la société qui sont bon ou mauvais. Certains considèrent qu’une répartition trop inégale des richesses est mauvaise, par exemple. C’est pourquoi on n’a pas recours à ces notions chez des auteurs comme Hayek. Pour lui, seules les actions peuvent faire l’objet de jugements de valeur. Quelqu’un qui trouve A mieux que B choisit A. S’il le pense mais qu’il ne choisit pas A… ou s’il n’y peut rien… Ce point divise parfois les libéraux, qui se répartisse entre déontologiques et conséquentialistes. Cf. par exemple cet article : http://www.catallaxia.org/wiki/Gérard_Dréan:Qu’est-ce_que_le_libéralisme
Pour ce qui est de la loi de Pareto (les 80/20), elle est purement descriptive, et pas normative à ma connaissance. Il ne dit pas « c’est ainsi que les richesses devraient être réparties » mais « j’observe qu’elles sont réparties ainsi. »
@Gu Si Fang
Sans vouloir vous offenser, la lecture que vous faites d’Hayek est une lecture néolibérale.
Où croyez-vous que Thatcher et Reagan, entre autres, sont allés puiser leurs idées ?
Je ne sais pas si vous connaissez, mais je vous conseillerais la lecture du ‘grand bond en arrière’ de Serge Halimi. On y parle beaucoup d’Hayek et de ses belles conceptions de la société. Et de son activisme forcené pour les imposer.
A lire également, ‘les évangélistes du marché’ de Keith Dixon
Bonne nuit.
@ Souvarine
Comme auteur critique du libéralisme, je pense que Jean-Claude Michéa est plus intéressant. Il a l’avantage de bien connaître le libéralisme. Il évite le terme de néolibéralisme, et ne tombe donc pas dans ce piège consistant à déformer la pensée de l’adversaire pour la réfuter plus facilement. C’est du moins ce qu’on m’a dit, et c’est ce qui m’a fait acheter son bouquin – L’empire du moindre mal – car je ne l’ai pas encore lu. Pourriez-vous m’envoyer un email à gusifang, sur gmail ? Cdt
P.S. En revanche, j’ai vu le film « L’encerclement – La démocratie dans les rets du néolibéralisme » du canadien Richard Brouillette, et assisté à une soirée-débat avec le réalisateur. http://tinyurl.com/2eaa8n7
@Gu Si Fang
C’est vous qui vous faites piéger ou tenez à l’être, à la fois par Hayek et par Michéa.
Chacun sait que le néo-libéralisme est bien un dévoiement radical du libéralisme de Smith ou des Lumières et Michéa mieux que quiconque. Et s’il parle de libéralisme plutôt que de néo-libéralisme, c’est non seulement pour ne pas subir les foudres de la censure à priori des gens tels que vous; mais aussi pour s’attaquer à sa manière aux fondements fragiles, aux failles du libéralisme originel en lui même qui autorisèrent aussi bien le rationalisme positiviste, le relativisme moral, l’outrance individualiste ou les aberrations idéologiques, de Marx, Trotsky ou Kropotkine jusqu’à Hayek, Von Mises, Randt, Karl Schmidt ou Gobineau.
C’est bizarre, je n’avais pas cette impression négative concernant Hayek. Peut-être que je ne le connais pas assez ? Il m’avait pourtant semblé (du moins sur le site de l’Institut Hayek) qu’il tenait à pourfendre les abus au lieu de pourfendre le simple libéralisme, en parlant de la façon basique d’entreprendre et non des excès spéculatifs qui brisent la concurrence d’une manière déloyale par des excès armés de force financière.
« Le libéralisme exige que tout pouvoir – et donc aussi celui de la majorité – soit soumis à des limites. »
» Il ajoute que la démocratie couplée à l’étatisme tend à devenir totalitaire. »
« « Personne ne saurait être un grand économiste en étant seulement économiste et je suis même tenté d’ajouter qu’un économiste qui n’est qu’économiste peut devenir une gêne, si ce n’est un danger »
« « La justice n’a pas à considérer les conséquences des diverses transactions, mais à vérifier que les transactions elles-mêmes ont été loyales. »
« Ses thèses sur le malinvestissement et le rôle du crédit dans le développement des crises économiques s’opposent au keynésianisme : il cherche à montrer comment les politiques keynésiennes de croissance économique, basées sur l’utilisation du budget public et des agrégats, produisent sur le long terme à la fois inflation, stagnation économique et chômage ».
Il est vrai qu’il aurait cru pouvoir conseiller un « ordre spontané » (!) au lieu de la planification étatique. C’était sûrement une autre époque !
http://www.wikiberal.org/wiki/Friedrich_Hayek
Etes-vous sûr qu’il y a un dévoiement radical comme vous l’affirmez ? Les pères du libéralisme auraient été des gens modérés, attribuant un rôle important à l’Etat, contrairement à leurs successeurs idéologues et doctrinaires. En êtes-vous sûr ?
Turgot, Constant, Say, Bastiat, comme Smith, défendaient déjà le laissez-faire économique : liberté du commerce, concurrence, liberté des contrats, liberté d’association, liberté du travail, libre circulation des gens et des choses etc. Tout ceci n’est pas né avec le soi-disant néolibéralisme, et cette confusion repose généralement sur une méconnaissance du libéralisme.
Quand à Hayek, il a défendu l’idée d’un revenu minimum dans Droit, léglisation et liberté. Friedman est l’inventeur de l’impôt négatif, on lui doit en partie l’abolition de la conscription aux US.
C’est une fausse opposition, qui voudrait simplifier le débat en affirmant que le libéralisme c’est (c’était) bien, et le néolibéralisme c’est (devenu) mal. Smith est un bon exemple. Ses lecteurs de gauche le prennent souvent comme allié, et retienne ce qui leur plaît : il demandait que l’Etat s’occupe d’éducation, des routes, de la poste, des canaux. Ses arguments économiques ressemblent parfois à ce que les néoclassiques appellent parfois les « imperfections du marché » (sous-entendu : requérant une intervention publique).
Mais la traduction française est parfois étrangement biaisée, puisqu’elle traduit à plusieurs reprises « the publick » par « l’Etat ». Et ce que Smith observe dans ses raisonnements sur les biens publics, c’est bien souvent l’absence de droits de propriété, et la nécessité de lever des capitaux importants pour les financer. Ceci requiert l’intervention de l’Etat, puisque les sociétés à responsabilité limitées n’étaient autorisés que sur décision du souverain. La création de société avec un grand nombre d’associés était donc chose compliquée. Sur l’éducation, il faut relire ce qu’il écrit sur l’université. Ou prenez Bastiat, et son texte sur les sociétés de secours mutuels :
http://bastiat.org/fr/secusoc.html
Non, vraiment, je ne crois pas que ce que vous appelez « néolibéralisme » soit un dévoiement radical. Mais, encore une fois, mon but n’est pas de défendre cette pseudo-idéologie fourre-tout et multiforme qui a très peu d’adhérents selon la police et beaucoup selon les syndicats 😉
@Gu Si Fang merci pour « l’Encerclement »
Ma liste de films et documentaires remarquables car incluant la dimension humaine à la dimension systémique, ils ont servi de vrai révélateur pour moi…
« The corporation »
« Si l’entreprise a, légalement, les mêmes droits qu’un individu, pourquoi se conduit-elle de façon si peu humaine ? Ce documentaire montre que le comportement de l’entreprise correspond en tous points à celui d’un psychopathe : égoïste, menteur, se moquant totalement du bien-être et du respect d’autrui… L’entreprise est-elle un monstre indomptable ? »
http://fr.wikipedia.org/wiki/The_Corporation
« Krach Connexions »
« Regard politique, historique et philosophique sur la crise économique. Une approche passionnante et inédite, portée par l’histoire d’un trader… Conçu comme un véritable road movie à l’écriture filmique originale mêlant enquête et fiction, et au point de vue affirmé, ce film documentaire entend mettre en évidence les processus sur le long terme qui ont conduit au krach de 2008. En privilégiant une lecture politique et historique de la crise économique, le film souhaite mieux éclairer et définir des solutions ou les risques à venir. Une volonté, résolue, de replacer l’homme, le facteur humain, les décisions politiques et les enjeux de sociétés au cour d’un discours économique qui avait eu tendance à les oublier. L’histoire d’un trader en rupture de ban sert de fil rouge pour mener cette passionnante enquête, commentée en voix off à la première personne. Son but : comprendre comment nous en sommes arrivés là ! Comment nous avons tous contribué à créer cette situation avant de nous faire dépasser et submerger ? Et si ce krach était en réalité la première secousse d’un séisme plus grave encore… »
http://fr.ulike.net/Krach_Connexions
« La mise à mort du travail »
« Dans un monde où l’économie n’est plus au service de l’homme mais l’homme au service de l’économie, les objectifs de productivité et les méthodes de management poussent les salariés jusqu’au bout de leurs limites. Jamais maladies, accidents du travail, souffrances physiques et psychologiques n’ont atteint un tel niveau. Les histoires d’hommes et de femmes que nous rencontrons chez les psychologues ou les médecins du travail, à l’Inspection du Travail ou au conseil de prud’hommes nous révèlent combien il est urgent de repenser l’organisation du travail. »
http://programmes.france3.fr/mise-a-mort-du-travail/
@ Franck
Merci aussi pour la liste. Le message de « L’encerclement » n’est pas ma tasse de thé. J’ai trouvé intéressant que le réalisateur donne pour une fois la parole à l’Institut Economique de Montréal et d’autres qui donnent une vision assez représentative du libéralisme. Cependant, tant qu’à parler de « néolibéralisme, » la référence médiatique reste Milton Friedman avec sa célèbre série « Free to Choose », un peu datée, mais très regardable.
http://thepiratebay.org/torrent/3369921/
@Gu Si Fang
Qui vous parle de Turgot, Constant, Say, Bastiat, ces pauvres loupiotes évanescentes? Je vous parle des Lumières du libéralisme économique mais surtout politiques et philosophiques. Adam Smith ok, plus Locke le précurseur, Rousseau, Montesquieu, Diderot, Voltaire, Kant, Jefferson, Franklin…
Et que des milliers d’auteurs aient « inconsciemment », comme dit Schumpeter, repris l’idée de Smith de main invisible et d’efficience des marchés de la « Richesse des Nations » en laissant de coté son approche morale de sa Théorie des sentiments moraux est bien une déviance initiale de la filiation libérale. De la même façon que l’approche psychologique rousseauiste du bon sauvage a fait maintes idées tarées.
Et ces déviances originelles, ces mésinterprétations – pas toujours innocentes-, ces développements outranciers des suivistes, doublés de la non prise en compte des aspects contextuels politiques, économiques et sociaux des théories originales sont concentrés dans cette véritable momification fallacieuse de l’esprit des lumières constituée par Hayek et ses émules. Une monstruosité théorique qui s’auto-régénère, de représentations aberrantes en dérivées extrémistes et en excroissances tumorales (société de la valeur, de la marchandise, du spectacle) ou en idéologies auto-centrées autour d’elle, aveuglées par sa lumière noire (Marx en premier). Et tout cela validé, même à vos yeux, par le magistère rayonnant au firmament du progrès humain des Lumières!
Hayek ou Randt, Friedman Père et Fils et Saint Esprit ne sont sont que les étrons en bout de chaine intestinale de cette digestion laborieuse, acidifiante, refluante et ballonnante. Leurs apôtres les suivent, manières de gaz pestilentiels envahissants et, heureusement, hautement inflammables.
Ne manque que l’allumette, la concentration gazeuse est optimale à sa détonation…
@Gu Si Fang: « Pas d’accord sur Hayek (Burke je connais moins). Il est extrêmement critique à l’égard des riches et des dominants qui obtiennent leur statut social par la contrainte et les privilèges et non par la coopération volontaire. Donc oui, il est agréable à lire pour un entrepreneur brillant et riche, mais en revanche il donnera des boutons à tout pseudo-capitaliste issu d’un corps d’Etat et qui dirige une entreprise du CAC40 après être passé par un cabinet ministériel, avec une loi de privatisation au passage. »
Je m’étrangle en lisant des choses pareilles. Soit c’est de la mauvaise foi, soit…
Je m’explique. Avec la théorie, surtout en économie, on peut toujours discuter, pinailler, cacher des buts mal intentionnés derrière des concepts sophistiques. Malheureusement pour vous, Gu Si Fang, l’Histoire est moins facile à travestir car il y a des faits. Et l’Histoire nous dit que Hayek a été soutenu financièrement par tous les pontes et exploiteurs de la planète (du riche lord anglais au dictateur de droite tiers-mondiste). Vous comprenez? Pas des entrepreneurs brillants, des riches héritiers qui n’avaient pas du tout des boutons en lisant le sieur Hayek mais plutôt la trique. Voulez-vous des références?
D’autre part, avez-vous répondu à la même remarque que je vous faisais déjà sur l’école autrichienne, qui est héritière d’une tradition vieille de 500 ans qui justifie le vol et l’exploitation? Depuis le XVIè, voici où se situent les défenseurs des idées de cette noble école qui défend la propriété: Espagne (justification bienvenue de l’expropriation des terres américaines), Autriche-Hongrie (l’Etat le plus féodal d’Europe, hors Russie), Grande-Bretagne (ça tombe bien, on y colonise encore le monde et puis y’a encore une noblesse puissante) puis les USA (ça tombe bien, ils ont repris le flambeau de l’exploitation).
@ vigneron
Le maître, en matière de satire scatologique était Rabelais, mais son piédestal est trop haut pour que je me risque dans ce genre littéraire.
@ Moi
Faisons l’hypothèse que ce n’est pas de la mauvaise foi, d’un côté comme de l’autre. Vous écrivez que Hayek a été soutenu financièrement des exploiteurs et dictateurs. Je ne sais pas sur quoi vous vous basez, mais je suis prêt à regarder. A ma connaissance, Hayek a reçu le soutien du Volker Fund. C’est à lui que vous pensiez ? Je ne vois pas ce qu’on pourrait reprocher à William Volker sauf à ne pas partager ses idées.
http://en.wikipedia.org/wiki/William_Volker_Fund
http://www.trumanlibrary.org/oralhist/matschw.htm#38
@Gu Si Fang
Vous confondez, je suppose, William Volker et Paul Volker. Rien à voir.
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En 1947, dans la logique du plan Lippman, Hayek participe activement à la fondation de la Société du Mont-Pèlerin qui « constitue en quelque sorte la maison-mère des think tanks néo-libéraux » . Un homme d’affaire suisse, Albert Hunold, permet de concrétiser les propositions de Hayek qui désire mettre en place un « forum libéral international » et de Wilhem Röpke qui cherche à lancer une revue internationale. Hunold réunit des industriels et des banquiers suisses afin de financer le think tank libéral . Il rassemble des intellectuels issus de courants variés mais qui partagent la même croyance dans l’équilibre spontané du marché : des monétaristes comme Milton Friedman , des membres de l’école du Public choice (James Buchanan) ainsi que des personnalités associées au courant néo-autrichien. Les réunions internationales sont financées, dans un premier temps, par les fondations Relm et Earhart . La Société du Mont-Pèlerin reçoit ensuite le soutien de l’ultra-conservatrice fondation John Olin, Lilly endowment, la fondation Roe, le Scaife family charitable trust et la Fondation Garvey.
