Résumé de la COP30 à Belem – « Y a-t-il un passage étroit ? », par Terence

Illustration par ChatGPT

Résumé de la COP30 à Belem – « Is there a narrow way through ? »

Les journalistes experts du Guardian viennent de résumer en deux articles la COP30 qui vient de se terminer à Belem, au Brésil.

Compromises, voluntary measures and no mention of fossil fuels: key points from Cop30 deal | Cop30 | The Guardian

Cop30’s watered-down agreements will do little for an ecosystem at tipping point | Cop30 | The Guardian

Un scientifique d’envergure internationale nous ramène à la réalité du système climatique, encore qu’avec un certain euphémisme, puisque d’autres de ses collègues et le Secrétaire général de l’ONU estiment, non sans raison, que l’objectif de 1,5°C est mort :

Johan Rockström, directeur de l’Institut de recherche sur l’impact climatique de Potsdam et professeur de sciences du système terrestre à l’université de Potsdam, a déclaré : « La vérité est que notre seule chance de maintenir l’objectif de 1,5 °C à portée de main est de faire baisser la courbe mondiale des émissions en 2026, puis de réduire les émissions d’au moins 5 % par an. [Cela] nécessite des feuilles de route concrètes pour accélérer l’élimination progressive des combustibles fossiles et la protection de la nature. Nous n’avons ni l’un ni l’autre. »

Nous allons également assister, dans les prochains jours, à l’éternel bal des interprètes de la COP.

En début de soirée, ce sera la valse des optimistes (aussi appelés « naïfs » par les pessimistes), puis le chachacha des « réalistes » (ceux qui aiment peser le pour et le contre en se croyant plus malins que les optimistes et les pessimistes), enfin, la soirée se conclura par le tango des pessimistes (aussi appelés « catastrophistes » par les optimistes). Shakespeare serait sans doute très inspiré par ce bal des illusions, ce tableau parlant, tandis que les émissions et la concentration en gaz à effet de serre mondiales continuent à augmenter, malgré 30 ans de COP.

Votre serviteur voudrait ajouter quelques réflexions personnelles, issues de son expérience dans les couloirs des gouvernements.

Ce qui me frappe dans les COP, depuis que je les suis de près ou de loin (soit depuis 2010), c’est cette insistance sur le « consensus unanime », « pour sauver le multilatéralisme ».

Or il existe, représentés à l’ONU et négociateurs lors des COP, des pays comme l’Arabie Saoudite (une monarchie absolue de droit divin, une dictature cruelle qui dissout le corps d’un journaliste dans l’acide, un des régimes autoritaires les plus sanglants de la planète) et la Russie (une dictature aggressive qui torture et assassine tous ses opposants, y compris à l’étranger, et qui a déclenché la pire guerre en Europe depuis la désintégration de la Yougoslavie).

Sans compter la Chine, qui est aussi une des dictatures les plus impitoyables au monde, au point de menacer directement ses critiques dans les démocraties, et dont les efforts en matière d’énergies renouvelables ne permettent pas d’annuler ses immenses émissions de gaz à effet de serre, en passe de dépasser celles, cumulées, des plus grands émetteurs historiques occidentaux.

Tandis qu’un régime comme l’Inde, nominalement la plus grande démocratie du monde, est dirigée par un individu proche de l’extrême-droite nationaliste, tout en ayant des émissions massives, seulement limitées par la pauvreté de sa population.

Enfin, l’absence des États-Unis est liée à la présence d’un proto-dictateur à sa présidence. Or les USA sont un des premiers pollueurs climatiques au monde.

Et ne négligeons pas l’essor des dirigeants d’extrême-droite dans plusieurs pays d’Union européenne. Nous participons également à la grande parade de la destruction de la démocratie dans le monde.

Si l’honnêteté intellectuelle impose de comparer les émissions par habitant (qui restent supérieures en Europe et aux États-Unis à celles de la Chine et de l’Inde), et d’évaluer les émissions historiques cumulées, on ne peut pas non plus se satisfaire de l’excuse du développement du Sud, auquel le Nord a eu droit par le passé, pour pardonner aux grandes puissances du Sud global leur opposition systématique lors des COP.

Car ce n’est pas parce qu’une partie de la famille a incendié la moitié de la maison dans le passé que l’autre partie peut se prévaloir aujourd’hui du droit d’incendier ce qu’il en reste, peu importe les torts historiques de chacun. L’atmosphère planétaire n’a que faire de nos torts historiques. La physique est impitoyable et se conjugue au présent. La réalité c’est que le Sud ne peut pas se développer de la même manière que le Nord. Or c’est pourtant ce qu’il fait (mégapoles, autoroutes, aéroports, ports, consumérisme, etc.).

Un jour prochain, les émissions historiques du Sud seront supérieures à celles du Nord global. On découvrira alors que c’est moins l’Occident par essence que la contingence historique qui nous a rendus responsables de la révolution industrielle et de la colonisation du monde. Un argument en plus en faveur du constat que nous sommes une seule et même espèce. Et que les Orientaux, les Africains et les Américains du Sud aussi, peuvent être écocidaires, sans l’aide des Occidentaux.

L’insistance sur le consensus unanime « pour sauver le multilatéralisme », quand on négocie avec de telles tyrannies, et quand les plus grandes démocraties du monde (Inde et USA) versent dans l’autoritarisme écocidaire, me laisse songeur.

Une autre étrangeté depuis les origines des COP est l’omniprésence des industriels, en particulier ceux de l’industrie des énergies fossiles (émissions de gaz à effet de serre liées aux combustibles fossiles) et de l’agro-alimentaire (déforestation donc destruction des puits de carbone et émissions de méthane par l’industrie de la viande). Sans compter les grands complexes industriels comme celui de la construction, de l’automobile, de l’aviation, des GAFAM, du tourisme international et de l’armement, qui ne sont que le corollaire, les usagers, du complexe énergétique fossile.

N’avait-on pas banni les industriels du tabac des accords mondiaux sur la santé ?

Ce qui m’étonne en conséquence, c’est que les « autres pays » : ceux qui apparemment voudraient vraiment avancer, les pays du Sud et du Nord démocratiques (dont l’Union européenne) – ou du moins, pas suffisamment démocratiques mais sincèrement préoccupés par le climat  – ne concluenils pas, entre eux, un traité légalement contraignant, pour sortir des énergies fossiles et réduire leurs émissions de GES. Faut-il attendre un improbable consensus mondial ? Avec des États qui sont des tyrannies et se soucient de leurs citoyens comme d’une guigne ?

Pourquoi ne pas avancer sans eux ?

On me dira : « Oui mais ça ne sert à rien d’agir sans les USA, la Chine, l’Inde et la Russie, qui représente la plus grande masse des émissions mondiales ».

Je répondrais : « Agir sans eux réduirait pourtant notoirement les émissions mondiales et surtout, cela autoriserait notre coalition d’ambition à installer des barrières géopolitiques pour contraindre les États qui ne veulent pas bouger » (comme des droits de douanes climatiques).

Il existe des stratégies « du faible au fort ». De quels atouts disposons-nous ?

L’Union européenne est par exemple un des premiers marchés économiques mondiaux.

L’Union européenne avançait dans cette voie jusqu’à encore récemment. Ses dernières décisions, qui vident de leur substance certaines législations du Green Deal, sèment le doute, pour le moins, sur son positionnement de leader mondial du climat. Si l’Europe n’est même plus leader de l’action climatique, que restera-t-il comme espoir au monde ?

Mais même l’Union européenne n’est pas dépourvue d’ambiguïté.

En fait, certains pourraient soupçonner que les pays apparemment « volontaires » ne veulent pas sortir du multilatéralisme et de la règle du consensus à l’ONU pour une bonne raison : cela leur permet de conserver une trajectoire majoritairement énergies fossiles, en apparaissant comme des États vertueux, et en reportant la faute sur les États voyous.