Des vrais humanistes, les Hayek, largement subventionnés par des philanthropes totalement désintéressés. Et pendant la période de vache maigre du keynésisme triomphant, c’était bien utile…
«Une menace pèse sur notre bonheur : un risque, non pas tant de suppression ou de disparition que de dévaluation générale, de disqualification globale. Car le risque de perte n’est guère inquiétant, comparé au risque de dévaluation généralisée : on peut toujours espérer remplacer ce qu’on a perdu, au lieu qu’il est impossible de remplacer une fortune que l’on possède toujours mais dont on s’aperçoit qu’elle consiste et ne peut consister qu’en objets sans valeur. La plus irréparable des pertes concerne ainsi ce qu’on n’a jamais cessé de posséder. Le malheur de la perte offre une prise à la résignation ; celui de la possession sans valeur est sans appel. Frappant de nullité à la fois les biens que l’on possède et ceux que l’on pourrait posséder, il signifie la fin à jamais de tout bonheur. Tous les bonheurs à venir seront oblitérés par le rappel d’une vérité amère qui viendra en toute circonstance perturber la dégustation du réel: au cœur de la source des plaisirs jaillit quelque chose d’amer qui, au sein même des délices, vous reste dans la gorge*.
«Une vérité amère se manifeste ainsi au cœur même du plaisir. Étant logée à l’enseigne du bonheur, elle occupe un site imprenable puisqu’elle contrôle cela même qui lui semble le plus réfractaire : et c’est pourquoi aucune sagesse ne peut la prendre en défaut, aucune philosophie la résorber. tout ce qui se peut faire est l’ignorer, ou l’oublier. C’est d’ailleurs ainsi qu’on peut définir en premier lieu cette amertume, de manière toute négative : elle désigne quelque chose qui n’a pas à être connu, quelque chose qu’on a intérêt à ignorer. Elle concerne un sujet à propos duquel toute curiosité serait fatale, comme dans un conte célèbre de Perrault, La Barbe-Bleue. »
Clément Rosset, Le réel. Traité de l’idiotie, (Editions de Minuit 1994/2004, p. 66)
Et ces 5 vidéos avec Cl. Rosset à propos de la joie et du bonheur
http://www.le-monde-des-religions.fr/articles/clement-rosset.html
« Les transitions d’un régime à un autre, examinées « en extériorité », d’un point de vue holiste, n’auraient pas grand-chose à voir alors avec la représentation que les hommes peuvent s’en faire, en « intériorité », en termes de quête du bonheur, et s’inscriraient plus simplement dans le destin de notre espèce en tant qu’espèce colonisatrice ayant toujours tendance à envahir davantage son environnement, la technologie inventée par les hommes leur permettant de le faire de manière sans cesse plus efficace et en multipliant du coup leur nombre. »
Merci de rappeler que toutes les espèces vivantes – dont la nôtre » sont colonisatrice, à la recherche d’espace et de subsistance. Un équilibre plus ou moins précaire s’établit entre elles. Mais il y a des faillites et des extinctions.
Que pèsent nos aspirations « intérieures » – égalitaires, par exemple – mille fois discutées face aux instincts qui poussent à coloniser, accumuler, accaparer, éliminer le concurrent ?
Seule bouée dans la mer noire du pessimisme : un certain altruisme naturel cher à Darwin et aux darwiniens mais ignoré par Spencer et ses successeurs. Et puis, cette chose bizarre, l’éthique, que nous avons inventée et à laquelle nous nous raccrochons pour penser la société…
L’avis d’un optimiste…, dualiste certes.
Où il annonce Teilhard :
» Qu’est ce que je fous là ? Comment survivre ? Comment avoir un peu de « plaisir » ? « .
Peur , souffrance , plaisir … tout est dit .
Solution par le « doux » où l’on attend Michel Serres qui avouait lui même , comme Freud , qu’il n’avait pas su inventer la parade pour échapper à deux morts conjuguées : celle qu’inévitablement l’on rencontre et celle que l’humanité prépare de ses propres mains ?
Et le marché , le « commerce » , dans tout ça ?
Pour le capitalisme il a tout agressé : le marché , le commerce , le plaisir , l’éthique , le sexe , le corps humain même …
Essayons d’abord d’échapper aux souffrances que nous forgeons de nos propres mains .
Liberté , Egalité , Fraternité .
« ’il s’agit pour les hommes de situer le sens de leur vie par rapport à la quantité de bonheur à laquelle ils peuvent accéder, alors que la question pour eux est autre : c’est celle de la quantité de malheur qu’ils peuvent supporter ».
C’est un peu une approche de physicien qui voudrait que l’on puisse jongler ainsi avec des quantités. Il est certain que l’ami Freud ne pouvait terminer sa démonstration sur autre autre chose que du désenchantement puisque le bonheur n’est jamais quelque chose que l’on veut (car alors il s’évanouit dans l’instant) mais quelque chose qui est. Il existe bel et bien (chacun de temps en temps a pu le vivre même très fugacement) mais, par nature, il appartient à un autre ordre que celui de la pensée et de l’action. La volonté n’a aucune prise directe sur lui. Elle ne peut que créer les conditions matérielles qui favorisent son apparition. C’est tout le charme du bonheur: léger, libre, impalpable et insaisissable.
@Paul,
Le texte de stig dagerman – Notre de besoin de consolation est impossible à rassasier – en lecture + musique par les têtes raides. Dans le fil, bon moment. Sourire
Un livre admirable…
« C’est ainsi, on n’y peut rien: on prend un verre et on le vide, ou on prend une mauvaise action dans le tas des actions encore à faire et on l’accomplit; et aussitôt on change d’aspect. On a beau supporter parfaitement ce que l’on a fait, ne pas en être bouleversé, il y a toujours des muscles de votre visage qui aiment à jouer les consciences. » (Stig Dagerman)
Qui se termine sur une note étonnement optimiste de la part de celui qui a écrit « L’île des condamnés ».
Ensuite il cesse d’écrire et peu après se suicide.
« Tu me demandes pourquoi je m’obstine à n’offrir à tes yeux que des idées de mort; sache que cette pensée est un levier puissant qui soulève l’homme de la poussière et le redresse sur lui-même: elle comble l’effroyable profondeur de l’abîme infernal et nous fait descendre au tombeau par une pente plus douce. » (Edward Young, « Les nuits »)
Rien n’est plus déprimant que l’optimisme. 🙂
merci!
Freud et l’histoire… Freud et la sociologie… Freud et l’économie… Freud et la politique…
Ce n’est pas là que j’irai chercher des références !
Freud sur la base scientifique de ses découvertes fait une généralisation abusive de nombreux concepts. Ce qui aboutit à psychologiser la société, niant que l’histoire, la politique, l’économie puissent avoir une quelconque indépendance à l’égard de l’inconscient individuel.
Non l’être humain n’est pas premier, la société venant en second : il se construit toujours dans une société déjà là. Mais le rapport est dialectique et par la réflexion, la science, l’action, les humains peuvent transformer leur société dans le mouvement de l’histoire.
Enfin, souvenons-nous que c’est le libre développement de chacun qui est la condition de l’émancipation de tous !
Et que « le bonheur » est un idéal et qu’à ce titre il est inatteignable : ce que nous pouvons espérer, et ce n’est déjà pas mal, c’est de pouvoir être plus libre, dans une société plus juste, plus fraternelle donc plus solidaire. Cela suffirait à mon bonheur.
texte étrange où les paragraphes 3 et 4 sont en contradiction avec le paragraphe 2 .
Bonjour à Nîmes .
je ne sais plus compter !
C’est le 3 qui est en contradiction avec le 4 et le 5 .
Oui, cela paraît contradictoire… mais cela ne l’est pas entièrement !
« Le libre développement de chacun » paraît ne concerner que la personne prise individuellement, mais la personne est en fait en société, il n’existe pas d’humain hors d’une société.
Ainsi le libre développement de chacun est lié à la société qui doit en donner les moyens à chacun.
Ce qui est en jeu est donc bien que chacun puisse se développer dans une société qui a pour finalité le développement de chacun : plus de contradiction logique, mais une bonne contradiction dialectique entre personne et société qui ne peut se résoudre sans une transformation profonde de nos sociétés et de leurs objectifs ou finalités réelles.
Pour les autres finalités, celles qui sont au fronton des bâtiments publics en général, nous pouvons nous en réclamer, sans illusion tant qu’on n’en a pas les moyens concrets et véritables…
(Il y fait chaud !)
Rebonjour !
j’ai relu trois fois bien qu’il fasse nettement plus frais chez moi .
Je crois finalement avoir compris que vous êtes plus motivé par les finalités que par les moyens .
Ce qui est une option dans les motivations à transition évoquées par Paul Jorion .
L’être humain est » un mammifère social avec la capacité de parler ». Je ne doute pas que des billets suivants traiteront de cette question: Comment, aujourd’hui, conçoit-on le saut qualitatif sans retour ( équivalant à être chassé du Paradis) entre le mammifère social et l’être de langage. Qui peut m’indiquer des liens de lecture sur internet ou en librairie, sur ce sujet crucial?
connaissez vous la théorie du désir mimétique de rené girard?
sa puissance explicative reste impressionnante, par exemple sur l’élaboration de la pensée symbolique.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Girard#Critique_de_la_psychanalyse
Les Wallisiens et Futuniens sont Français. Ils ont gardé leurs coutumes et des rois qui leurs permettent de vivre sous d’autres normes que les métropolitains. Un exemple trivial: ils tuent le cochon comme ils l’on toujours fait, et peuvent en offrir à leurs invités, ce qui est interdit en métropole.
Le bonheur n’est-il pas dans cette possibilité pour chacun de conserver un espace de liberté qui ne plait pas forcement à d’autres sans leur faire de mal?
A l’anthropologue:
Existe-t-il une étude sur ces heureux Français qui ne sont pas obligés de vivre comme ces troupeaux de moutons qui paissent tout seul dans leur mangeoire de Brest à Strasbourg, ou de Lille à Perpignan. Merci
Si vous vous faîtes un peu anthropologue vous même , vous trouverez vite que ces » résistances » gauloises sont plus nombreuses qu’on ne l’imagine .
Beaucoup d’adhérents à la confédération paysanne ( dont je suis ) , par exemple , s’y emploient .
Mais c’est vrai que le joug de l’OMC , et de la normalisation européenne , est de plus en plus lourd .
Mais c’est là qu’est le problème sinon la solution .
Ce qui nous renvoie au capitalisme et au libéralisme .
« Aussi, n’ai-je pas le courage de m’ériger en prophète devant mes frères ; et je m’incline devant le reproche de n’être à même de leur apporter aucune consolation. Car c’est bien cela qu’ils désirent tous, les révolutionnaires les plus sauvages non moins passionnément que les plus braves piétistes. »
L’inanité de l’humanité en deux phrases.
Cette façon de poser la question l’organisation sociale « par le haut » est celle qui a débouché sur les grandes idéologies où on pense un système qui serait idéal pour tout le monde. Bof!
Est-ce que la nature et sa faculté à créer d’innombrables niches écologiques ne pourrait pas être source d’inspiration pour la création sociale?
Depuis Freud, il y a eu de contradicteurs.
Je cherche l’extrait de ce que j’en disais:
« Faut-il brûler Freud? » est-il demandé dans la presse.
Dans son livre « Le Crépuscule d’une idole », Michel Onfray, qualifié de réfractaire, voulait remettre les théories de Freud à un plus juste niveau. D’abord réconforté à la lecture de « Trois essais sur la théorie sexuelle », suite à sa propre enfance, il appuyait l’idée que la sexualité existe déjà dans l’enfance. Athéiste militant convaincu, par opposition aux salésiens qui lui donnèrent une éducation trop grillagée derrière des préceptes religieux, Onfray réhabilite désormais les matérialistes, comme Spinoza ou Nietszche, contre les idéalistes, comme Platon.
Qualifié de taliban, manichéen par certains, il énonce que conscientiser le refoulement n’a jamais entrainé la disparition des symptômes, ni sa guérison. La thérapie analytique de la psychanalyse ne soignerait que dans la stricte limite de l’effet placebo. Le rapprochement de Freud comme un nouveau Pape, sous le modèle de l’Église catholique romaine avec sa métaphore est probablement, aussi, ce que cache la réaction allergique d’Onfray.
Le Pr Jacques Van Rillaer, à la tête d’une fronde antifreudienne, répète, également, que Freud a menti en lançant « Les Psychanalystes, des mythologies du XXème siècle ».
Avant ce cher Sigmund, le vieux Tathagata, déjà:
Les quatre nobles vérités
1.La vérité de la souffrance : toute vie implique la souffrance, l’insatisfaction ;
2.la vérité de l’origine de la souffrance : elle repose dans le désir, les attachements ;
3.la vérité de la cessation de la souffrance : la fin de la souffrance est possible ;
4.la vérité du chemin : le chemin menant à la fin de la souffrance est la voie médiane, qui suit le noble sentier octuple.
Il est en tout cas évident (à mon sens) que le « changement » de société attendu – s’il doit avoir lieu – passe avant tout par un changement intérieur de chacun. A quoi bon changer l’emballage seulement?
Evidemment!
Autre question que je me pose. Oui, on peut relier l’appétit de liberté aux affects qu’exprime le couple de mots « bonheur-malheur » au sentiment agréable ou douloureux qu’on disposerait de la faveur des astres ou qu’on subirait douloureusement un désastre naturel. Mais la révolte n’est-elle pas avant tout l’expression d’une volonté d’émancipation, de sortir de l’autorité de tutelle exercée par le patriarche, la famille, le patron, la classe sociale, etc…Pour exprimer et faire don de ses propres capacités. Le mot « capable » est construit sur le même radicale que le verbe émancipé ( latin « capere ») mais ne parle-ton pas actuellement de supprimer l’enseignement du latin,l’étude des langues anciennes étant jugé non rentable.? Bonne journée à tous
Je suis médecin-psychiatre de formation, un métier que je ne pratique plus depuis assez longtemps – mes activités oscillent maintenant entre l’économie et la politique.
Lorsque je débuté en clinique, on m’a appris une règle: soulager avant tout les patient de leurs souffrances. La guérison n’est pas toujours évidente ni durable, car chaque humain a sa propre personnalité, son passé qu’il traîne avec lui, sa constition physique et psychique, il doit faire avec et, ne l’oublions pas, il a une horloge génétique interne à gérer.
Un système, quelqu’il soit, l’état, l’économie ou un milieu microcosmique, devrait y prêter attention: faire en sorte que le prochain de souffre pas trop de ce qui lui arrive, de le soulager de ses souffrances, en dépassant l’égoisme individuel. Des phrases comme « Liberté, Eglité…… » ne valent rien, on peut paver l’enfer de mots et d’intentions; la mise en pratique restera toujours à désirer et je dirais elle est impossible à réaliser en raison des différences des individus. Ces mots et phrases, c’est comme un crédit: on ne sait jamais s’il sera honoré. Mais on arrivera peut-être un jour à un accord universel qui aura comme principe ce que viens d’évoquer.