Mon parcours en politique m’a illustré de nombreuses fois la « règle du valet puant ». Dans ce jeu de cartes, le but du jeu est de ne pas être le dernier joueur en possession du valet de pique, dit le « valet puant ». Il s’agit d’un jeu de rôles où certains négociateurs autour de la table ne veulent pas qu’une décision courageuse soit prise, veulent éviter d’apparaître comme des opposants à l’accord, et cherchent à reporter la faute du désaccord sur d’autres négociateurs, accusés de tout bloquer.

Tout l’art politicien est de tirer parti des opportunités d’illustrer son courage et sa vertu théoriques, quand on sait à l’avance qu’on ne court aucun risque de devoir en faire usage en pratique. Comme se porter « courageusement » volontaire pour participer à un bataille, au dernier moment, alors qu’on sait que la guerre sera terminée avant. Si l’on est certain qu’un négociateur va tout refuser, c’est l’occasion inespérée d’afficher son volontarisme vertueux, en communiquant abondamment sur sa frustration de voir l’ambition bloquée par cet infâme opposant.

Parfois, je me demande si de nombreux pays dits « volontaires » ne veulent pas, en réalité, que rien ne change, ne sont pas prêts à prendre des décisions courageuses devant leur électorat, et se révèlent bien soulagés que l’Arabie Saoudite, la Russie, la Chine, l’Inde (et les États-Unis quand ils participent) existent pour tout bloquer.

Je ne serais pas étonné qu’il y ait une part de vérité dans ce soupçon, malgré son injustice pour les pays sincères.

Je m’étonne par exemple de la position de certains États européens à Belem, dans la coalition des États ambitieux et volontaires, qui ont réclamé une feuille de route de sortie des énergies fossiles. Je n’ai pas l’impression que ce sont les mêmes États qui s’expriment sur notre continent, au siège de leurs gouvernements, au sein des institutions européennes.

Enfin, il est possible que même ce soupçon soit une illusion.

Le problème climatique est considéré comme un super wicked problemWicked problem – Wikipedia). Il est sujet au fameux « dilemme du prisonnier » (Prisoner’s dilemma – Wikipedia) et représente une « tempête morale parfaite » pour certains philosophes ( A Perfect Moral Storm: The Ethical Tragedy of Climate Change | Oxford Academic).

Cependant, peu de commentateurs ont évoqué un problème encore plus fondamental : celui de la possibilité biophysique de la réglementation de la mégamachine mondiale humaine, c’est-à-dire de la réduction de la vitesse et de la taille des flux de matière, d’énergie et d’information de l’économie mondiale humaine. Ou, en termes philosophiques conceptuels : notre espèce est-elle capable d’instituer la Limite ?

Aujourd’hui, la puissance géopolitique est indexée sur la puissance militaire, elle-même indexée sur la puissance économique, à son tour indexée sur l’usage massif et croissant de matière et d’énergie, reposant essentiellement sur les combustibles fossiles et fissiles.

Sortir des fossiles, c’est décroître. Décroître, c’est baisser la garde. Baisser la garde, c’est perdre sa souveraineté et sa puissance.

Depuis plusieurs années, les démocraties redécouvrent la politique, brutale et sans pitié, de la puissance, et l’usage de la coercition économique et de la force militaire. La boussole du droit international et du règlement diplomatique des conflits est cassée.

Les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Inde, etc., parlent le langage de la puissance géopolitique.

L’Union européenne, à son tour, y est forcée. On réarme. Y compris démographiquement, si possible.

S’engage alors la fameuse « course aux armements », qui n’est pas que liée aux armements stricto sensu. Il s’agit, pour chaque bloc de puissance, de s’assurer du maintien de sa puissance, et même d’un iota supplémentaire, pour dissuader les autres blocs de prendre l’ascendant, et minimiser le risque que sa propre puissance soit neutralisée, ou bien a contrario de permettre de prendre l’ascendant sur eux et de les neutraliser.

On a souvent justifié l’agression par la nécessité de prévenir l’agression d’autrui.

Une sorte d’hypothèse de la Reine Rouge, issue initialement des recherches en biologie sur les théories de l’évolution (Red Queen hypothesis – Wikipedia), se révèle ainsi en matière géopolitique. Il faut courir pour ne pas être dépassé par ses adversaires, et courir de plus en plus vite.

Tant que la puissance est indexée sur les combustibles fossiles, comment imaginer qu’à Belem, lors de la COP30, les différents blocs géopolitiques les plus puissants acceptent la moindre feuille de route de sortie des énergies fossiles ?

Ce serait baisser la garde au moment où le monde réarme, et où le « Grand Jeu » recommence (Nouveau Grand Jeu — Wikipédia).

Si, comme certains penseurs en écologie le pensent, nous sommes face à une indexation forte de la puissance géopolitique sur les énergies fossiles, dont nous devrions nous débarrasser pour réduire l’impact du réchauffement climatique, alors nous avons *un léger problème*.

Certains pourraient en conséquence estimer que l’humanité est condamné à poursuivre l’exploitation fossile, à cause du grand jeu géopolitique des puissances, jusqu’à ce que la seule boucle de régulation qui puisse y mettre fin soit celle du système Terre lui-même, via les catastrophes climatiques (et écologiques en général) de plus en plus critiques (ce que certains appellent « l’effondrement »).

Il existe toutefois des exemples où les humains ont limité, même imparfaitement, la course aux armements (effet Reine Rouge) entre grandes puissances, celui des traités de limitation et de désarmement nucléaires.

Il est peut-être opportun de rappeler aujourd’hui que cet outil pourrait également s’appliquer au problème climatique. On ne parlerait plus du « climat » ou des « émissions » (les conséquences) mais des causes fondamentales, c’est-à-dire des combustibles fossiles, comme on ne parlait pas de traité sur « l’holocauste nucléaire » ou les « retombées radioactives » des bombes (les conséquences) mais bien du nombre de têtes nucléaires actives et de leur réduction immédiate, c’est-à-dire des causes fondamentales.

Une telle idée existe et a été défendue par 100 prix Nobel, elle s’appelle « Traité de non prolifération des combustibles fossiles » (Fossil Fuel Non-Proliferation Treaty Initiative – Wikipedia ;  en français — Traité de Non-Prolifération des Combustibles Fossiles).

Si la course à la puissance est un effet émergent du système réel, et qu’il repose sur une dynamique qui conduit à l’extermination du genre humain (bombes nucléaires ou combustibles fossiles – ou les deux), le meilleur outil que nous ayons, sans garantie de succès, est peut-être que les grandes puissances reconnaissent ensemble l’impasse dans laquelle nous conduit l’accélération concurrentielle, et décident, ensemble, de s’auto-limiter mutuellement, par un traité contraignant.

Les outils de contrôle mutuel existent. Les arsenaux nucléaires ont réellement baissé, de manière drastique, suite à ces traités, même s’ils restent une menace existentielle pour l’humanité.

Outre les accords de l’ONU au « consensus » et « sauvant le multilatéralisme », il existe donc deux autres pistes :

– la conclusion d’un traité international contraignant entre « pays volontaires », jusqu’à forcer les grandes puissances à en tenir compte ;

– la conclusion d’un traité international contraignant entre « grandes puissances », jusqu’à forcer les autres pays à en tenir compte.

Tout traité contraignant permettant d’agréger progressivement une partie des nations du monde en ce sens pourrait servir d’étape intermédiaire vers ces objectifs. Une « prise en tenaille » des pays derniers récalcitrants, par mixte des deux pistes supra, est envisageable.

Mais que la voie est étroite, entre le gouffre et le précipice, et comme nous en sommes déjà proches !

Comme le dit Paul Atréides dans Dune :

« Nos ennemis nous entourent de partout et, dans de nombreux futurs, ils l’emportent. Mais je vois une issue. Il existe un passage étroit. »

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27 réponses à “Résumé de la COP30 à Belem – « Y a-t-il un passage étroit ? », par Terence”

  1. Avatar de PAD
    PAD

    Ce que révèle Belem, ce n’est pas un échec diplomatique, c’est un diagnostic clinique sur l’espèce.