A Germanicus,
Il y a peut-être une piste de réflexion du côté de ce qu’on sait de la classification. Quand le génie humain de la classification s’applique aux animaux, aux végétaux ou aux astres, les limites des catégories créées et les espèces qui n’entrent pas dans le cadre (les exclus de ces systèmes de classifications) ne donnent lieu qu’à des querelles d’experts. Les ornithorynques (mammifère douteux) et les lichens (mi-champignon mi-algue) continuent de vivre leur vie, pluton se moque de la perte de son statut de planète.
Quand ce génie de la classification s’applique à la politique, alors les exclus le paient au prix fort de leur statut , parfois de leur vie, ou en souffrent dans leur chair.
« Liberté , égalité , fraternité » ne forme pas système . Ce sont des repères pour répondre à nos souffrances et qui privent tous les systèmes anciens , actuels ou à venir de » l’insupportable » .
Pour la puissance d’exister, il faut lire Onfray, pour sortir de la caverne, il faut là aussi lire Onfray ; je vous en conjure, mes frères, lisez Onfray.
Michel Onfray me rappelle cet abbée de cour, plus exactement de Vilecourt : un jeu de mot ( vile cour) qui lui « sieyes » tant, et que jouait Bernard Giraudeau dans le film « Ridicule » de Patrice Lecomte.
Très érudit mais si dramatiquement enfermé dans sa propre glorification solitaire et sa foi athée…
Il fallait bien que quelqu’un en parle…
Débat très intéressant Onfray-Cyrulnik:
http://www.dailymotion.com/video/xd29q4_debat-le-crepuscule-d-une-idole-1er_creation
La critique d’Onfray me semble démesurée. Freud, ce courageux a fait, un peu comme Einstein, une synthèse des pensées et courants intellectuels de son époque. Il était conscient et il l’a écrit à plusieurs endroits que ce sera la science, la biologie et la psychophysiologie qui dira le dernier mot. C’est dommage, car Onfray a raison de remettre en question la « religion freudienne », telle qu’elle est pratiqué aujourd’hui dans certains pays, dont la France. Je pense que Karl Jaspers, qui parlait d’un « mouvement » concernant les freudiens, avait raison. Mais j’ai l’impression que ce mouvement perd en ampleur, même aux USA.
Ils en ont parlé…
http://ecrits-vains.com/bd/dreyfus/dreyfus.htm
sinon lisez c.g jung, lui à tuer le père, et le père n’était pas content du tout.
psychorigide freud?
« Les hommes ne se mobilisent en effet pas pour un changement de société – avec les risques que cela implique pour eux et pour ceux qui leur sont proches – en comparant leur bonheur actuel avec celui que conférerait un autre type de société dont le modèle reste toujours plus ou moins abstrait. Ils le font en raison d’une révolte : du fait du sentiment présent que la situation existant sous leur yeux et dont ils sont du fait même, l’un des composants, leur est désormais intolérable. »
Cela semble évident ; chacun ne peut, enfermé dans sa bulle psychique et corporelle, penser son environnement qu’à partir de son propre ressenti. Le solipsisme guette chacun d’entre nous. Cependant – et c’est là qu’intervient ma nuance – c’est la conjonction de ce sentiment vécu et partagé de « l’intolérable » avec celui de nos voisins humains qui entraîne, dans un 2ème temps, la mobilisation pour un changement de société. Ce sentiment est une condition nécessaire, mais pas suffisante pour qu’il aboutisse, par un effet de cristallisation, à une révolte ou une révolution. La mobilisation, secondaire voire simultanée au sentiment de « l’intolérable », ne sera possible et opérationnelle qu’à la condition qu’un autre monde, qu’un autre horizon, qu’un autre modèle de société soient présentés comme possible ou idéal. C’est sur la base de cet idéal, créateur d’une émotion positive qui viendra sublimer toutes les négatives induites par le refoulement et les frustrations vécues par une situation jugée intolérable et injuste, que la révolte aura plus de chance d’aboutir à un résultat concret.
Comme l’écrit Freud dans « Psychologie collective et analyse du moi », « le phénomène le plus remarquable et, en même temps, le plus important d’une formation collective consiste dans l’exaltation et l’intensification de l’émotivité chez les individus dont elle se compose. » Cette émotivité, si on souhaite qu’elle ne dégénère pas en un mouvement uniquement destructeur et mortifère, doit nécessairement reposer sur un idéal de société. C’est la raison pour laquelle je pense que la 1ère partie de votre paragraphe mériterait une nuance pour être en parfait accord avec ce que vous écrivez (je viens juste de le relire) au début du 3ème paragraphe de votre précédent article, car si le sentiment de « l’intolérable » est causal, l’idéal sociétal est moteur. Les deux sont intimement liés et aussi mobilisateur l’un que l’autre.
« La mobilisation, secondaire voire simultanée au sentiment de « l’intolérable », ne sera possible et opérationnelle qu’à la condition qu’un autre monde, qu’un autre horizon, qu’un autre modèle de société soient présentés comme possible ou idéal. »
Et en 1789 ? Le retour à l’« âge des cabanes » de Jean-Jacques Rousseau ?
Ne pensez-vous pas que l’idée de Rousseau selon laquelle le pouvoir souverain suprême réside dans la Nation n’a pas été plus porteuse d’espoir et mobilisatrice que son âge des cabanes issu de son « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes »?
En outre, la réunion des Etats-Généraux et les espoirs qu’ils soulèvent au sein de la population ne correspondraient-ils pas à un projet de société, à l’esquisse d’un idéal sociétal?
Je reste sur l’appréciation que les deux mondes s’ignorent car , en très grande partie , ils ne rassemblent pas de façon intime les mêmes » regroupements »de populations . Les » courroies de transmission » anciennes ont été laminées .
L’indignation croit de son côté avec sa propre logique ( s’il n’y en a qu’une !) .
La projection ( s’il n’y en a qu’une !) aussi généreuse et pragmatique que possible croit de son côté . Enfin j’espère .
La conjonction des deux est rarissime . Elle est la trace des grands chambardements historiques .
Selon un exemple évoqué par certains , il faut une guerre mondiale , un désastre moral et miliatire , une général hors norme entouré de quelques femmes et hommes aussi hors du commun qui conceptualisent une vision de l’avenir , pour qu’un projet nouveau se mette en route .
La » détonation » ne peut venir que de l’exaspération .
Le déroulement de l’ambition politique neuve est en soi une action lourde qui ne peut selon moi être portée que par une convergence de forces politiques existantes ou en cours de formation .Les » clubs de penséees » actuelles sont plus des rassemblements d’esprits » autonomes » et égoïstes pour faire sens et intensité .
Cette ambition aura d’autant moins de risques de ne pas se respecter elle même , qu’elle aura été affichée et débattue maintenant .
Il faut quatre paramètres pour qu’une force existe :
– une direction et un sens ,
– une intensité et un point d’application .
Les deux premiers relèvent du projet et l’espoir .
Les deux seconds relèvent de l’indignation .
La force utile c’est la rencontre hasardeuse du tout .
On parle d’exaspération, de désespoirs, de passivité, de révolte, de mobilisation ou d’idéaux. Mais n’oublions nous pas un paramètre fondamental qu’un aveuglement confortable nous masque quant il ne manque pas de peser sur les désirs de ceux que nous accusons légèrement de léthargie ou de docilité. La peur.
Pas la peur de perdre pour ceux qui n’auraient rien à perdre ou la peur du chaos. La peur de la répression tout simplement. La dissuasion s’applique parfaitement, d’autant que la force se montre partout et « s’annonce » haut et fort contre les faibles. Et le siècle passé a montré aux peuples que la répression versaillaise de la Commune était une aimable plaisanterie devant sa barbarie coercitive. Et les peuples ont appris que la violence des puissants vainquait. Le plus souvent.
Il faudra beaucoup de désespoir pour soulever ce poids de la crainte légitime. Pas seulement de l’indignation morale ou de beaux idéaux.
@ Jean-Luc D. :
Euh … Vous voulez dire ‘souveraineté populaire’ concernant Rousseau ?
Le bonheur est fugitif ; il passe et s’échappe, nous glisse entre les doigts comme du sable : pour le conserver, il faut se résoudre à n’en rien faire si ce n’est à le regarder de peur qu’il nous échappe ! Le bonheur est un état temporaire, dont on ignore le commencement et la fin ! Partir en quête du bonheur c’est le meilleur moyen de le voir se dérober, telle la carotte pendue devant le museau de l’âne 😉 Une source miraculeuse pour les forces de ventes de nos sociétés marchandes … de bonheur ! Le citoyen a mué en consommateur qui surfe de bien en bien sur la vague du bonheur marchandisé : il y a des rêves de bonheur pour toutes les bourses … La quête de bonheur sur terre s’est substitué à la quête d’une place au paradis céleste !
« L’être humain cherche alors à ses tourments des diversions par l’usage des drogues, la production d’illusions collectives rassurantes comme la religion (« une déformation chimérique de la réalité » générant des « délires collectifs » [ibid. 25]) et, de façon plus positive, par la sublimation qu’autorisent l’expression artistique ou intellectuelle. ».
Donc, toute prosternation, tout travail pour le beau ne seraient que des réactions face aux agressions rencontrées à cause du monde extérieur, de l’homme et de sa nature.
Comme beaucoup de ceux qui ont écrit ci-dessus, une agression, qu’elle quelle soit, me semble constructive de plaisir, tant a contrario cette notion est le fruit de la jouissance et du plaisir.
Et si vraiment le but était d’oublier la condition humaine, l’homme serait donc à même instinctivement d’esquiver la source de son mal. Il n’arrive qu’imparfaitement à cette fin, mais il en connaît le chemin: la drogue, le délire collectif et la sublimation…De là à voir en FREUD le prophète qu’il renie…
Quant à la société, compromettre sa liberté au profit de plus de sécurité, cela me paraît être la reprise d’un des grands thèmes de la littérature classique, et de la religiosité qui en émane:
De la bouche de sa mère Téthys, déesse et néréide, Achille apprit que sa vie serait soit courte et intense, soit longue, et ennuyeuse.
Enfin, frustration sexuelle et propriété… La notion de possession me paraît étroitement lié au besoin de souiller qui sommeille en chacun de nous… Pouvoir souiller, c’est posséder, où maîtriser son environnement. Combien paraît plus familier la demeure où ses propres selles ont été déposées… La pulsion sexuelle envers son prochain est volonté d’asseoir son odeur, son corps, son sexe sur l’existence corporelle de l’autre. En d’autre termes, c’est de pouvoir le souiller. S’attaquer à la propriété privée, ce n’est donc pas se heurter par la suite au problème suscité par le désir sexuel, mais bien commencer par le traiter.
Un jeune homme ambitieux cherchant à prouver qu’un vieil homme respecté – un des rares génies que l’humanité ait connus – est un imbécile, comment l’expliquer ? On en trouve l’explication chez Freud.
Le jeune homme a du talent, il fera amende honorable, et on lui pardonnera. Bien sûr qu’on lui pardonnera. Bien sûr aussi qu’il fera amende honorable. Il rejoindra un jour les rangs des philosophes qui ont eu tort autrefois et qui nous expliquent à longueur de pages pourquoi ils avaient raison d’avoir tort à l’époque.
Il y a bien sûr d’autres philosophes : ceux qu’on continue de lire longtemps après leur mort.
De ce point de vue , je me reconnais dans ceux qui trouvent dans la quête scientifique et la quête philosophique une qualité commune :
Jamais abouties , elles ont quelques repères ( parfois opposés) symbolisés par le travail ( forcément incomplet ) de quelques rares esprits qui ont eu le » mérite » de » mettre un piton » dans l’ascension d’un sommet .
Le piton est fragile , il y a plusieurs « voies » possibles , pas sur que la voie continue à être possible par là …
Mais c’est un piton .
Bien répondu.
Si votre cible était Michel Onfray, je souscris totalement à votre commentaire. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à propos de son dernier livre sur d’autres sites, et je ne souhaite pas relancer la polémique. Toujours est-il que son dernier livre le disqualifie comme philosophe. Il s’y présente plus comme un Torquemada, personnage célèbre de la Grande Inquisition, que comme un philosophe clairvoyant. Ses attaques « ad hominem » sont insupportables et le discréditent, à mes yeux, de façon définitive.
Toute son analyse est à charge, rien n’est épargné à ce pauvre Freud et aucun crédit ne lui est accordé. Tout serait faux et le produit d’un égocentrique forcené (ici, on a vraiment l’impression que c’est la charité qui se fout de la pitié). Même pas une once de commisération pour cette homme qui luttera plusieurs années contre un cancer de la mâchoire. Comment, face à un tel déséquilibre dans l’analyse, un tel déluge d’immondice (cupide, nazi,…) et un nombre incalculable de généralisations abusives, accorder un début d’intérêt à un tel ouvrage ?
En vérité, derrière ce livre, se cache un autre enjeu à l’oeuvre aujourd’hui : une lutte entre le cognitivisme avec les thérapies cognitivo-comportementales et la psychanalyse avec les thérapies psycho-dynamiques, les 1ères allant dans le sens de la normalisation des comportements alors que le propre de la psychanalyse est de travailler sur les singularités. L’une et l’autre ont leurs intérêts, et je préfère de loin ceux qui cherchent à les concilier au travers d’une spécialité récente : la neuro-psychanalyse.
peut-être, mais certains auteurs ne sont reconnus qu’à titre posthume.
http://www.youtube.com/watch?v=QOG-nCqXzjs
Il y a tout un courant de la psychiatrie contemporaine qui a pris largement ses distances avec la psychanalyse bien avant que M.Onfray ne ponde son livre outrancièrement noir.Je ne sais s’il faut ,s’en réjouir ou s’en désoler.
On dit aussi souvent qu’EINSTEIN, autre éléphant de la pensée du 20ème siècle, n’est que la vitrine de ce qui s’était découvert par ailleurs dans les laboratoires…
De ce point de vue, l’Histoire retiendra EINSTEIN pour la théorie de la relativité, FREUD pour l’univers de l’inconscient, et pourquoi pas, Paul JORION pour son approche sociologique du mal capitaliste.
Pour ma part, le vieil homme honorable dont vous faites allusion ressemble plus au petit bourgeois dont ZWEIG a dressé le portrait, et pour lequel d’ailleurs, le grand homme s’est offusqué; ayant peur de l’irrationnel, à la différence de JUNG qui lui apporta néanmoins beaucoup dans la construction de sa théorie. J’ai pour autant beaucoup de plaisir à le lire, tout comme j’ai du plaisir à vous lire.
« Un jeune homme ambitieux… » Il a 51 ans quand même…
C’est vrai, je n’ai pas pensé à son âge mais au fait qu’il se conduise en gamin.
Je reprends une partie de ce que j’écrivais plus haut et qui est passé au bleu:
La thérapie analytique de la psychanalyse ne soignerait que dans la stricte limite de l’effet placebo. Le rapprochement de Freud comme un nouveau Pape, sous le modèle de l’Église catholique romaine avec sa métaphore est probablement, aussi, ce que cache la réaction allergique d’Onfray.
Le Pr Jacques Van Rillaer, à la tête d’une fronde antifreudienne, répète, également, que Freud a menti en lançant « Les Psychanalystes, des mythologies du XXème siècle »
Donc, cette opposition ne date pas d’aujourd’hui.
bonjour,
Même si ses écrits ne sont pas la fin d’une histoire, mais son commencement, il faut effectivement reconnaître au grand Freud ses mérites; rares sont ceux qui ouvrent une voie entièrement nouvelle. Et il a mis ses idées en pratique.