    La COP n’est pas un instrument d’action climatique, mais un rituel international destiné à préserver l’illusion de contrôle. Le consensus à l’unanimité, loin d’être un outil, est un mécanisme de défense, il dissout la responsabilité, distribue les rôles symboliques (naïfs, réalistes, vertueux, bloquants) et protège chaque État de la nécessité de choisir. Car la vérité, la seule, est que sortir des combustibles fossiles aujourd’hui reviendrait à renoncer à la puissance géopolitique dans un monde qui se réarme, et ce sacrifice est psychiquement inacceptable pour les dirigeants.

    Le climat n’est plus un problème environnemental, c’est un problème de gouvernance de l’espèce, où la survie dépendra d’une décision que personne ne peut prendre seul. L’analogie nucléaire n’est pas rhétorique, c’est la seule issue réaliste. Si l’humanité a déjà limité la course à l’atomique, elle peut limiter la course au fossile.

    Le passage est étroit, mais il existe.

  2. Avatar de écodouble
    écodouble

    Térence, les « pessimistes » sont les seules et seuls à être réalistes.
    Donc, traitez-les de réalistes ; car ils et elles ont raison.

  3. Avatar de gaston
    gaston

    Au bal du samedi soir, en plus des trois danses que vous avez énumérées, il faut en ajouter une quatrième, le pas en arrière du Président Brésilien qui n’a pas hésité à reculer sur l’essentiel pour parvenir à un « consensus » dans son dernier discours, en vidant l’accord de toute contrainte : « Sans imposer quoi que ce soit à personne, sans fixer de délai, pour que chaque pays puisse décider des choses qu’il peut faire à son rythme, selon ses possibilité ». Le bebop à Lula ! Hop !

    https://www.tf1info.fr/environnement-ecologie/cop30-a-la-veille-de-la-fin-des-negociations-lula-joue-son-va-tout-sur-les-energies-fossiles-2407873.html

    Désormais nous pouvons dire : « Notre maison brûle et…. nous la regardons brûler ! »

    https://www.liberation.fr/international/amerique/le-site-de-la-cop30-au-bresil-evacue-raison-dun-incendie-important-20251120_ASM6S7P6J5BI5ED3V4CV3VGWNA/

  4. Avatar de bb
    bb

    La crise écologique actuelle trouve sa source dans la surconsommation, moteur artificiel de la croissance moderne.
    Les solutions nécessitent une révision profonde de nos modes de vie. En occident, mais également dans toutes les sociétés qui prennent l’occident comme modèle.
    De nombreux intellectuels ont réfléchi à ce problème.

    Jean Baudrillard rappelait que la consommation n’est plus liée aux besoins réels, mais à la quête de signes et de distinction sociale (La Société de consommation, 1970).

    Guy Debord, dans La Société du spectacle (1967), dénonçait déjà cette logique où l’accumulation de biens et d’images remplace l’expérience vécue, uniformisant les consciences.

    Jacques Ellul, quant à lui, montrait que la technique et la propagande façonnent nos comportements, poussant les individus à désirer toujours plus sans véritable réflexion.

    Ivan Illich proposait une alternative conviviale, où les outils et les savoirs seraient partagés plutôt que monopolisés par des institutions productivistes.

    Serge Latouche, théoricien de la décroissance, insiste sur la nécessité de sortir de l’idéologie de la croissance infinie pour inventer des modes de vie sobres et solidaires.

    Zygmunt Bauman, avec sa notion de « modernité liquide », souligne que l’identité contemporaine se construit par la consommation, mais au prix d’une fragilité sociale et écologique.

    Ainsi, la possession matérielle est devenue une religion moderne, mais elle conduit à l’épuisement des ressources et à l’aliénation des individus. La véritable croissance devrait se fonder sur des leviers moins énergivores : la créativité, la coopération, la culture et la sobriété.