A contrario, je suis incapable d’accorder la moindre confiance aux écrits de JJ Rousseau, auteur d’un pavé sur l’éducation (l’Emile), tout en ayant abandonné l’un après l’autre ses 5 enfants (nombre à vérifier; mais un seul abandon suffirait à mon propos). Le siècle des Lumières ne manque pas d’hommes d’exception ayant joint l’acte et la parole (Voltaire, les encyclopédistes, et tant d’autres).
Quelqu’un pourrai-t-il m’expliquer pourquoi c’est Rousseau qui revient si souvent, y compris sur ce blog ? Pour moi c’est un mystère….
Gamins…..les gamins ce sont ceux qui qualifient les opposant de Freud d ‘antisémites,de fachistes et partisans d’ extrème droite,leur dernier et ultime recours à leur pietre argumentatiion irrationnelle.
Freud ne pose de problème à personne en tant que philosophe….juste en tant que philosophe car inoffensif.Le problème commence à partir du moment où l on « s archarne’ à soigner avec sa doctrine ,sa vision de « l esprit » humain où il généralise son cas personnel à l’humanité tout entière.
Ce débat est franco francais,nous sommes au moyen âge dans le domaine des prises en charge thérapeutiques que ce soit pour les addictions,l autisme,ted,phobie,psychose etc….etc, façon saigné au moyen âge,ça en deviens ridicule…..heureusement que ce blog parle le plus souvent d « economie,de se système,de cette crise et tout ceci avec brio et pedagogie
Freud a ouvert des portes jusqu’à lui fermées. C’est sa meilleure partie. Contentons nous d’en prendre acte, de les maintenir ouvertes et de ne point trop prêter attention à ceux qui ne voudraient voir que sa pire partie (Onfray) comme à ceux qui voudraient qu’on ne la vît pas (Roudinesco). Mais la polémique était divertissante.
J’ai pas été chez les jésuites, je m’y serais trop plu. 😉
@bourby: je me reconnais dans votre réaction. Les mêmes arguments m’ont longtemps fait ignorer Rousseau. Je l’ai donc découvert sur le tard et à contrecoeur. J’ai vu alors que j’avais eu tort car son oeuvre de philosophie politique est vraiment remarquable, essentielle (je ne connais pas le reste).
L’homme Rousseau était paraît-il imbuvable mais n’empêche, il réfléchissait très bien. 🙂
@skinner
tout à fait.
certains critiques analysent l’hystérie ambiante sur le nécessaire déboulonnage de freud par le fait qu’il est un des piliers du système capitaliste: sa doxa déculpabilise le bourgeois concernant l’argent. freud vendait des indulgences.
en france, en plus, non seulement nous ignorons peut-être le plus talentueux des psychanalystes en la personne de c.g jung, mais il nous faudrait déboulonner des gens comme lacan avec freud.
je me demande où sont les gamins qui restent dans les jupes de leur maman, difficile de penser par soi-même.
@ Methode
D’accord avec vous en ce qui concerne Jung.
Par contre, à propos de votre explication sur les causes de l’hystérie ambiante, je ne partage pas votre point de vue. Au contraire, je pense que les attaques contre Freud sont imputables à une volonté de déboulonner, non pas le système capitaliste, mais ce qu’il reste, dans la pensée freudienne, de fonds contestataire tel qu’il a été développé par les freudo-marxistes (Reich, Marcuse, Fromm) ou les idéaux de Mai 68. Du reste, la plupart des critiques les plus virulentes formulées contre Onfray proviennent des élites intellectuelles de gauche pour lesquelles, à tort ou à raison, Freud garde l’image d’un libérateur, d’un symbole de la contestation contre la société de consommation. A noter que ces critiques émanent de toutes les disciplines, et pas uniquement des psychanalystes eux-mêmes.
Je sais qu’Onfray s’en défend, mais « à l’insu de son plein gré » comme dirait l’autre, son livre apporte de l’eau au moulin de ceux qui travaillent à une normalisation des comportements. La psychanalyse – même si nous sommes d’accord pour reconnaître ses limites – a pour vertu essentielle de travailler sur les singularités ce qui a pour effet de rendre difficile, voire impossible, la mise au point d’un protocole thérapeutique qui pourrait s’appliquer à tous. Or aujourd’hui, dans une société obnubilée par la compétitivité, la rentabilité et l’efficacité jugées via des évaluations protocolisées et permanentes (chaque chose devant être évaluée comme une marchandise), la psychanalyse est le dernier rempart à abattre, puisque justement elle échappe à toute forme de protocolisation.
L’enjeu n’est donc pas ici de combattre le système capitaliste, mais au contraire d’assurer sa pérennité en abattant les derniers remparts qui s’opposent à sa victoire totale et absolue.
je rajoute :
« la psychanalyse est le dernier rempart à abattre, puisque justement elle échappe à toute forme de protocolisation et montre les limites de toute normalisation sociale des comportements. C’est un combat de la diversité contre l’uniformité. »
@Jean-luc D
ce n’était pas tant mon point de vue que celui d’un des nombreux et opportuns analystes que j’ai pu lire sur la savante polémique.
mais pourrait-on vous rétorquer que singulariser l’individu, à outrance, entraine son atomisation sociale, et que l’individu isolé achète au détail, donc plus cher et plus souvent; que le célibataire est un marché de rêve et en pleine forme?
vous dites que les critiques viennent des sphères de gauche. je ne vois pas là une vraie contradiction, les gens de droite eux sont plus à l’aise avec tous ces problèmes. par contre la gauche élitiste est aujourd’hui un establishment avec tous ses conservatismes. si les valeurs de mai 68 furent un temps progressistes, et ont accompagné l’avènement d’une classe aisée aux origines populaires, à présent elles participent de la domination de cette classe sur les démocraties d’opinion. cette gauche a même d’ailleur fini par valider la supériorité de l’économie de marché… et dans la foulée abdiquer quasi toutes prétentions intellectuelles pour le matérialisme le plus cru.
mais, lorsque l’on a des origines populaires, dominer c’est mal et ces catégories de gauche élitistes trainaient et trainent encore une certaine culpabilité. freud leurs donnait une forme d’absolution, puisque Dieu était mort… rien d’étonnant à ce que les critiques du ‘père’ freud puissent devenir si sensibles pour elles, c’est un peu comme renvoyer tout un chacun face à lui-même, si j’ose dire devant Dieu, freud n’est après-tout qu’un homme parmis les hommes.
qu’observe-ton aujourd’hui? le retour de la sainte russie, de l’islam, du bouddhisme ect…
peut-être bien que le bonheur du petit peuple passe par une certaine dose de conformisme, que c’est une question de dosage: trop de conformisme et c’est le danger totalitaire, pas assez et c’est l’acculturation avec tous les excès connus liés à la perte d’identité. peut-être bien que ce vieux rêve d’une haute individualité pour tous est inaccessible voire néfaste.
cette classe de 68 va devoir ouvrir les yeux.
Methode
Je ne pense pas avoir parlé de singulariser l’individu à outrance. Tout excès, dans un sens comme dans l’autre, est néfaste, et comme vous l’écrivez très justement, tout est « question de dosage ».
Si vous êtes un lecteur de Jung, vous connaissez probablement sa théorie sur le principe d’individuation qui n’aboutit pas à un hyperindividualisme, mais bien au contraire à une prise de conscience de notre singularité, mais une singularité intégrée dans une totalité sociale. Comme il l’écrit, le processus d’individuation est la condition d’une « cohésion collective plus intensive et plus universelle». En d’autres termes, ce processus permet l’intégration des opposés, de la complexité de la nature humaine, de nos paradoxes, et donc un accès à la totalité. C’est par ce processus que nous arrivons à équilibrer un double désir, que l’on pourrait qualifier aussi de double nécessité : celui d’être soi et celui d’être avec les autres. C’est une des finalités de la cure psychanalytique, notamment jungienne.
Or, et d’une façon très paradoxale, la société néo-libérale aboutit d’une part, par le principe de compétitivité à outrance, à un hyperindividualisme, et d’autre part, par une volonté normative des comportements de consommation, à un nivellement et une uniformisation des conduites sociales. Mais tout cela s’opère à partir de contraintes extérieures, aidées par une propagande massive, qui, tout en nous faisant croire que nous sommes des êtres singuliers (choix des caractéristiques des objets en fonction de nos goûts : taille, couleur, design, etc…), aboutit à ce que cette singularité soit uniquement extérieure à nous-mêmes et se concrétise dans une singularité d’objets marchands. On cherche à nous vendre un bonheur extérieur, matériel dont le but est de nous « enlever à nous-mêmes », nous complaire dans une « extériorité » qui nous coupe de notre « intériorité », potentiellement dangereuse pour tout système normalisateur. Cela conduit inexorablement à une perte de sens, car nous sommes aussi des êtres en quête de sens, un sens qui ne peut être trouvé que par un travail sur soi et une réflexion intériorisée. Or, la psychanalyse, via la parole libre, a aussi pour but de nous permettre de renouer avec cette intériorité perdue. En ce sens, elle représente un danger, car elle oblige à repenser par soi-même, à retrouver une réflexion confisquée par les diktats de la pensée consumériste. Elle doit donc être nécessairement combattue.
Face à une telle dissociation entre « intériorité » et « extériorité », beaucoup se réfugient, comme vous le faites remarquer, dans la religion, et là nous retombons encore sur Jung pour lequel la psyché humaine est dans son essence : naturaliter religiosa (naturellement religieuse) (religieux entendu dans un sens très large ; non pas limité à la croyance en une divinité transcendante, mais plutôt défini comme une recherche de sens). Or, cette recherche de sens ne peut se faire que par une démarche intérieure, et non pas par la subordination à des contraintes extérieures, une démarche intérieure qui passe, selon Jung, par le processus d’individuation qui nous permet de prendre conscience de notre singularité « vraie », de notre singularité psychique, mais une singularité en harmonie avec les autres, et donc la société. Il n’est donc pas question ici de singularisation à outrance et d’atomisation sociale (pour reprendre vos termes), bien au contraire, il n’y est question que d’intégration de la singularité dans une totalité sociale.
La psychanalyse dans son approche conceptuelle, hors de toute considération thérapeutique, est un magnifique outil de réflexion qui offre une base conceptuelle à toutes les formes de contre-pouvoirs. La puissance de cet outil est parfaitement illustrée par Freud et son « Malaise dans la civilisation » ou « L’avenir d’une illusion ». En cherchant à le tuer, ou, pour le moins, à discréditer son travail, il me paraît évident – mais je peux me tromper – que l’on souhaite abattre aussi les approches conceptuelles de la psychanalyse qui, pour les apologistes de l’ultralibéralisme, travaille trop sur une approche singulière et intérieure de l’humain.
Quant à la réduire à un simple courant philosophique, ce qui en soi n’est pas condamnable, je ne sais pas ce qu’elle a y perdre ou à y gagner. Le débat est ouvert, mais si j’en crois Sabine Le Blanc (http://www.accordphilo.com/article-2620445.html ), les deux disciplines seraient inconciliables.
@ Jean-luc D
une petite remarque tout de même, jung ne présente pas à ma connaissance le processus d’individuation comme un parcours de santé, c’est plutôt un chemin de croix tracé sur une ligne de crète bordée des abymes brumeux et très profonds, s’il fallait le préciser, de l’inconscient.
beaucoup sont recalés en chemin et si mes souvenirs sont bons il a lui même notifié comme préférable une reconstitution régressive de la ‘persona’ dans certains cas. c’est dire.
une société idéale demanderait un encadrement conséquent de tous ces processus psychiques, j’ai vraiment du mal à y croire même si c’est souhaitable. c’est un peu comme le libéralisme, sur le papier c’est vraiment très bien, dans les faits c’est une idéologie dont se servent beaucoup de salauds. à voir?
amicalement.
@ Paul Jorion
Sur Michel Onfray, je vous livre une petite fable de Florian* qui lui sied à ravir, lui étant le fils ingrat et vous, Paul Jorion, le père spirituel, bien sûr.
Le jeune homme et le vieillard
« De grâce, apprenez-moi comment l’on fait fortune,
Demandait à son père un jeune ambitieux.
– Il est, dit le vieillard, un chemin glorieux :
C’est de se rendre utile à la cause commune,
De prodiguer ses jours, ses veilles, ses talents,
Au service de la patrie.
– Oh ! trop pénible est cette vie ;
Je veux des moyens moins brillants.
– Il en est de plus sûrs, l’intrigue… – Elle est trop vile ;
Sans vice et sans travail je voudrais m’enrichir.
– Eh bien ! sois un simple imbécile,
J’en ai vu beaucoup réussir. »
*Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794) est particulièrement connu en tant que fabuliste, ses fables étant unanimement considérées comme les meilleures après celles de Jean de la Fontaine.
Les morales de certains de ses apologues sont encore citées couramment, comme « Pour vivre heureux, vivons cachés » (Le Grillon), « Chacun son métier, les vaches seront bien gardées » (Le Vacher et le Garde-chasse) ou « L’asile le plus sûr est le sein d’une mère » (La Mère, l’Enfant et les Sarigues). Quant aux expressions « éclairer sa lanterne » ou « rira bien qui rira le dernier », elles sont tirées respectivement des fables Le Singe qui montre la lanterne magique et Les deux Paysans et le Nuage.
Sa romance la plus connue est Plaisir d’amour avec son refrain célèbre: « Plaisir d’amour ne dure qu’un moment, chagrin d’amour dure toute la vie. »
Merci Tano,
rendons à Jean-Pierre Claris de Florian ce qui n’est pas à ma grand mère ci-dessous citée…….
Freud, Nietzsche, Spinoza, … Michel Ofray pourquoi pas.
La lecture de leurs parfaits raisonnements me font revenir à la mémoire cette pensée de Saint Paul :
« En rond tourne les impies ».
Au sujet de Michel Onfray, quand même, il me semble que la lecture de Pascal, sur le bonheur, est plus profitable.
J’avais un texte de J.B. Pontalis, qui commençait ainsi :
« La psychanalyse, comme tout d’ailleurs, est inscrite dans l’histoire. Il y a eut un avant la psychanalyse, il y aura un après » (de mémoire). Si quelqu’un a une idée des références … ?
L’on peut aussi évoquer M. Foucault qui écrit que les sciences humaines pourraient n’être qu’un pli dans l’histoire du savoir, et qu’il se refermerait donc…
Andre Green notait que certaines analyses n’aboutissent pas, même après 18 ans, même à la 4è analyse (conférence). ll constatait également une évolution des pathologies mentales… moins de névroses, plus de cas limites.
Ce qui était d’abord réel dans la théorie de Freud, le père réel intervenant dans la séparation mère enfant, est devenu ensuite symbolique chez Lacan… comme si l’abstraction était un refuge de la théorie de plus en plus difficile à maintenir en l’état.
Dans la pratique, si l’on connait les réponses à l’avance pourquoi faire une analyse ? C’est le dépassement et la nouveauté qui peuvent aider.
Et sinon je trouve dommageable le fait que à se focaliser sur soi l’on se sépare de l’humanité, c’est vraiment l’individualisme porté à l’exponentielle. Ceci est à creuser … On valorise l’individu dans la cure, narcissiquement, oui, mais l’individu est condamné par le temps et donc l’individu est une impasse… il faut voir ce qui nous transcende.
Pour ma part modestement j’ai tendance à croire que chaque époque exprime son malaise de façon différente.Libérés sexuellement que nous sommes ,l’hystérie est devenue ringarde.Vive l’anorexie,l’addiction ,la dépression,les états limites,l’hyperactivité .Il n’y a que la psychose qui soit incompressible.
Une psychothérapie, en général, ne cherche pas nécessairement à guérir. On ne soigne pas ici une jambe cassée. Elle ne cherche pas non plus à guérir des « fous ».
Son but est de soigner des gens qui souffrent. Rien d’autre.
Comment peut-on croire que la valeur d’un traitement quelconque doive se juger nécessairement à un résultat « attendu » par d’autres personnes, surtout quand il est vu par quelqu’un qui ne sait pas vraiment de quoi on parle ?
Correction :
Freud, Nietzsche, Spinoza, … Michel Ofray pourquoi pas.
La lecture de leurs parfaits raisonnements me font revenir à la mémoire cette pensée de Saint Paul :
« En rond tournent les impies ».
Au sujet de Michel Onfray, quand même, il me semble que la lecture de Pascal, sur le bonheur, est plus profitable.
Sauf les derviches touneurs…
LOL
J’ai l’indélicatesse de préférer Jung à Freud, sans renier l’apport de ce dernier.
Quant à « bonheur », comme l’indique son étymologie, il entre dans le domaine du discret et non dans celui du continu et doit être employé en français précédé des articles un ou des et non le, sauf quand il est bien précisé et qualifié comme dans le bonheur d’écrire sur ce blog.
A mon sens, on parle donc d’une abstraction qui n’en a aucun (sens). Mais ce peut être un bonheur d’écrire n’importe quoi sur n’importe quoi…
Je partage votre indélicatesse, mais je n’en reconnais pas moins du génie à Freud.
Jung a l’avantage, à mes yeux, de se détacher du pansexualisme freudien. En outre, ses travaux sur les archétypes, le principe d’individuation, la quête de sens, et sur le sentiment religieux, entendu dans un sens large, ouvrent de grands espaces dans la connaissance de notre nature profonde.
Je suis beaucoup plus proche de CG Jung que de Freud, alors que j’ai lu Freud en allemand et que je trouvais son courage pour développer ses théories (et cela en tant que juif en Autriche) hors classe. Freud restait durant toute sa vie fasciné par son séjour à la Salpètriere, par Charcot et de ses travaux sur l’hystérie, donc fidèle à ses théories sexuelles. Freud a pendant longtemps toléré l’indépendance intellectuelle de Jung, car pour Freud, son disciple n’était pas juif, il était était allemand, bien que de nationalité suisse – ceci pour éviter que la psychanalyse risquerait de passer pour un « produit de la culture juive » (il faut se placer dans le contexte de l’époque).
On devrait lire les passages qui concernent Freud dans « Ma vie », récits autobiographiques de Jung.
Un autre médecin qui a vécu à cette époque est Alfred Adler. Pour ceux qui aiment une approche plus positive et moins lugubre, c’est un bon choix. On peut même le lire en vacances !
@Germanicus
« On devrait lire les passages qui concernent Freud dans « Ma vie », récits autobiographiques de Jung ».
Et aussi dans le très intéressant « Jung parle. Rencontres et interviews » (Buchet-Chastel). Un exemple:
« -Quelle sorte d’homme Freud était-il?
-Eh bien, il était d’une nature compliquée, voyez-vous. Je l’aimais beaucoup, mais je découvri bien vite que lorsqu’il avait pensé quelque chose, il en restait là, tandis que moi, je doutais toujours, et il était impossible de discuter d’un sujet vraiment à fond. Vous savez, il n’avait pas de connaissances philosophiques notamment; j’étudias Kant, j’étais plongé dedans, et c’était totalement étranger à Freud. »
(Interview de 1959)
« Il était extrêmement têtu. […] Un jour il me déclara: « Nous devons faire de la théorie de l’inconscient un dogme, la rendre immuable. » « Pourquoi un dogme, demandai-je, puisque tôt ou tard la vérité finira par vaincre? » Freud expliqua: « Il nous faut une digue contre le flot de vase noire de l’occultisme ».
(Interview de 1955)
concernant jung, son approche énergétique totale, les rapprochements faits avec les connaissances hindouistes, ses recherches en ethnologie ou sa culture philosophique grecque, allemande et même religieuse, tout en lui en font le véritable explorateur, celui qui nous a ramener une psychologie des profondeurs, lumineuse, qui nous laissent milles portent ouvertes… plutôt que fermées.
Dans la sphère économique l’affrontement « publique- privé » a toujours occupé une grande place dans le rapport de force.
Une des caractéristiques de notre époque est, me semble-t-il, la constante érosion de la sphère de vie privée, notre « écosystème » de base, au profit de la sphère de la vie publique, nationale hier, multinationale aujourd’hui.
La « sécurité » et son corollaire, la « prévention » vient nous imposer la « transparence »et « l’exhibitionnisme obligatoire », comme Freud est venu en son temps dans sa recherche du Moi, nous imposer son concepts d’inconscient individuel et collectif, et la psychothérapie « conseillée » en attendant qu’elle ne soit obligatoire.
La main « invisible » d’Adam Smith me faisant les poches et celle non moins visible de Freud explorant ma braguette ne me mettent que très relativement en joie et en sécurité si je m’en réfère au « bon sens » de ma grand-mère qui m’a enseigné que « pour vivre heureux, vivons caché et loin des jaloux ».
La pudeur est innée, elle n’est pas acquise. Ne nous voilons donc pas la face, il n’y a pas de bonheur possible dans une maison ouverte à tout les vents, fréquentée par des esprits malins plus ou moins bien intentionnés qui veulent à toutes forces « coloniser », « analyser », »collectiviser », « rationaliser », les fruits de l’expérience individuel se déroulant au sein de la sphère, qui devrait demeurer inaliénable, de la vie privée.
« Une société sécuritaire qui abolit tout aventure personnelle à notre génome fait de l’abolition de cette société la seule aventure possible; »
A moins que ce ne soit :
« Une aventure personnelle qui abolit tout espoir de société sécurisée pour notre génome fait de l’abolition de cette aventure la seule société possible; »
Je ne sais pas.
Qualitatif ? Ou quantitatif ? Mozart ou Mathusalem?
Pfffffffff! La qualité est sûre, la quantité l’est moins……
Apoptose de la cellule familiale .A qui la faute ?
@Piotr
La famille Rockefeller en réclame dèjà une part de paternité dans le dernier livre de son héritier….
Il fut un ardent défenseur et sponsor des luttes pour l’émancipation de la femme et nous explique pourquoi.
Une piste parmi tant d’autres.
@ Pierre :
je trouve votre définition du » privé » un peu réductrice ( une maison dont les fenêtres ne sont pas pas ouvertes aux quatre vents ) mais je crois avoir compris votre prudence ( cousine de pudeur ) .
Que ce passe-t-il par contre quand vous mettez le nez à la fenêtre ?
Sur la nomination du public et du privé , il me semble qu’il faut se montrer plus rigoureux , car , selon moi , ce sont bel et bien des intérêts privés qui , en se glissant dans les habits de la puissance publique , occasionnent une bonne part des véroles que vous redoutez à juste titre .
Il est étonnant que l’on s’en réfère toujous à sa grand mère ( même Chirac , qui prétendait qu’elle lui avait enseigné qu’avec un cachet d’aspirine et une bouteille d’alcool à 90° on passait partout ) , jamais à ses grands pères , et presque jamais à ses parents. Peut être bien parce que les grands mères comprennent beaucoup et pardonnent tout . On ne peut même plus poser la question à Freud …
Ma grand mère maternelle m’a laissé : » quand je voudrai la mort , je te l’enverrai chercher » quand je traînais trop . Et son sourire .
Mon grand père paternel : » huit jours derrière une benne et tu te plaindras moins ! » ( une benne de charbon , car il était mineur ). Et son humour .
Mon père , une forme de courage physique et de résistance aux évidences . Et son humour .
Ma mère lutte encore pour nous et notre bonheur . Avec humour et un sourire que je lui ai toujours connu .
La relève est dure à assumer .
Mais ça vaut le coup .
Absolument !….( Onfray.Freud )…
Ce blog est de plus en plus magnifique..Je suis coi !
Revenir à 1789 :un peuple dans la misère et la famine . Des privilégiés intouchables .Un roi de droit divin qui ne s’incline que devant le pape et ses représentants .
Pourquoi 1789 ? Trop de misère, d’injustice mais d’amour aussi :personne n’imagine que le roi puisse les tromper : il est mal conseillé, mal entouré, etc..
Les cahiers de doléances sont des actes d’amour : ça ne va pas, ça ne peut plus durer , nous allons t’aider notre roi…Le roi lui a un souci :ses caisses sont vides : trop dispendieux son entourage, son cadre de vie , trop parasitaires les deux ordres …
La fuite à Varennes a tout fait basculer :le peuple s’est rendu compte que le roi n’avait pas de parole , qu’il n’avait aucune considération pour lui , que ses seuls amis étaient les autres monarchies dont il attendait secours , qu’il n’était que duplicité , donc plus aimable.
Les autres familles monarchiques d’Europe sentaient le danger d’une monarchie tempérée , et la papauté pensait avoir tout à perdre . La suite…
Intermède…
Juste une idée simple : les humains ne se mobiliseraient-ils pas essentiellement pour écarter autant que possible le malheur, la gêne, la difficulté d’exister … en sommes, le conatus de Spinoza : se maintenir dans l’être, réduit le plus souvent au fait de se maintenir dans (ou jouir d’) une existence correspondant au plus près des représentations actives dans son groupe social d’appartenance, et auxquels ils estiment avoir droit (attendus en fonction des représentations).
Le bonheur c’est la somme de tous les malheurs qu’on n’a pas.
(Marcel Achard)
@pablo
Euh… Très laide citation. D’autant que, s’il n’a osé l’écrire, il a pensé manifestement très fort la fin de la phrase : « multipliée par le malheur des autres », évidemment…
@ Vigneron
Vous connaissez mal Achard: il était trop frivole pour penser ça…
@Paul,
Il y’a quelques dizaine de mois j’avais suivi sur ce blog des discussions passionnantes sur la chine et la civilisation chinoise. Ce serait un bonheur pour moi de lire sous votre plume ou grâce à l’un de vos invités une approche de « la philosophie du bonheur et du malheur » vu de côté de l’Asie. Si la Chine est appelée à devenir maitre du monde, ne peut-elle pas contribuer à l’histoire humaine en produisant une philosophie radicalement différente de la nôtre ?
Je ne suis pas pour l’importation du bonheur.
Bertrand,
Il y a un français là bas qui suit l’affaire en direct, jour après jour
Pierre-Yves, au boulot! J’attends avec impatience ce texte. 😉
bonichon nom masculin
Fam., vieilli. Petit bonnet.
Je cherchais la définition de bonheur dans le Petit Larousse et ma souris s’est égarée.
Avec un peu de mauvais esprit , on pourrait dire que si la souris a révélé de beaux nichons , l’égarement n’en était pas ( encore) un .
» Bonheur du jour , Joli(e) secrétaire … »
Mais je vais me faire prendre par la patrouille anti-machiste !
Et on va me taxer de prendre le parti freudien !
Les instant de bonheur sont liés à une hypersensibilité positive au beau, bon et bien…et « malheureusement » une insensibilité, au moins provisoire, au laid, mal et mauvais car il faut être autocentrique pour se « dire » heureux…
Il faut être vivant, pour se dire heureux, c’est pas la même chose!
je dirais plutôt : « se sentir vivant », c’est à dire quand notre propre pulsation interne s’accorde aux pulsations du monde et ressentir une résonance monter, une mise en phase…une sorte d’essence humaine !
Désolé, ça n’a rien à voir, mais je me suis dit que je toucherais plus de monde sur un billet récent.
La vidéo « Le système financier international : qui osera le réformer et comment ? » réclamée par tant de monde est disponible :
http://www.jeanfrancoiskahn.com/Le-systeme-financier-international-qui-osera-le-reformer-et-comment_a197.html
Encore désolé pour le hors sujet.
Le but d’une existence est-il le bonheur ou la réalisation de soi ? Celle-ci se mesure-t-elle à l’aune du bonheur éprouvé ? Nommer le bonheur peut-il nuire à ce qu’il désigne ?
Et pourtant …..
Les analyses de Freud, comme il le dit lui-même, n’apportent pas de solution. Elles sont donc fausses.
Freud a eu des intuitions puissantes? Soit, mais la théorie reste à faire.
Que ses intuitions servent à réfléchir oui. Que ses théories servent de solutions, impossible, il le dit lui-même.
» Liberté , égalité , fraternité » est aussi une intuition , pas un prêt à porter .
Ah non. C’est l’idéologie bourgeoise qui n’y met pas du tout la signification que véhicule la propagande.
Je nage un peu .
Votre formulation n’est pas explicite pour moi .
J’ai d’abord trouvé le bonheur dans des situations très simples, modestes, sans prétentions.
Gamin c’était dans le fait d’être libre, dans la rue, avec ses copains, copines aussi.
Pas de vacances d’été sophistiquées et pourtant tellement heureuses comme un mois dans une ferme, libre dans la forêt à fabriquer une cabane, ramasser le bois, déambuler, les repas se résumaient à un frugal plat de patates (midi & soir), une crème caramel le dimanche.
Quel écart avec mes petits enfants, m’enfin faut vivre avec son siècle.
Le bonheur c’est aussi après un séjour à l’hosto, ou même une simple visite à un proche hospitalisé de se retrouver à nouveau dehors, libre, en parfaite santé. Egalement durant ou après une déprime se ressourcer dans un activité physique, se balader, écouter les chant des oiseaux, sentir la vie, rire à pleins poumons, en toute franchise et pas aux dépends des autres.
Le bonheur c’est surtout apprécier l’essentiel de la vie et négliger le superflu, l’artificiel.
Liberté, égalité, fraternité oui, mais pas que des mots, dans les faits, la pratique (LEFR).
Liberté :
Sous réserve d’être en sécurité, à l’abri des prédateurs. Libre comme l’air, comme l’oiseau dans le ciel, pas marié à son employeur, pas dépendant d’échéances financières, de son banquier, de son entourage y compris de sa famille parfois, bref pouvoir choisir à tout moment une autre voie dans le respect de ses responsabilités.
Egalité :
Traiter l’autre d’égal à égal, sans distinction d’aspect, de CSP, de niveau intellectuel, ….
Pouvoir exprimer sa différence quel que soit ses origines, pouvoir valoriser ses qualités propres
Ne pas dépendre d’une rente de situation, de privilèges, se faire chacun à la force de ses poignets, de son engagement, de son travail
Fraternité (et solidarité et altruisme et compassion)
Se mettre à la place de l’autre, travailler pour, avec l’autre, le considérer comme soi-même
Dans un groupe chaque singularité est utile, il faut juste les utiliser au mieux pour l’intérêt commun.
Ne pas se laisser pour autant prendre pour une « bonne poire » par d’éventuels parasites ou saboteurs
La liste n’est pas exhaustive : Justice, responsabilité, droits/devoirs, travail/loisirs, …..