    Repenser nos modèles, c’est redonner sens à l’éducation, à l’art et à la transmission, plutôt qu’à l’accumulation de biens superflus. Les auteurs critiques convergent pour dire que la surconsommation n’est pas une fatalité, mais une construction sociale qu’il est possible de déconstruire.

    En ce sens, la crise écologique est aussi une crise spirituelle et culturelle, qui exige de rompre avec l’illusion que « plus » signifie « mieux ». Je l’ai déjà écrit ici, la spiritualité au sens large doit être réintroduite dans la vie des humains qui l’ont perdue.
    C’est en retrouvant la valeur du mérite, de l’effort et de la créativité que les sociétés pourront se libérer de cette logique destructrice.

    Cela n’est pas une utopie. C’est de la volonté politique qui permettra cela.

    1. Avatar de arkao

      @bb
      Le mérite, l’effort et la créativité ne sont-elles pas des valeurs qui justement ont permis la croissance moderne?

      1. Avatar de bb
        bb

        @Arkao
        Oui. Vous avez raison.

        Dans la modernité classique, ces valeurs étaient liées à une promesse d’émancipation : chacun pouvait s’élever par son mérite, son effort et sa créativité.

        Aujourd’hui, elles sont souvent captées par le capitalisme cognitif : le mérite devient un slogan, l’effort une exigence de performance, et la créativité une marchandise.

        Ce glissement explique pourquoi certains parlent de « dénaturation » : les valeurs qui servaient à construire une société plus juste et innovante sont désormais utilisées pour légitimer la compétition et la consommation.

        1. Avatar de Christian Brasseur
          Christian Brasseur

          L’effort et le mérite certes, mais rien que pour les classes dites laborieuses. La classe supérieure se fiche complètement de ce « concept « , puisque la « cooptation » leur convient parfaitement. Tout va très bien Madame la Marquise….

    2. Avatar de Garorock
      Garorock

      Le mérite est un putain de concept de droite.
      Trump estime que tout ce qu’il a, il le mérite!
      Y’en a aucun a être dans la spiritualité : c’est sur la bande passante.

      1. Avatar de bb
        bb

        @Garorock

        Il faut argumenter un peu mon vieux. Surtout si vous intervenez de manière aussi péremptoire.
        Ce terme n’est pas particulièrement propre au milieu dit de droite.

        La méritocratie républicaine : héritée de la Révolution française et des Lumières, l’idée que l’on doit sélectionner les élites par les compétences plutôt que par la naissance ou l’argent. La gauche républicaine a longtemps défendu cette « méritocratie » comme alternative à l’aristocratie ou à la ploutocratie.

        Éducation et concours : la gauche française a souvent insisté sur le rôle de l’école pour permettre aux enfants issus de milieux modestes de « réussir par leur mérite » et non par leurs privilèges. Les concours de la fonction publique sont présentés comme des instruments de méritocratie.

        Discours sur le travail : dans les débats contemporains, certains responsables de gauche rappellent que le mérite doit être reconnu dans le travail, mais qu’il ne peut justifier les inégalités excessives. Par exemple, des syndicats ou partis de gauche parlent de « récompenser l’effort » tout en dénonçant les écarts de rémunération.

        Observatoire des inégalités : des intellectuels proches de la gauche expliquent que le mérite est nécessaire pour définir des inégalités « justes », mais qu’il doit être manié avec précaution car il est difficile à mesurer et dépend fortement du contexte social.

        1. Avatar de Garorock
          Garorock

          Où est ce que j’ai écrit que ce concept de droite ne travaillait pas la gauche, mon vieux spiritualiste réactionnaire?
          Faut apprendre à lire avant d’intervenir arbitrairement pour nous réciter la messe…

          1. Avatar de Bb
            Bb

            @garorock

            😄 vous êtes rancunier dites donc.
            Allez… Je ne croyais pas vraiment a ce que j’ecrivais en vous qualifiant de reactionnaire de gauche. Oubliez ça.