C’est vrai , mais le restant de la liste en découle ( ce que j’ai nommé ailleurs les circonstancielles et compléments ) .
Le sujet et le verbe sont bien ces trois intuitions .
Le rire n’est pas que le propre de l’homme.
Il parait que les rats sont capables de rire aussi et ils ne seraient pas les seuls parmi les animaux.
Rat qui rit, arakiri, hihihi.
Vaste sujet a vrai dire, est puis c’est tellement personnel, le bonheur tout comme le malheur d’ailleurs. Disont qu’un peut de compassion et d’attention ne ferait pas de mal 🙂 🙂
Le bonheur c’est comme l’interet plus il y en a plus ça va, ça ne veux pas non plus ça ailles toujours . ( copyrigth logique 🙂 )
Nous naissons, vivons, mourrons au sein d’une vaste horloge astronomique. Tout y est paramétré. Etant constitué de matière, nous sommes conditionné aux lois qui la conditionne dans un espace temps circonscrit. Notre grande maison sphérique.
Poser la question du bohneur c’est poser la question du malheur, poser la question de la vie c’est poser la question de la mort. Ce qui est plaisir, nous renvoie à son absence douloureuse, à son contraire la douleur. L’ombre à la lumière. Chercher à départager les deux qui n’en font qu’un conduit à une course mortifère. Alors que faire?
Chercher la respiration, l’entre deux, là ou les choses se font et se défont. Un agriculteur à dit « un mauvais temps est un temps qui dure trop longtemps ». Donc la vie est alternance, c’est une question de rythme et de tempo. Une alternance trop rapide annule le mouvement. Plus de temps,plus d’espace, plus de vie,le néant.
Comprendre le mouvement, le laisser s’accomplir, se mettre en mouvement dans le mouvement, dans le tempo.
La problématique de l’homme c’est de vouloir imposer l’éternité « immobile » et « intemporelle » de l’ »esprit » » à la finitude » mouvante et « temporelle »de la matière, ce faisant il aboutit à la destructions des paramètres qui conditionnent la matière au lieu d’utiliser les lois de la matière pour jouer avec elle en la transformant dans le respect d’une Loi entre toute. Celle de l’équilibre, celle de l’Equité, de la Justice qui constamment réajuste le désordre. Afin de mettre en forme l’informe. Par le jeu des sciences et des arts.
La question de l’éthique ne mène nul part, le serial killer a sa propre éthique, chacun construit sa propre éthique. Alors qu’il n’y a qu’une seule équité. Tout dépend du centre que l’on se choisit afin de répartir de part et d’autre les poids et les mesures.
La cruauté vient essentiellement des cultures et des jugements de valeurs des sociétés humaines,
fondées,établis selon une certaine lecture du monde, des êtres et des choses. Une certaine compréhension, interprétation du monde conditionnant des réponses
Dans mon enfance je contemplait la bibliothèque de ma mère, pleine de toutes sortes de livres, j’imaginais la bibliothèque de l’humanité toute entière. Me disant que jamais je ne pourrait tout lire.
Jusqu’à ce que le « hasard » me fit croiser la route d’un homme qui dit une chose qui me fut salutaire.
Il fit une association sémantique et distinctive entre , »savoir » et « pouvoir, et, »connaitre » et « naître avec ». Ce fut pour moi une illumination. Une nuance subtile entre deux façon complémentaire de comprendre.
Pour moi lire (peu de livres, mais tout est à lire), apprendre, percevoir, consiste à me nourrir, digérer, transformer incorporer, je suis une connaissance vivante du monde vivant ,des êtres et des choses, parmi d’autres. Mais je déplore d’avoir acquis si peu de science et de savoir faire.
Le plus grand des plaisirs, la jubilation, la réjouissance absolue viennent de la compréhension, de la convergence,de l’aboutissement dans la connivence des êtres et des choses. Trouver en soi,par l’intelligence du corps,du mental, le jeu des émotions, la réponse adaptée qui dénoue, débloque, une situation et libère le mouvement nécessaire au jeu de la vie. Partager avec d’autres cet effort dans l’ouvrage et la joie dans la réalisation de l’objectif, quelque soit l’objectif,le plus anodin soit-il C’est le Bonheur. Une vie qui a du sens.
Le jeu de la création avec ses contrariété ,ses difficultés et ses pauses, sont pour moi une source de plaisirs répétés à tous les étages de mon être.
La douleur devient intolérable quand par la durée elle devient souffrance, elle érode la résistance nerveuse et physique d’un corps. La souffrance morale absolue, celle qui épuise le corps en vampirisant le psychisme vient de la sottise humaine. Celle qu’engendre l’ignorance de l’Homme » de lui même. De là vient provient l’intolérable, l’insupportable, qui rajoute inutilement de la difficulté à la difficulté, du malheur au malheur.
Dans ce cas précis, je l’avoue je pourrais tuer, sans état d’âme aucun. Sans chercher à faire souffrir, juste en éradiquant proprement ce qui, volontairement, se justifiant par mauvaise foi, génère alors qu’il y des alternatives possibles satisfaisantes pour chacun ,de la souffrance.
L’erreur est toujours pardonnable mais l’iniquité ne l’est pas. Là est la limite de ma capacité à pardonner. Voilà pourquoi je pense que tout dépend du centre autour duquel on construit n’importe qu’elle édifice. Celui de sa pensée, soi même, une société….. Le centre choisit ,ainsi que l’objectif à atteindre déterminent ,la façon dont on va répartir les poids et les mesures de manière équitable.C’est à dire dans un souci d’équilibre. Déterminent aussi le choix des moyens et leur mise en oeuvre pour atteindre l’objectif.
On confond la fin et les moyens en occultant le centre. Qu’est ce qui est primordial, sacré, tabou?
Soit l’ »Homme » se sait animal, il en a honte.Se niant animal,il se veut pur esprit, de ce fait il pervertit son esprit se faisant plus bête que la bête. Voulant dominer la matière , il en détruit les formes et les structures. Ce faisant il s’annihile. Car la matière par ses lois le rejettera dans l’obscurité tourmentée de son âme.
La matière réside dans ses lois, plus que dans ses multiples formes et structures.
Soit l’ »Homme » se soumet à l’animal qu’il est en partit,et niant l’esprit qu’il est en partit il pervertit la matière se soumettant à une force aveugle ,il s’enlise toujours plus profondément. La matière l’absorbe. Il est poussière.Ce faisant c’est son âme qui le rejette.
Soit l’ »Homme » se « connait animal et esprit, sans honte il apprivoise l’animal. Par son esprit lui apporte dignité, il élève l’animal et en fait un « Homme ». La matière fait l’humilité de l’esprit, l’esprit fait la dignité de la matière et l’âme l’illumine. L’ »Homme » est établit. Il peut aller.
Ma mère dans son amour du beau et son désir de pureté était en elle même dans le monde ,comme sur une île au milieu d’un océan de gadoue. Petit à petit son espace vital semblait se réduire sous la montée de cette boue .Ne pouvant plus fuir, elle ne put que mourir. Elle idéalisait la matière du monde, la sublimait mais ne la comprenait pas, elle la craignait.
La vie ,le monde, les êtres et les choses, mes semblables, « Nous », m’ont enseigné qu’il me fallait plonger dans cette gadoue, en faire l’expérience, la toucher, la sentir, la lire, l’entendre, la comprendre, la modeler pour la transformer selon ses lois. Pour cela faire le douloureux apprentissage de l’humilité et celui de la patience. La Patience est l’apprentissage le plus pénible, tenir son désir, maitriser ses envies, contrôler ses émotions, pour ne pas rater son objectif.
Je fais à peine mes premiers pas. Mais tant de temps et d’énergie perdu à défaire des noeuds de vilénies.
Encore une très belle confession de saule. Merci. Elles sont rares, gratuites et précieuses.
Vous finissez par « Mais tant de temps et d’énergie perdu à défaire des nœuds de vilénies. »
Que vouliez ou pouviez vous donc faire d’autre que de dépenser ce qui est à dépenser, pour le retrouver et le partager avec nous.
Profond message d’espoir que cette confession en effet .
Blaise Pascal ( qui perdit sa mère à l’âge de trois ans ) n’a rien écrit d’autre .
Saule nous montre que la transmission des « trop » de nos parents n’est pas une fatalité et que le choc de l’inné avec l’acquis peut libérer et enrichir .
On regrette juste parfois qu’ayant fait ce chemin , on ne puisse justement pas en tranmettre toute la substantifique moêlle à ses enfants ( ça marche souvent mieux de ce point de vue avec les petits enfants) .
« L’humanité , qui devrait avoir 6000 ( au moins ) ans de sagesse , retombe en enfance à chaque génération » .
Proverbe chinois que ne renierait pas Logique , car , s’l sous entend le risque d’une perte pour ceux qui avaient bien progressé , il donne une chance à ceux qui étaient un peu à la traîne .
De la relativité du bonheur et du malheur .
L’éthique est la question importante…
Pour shématiser, on nous propose le modèle de la réalisation de soi, l’hédonisme, l’accomplissement de soi, se trouver soi-même, devenir soi-même… et gouter à tout, tout faire, tout voir et se gorger de sensations. Vive moi, le self made man qui ne doit rien personne.
Mais un jour il faut bien constater qu’on vieilli et qu’on a poursuivi une chimère, car le moi va disparaitre, et après la fête, il reste des confettis. Sans devenir janséniste, il faut bien constater qu’il faut se tourner vers autre chose que soi, mais quoi ? Eh bien vers ce que l’humanité à fait de meilleur, et non vers la gadoue.
Je deviens un peu hégélien… il faut croire en effet, à l’humanité (l’Esprit ?). Et au fait que l’éthique est la limite de la bonne action, on ne peu faire mieux, faute de miracles. Pour l’amour de l’humanité comme il est dit dans le don Juan. Et ce qu’il y a de meilleur est en effet une capacité à agir pour le bien commun, la raison, le progrès. L’intérêt universel.
L’individu n’est pas une raison suffisante pour vivre, la famille est une petite tribu, mais elle reçoit de l’humanité, des valeurs, un savoir. C’est tout cela qui est une raison vitale amha.
Comme disait Proust je crois, il est étonnant de constater que ce que nous admirons le plus chez quelqu’un ne lui appartient pas.
L’amour, l’art, la poésie disait A. Breton qui cherchait l’or du temps. C’est vrai, mais à condition de le penser comme partage.
Tout ce que l’on fait de bien et de grand est immédiatement récompensé par de l’argent et ainsi, le but qui est de grandir l’humanité est secondaire par rapport à la satisfaction de la gloire personnelle….
Nous avons totalement perdu derrière un tas de chimères (individualisme, hédonisme romantisme, sexualité…) la seule chose qui dure, qui échappe au temps : le progrès, l’éthique, faute de mieux.
Emma Bovary… etc. la tragédie de la Personne humaine… et oui c’est une tragédie, une tragédie athée, voyez bien. C’est donc que sans raccrocher l’individu à ce qui le traverse et le transcende, il n’y a pas de sens. Et le sens que Camus recommandait de chercher, et qu’il n’a pas su dire, mais accomplir, c’est tout ce qui était proscrit après la chute de toute la transcendance.
Lorsqu’on s’est retrouvé seul avec l’individu, toute perspective était bouchée !
Le ciel étoilé au dessus de moi, la Loi morale en moi, sauf que Kant n’a pas su faire aimer cette Loi morale. On l’aime parce qu’elle vient de loin, on n’aime pas un réseau abstrait d’ordres et de lois arbitraires. Kant et Sade, titre célèbre.
Il faut vivre au dela de son horizon personnel. L’individu a ses droits (qu’y a t-t-il de plus agréable que l’amour…). grâce à l’internet aussi et à ce blog, chacun peut contribuer à améliorer les choses et au progrès ! Ce qui était impossible avant, matériellement. L’Esprit reprend vie grâce à l’internet… la pensée se remet en marche.
Mais la fable des abeilles de Mandeville, est typique de cet écervellement. Vice privé, croissance, dictature économique comme seul horizon, ceci ne fait pas sens.
@ Saule
« Souviens-toi,
jamais une seule main n’a réussi à applaudir.
Et tu dis que tu m’aimes,
mais si tu aimes, c’est qu’on t’aime.
Si tu désires le Paradis,
c’est que le Paradis te désire.
Tu ne me chercherais pas
si je ne t’avais pas cherché.
Je suis ta propre âme,
ton propre cœur.
Pourquoi restes-tu frappé de stupeur ?
Ce que tu cherches, c’est toi-même,
ton véritable être,
et ton être le plus profond, c’est moi.
Je suis toi puisque tu es moi.
Si tu te souviens de moi,
je me souviendrais de toi. »
(Rumi. 1207-1273)
C’est avec une profonde émotion que j’ai pris connaissance de votre texte, véritable symphonie, ode, louange de tant de sensibilités que j’éprouve sans prouvoir les exprimer d’une manière aussi claire.
Merci à vous pour votre profonde sincérité et je m’associe sans réserve aux autres commentaires.
Réflexion faite, c’est plus qu’une symphonie, une sonate, un concerto pour contrebasse seule (un de mes instruments préférés).
« Le corps social perd tout doucement son lendemain » disait Paul Valéry à propos de la seconde moitié du XVIIIème siècle, avant la Révolution française. Pour le peuple, l’avenir s’évanouissait. St Just dans « l’Esprit de la Révolution » : « La misère et la rigueur de l’année 1788 émurent la sensibilité. Les calamités et les bienfaits unirent les coeurs; on osa se dire qu’on était malheureux, on se plaignit […] le malheur commun ligua la force commune; on osa jusqu’à la fin parce qu’on avait osé d’abord; l’effort ne fut point grand, il fut heureux; le premier éclat de la révolte renversa le despotisme. »
A Gu Si Fang, Souvarine et Paul Jorion.
Débat intéressant. C’est vrai qu’il existe une certaine ambiguïté chez Hayek. Théoricien de l’ordre spontané de société, il en est aussi le défenseur ( cf « La route de la servitude » et plus tard ce qui est le bilan de son oeuvre « Droit , Législation et Liberté »). C’est la raison pour laquelle paul Jorion réagit comme il l’a fait , avec la réaction de Gu Si Fang.
De fait ce qu’on appelle aujourd’hui les libéraux en politique sont des reconstructeurs d’ordres sociaux, donc vilipendés par Hayek, reconstructeurs qui ne sont évidemment pas des libéraux authentiques. Il semble en effet qu’on utilise Hayek pour construire politiquement des rentes (cf la finance depuis plus de 30 années maintenant).
Pour ma part , je pense que la pensée libérale est un formidable paradigme pour simplement expliquer le réel, mais surtout rien de plus.
Vous vous situez sans ambiguité, ce qui ne va pas sans me sembler très partisan, pour ne pas dire affilié.
« sont des reconstructeurs d’ordres sociaux, donc vilipendés par Hayek, reconstructeurs qui ne sont évidemment pas des libéraux authentiques. Il semble en effet qu’on utilise Hayek pour construire politiquement des rentes »
M’enfin. Je rêve…
Où ça, vilipendés? A-t-on lu le même Hayek? Celui qui dit de lui-même que son maître spirituel est Burke? Avez-vous compris ce qu’est l’ordre spontané chez Hayek? La tradition, l’ordre établi, les rentes quoi (par opposition au constructivisme: à la redistribution étatiste qui veut redistribuer les cartes de manière rationnelle). C’est un libéral conservateur et il a dit lui-même qu’il était plus conservateur que libéral.
Hum…
Je pense qu’avant toute chose on doit se débarrasser du capitalisme et de son cortège de souffrances.
Cela me semble être LA seule priorité.
Regarder derrière, regarder devant ca prend du temps et pendant ce temps
NOMBREUX sont ceux qui se font briser par le système.
Sans doute ici n’y-a t’il pas suffisamment de personnes en état de précarité pour distinguer très clairement LA priorité des priorités.
Comment affaiblir-anéantir le capitalisme? Une seule question.
Mais ce devrait être notre UNIQUE préocupation, jour après jour et jusqu’à ce qu’on en ait fini.
N’es-ce pas plus intelligent de s’en servir pour arriver à ses fins, plutôt que le combattre avec des résultats frustrants ? Ex : le commerce équitable…
Freud disait, de l’analyse, qu’elle n’apporte pas le bonheur, mais vise seulement à transformer la misère névrotique en malheur humain banal.
Sur ce plan-là, adopte-t-il la formulation classique de la question (« il s’agit pour les hommes de situer le sens de leur vie par rapport à la quantité de bonheur à laquelle ils peuvent accéder ») ? Ou la formulation non classique de la question (« il s’agit pour les hommes de situer le sens de leur vie par rapport à la quantité de (…) de malheur qu’ils peuvent supporter (…) ») ?
Je suis bien en peine de trancher. Et si la question était indécidable ? Auquel cas le thème des deux billets de Paul Jorion (casuistique des bonheurs versus casuistique des malheurs) ne présente, à mon sens, guère d’intérêt.
Est ce à dire que , tel Marx et l’humanité , vous ne vous posez que des questions que vous savez résoudre ?
@juan nessy,
Replaçons la phrase de Marx « C’est pourquoi l’humanité ne se pose jamais que des problèmes qu’elle peut résoudre », dans son contexte : « Une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir, jamais des rapports de production nouveaux et supérieurs ne s’y substituent avant que les conditions d’existence matérielles de ces rapports soient écloses dans le sein même de la vieille société. C’est pourquoi l’humanité ne se pose jamais que des problèmes qu’elle peut résoudre, car, à y regarder de plus près, il se trouvera toujours, que le problème lui-même ne surgit que là où les conditions matérielles pour le résoudre existent déjà ou du moins sont en voie de devenir. ». (Critique de l’économie, Préface).
Ceci fait –vous comprendrez pourquoi, plus loin – la question que vous me posez (« Est ce à dire que, tel Marx et l’humanité, vous ne vous posez que des questions que vous savez résoudre ? »), je la pose à Paul Jorion lui-même. Je peux certes me tromper, mais j’ai l’impression qu’il y répondrait par l’affirmative, DU MOINS en fonction de ses deux derniers billets qui se comprennent à la suite de celui du 29 juillet dernier (« Passer à la phase constructive ») dont je retiens la conclusion : « Il nous faut reconstruire. Aucun pouvoir en place ne nous aidera : le déclin, la décadence sont inscrits comme principes dans leurs tables de la Loi. Nous devrons le faire seuls ».
Pour Paul Jorion (je paraphrase le passage de Marx ci-dessus), le capitalisme est destiné à disparaître à terme, mais les conditions d’apparition d’une nouvelle formation sociale sont en train d’éclore en son sein ; c’est pourquoi Paul Jorion ne se pose jamais que des problèmes qu’il peut résoudre (ou s’y essayer), car le problème lui-même ne surgit que là où les conditions pour le résoudre sont en voie de devenir.
Si telle est la pensée de Paul Jorion, il n’y a rien à y redire. Par contre, je doute qu’il ait mis le doigt sur lesdites bonnes conditions et, donc, qu’il ait posé ledit problème correctement : relisez, à cet égard, mon commentaire du 4/8 – 11 :39, sous le billet « La transition (I) – Le calcul du bonheur et du malheur ». Mon doute est d’autant plus grand que je crois que Paul Jorion n’est pas remonté assez loin dans le temps, à la recherche de « la bifurcation » à partir de laquelle tout s’est joué, plutôt mal que bien. Il faudrait remonter en deçà de la Révolution française : à la fin des terribles guerres civiles religieuses européennes du 16ème siècle, comme l’a très bien expliqué Jean-Claude Michéa : pour lui, ce qui s’est passé avec et après la Révolution française, n’est, en gros, que la « répétition » de ce qui s’est passé avec et après les dites guerres, qui ont signé la mort du monde ancien et la naissance du monde moderne dans lequel nous vivons toujours mais qui est, actuellement, en danger de mort.
Pour terminer, voici ma réponse à votre question : je crois savoir faire la différence entre la spéculation (ou la contemplation) où l’on se pose des questions qu’on se sait pas résoudre (interpréter le monde, suivant Marx) et la praxis politique (ou autre) où l’on se pose des questions qu’on sait résoudre (transformer le monde, suivant Marx).
@ André :
Merci de votre réponse plutôt charpentée .
On va voir si Paul Jorion y fait écho ( ça m’aiderait ) .
A ce point je me demade s’il est toujours bien facile de faire le distinguo entre » de nouveau » et » à nouveau » .
Mon intuition est que cette fois ci l’affaire est suffisamment grave pour que l’on puisse se contenter de recycler( faire du neuf avec les ruines ) sans créer ( faire du neuf avec rien ).
http://blogs.lexpress.fr/attali/2010/02/le-bonheur-comme-au-bhoutan.php
apparemment personne n’a mentionné ce post d’Attali sur la notion de Bonheur et sa mesure.
Je pense qu’il est intéressant d’observer ce que font les pionniers dans le domaine.
Vous appelez ce micro-pays arriéré et anachronique un pionnier? Un pays qui s’est constitué en expulsant ou en faisant fuir au moins 100 000 népalais pour garder une population « pure ». Qui vit sous une religion d’État bouddhiste, dans sa forme tantrique, appelé aussi lamaïsme, pratiqué par 75 % de la population, type Tibet avant les chinois, et impose le port du vêtement traditionnel aux femmes et aux hommes. Qui aurait selon le rapport CIA World Factbook, plus de 2 Millions d’habitant aujourd’hui mais ne reconnait que les bhoutanais pure souche (800 000). Les Bhoutanais d’origine népalaise subissent une discrimination culturelle et ethnique au point que certaines professions leur sont interdites (administration, enseignement, etc.. Selon des ONG d’obédience chrétienne, les chrétiens y sont peu nombreux en raison d’entraves à la foi chrétienne dans ce royaume. Les statistiques démographiques y sont les mêmes que celles de l’Inde avec par exemple un taux de mortalité infantile autour de 50 pour mille (t’as une chance sur 20 que ton môme crève jeune).
C’est son roi d’opérette qui a décidé d’adopter, après large consultation avec lui même et large consensus avec le même, il y a quelques années sa constitution et son Bonheur Brut local pour gogos verts étrangers et peuple arriéré local. Tiens, un exemple des idées géniales et « novatrice de ce grand souverain:
Après le timbre parfumé en soie naturelle et en relief, et l’hydro-électrique vendue au vilain voisin hindouiste, le BNL…
Ce qui n’empêche pourtant pas les responsables de l’ONU de citer en exemple le royaume himalayen, ou les penseurs des ministères de l’économie sociale en France et en Angleterre de s’en inspirer pour des projets de politiques visant à accroître la « satisfaction vitale », l’expression « politiquement correcte » pour parler du bonheur. Tu m’étonnes, en interdisant pratiquement de fait le tourisme, chaque Onusien ou Huile éco-responsable se sent au paradis dans ce décor de jungle hollywoodienne, sur son char à bancs tiré par 2 zébus, avec tous ces jolis costumes et ces temples tantriques! Le paradis New-Age! Même notre Attali national succombe à ces délices falsifiés!
Réveillez moi, c’est un cauchemar…
@Ybabel :
Le « don », peut-il se mesurer ?
Quignard a vingt ans quand il écrit ça :
Nous avons une attache aux plaisirs qui est inguérissable.
Nous sommes livrés au violent amour que notre corps soit heureux.
Nous sommes esclaves des agréments et du bonheur plus que nous sommes esclaves de la souffrance que nous oublions sur-le-champ.
Nous sommes esclaves des agréments et du bonheur plus que nous sommes esclaves de la mort, où nous ne sommes que contraints.
C’est ainsi que nous pouvons dire : la gourmandise est plus sombre que la mort.
Toile 11. (Écrits de l’éphémère, p. 252).
et pour clin d’œil à la mythologie freudienne, l’homme discerne son contour à se tenir dans son ombre portée face aux murs et miroirs d’un royaume céleste semblable à notre terre, fort d’être promis, constitué de la chaire de nos rêves, puits d’amour et de lumière sauvé à jamais de la mort- royaume des ancêtres comme celui des enfants à venir). quelque chose cloche. où est le premier pas? la mythologie répond en traçant un cercle. les actions épousent la figure d’une spirale. les crises de plus en plus rapprochées, d’un caractère fatal (ou pouvant être reçues ainsi, les journaux les radios télés participant diffusant massivement l’aveuglement du pouvoir et de l’ambition) et la spirale s’effile. ce rire révolutionnaire, le dernier Chevillard « Choir », noir, très noir… cité d’un homme pas si étranger à l’homme selon Freud ( la dialectique en moins, la diabolique dialectique ):
« Partout où nous nous installons s’installe aussi la discorde ; et le désert aussi s’étale, à se demander si le sable ne s’écoule pas par les trous de nos poches. »
« «Le malheur de l’un fait le bonheur de tous les autres, axiome qui se vérifie aussi à l’envers. À Choir, au reste, la réciproque est toujours vraie.»
et encore alourdi par le temps et ses œuvres les hommes se rappellent, attende du chaman le récit de « la geste d’Ilinuk » le guide. « Il nous tendra une main secourable depuis ces hauteurs fabuleuses, il nous habillera d’air et nous hissera jusqu’à lui sans effort. »
Où l’on s’approche une nouvelle fois de Dieu ! What else ?
Genèse 2,17 : « mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras. »
Genèse 3,24 : « C’est ainsi qu’il chassa Adam ; et il mit à l’orient du jardin d’Éden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l’arbre de vie. »
Attention aux chérubins !
Mais c’est bien, c’est là que nous avons bifurqué. L’homme est resté bloqué sur le refus d’accepter son incompréhension de l’existence : « C’est la paresse de devenir qui fait qu’on adore. » (Mirra Alfassa).
« l’insertion de l’espèce humaine au sein du monde naturel ne la dispose pas a priori à s’y trouver heureuse. »
« a priori » :
1- Je n’en suis pas sûr.
2- Qu’est-il devenu ?
Back to the future : le salariat est pratiquement ce qui éloigne le plus l’homme de sa démarche vers cette bifurcation première où il s’est laissé aller à croire, car il l’oblige à consommer, à participer à l’occupation collective, celle-là même que la civilisation actuelle s’est trouvée pour fuir sa réalité, sa religion.
Attention : ce n’est pas le progrès – ou plus futile, la croissance- qui est ici visé, mais la manière d’y accéder. Le progrès ne peut qu’exister, et ceux qui prétendent le contraire sont de fieffés racistes colonialistes ! Si le progrès n’avait qu’une seule forme possible, ça ferait longtemps que nous aurions un ordinateur en guise de cerveau et que nous laisserions crever nos « semblables » qui n’ont pas su progresser comme nous (c’est plus fort que moi, veuillez m’en excuser : au moins un de nous deux a besoin d’une bonne nalyse) ! Comment imaginer une société intelligente qui ne progresserait pas ?! Comment penser que l’homme asservi, inventant et produisant sous la contrainte (du salariat) puisse donner le meilleur de lui-même ?! C’est le salariat aussi qui pousse aux guerres et tensions d’appropriation, comme l’a fait en son temps l’esclavage – du seigneur, du maître ou du chef religieux : soit par l’appât d’un salaire plus grand, soit par la peur de le perdre. Dur de s’arrêter de jouer quand on a commencé…ah la drogue !
Toutes les difficultés que nous rencontrons viennent de ce mal : le salariat. Et ce mal est dû à notre peur d’affronter notre réalité. C’est donc à l’homme qu’il faut proposer de changer, et non pas aux hommes qu’il faut proposer une nouvelle société « clés en main » en laissant le mal perdurer. En aucune manière il ne s’agit donc de militer pour l’abolition de ce mal : il faut et il devrait suffire d’en parler : c’est le chemin, le but. Et notre intelligence fera le reste, n’en doutons pas.
« Nous, chercheurs de la connaissance, nous sommes pour nous-mêmes des inconnus, – pour la bonne raison que nous ne nous sommes jamais cherchés… Quelle chance avions-nous de nous trouver quelque jour ? On a dit à juste titre : « où est ton trésor, là aussi est ton cœur » ; notre trésor est là où sont les ruches de notre savoir. Abeilles-nées, toujours en quête, collecteurs du miel de l’esprit, une seule chose nous tient vraiment à cœur – « ramener quelque chose à la maison ». Pour le reste, quant à la vie, aux prétendues « expériences vécues », lequel d’entre nous les prend seulement sérieux ? Lequel en a le temps ? Dans cette affaire, je le crains, nous n’avons jamais été vraiment « à notre affaire » : le cœur n’y était pas – ni même l’oreille ! bien plus, comme un homme divinement distrait, absorbé en lui-même, aux oreilles duquel viennent de retentir à grand bruit les 12 coups de midi, et qui, brusquement éveillé, se demande « quelle heure vient-il donc de sonner ? » – ainsi arrive-t-il que nous nous frottions les oreilles après coup en nous demandant, tout étonné, « qu’est-ce donc que nous avons au juste vécu ? », […] et nous essayons alors – après coup, comme je viens de le dire – de faire les comptes des 12 sons de cloche vibrant, de notre expérience, de notre vie, de notre être – hélas ! Sans trouver de résultat juste… Nous restons nécessairement étrangers à nous-mêmes, nous ne nous comprenons pas […] – à notre propre égard, nous ne sommes pas des « chercheurs de connaissance »… »
F. Nietzsche, La généalogie de la morale.
Quelle classe ce Nietzsche. Ça me plaît, merci.
Friedrich Nietzsche était l’un de très rares philosophes de langue allemande qui n’a pas tenté d’imposer un système fermé. Cet anarchiste intellectuel est délicieux à lire (surtout en allemand).
Moi , tout ce que je connais de délicieux en langue allemande , c’est :
– Die vögel singen in den wäldern … ( exercice imposé par mon professeur d’allemand en classe de troisième )
et :
– Wenn ich ein vöglein wäre , so flöge ich zum dir , mein liebchen ! ( Heinrich Heine )
Et ça m’a beaucoup plus servi pour draguer les jeunes allemandes dans les dunes de sables de la méditerrannée , que la littérature de Nietzsche . Il y a longtemps .
Freud et le sexe vainqueurs .
Avec les moustiques .
Juan
Heinrich Heine et le cœur vainqueurs. Avec les oiseaux.
Les financiers en moins.