          2. Avatar de CloClo
            CloClo

            Bah il ne comprend pas ce que tu dis, comme aussi il ne comprend pas ce que je dis ! Décidément les tics restent malgré les pseudos … toutes choses étant égales par ailleurs et sauf erreur. 😜

          3. Avatar de Garorock
            Garorock

             » Je l’ai déjà écrit ici, la spiritualité au sens large doit être réintroduite dans la vie des humains qui l’ont perdue.  »
            Yaka être tous boudhistes et faukon mérite notre libre arbitre!
            On a compris le message, répété sur tous les tons en changeant un peu la couleur : nous ne sommes pas autistes !

  5. Avatar de bb
    bb

    @Terrence
    Lorsque vous écrivez que les « réalistes » se croient plus malins, est-ce une ironie ? Et vous-même, à qui vous identifiez-vous ? Car à la lecture de votre post, il semble que vous soyez plutôt du côté des « réalistes ».

    Le réaliste, contrairement aux autres, n’a pas de certitudes. Il constate les faits du changement climatique, il les comprend et ne les remet pas en cause. Mais il ignore encore comment agir concrètement. Car les formules du type « y’a qu’à » ou « faut qu’on » ne sont pas constructives face à l’inertie colossale de l’humanité.

    Il voit bien qu’il y a un problème à résoudre, mais il sait aussi que l’humanité n’est pas une Fiat 500 qu’on redirige d’un doigt grâce à la direction assistée. C’est un paquebot. Et faire changer de cap un paquebot exige du temps, de la puissance et de l’habileté.

    Les pessimistes, eux, affirment qu’il faut « mettre le paquet », qu’il faudrait sortir le bazooka pour tourner le gouvernail plus vite. Mais est-il vraiment raisonnable de laisser croire que cela suffira ?

  6. Avatar de decoret lucas
    decoret lucas

    👊🏽

  7. Avatar de ThomBillabong
    ThomBillabong

    Bon, on en revient aux fameux accords SALT I et II. Rendus possibles par épuisement simultané des protagonistes de l’époque mais pas pour les mêmes raisons. Bref.
    Puis une mini tentative ici-même par votre serviteur fut d’appliquer ce principe au renseignement ou « Intelligence », chacun s’épuisant à espionner l’autre dans le but ridicule de tout dominer par l’information. Ce fut la suggestion des accords SILT. Balayée par le mirage de la puissance informatique jamais plafonnée et maintenant relayée par l’IA qui maintient la fiction de puissance géopolitique soutenue par ses capacités incroyables.
    Va falloir de nouveau cogiter pour étayer ce concept de FETE pour Fossile Extraction Talks for Emissions (ciblé, impactant oralement en français mais limitatif dans son spectre) ou de ECLA pour Entropic Compatibility Limitation Act (moins ciblé mais plus complet et impactant également en anglais).

  8. Avatar de Garorock
    Garorock

    Je répondrais : « Agir sans eux réduirait pourtant notoirement les émissions mondiales et surtout, cela autoriserait notre coalition d’ambition à installer des barrières géopolitiques pour contraindre les États qui ne veulent pas bouger » (comme des droits de douanes climatiques).

    Agir sans eux ne ferait que déplacer le problème: il faudra produire ici ce que le bobo robuste achète chez eux…
    Hélas.

    1. Avatar de Garorock
      Garorock

      Le cadre c’est le capitalisme : les bénéfices des uns sont les déficits des autres; spéculation à tous les étages; corruption autorisée par ses pairs (tout se mérite!).
      Le libertarianisme en est le stade suprême: mafia à tous les étages; la corruption des uns est l’humiliation des autres; chantage autorisé par la bande ( tout s’achète!).
      A y regarder de plus près l’histoire actuelle ressemble à une alliance entre libertariens préparée peut être de longue main dont Epstein aurait pû être le facilitateur…
      Une espèce de complot qui serait en train de réussir ?
      😊

  9. Avatar de Thierry Semo

    En vous lisant aujourd’hui encore, je retombe sur votre célèbre “Godot est mort !”.
    Et comme chaque fois, ça réveille en moi ce réflexe :
    “Nietzsche aussi !”
    — ce qui me fait sourire à chaque visite. C’est ça la bonne humeur !