Ouais ouais, nous c’était « die Vôgel singen in den Baumen… », qui était sensé sonner tellement plus harmonieusement que le français « lez zoazo katzouille danz lez zarbres! »…
Et quand je comprenais rien à une question d’un prof d’allemand, j’avais pris l’habitude, invariablement, de répéter : « Es gibt Meinungvershiedenheiten! » (« il y a des divergences d’opinions »)
Ça mangeait pas de pain et ça en mettait plein la vue. Sauf s’il fallait embrayer derrière, œuf corse… « Meiner Meinung nach… euh.. ich habe keine Meinung. » (« A mon avis…euh..je n’ai pas d’avis. »)
Pas glop l’allemand…
Je n’ais pas lu les derniers post ….
m’enfin, en y réfléchissant un peux. Si l’ont prends Freud comme pilier de la conversation.
Il ne faut pas oublier de dire que le bonheur est libidinal, sexuel, au sens ou il procure a l’individu une sensation d’extase, sensuel ou nerveuse, quand je dis nerveux je tiens a dire que la sensation semble être hors de controle, mais le resenti et là, il y a quelque chose qui a vibré autrement.
Bon je ne vais pas rentrer dans le détail, trop long, en plus je ne suis pas vraiment un litéraire, même si j’apprécie les bons écrivains, allez romancier.
Freud parle de la satisfaction personnel, ont peut facilement extrapoler sur une satisfaction individuel. Et pour aller plus loin vers une relation narcisique, bien que narcisse soit a notre époque plus qu’a aucune autre, la possibilité a croire en l’image que le mirroir rend.
L’idiosie est de croire que l’individuel ne pas être d’aucune utilité dans un monde communautaire, m’enfin dois je rappeller que dans un monde individualiste, il n’est geurre possible de trouver un place aux communautarismes. 🙂 😉
Hier soir vers 19 h, de retour de vacances, un peu après 19 h et un peu après Mons sur l’autoroute, je capte France Culture et j’entends parler de Freud.
Au bout de 2 minutes il était clair qu’il s’agissait d’Onfray.
Il s’agissait d’un de ses cours à Caen, podcast possible sur FC (mais ce n’est pas une invitation !). En gros Freud de 1885 à 1910 pour les connaisseurs. Tout ce que j’ai entendu pendant près d’une heure est connu des « spécialistes » soit guère plus de 2000 personnes depuis que la correspondance non expurgée a été petit à petit publiée (ce à quoi la descendance de Freud s’est longtemps opposée). J’ai entendu quelques approximations mais pas de quoi fouetter un chat parce qu’il n’est pas un spécialiste. Par contre sa façon de mettre son public dejà acquis, dans le coup de son style de dénonciateur d’imposture et d’escroquerie est LE problème.
Un exemple parmi d’autre : il raconte que Freud aurait prescrit un massage vaginal à une patiente, massage effectué par un autre médecin, et interpelle son public : « Mesdames si vous voulez vous faire masser l’utérus, trouvez des freudiens et vous verrez ça marche ». Onfray mélange à volonté position analytique et position médicale. Soit il n’a rien compris et c’est grave, soit il en abuse pour abuser.
Autre exemple : il endosse la blouse du médecin :
« Ce qu’on ne parvenait pas à diagnostiquer par manque de moyens techniques, l’imagerie d’aujourd’hui, on l’appelait hystérie » pour des gens qui ont des problèmes neuronaux, problèmes du cerveau, problème de l’encéphale ».
Je ne vais pas insister, d’autres sont en charge de lui répondre ligne après ligne.
C’est plutôt là-dessus que je souhaite dire un mot.
J’apprends qu’existe une pétition pour que « soit mis fin à un contrat qui lie ainsi la radio publique à Michel Onfray ».
A ce propos puisque la question de la liberté est récurrente sur ce blog, il y a la lettre ouverte de Jean Allouch qui mérite l’attention :
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Lettre ouverte pour lettre ouverte
Ce 19 juillet, je recevais, comme sans doute pas mal de gens, un courriel m’invitant à signer une pétition présentée sous la forme d’une « Lettre ouverte aux responsables de France Culture au sujet de l’émission de Michel Onfray programmée de fin juillet à la fin août 2010 à 19 h ». Son texte, était-il précisé, « a été établi par un collectif de psychanalystes et d’enseignants ». Il serait de mauvais aloi de reproduire ici cette « lettre ouverte », également d’en commenter les termes et donc de les faire valoir.
Aussi me contenterais-je d’indiquer que les signataires demandaient, demandent qu’il soit mis fin au contrat liant cette radio publique et Michel Onfray, autant dire que
l’émission soit déprogrammée.
Le lendemain, ayant laissé passer une nuit là-dessus, je répondis à ceux qui m’avaient sollicité, à savoir O. Douville et J.-J. Moscovitz (que j’appelle affectueusement « Mosco » depuis le temps de notre fréquentation au sein de l’École freudienne), ceci :
Cher Douville, cher Mosco,
Depuis quand les psychanalystes tentent-ils d’instaurer un rapport de force tel qu’il interdise à quiconque de parler en mal de la psychanalyse, que ce soit de manière privée ou publique ?
Est-ce là une indication qu’ils donnent quant à leur façon d’accueillir ce qui fut appelé “transfert négatif”, ce manque de recul, ce rapport frontal ?
Le point n’est pas de démontrer en quoi Onfray a tort, ou de mettre en valeur tel ou tel de ses biais alors qualifiés de malencontreux, sinon pire ; le point est de savoir là où il dit vrai et d’accueillir un enseignement de ses attaques même les plus malvenues.
Tout cela manque en outre terriblement d’humour…
Bien à vous deux,
Allouch
PS Ce serait formidable si vous diffusiez ce mot auprès des signataires de votre pétition.
Ces signataires sont aujourd’hui 24 juillet au nombre de 885. Leur démarche redouble un geste d’Élisabeth Roudinesco, signalé par Le Canard enchaîné, visant à obtenir la suppression d’une subvention dont bénéficie l’Université fondée par Michel Onfray.
De telles actions prennent leur appui sur ce qu’un Jacques Lacan souhaitait laisser de côté : le pèse-personnes. Et peut-être un des grands inspirateurs de Freud, à savoir Schopenhauer, en a-t-il décrit la teneur au plus près avec ces mots (cités par Claude Rabant tout à la fin de son remarquable et dernier ouvrage) :
« Pour tout homme avec lequel vous entrez en rapport, n’entreprenez pas d’appréciation objective de sa valeur ou de sa dignité, ne prenez donc pas en considération la méchanceté de sa volonté, ni l’étroitesse de son intelligence, ni l’absurdité de ses idées, car la première pourrait facilement susciter à son égard la haine, et la dernière le mépris ».
Sans réponse à ce jour de la part de Douville ou de Moscovitz, je propose au directeur de l’Elp de rendre accessible à quiconque cet « échange » en le faisant figurer sur le site de l’école.
Jean Allouch
PS : Aucun membre de l’Elp ne figure parmi les signataires. Une heureuse nouvelle venue à ce jour de l’école, isn’t it ?
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Chomsky lors de son dernier passage à Paris, s’étonnait de l’absence de liberté d’expression en France. Évoquant le négationnisme, il disait que ça existait aux USA et qu’on les laissait dire leurs âneries pour ensuite contrer leur dire lors de débats.
C’est effectivement une position souhaitable mais qui mobilise beaucoup d’énergie, y compris sur ce blog où pourtant au moins la censure légale existe même si elle ne représente que moins de 1%.
Si la notion de liberté est redevable à Freud de quelque chose, c’est d’avoir inventé un lieu où il est permis de dire n’importe quoi, les pires saloperies imaginables et inimaginables sans que cela mène à l’incarcération, la vindicte, le bannissement, l’expulsion, l’internement etc.
Appeler les effets de ça, guérison, mieux-être, amélioration, soulagement ou ce qu’on voudra, même le bonheur possiblement, ça doit rester un débat ouvert.
Quant à signer un texte , je signerais sans effort le vôtre , qui évoque la révolte chère à Camus , citée en fin du billet de Paul Jorion .
En relisant votre avant dernier paragraphe , je me suis dit que Freud aurait eu sa place dans un confessionnal .
Mais de quel côté de l’huis ?
Juan Nessy, Du coté du confesseur, le confessé est supposé déjà au courant de ses fautes pour s’en soulager en les accrochant à quelques patères. Tout ça est pré-codé comme le savoir du directeur de conscience. J’ai lu pendant mes vacances un petit roman qui s’appelle « Le psychanalyste » de Leslie Kaplan. Ça a l’avantage de ne pas être un ouvrage réputé de psychanalyse, mais qui par touches impressionnistes est exemplaire du comment ça fonctionne.
J’ai pas suivi le débat sur Freud et je m’en fous à vrai dire. Ce qui me tracasse avec Onfray, que par ailleurs j’aimais bien écouter, c’est que pendant que le capitalisme s’écroule et que la classe moyenne se fait laminer, il disserte sur le vagin des patientes d’un type qui est mort il y a des décennies. Et dire que je le croyais subversif…
@ Moi,
Vous seriez donc dans la croyance que ce qui est ancien n’est pas aux commandes de ce qui émerge comme effets aujourd’hui. Pourtant la lecture régulière de ce blog aurait du faire fléchir votre croyance!
Par exemple :
1933 Glass-Steagall Banking Act
1999 : son abrogation avec le Gramm-Leach-Bliley Act
Et depuis ?
Vous parlez sans doute de la première mort de Freud intervenue en 1939.
Quand à sa seconde mort, il faudra attendre l’autodestruction de l’humanité ou sa disparition après l’extinction annoncée du soleil, à moins qu’une arche de Noe spatiale déporte ailleurs le legs de toutes les thèques capitalisées, Onfray inclus !
Je trouve plus la classe moyenne inquiète que laminée, et le capitaliste plus soucieux, qu’écroulé.
Je souhaite que votre « Moi », ne cache pas un sigle pour M.ichel O.nfray I.nternational.
@ Moi
Mais non, la mauvaise foi n’est pas si fréquente que ça. L’ignorance est plus répandue. Revenons au sujet ! Vous faites une affirmation sur Hayek : « soutenu financièrement […] par des exploiteurs et un dictateur […] Voulez-vous des références ? »
A ma connaissance, le Volker Fund a soutenu Hayek. Difficile de dire que William Volker était un exploiteur, ou alors il faut s’accorder sur les définitions :
http://en.wikipedia.org/wiki/William_Volker_Fund
http://www.trumanlibrary.org/oralhist/matschw.htm#38
Du factuel, SVP. Nous ne sommes pas là pour échanger des invectives. Cdt
Je pense que vigneron vous en a donné du factuel et je l’en remercie. En voici un peu plus dans cet article de Susan Georges: http://www.monde-diplomatique.fr/1996/08/GEORGE/5779. Où l’on voit que la fondation Ford a aussi largement contribué au mouvement. En Angleterre, Hayek était surtout soutenu par le milliardaire Anthony Fisher (http://fr.wikipedia.org/wiki/Antony_Fisher).
Par ailleurs, je conseille à tout le monde la lecture de « Les évangélistes du marché » de Keith Dixon qui a fait un travail remarquable pour cerner l’histoire de la nébuleuse néo-libérale.
En ce qui concerne les dictateurs, voir les liens que la pensée de Hayek (et Friedman) entretient avec des bienfaiteurs tels que Pinochet ou Suharto. Interrogé sur Pinochet, Hayek répondit un jour: « Personally I prefer a liberal dictator to democratic government lacking liberalism. »
Lire à ce propos, le classique de Naomi Klein « La stratégie du choc ».
Je me souviens qu’un lendemain d’hospitalisation, où je dégustai sévère, j’avais sur ma table de chevet un ouvrage de philo « Heidegger et le zen », plutôt distrayant … au demeurant, mais objectivement pas assez. Et cette remarque acerbe de l’infirmière soulevant mon bouquin « à quoi sert la philosophie si elle ne vous empêche pas de souffrir ». La distraction d’un système esthétiquement bien foutu, n’est pas rien, un antidouleur en vaut un autre.
« à quoi sert la philosophie si elle ne vous empêche pas de souffrir »
Madame l’infirmière était une stoïcienne déçue.
Il n’y a que des stoïciens décus non ?
@Ugarte: Bonne réponse. 🙂
Les hommes ne se mobilisent en effet pas pour un changement de société – avec les risques que cela implique pour eux et pour ceux qui leur sont proches – en comparant leur bonheur actuel avec celui que conférerait un autre type de société dont le modèle reste toujours plus ou moins abstrait. Ils le font en raison d’une révolte : du fait du sentiment présent que la situation existant sous leur yeux et dont ils sont du fait même, l’un des composants, leur est désormais intolérable.
Dans le même ordre d’idée et pour relativiser ce qui serait «intolérable»:
De l’ethnocentrisme dans l’action humanitaire occidentale
Par : Philippe Montoisy (anthropologue)
1. Motivations à s’engager
Les motivations avancées, par les différents auteurs consultés, pour s’impliquer dans l’humanitaire, sont souvent les mêmes : « se sentir concerné par la souffrance d’autrui », « un devoir d’accompagner », « il m’est apparu indispensable », « l’impératif de sauver toute vie menacée », « l’émotion », « depuis des siècles, les catastrophes frappent l’imaginaire », « impératif d’agir, de soigner coûte que coûte », etc. Ces motivations, à première vue très nobles, émanent cependant de valeurs occidentales forgées à travers une histoire propre à l’Occident (nous le verrons plus en avant dans cet article). Le grand problème c’est que nous avons tendance à considérer ces valeurs occidentales comme universelles. Les propos de Jean-François Mattei sont, à ce propos, éloquents : « Je considère que toute personne aidée … doit l’être au regard de déterminants qui la rendent universelle : la vie, la souffrance, la joie, l’amour, l’aspiration au bonheur ». Pour ma part, ces conceptions de « vie », de « souffrance », de « joie », « d’amour » et « d’aspiration au bonheur » ne sont pas universelles. Elles varient d’une culture à l’autre, et mieux encore d’un individu à l’autre. Le Professeur M. Mimoun débute, quant à lui, son livre par quelques phrases qui peuvent, à la première lecture, être choquantes pour certains d’entre nous : « Je n’ai jamais cherché à faire de l’humanitaire. J’étais méfiant. Je n’aimais pas le mot. Je ne l’aime toujours pas ». Je dois avouer que, pour ma part, je partage ce point de vue particulier. Ce qui me déplaît dans le concept d’ « humanitaire », ce sont les motivations cachées, la misère de l’autre que l’on affiche, une volonté d’exotisme malsain, une certaine psychothérapie individuelle de ceux qui partent, ce moyen de se faire de l’expérience. Je me méfie des imbrications de l’humanitaire avec le droit d’ingérence, de sa confusion avec le pouvoir politique (et militaire), de sa manipulation par les Etats et les religieux, de sa dépendance envers les donateurs (ceux qui possèdent l’argent imposent trop souvent), des corruptions locales qu’il engendre, du rôle des médias, etc.
…
C’est en parvenant à nos fins par l’effort, en étant prêt à faire le sacrifice de profits immédiats en faveur du bien-être d’autrui à long terme, que nous parviendrons au bonheur caractérisé par la paix et le contentement authentique.
Dalaï Lama