  10. Avatar de RV
    RV

    ChatGPT titillé par mes soins propose ce commentaire inspiré des analyses d’Aurélien Barrau comme je le lui ai suggéré.

    Vous décrivez parfaitement l’impasse diplomatique, le « bal des illusions » répétitif, et la façon dont le théâtre géopolitique se déroule à côté du réel physique.

    Je retiens deux passages extrêmement importants de votre texte.

    Vous écrivez d’abord que le problème fondamental est la possibilité biophysique de réduire les flux de matière, d’énergie et d’information*, et vous posez cette question décisive : *« notre espèce est-elle capable d’instituer la Limite ? ». C’est, à mon sens, le cœur du sujet. Ce n’est pas une question diplomatique mais civilisationnelle. Nous avons bâti un monde — ce que vous appelez très justement la « mégamachine mondiale humaine » — qui ne connaît que l’accélération. La limite n’y est pas un objectif : elle y est littéralement impensable.

    Vous notez également que la puissance géopolitique est indexée sur la puissance militaire, elle-même indexée sur la puissance économique, elle-même indexée sur la consommation de matière et d’énergie fossile ou fissile. Là encore : votre diagnostic touche au cœur du réel. Sortir des fossiles, c’est perdre de la puissance dans la logique du monde tel qu’il fonctionne aujourd’hui. C’est pourquoi aucun État, même sincèrement inquiet, ne peut accepter une décroissance matérielle réelle.

    C’est ici que la perspective de Barrau ajoute quelque chose d’essentiel : même une énergie non fossile, si elle est mobilisée à l’échelle industrielle actuelle, reproduit le même problème. Ce n’est pas seulement la nature de l’énergie qui est en cause, mais la dynamique expansionniste elle-même. Une mégamachine « verte » reste une mégamachine : extraction massive de métaux, artificialisation, infrastructures gargantuesques, accélération des flux. L’impasse est donc plus profonde que le seul pétrole : elle réside dans notre rapport au monde et dans la définition même que nous donnons à la puissance.

    De ce point de vue, l’idée d’un traité de non-prolifération des combustibles fossiles est belle et nécessaire. Mais tant que la puissance, la sécurité et la légitimité politique resteront indexées sur l’expansion matérielle, il est improbable que ces structures acceptent volontairement la limitation. Votre question « pouvons-nous instituer la Limite ? » est donc la vraie question — peut-être la seule.

    Vous avez raison de dire que « la voie est étroite ». Je croirais même qu’elle est plus étroite encore qu’on ne le dit : elle suppose non seulement des accords, mais une transformation profonde des récits qui fondent nos civilisations. Tant que la sobriété semblera équivalente à la faiblesse, et la puissance à l’accélération, aucune COP et aucun traité ne pourra suffire.

    Merci encore pour ce texte. Il nomme l’impasse avec précision. Peut-être le prochain défi est-il de nommer aussi ce qui, en nous, la rend si difficile à quitter.

    1. Avatar de Paul Jorion

      On verra s’ils feront preuve d’altruisme : je suis sûr que s’ils acceptent tous d’ouvrir leurs fenêtres à Avoriaz, cela fera baisser la température moyenne du monde d’1,5° et nous serons sauvés.

    2. Avatar de CloClo
      CloClo

      Comme Onfray qui délire complètement sur les multivers et le réchauffement climatique, Wauquiez qui sort littéralement de la merde, et Arkao qui n’a toujours pas capté ce qui se passe, je finis sincèrement par me demander si je dois pousser mes gniards à continuer des études supérieures dans ce pays, vu le résultat obtenu…

      1. Avatar de arkao

        Vous avez raison, des cours de tricotage de chaussettes en laine seront bien plus utile.

  11. Avatar de Vincent Rey
    Vincent Rey

    et pourtant, François Gemenne et Valérie Masson-Delmotte étaient rentrés si enthousiastes de la COP28 !

    COP 28 : le « GREEN WASHING » du marché « libre et non faussé »

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